Télécharger la thèse

publicité
Université de Poitiers
Faculté de Médecine et de Pharmacie
Année 2008
Thèse n°
THÈSE
POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT
DE DOCTEUR EN MÉDECINE
(Décret du 7 avril 1988)
Présentée et soutenue publiquement
Le 27 juin 2008 à Poitiers par
Madame Valérie TRANCHÉE-VERGÉ
Née le 17 décembre 1973 à Poitiers
De la fonction psychothérapeutique du médecin généraliste :
Attitude psychothérapeutique, psychothérapie de soutien,
psychothérapie spécifique ?
Etude qualitative auprès de 18 médecins généralistes dans la Vienne
Composition du jury :
Président :
Monsieur le Professeur Jean-Louis SENON
Membres :
Monsieur le Professeur Jean Claude MEURICE
Monsieur le Professeur Bertrand DORE
Monsieur le Docteur François BIRAULT
Directeur de thèse :
Monsieur le Docteur Alain QUAIS
Au Professeur Jean Louis Senon,
Qui nous a fait l’honneur de présider ce jury, pour votre confiance et votre soutien, pour la
liberté d’action que vous nous avez laissée, acceptez ma sincère gratitude.
Au Professeur Bertrand Doré,
Qui a accepté de juger ce travail, qui nous a prouvé sa diligence à l’enseignement et à la
recherche, par son humanisme et son attention à ses patients et à ses élèves,
Trouvez là notre plus grand remerciement et l’expression de notre plus profond respect.
Au Professeur Jean Claude Meurice,
Qui nous accorde son attention en participant à ce jury, qui nous formé à une très belle
discipline, nous donnant l’autonomie nécessaire à notre apprentissage, tout en restant à nos
côtés,
Trouvez là toute notre gratitude et l’assurance de notre reconnaissance.
Au Docteur François Birault,
Qui a su nous donner l’amour de cette profession, la confiance nécessaire à sa pratique et la
volonté de faire progresser notre métier,
Soit assuré de ma plus grande admiration et trouve dans ce travail le remerciement de tout ce
que tu m’as apporté.
Au Docteur Alain Quais,
Qui m’a fait l’honneur de diriger ce travail,
Il n’a pas toujours été simple de m’accompagner dans mes recherches, mais soit assuré de
mes plus sincères sentiments d’amitié et trouve dans ce travail la reconnaissance que je te
porte.
Au Docteur Olivier Kandel,
Qui mérite le titre de co-directeur de thèse, devant le travail incessant que tu as mené pour me
guider dans ces recherches, tu as su me montrer l’intérêt de la rigueur dont tu fais preuve
chaque jour auprès de tes patients et de tes stagiaires.
Trouve là l’expression de mes plus chaleureux remerciements et ma sincère gratitude.
Au Docteur Jean-François Maugard,
Qui par ton attention constante à tes « élèves » et ta disponibilité, par l’intérêt sincère porté à
ce travail et ta diligence à m’aider, soit assuré de mes remerciements sincères.
Au Docteur Virginie Migeot,
Qui par son regard expérimenté, m’a aidée dans ce travail de recherche
Soyez assurée de ma reconnaissance.
Aux médecins qui ont participé à ce travail
Soyez remerciés du temps et de l’intérêt que vous avez accordé à mes recherches.
Au personnel des bibliothèques des facultés de lettres, de sciences et de médecine
Qui, par leur professionnalisme, leur disponibilité et leur extrême gentillesse ont facilité
toutes les étapes de réalisation de cette thèse.
Qu’ils en soient remerciés.
Aux amis du CRP-IMG et de l’ISNAR-IMG
Toujours prêt pour le combat…
A Emmanuel, mon âme sœ ur,
Pour l’amour inconditionnel que tu me portes depuis toutes ses années. Ce travail est autant le
tien que le mien. J’espère que tu es fière de moi et je souhaite être à tes cotés lorsqu’à ton tour
tu te lanceras. Ta tendre espérance.
A Noé, ma raison de vivre,
Pour le temps volé par mon travail et ces recherches, tu es mon soleil et tu me donnes le plus
beau rôle que je puisse tenir : celui de maman.
