nous nous intéressons dans cette communication particulièrement à la norme ISO 9001 du système de
management de la qualité. Cette norme, largement utilisée dans le monde (un million de certification en
2014) est considérée comme un instrument de pilotage qui enjoint les acteurs à être ambidextres (O’Reilly
& Tushman, 2004) en préconisant simultanément exploitation des bonnes pratiques organisationnelles
(standardisation) et l’exploration de nouvelles connaissances pour créer et innover (innovation). Nous
l’analysons comme un outil de gestion structuré autour de trois composantes interdépendantes, un artefact
renfermant les exigences à satisfaire, une philosophie gestionnaire pour la mettre en place, et une vision
réductrice des connaissances et des relations de l’entreprise (Hatchuel & Weil, 1992).
Comme tout outil de gestion, la norme est une innovation managériale (David, 1996) conçue, non
seulement pour conformer des pratiques à ses règles, mais surtout pour élargir les objectifs de l’organisation
en rendant visibles son patrimoine de connaissances et compétences sur lesquelles elle peut s’appuyer pour
innover. Sa mise en œuvre nécessite la rédaction des pratiques, la formulation d’un référentiel (Manuel
Management) dans lequel sont déclinés les planifications, ressources, responsabilités, informations
documentées pour faciliter la vérification, la correction et l’amélioration des pratiques. Cette démarche de
codification des pratiques opérationnelles, s’apparente à un processus de gestion des connaissances (Prax,
2000), puisqu’elle consiste à identifier, sélectionner, créer, capitaliser et diffuser des connaissances à
l’ensemble des acteurs sous forme de Bonnes Pratiques.
Mais cette gestion des connaissances génère des tensions dans les organisations que nous analysons à
travers le paradoxe de la codification des connaissances.
1.2. LE PARADOXE DE LA CODIFICATION DES CONNAISSANCES
Les entreprises engagées dans une démarche de certification ISO 9001 doivent, dans une première
étape, satisfaire l’exigence « Gestion documentaire ». Elles se trouvent alors confrontées au paradoxe de la
codification des connaissances, induit par l’exigence « rédaction des procédures ». En effet, ce concept de
codification, qui est censé rendre visibles les connaissances, savoir-faire et compétences utiles au
développement de l’entreprise, reçoit des résistances de la part des employés impliqués dans sa réalisation.
Leur résistance s’explique par le fait qu’ils perçoivent le fait de rédiger ce qu’ils font et comment ils le font
comme une dépossession de leurs savoir-faire (rendre public leurs connaissances) et une fragilisation de
leur fonction.
Dans cette communication, à travers le cas de la norme ISO 9001, nous souhaitons éclairer la question des
tensions cognitives et affectives, qui sous tendent le paradoxe de la codification des pratiques dans tout
système de management cherchant à la fois stabilité et flexibilité ainsi que la question du rôle de la
philosophie gestionnaire prégnante dans l’organisation pour gérer ces tensions. Utiliser un outil de gestion
comme la norme ISO 9001 nous offre un cadre d’étude pertinent car, pour cet outil en particulier, la