Je suis très fière de toi et je suis persuadée que tu accompliras de grandes choses.
A mamie Gré, ma grand-mère
Tu as été ma deuxième mère pendant toutes ces années, ce travail est pour toi. Soit sûre de
l’amour que je te porte.
A ma mère et mon beau père,
Je n’ai pas de mot pour vous dire combien je vous aime, alors soyez fiers du travail que vous
m’avez aidé à accomplir.
A mon père et ma belle mère,
Pour votre présence, votre aide et la confiance que vous m’accordez.
A Sébastien et Lydie
A Marie pour son extrême patience et son dévouement, Sébastien et ses dons informatiques et
Gabriel
Qu’il est bon et doux de vous avoir comme famille, et je vous remercie de tout votre amour.
A mes beaux parents,
Merci de m’avoir accueillie dans votre famille, depuis si longtemps.
A Nadège
Tu connais le chemin parcouru, et tu as été là à chaque minute. Merci pour tout et ce qui reste
à vivre.
A Mickaël
Tu aurais fait un excellent médecin, merci d’être auprès de moi.
A Fabienne
Toi aussi tu sais la route, merci d’avoir été présente et de m’avoir rassurée à chaque pas.
A mes amis : Myriam et Christophe, Florence, et à tous les autres que j’oublie.
A Maryse
Je ne t’ai pas oubliée et je suis sûre que l’étoile que tu es devenue continue à veiller sur moi.
A Mme Vergé (sans lien de parenté)
Soyez remerciée du temps et de l’attention que vous avez apportés à mes lacunes.
« L’esprit n’est pas une quantité négligeable,
il existe une psycho-biologie, il existe aussi une psycho-thérapeutique,
c’est un grand levier que l’esprit humain
et le médecin guérisseur doit utiliser ce levier. »
Bernheim, 1886
SOMMAIRE
INTRODUCTION …
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … … … … … … … … ....11
PARTIE THEORIQUE…
1. La psychothérapie …
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… 13
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… .13
1.1. Aperçu historique de la souffrance psychique et de la psychothérapie… … … .… ..… 13
1.2. Définition de la psychothérapie… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… .17
1.2.1. Relation : affective et soignante … … … … … … … … … … … … .… … … … … … … .… … … .18
1.2.2. Cadre : champ d’action dans l’espace et le temps… … … … … .… … … … … … ..… … … 19
1.2.3. Contrat … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..21
1.3. Eléments contributifs à la définition… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 22
1.3.1. Critères d’influence … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … ..22
1.3.1.1. Caractéristiques du patient … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..22
1.3.1.2. Caractéristiques du thérapeute … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … … 22
1.3.1.3. Caractéristiques de la relation patient-thérapeute … … … … … … … … … … .… … ...23
1.3.2. Evaluation des facteurs curatifs communs… … … … … … … … … … … … … … … ..… … ..24
1.3.2.1. La force de la relation patient/thérapeute … … … … … … … … … … … … … … … .… 24
1.3.2.2. La motivation… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… ...24
1.3.2.3. L’augmentation de l’estime de soi… … … … … … … … … … … … … .… ....… … … 25
1.3.2.4. L’exposition à de nouvelles expériences d’apprentissage … … … … … … … … ..… 25
1.3.2.5. La stimulation des émotions… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 25
1.3.2.6. L’opportunité de pratiquer de nouveaux comportements… … … … … … … … … … 26
1.4. Les grands courants de la psychothérapie… … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..27
1.4.1. Domaine de l’inconscient et des niveaux de conscience : les psychothérapies
d’interprétation. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 27
1.4.2. Domaine des conduites et des symptômes : les psychothérapies comportementales
et cognitives. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… .28
1.4.3. Domaine de la personne et de son autonomie : les psychothérapies humanistes.
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … 29
1.4.4. Domaine de l’interaction et contextes : les psychothérapies systémiques… ..… … … 31
1.4.5. Les psychothérapies transversales : les psychothérapies de soutien, les
psychothérapies de relaxation, les psychothérapies brèves, les psychothérapies de
périodes de crise. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...32
1.5. Les thérapies éclectiques et intégratives … … … … … … … … … … … … … … ........................34
2. La psychothérapie de soutien…
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..36
2.1. Est-elle une psychothérapie à part entière ?..........................................................................36
2.1.1. Les éléments de définition … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .....................36
2.1.2. Buts : adaptation, intégration et évaluation de la réalité … … … … … … … … … … … ..39
2.1.3. Eléments techniques de la psychothérapie de soutien … … … … … … … … … … … … ....39
2.1.3.1. Renarcissisation … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … .… ..40
2.1.3.2. Clarification … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… 40
2.1.3.3. Reformulation … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… .40
2.1.3.4. Confrontation … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … ..40
2.1.3.5. Suggestion … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… ...41
2.1.3.6. Persuasion … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … ...41
2.1.3.7. Conseil … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … … 41
2.1.3.8. Encouragement … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … ...41
2.1.3.9. Abréaction … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… ...42
2.1.3.10. Eloge et réconfort...… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … … 42
2.2. Courants de pensée… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … … 43
2.2.1. Le courant analytique … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … ...43
2.2.2. Le courant non analytique … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … ...44
2.2.3. Psychothérapie intégrative ou syncrétisme… … … … … … … … … … … … … … ...… … … .45
2.3. Définition retenue… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … 46
3. La psychothérapie spécifique du médecin généraliste…
… … … … … … … … … … .… … ..47
3.1. Définition… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .49
3.1.1. Concept des trois espaces … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … .50
3.1.1.1. Espace primaire… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 50
3.1.1.2. Espace intermédiaire… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … … 51
3.1.1.3. Espace d’intégration … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… ......51
3.1.2. Eléments techniques de cette psychothérapie… … … … … … … … … … … … … … … ..… 52
3.1.2.1. Réassurance/rassurance… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 52
3.1.2.2. Restauration du narcissisme… … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … .52
3.1.2.3. Suggestion… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … … .… … … … … … 52
3.1.2.4. Directivité… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … … … … … … … 53
3.1.2.5. Non directivité : humour et reformulation… … … … … … … … … … ..… … … … … ...53
3.1.2.6. Effet placebo… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … … … … 53
3.1.2.7. Analogie, résonance… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .54
3.2. La « psychothérapie spécifique » présente-t-elle les conditions d’une
psychothérapie telle que définie dans le premier chapitre ? … … … … … … … … … ......55
3.3. Peut-elle se confondre avec la psychothérapie de soutien ?.............................................58
3.3.1. Critique des deux concepts et différenciation… … … … … … … … … … … … … … … ..............58
PARTIE CLINIQUE …
1. Problématique …
2. Méthodologie …
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ....................................60
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … … .60
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .............60
2.1. Modalités d’entretiens … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … … … ..60
3.
Résultats …
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … … .62
3.1. Présentation des entretiens … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … .62
3.2. Analyse des résultats… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .................82
DISCUSSION…
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 90
CONCLUSION…
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ...… … … ..92
Références bibliographiques…
Annexes…
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … … 94
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..… … .100
Introduction
Mon travail de thèse a débuté dès le début de mon internat, où ma responsabilité de
médecin était engagée par mes décisions et mon comportement vis-à-vis de mes
patients. La fonction de généraliste requiert un champ de compétences large, du fait
d’une demande souvent multiple et complexe du patient. En effet, j’ai pu constater que
le médecin généraliste était le premier confronté à toutes les plaintes et ce, sans
distinction de sexe, d’âge ou de pathologie.
Parmi ces plaintes, nous avons choisi d’étudier la souffrance psychique, concept très
large pouvant englober tous les affects pénibles quels qu’ils soient. Nous avons retenu
la définition suivante : « La souffrance psychique peut être définie comme visant à
rendre compte des difficultés manifestes vécues par certaines personnes sans que pour
autant une maladie mentale soit identifiable ; plusieurs dimensions coexistent dans
cette souffrance : la traduction d’un état (tensions, douleur intime, symptôme), d’un
mode de communication (expression d’un refus, d’une impossibilité, du caractère
supportable d’une situation) et d’une manière d’agir, de gérer les tensions, de se
manifester (éventuellement d’une manière violente) » [54].
Elle a été proposée en 2002 au Comité consultatif de Santé Mentale. Mais une fois
cette définition posée, comment répondre à cette souffrance ? Qui doit y répondre et
comment ?
Nous nous sommes intéressés au travail du médecin généraliste, comme d’autres avant
nous1. Nous avons cherché à savoir ce que pratiquait le médecin au sein de ce colloque
singulier et comment il prenait en charge cette souffrance. Cette recherche nous a
conduits à redéfinir les conditions d’une psychothérapie puis à nous demander si la
pratique généraliste répondait à ces conditions.
Après un bref historique sur la prise en charge de la souffrance psychique, nous
présenterons les éléments que nous avons retenus comme indispensables à une
psychothérapie ainsi que les facteurs contribuant à l’efficacité de celle-ci. Ensuite,
nous présenterons les grands courants psychothérapeutiques en nous assurant qu’ils
présentent les conditions d’une psychothérapie. Enfin, nous développerons la
psychothérapie de soutien et la psychothérapie spécifique du médecin généraliste.
Nous en définirons les éléments constituants et les contours afin de comparer ces deux
modèles.
1
En effet, Appeau et Guyotat font référence dans un article de 1965 à une enquête réalisée dans la région
lyonnaise, auprès de 75 généralistes afin de connaitre leur pratique psychothérapeutique quotidienne.
Malheureusement ils n’en donnent ni les auteurs ni la date.
Nous avons choisi d’illustrer notre recherche théorique par une étude qualitative. Pour
cela, nous avons rencontré des médecins généralistes de la Vienne et leur avons
proposé des entretiens semi directifs, ce qui nous a permis d’observer la pratique réelle
ou exprimée comme telle, de la prise en charge de la souffrance psychique. Nos
résultats ont pu être commentés grâce aux éléments retenus pour les définitions de la
psychothérapie de soutien et de la psychothérapie spécifique du généraliste.
PARTIE THEORIQUE
Nous ne pouvions aborder la psychothérapie sans laisser une large place aux données
théoriques. Il semble nécessaire de s’interroger sur l’histoire et l’évolution de cette
pratique, sur l’apparition du terme « psychothérapie » ainsi que des définitions
données par différents auteurs. Ce sont ces apports théoriques qui vont être la base de
notre travail ultérieur.
En effet, pour réfléchir à ce qu’est la psychothérapie de soutien, il faut déterminer en
premier lieu ce qu’est la psychothérapie. C’est en respectant cette logique que nous
pourrons traiter des psychothérapies en général et de la psychothérapie de soutien en
particulier, ainsi que de la psychothérapie spécifique du médecin généraliste,
nettement moins riche en références.
1
La psychothérapie
S’interroger sur la psychothérapie nécessitait de s’arrêter sur l’histoire du mot [47] et
sa pratique. Ainsi avant d’étudier ce concept, il nous semblait important de présenter
succinctement l’origine de ce terme et ce qu’il pouvait recouvrir dans l’histoire de la
médecine.
1.1 Aperçu historique de la souffrance psychique et la psychothérapie
Le terme de psychothérapie n’apparaît qu’au XIXème siècle, mais devant la
souffrance psychique des hommes, les « guérisseurs » ou reconnus comme tels ont dû
apporter une réponse adaptée à l’époque et à la culture concernée.
Selon Freud, la psychothérapie est même la forme la plus ancienne de thérapeutique
médicale [21].
Dans l’antiquité, la médecine des anciens est articulée autour de la religion et ce, dans
la plupart des civilisations. En Egypte, les seules personnes autorisées à pratiquer la
médecine sont les prêtres, chez les Juifs ce sont les Lévites et les prophètes qui ont le
don de guérir [42]. Chez les Grecs, la guérison est obtenue par des paroles magiques,
par la récitation de chants ou de prières. On note ainsi l’apparition de la suggestion et
l’interprétation des rêves, marquant ainsi la place débutante de l’inconscient.
Dans d’autres cultures, la souffrance est expliquée par une force extérieure. Chez les
Hindous, la maladie est due aux mauvais génies et dans les sociétés traditionnelles
c’est l’action des esprits qui explique la souffrance psychique et cette dernière sera
soulagée par le chamanisme.
Les premières « sectes philosophiques » apparaissent à la fin de l’antiquité et vont
donner naissance à la médecine scientifique. Au même moment, les romains sont
encore sous l’influence de magiciens, sorciers et astrologues [8].
Durant toute cette période, la souffrance des hommes est prise en charge par un
mélange de religieux et de profane. Ces méthodes vont disparaître avec le moyen âge
et revenir au XVIIIème siècle.
Au moyen âge, à partir du VIème siècle, l’église accorde aux moines le monopole de
la médecine. Ils pratiquent « la guérison » par les prières, les confessions et diverses
cérémonies. L’Eglise va jusqu’à interdire l’intervention d’un médecin avant celle d’un
ecclésiastique auprès des malades. Conscients de leur manque d’instruction, les
religieux vont traduire les ouvrages arabes et grecs afin d’étudier l’art de guérir par les
remèdes à partir des XIème et XIIème siècles, et ce jusqu’aux XVIème et XVIIème
siècles.
A la fin du XVIIIème siècle, date à laquelle de nombreux auteurs font remonter la
psychothérapie, Franz Anton Mesmer pratiquait des séances de « magnétisme » autour
d’un baquet, afin de déclencher des « crises » à type de convulsions chez des patients
souffrant de maladies nerveuses. Mesmer avait bâti sa théorie sur la notion de fluide
vital qu’il fallait rétablir.
On sait aujourd’hui que le pouvoir de persuasion de Mesmer était à l’origine de ces
modifications psychiques. Mis en cause dans ses pratiques, il dût s’exiler laissant place
à ses élèves, dont Armand de Puységur. Ce dernier va pratiquer l’hypnotisme, concept
défini par James Braid chirurgien anglais. En rejetant la théorie du magnétisme, il
montre tout l’intérêt et « l’efficacité » de la suggestion se détachant ainsi du
magnétisme de Mesmer qui faisait débat. Il introduit le rapport verbal dans l’échange
médecin/patient. Ainsi le patient en état de somnambulisme parle de ses maux, le
thérapeute de son côté, intervient par une méthode de suggestion.
C’est au XIXème siècle avec le docteur Liébault, médecin de quartier nancéien, que
débute la pratique psychothérapeutique. En effet, depuis de nombreuses années, il
pratique l’hypnose avec une intervention psychologique durant le sommeil artificiel
par l’utilisation de la parole suggestive. Par cette méthode, il « soigne » les patients
souffrant par exemple de troubles psychosomatiques.
Nous avons là une des premières psychothérapies suggestives effectuée par un
médecin de quartier. Bernheim dira de lui « qu’il guérit par la parole ». De son côté,
Hippolyte Bernheim [32], neurologue, va s’intéresser à la pratique de Liébault, mais
en abandonnant l’hypnose pour l’état de veille, tout aussi accessible à la suggestion. Il
développe la thérapie suggestive au sein de l’hôpital de Nancy en limitant ses
indications aux « psychonévroses », dont les pathologies psychosomatiques. Il reprend
pour sa pratique le terme de « psycho-thérapie » inventé par Daniel Hack Tuke,
médecin anglais. Après avoir utilisé une méthode de suggestion verbale, il va utiliser
la persuasion. Ses thérapies vont permettre de mettre en évidence les résistances
conscientes ou non des patients.
On voit ainsi émerger les théories dont Freud va se nourrir pour développer la
psychanalyse. En effet, Freud se rend à Nancy pour rencontrer Bernheim. Il va fonder
la psychanalyse, en rupture avec l’hypnose et la suggestion qu’il pratiquait
antérieurement [46] avec Breuer, en passant de la catharsis à l’association libre [10].
Au XXème siècle, à la suite de Freud, de nombreux élèves ou dissidents ont développé
leur propre théorie, mais toujours en référence à la psychanalyse, soit en s’en inspirant,
soit en s’y opposant.
On retrouve ainsi les psychanalystes [11] tels que Ferenczi, Balint, proches de notre
sujet de recherche, Jung, Adler et Klein, plus connus et des auteurs comme Schneider,
Luborsky et Kernberg pour les écrits plus récents.
Tous ces auteurs, même si leur théorie et leur pratique diffèrent un peu, par leurs
indications, par le public concerné ou bien par les thérapeutes appliquant leur théorie,
sont issus du courant psychanalytique. Ils ont appliqué les théories de conscience et
d’inconscience, de transfert et contre transfert théorisées par Freud.
La majorité des psychiatres en France fait référence à ce courant de pensée, cependant
d’autres psychothérapies, issues de mouvements très différents ont vu le jour dans ce
dernier siècle [50]. Il est très difficile d’en établir une chronologie comparée, les
différents courants [51] s’étant construits en même temps et sur une longue période.
Nous nous voyons donc dans l’obligation de les présenter successivement.
Nous ne parlerons que de l’émergence des grands courants [67] dont les théories
seront développées ultérieurement, le nombre de psychothérapies étant estimé à
environ quatre cents.
Nous avons dans un premier temps les thérapies humanistes.
Carl Rogers, psychologue américain est un des fondateurs de ce courant avec sa
thérapie non directive dont il établit les préceptes au début des années cinquante.
A la même époque, Frederich Perl, psychanalyste de formation, crée la Gestalt
thérapie. Il s’inspire puis prend ses distances avec Freud, s’appuyant sur la
psychologie humaniste. Dans les années suivantes, il s’appuie sur le mouvement
hippie pour développer et faire connaitre sa théorie.
Dans les années soixante, Eric Berne, psychiatre américain, déçu de la psychanalyse,
souhaite fonder une thérapie efficace, rapide et moins couteuse. Il s’inspire de la
psychanalyse et des théories comportementales, pour aboutir à une thérapie
éclectique : l’analyse transactionnelle.
Enfin, la bioénergie, créée par A. Lowen, disciple de Reich, reprend des concepts de
psychanalyse, de thérapie corporelle et des notions d’énergie circulante, notion que
l’on peut faire remonter au XVIIIème siècle avec Mesmer.
Comme nous pouvons le voir, l’inclusion d’une psychothérapie à un mouvement
unique reste très discutable. En effet, les fondateurs s’inspirent de multiples courants
de pensées et de pratiques. Leur orientation est déterminée par leur propre formation et
leur adhésion ou rejet aux différents courants.
Nous allons aborder la création des psychothérapies cognitivo-comportementales qui,
même si elles sont aujourd’hui présentées dans un pôle commun, émergent d’un
courant comportementaliste indépendamment d’un courant cognitif.
Tout à fait distinctes des psychothérapies d’interprétation, les thérapies
comportementales sont issues du courant scientifique né suite aux travaux de Pavlov
(fin XIXème).
En effet John Watson, psychologue américain fondateur du « béhaviorisme » au début
du XXème siècle, défend la psychologie comme étant une science aux moyens
objectifs. Pouvant être observés et mesurés, il établit également ses recherches sur les
théories du comportement et de l’apprentissage.
A sa suite, Burrhus Skinner, dans la seconde partie du XXème siècle, tente de réduire
les réactions humaines à des comportements répondant à un conditionnement.
Le souhait des comportementalistes était d’abandonner tout « mentalisme » et
d’appliquer les principes du conditionnement aux troubles psychopathologiques. Ils
devront faire face à de nombreuses critiques.
Dans les années soixante/soixante-dix, les thérapies cognitives se construisent à partir
des sciences cognitives, considérant les pensées ou le langage comme pouvant être
observés objectivement et mesurés à condition d’adapter les méthodes expérimentales.
Le cognitivisme s’attache à tout ce que le comportementalisme avait refusé de prendre
en compte et se développe selon un modèle de traitement d’informations. Il n’est donc
pas étonnant que cette théorie se soit développée en parallèle de l’apparition des
ordinateurs.
Émergeant des Etats Unis, viennent enfin les thérapies systémiques [1] dans les années
cinquante, entre les principaux courants dominant l’époque : la psychiatrie
traditionnelle et la psychanalyse.
Dans cette période bouleversée d’après guerre, cette théorie tentait de répondre aux
interrogations des interactions familiales ou sociales : comment « considérer un
individu malade, non plus isolément, mais en interaction permanente avec son
environnement écosystémique » [1].
Dès 1927, Grégory Bateson, anthropologue américain, étudia les réactions d’un
entourage en fonction du comportement d’un individu. Ses recherches le conduisirent
à établir le rôle de la communication et son influence sur la pathologie.
Chercheur avant tout et non clinicien, ses découvertes, à l’origine de la fondation de
l’école dite de Palo Alto, furent poursuivies et appliquées dans le cadre des thérapies
familiales systémiques.
Nous reconnaissons toute l’insuffisance de ce chapitre, mais nous ne tenions à faire
qu’une rapide présentation du contexte historique de la prise en charge de la
souffrance psychique et de l’apparition des grands courants actuels. Les théories seront
développées dans les chapitres suivants.
1.2 Définition de la psychothérapie
Bien des définitions ont été données à la psychothérapie, et nous verrons dans cette
brève présentation qu’elles restent souvent incomplètes. Elles ont été établies par des
médecins psychiatres, des psychologues ou des psychanalystes, chacun y incluant les
concepts relatifs à sa pratique. Après un aperçu de leurs propos, nous tenterons
d’établir les conditions d’une psychothérapie, d’identifier les protagonistes et de fixer
les limites afin d’en donner une définition la plus précise possible.
On doit l’apparition du terme « psycho-thérapeutique » au Dr Daniel Hack Tuke,
médecin anglais qui s’est consacré aux soins des aliénés et s’est intéressé à
l’hypnotisme, notion créée par un de ses concitoyens, le Dr Braid.
Pour Tuke [14], la définition de la psychothérapie était large, allant de la suggestion du
malade à l’utilisation de placebo, en passant par le contact physique et l’excitation de
l’état d’esprit. Dans un second temps, il y inclut l’action de la relation
médecin/malade.
En France, Bernheim, médecin neurologue, fondateur de l’école de Nancy, développe
cette théorie ; la psychothérapie est définie comme « ce qui relève de l’esprit sur le
corps dans la pratique médicale » [76]. Nous devinons là, toute l’intrication du
psychisme et du physique, ce qui rend l’approche du sujet complexe.
Une des définitions parmi les plus simples a été la suivante « les psychothérapies sont
des traitements qui s’effectuent par des moyens psychologiques, qui s’intègrent dans
des techniques » [51]. Malheureusement, cette définition reste trop générale. Elle ne
nous informe ni sur les personnes, les conditions de réalisation, les indications puisque
l’on parle de traitement, ni sur les moyens ou techniques utilisés.
Camus et Panez l’ont définie ainsi : « ensemble des moyens par lesquels nous agissons
sur l’esprit malade ou sur le corps malade par l’intervention de l’esprit » [26]. Nous
abordons ici une information complémentaire importante. La psychothérapie
s’adresserait donc à des « patients » en souffrance psychique ou corporelle,
introduisant ainsi l’aspect somatique de la souffrance.
Nous retrouvons encore cet aspect corporel dans les définitions des dictionnaires de
psychanalyse : « méthode de traitement psychologique des troubles psychiques dont
l’expression peut aussi être somatique » [49]. Nous touchons un problème nouveau :
la place du somaticien dans cette souffrance.
Une autre définition aborde de nouveaux concepts : « méthode de traitement des
maladies psychiques utilisant comme moyen thérapeutique la relation entre le médecin
et le malade sous la forme d’un rapport ou d’un transfert » [64]. Nous avons des
informations supplémentaires concernant les protagonistes et les moyens utilisés. Pour
cet auteur, nous sommes au milieu d’une relation médicale avec un médecin d’un côté
et un malade de l’autre, d’une relation qui serait thérapeutique, utilisant des techniques
tel que l’interprétation du transfert.
Nous avons des informations similaires par Laplanche et Pontalis qui donnent comme
définition : « toute méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels
utilisant des moyens psychologiques, etc., d’une manière plus précise, la relation du
thérapeute et du malade : l’hypnose, la suggestion, la rééducation psychologique, la
persuasion, etc. ; en ce sens, la psychanalyse est une forme de psychothérapie » [36].
A. Delourme et E. Marc définissent la psychothérapie comme « un accompagnement
psycho-relationnel de personnes en difficultés, à des fins d’élucidation des causes de
ces difficultés et d’émancipation vis-à-vis de celles-ci en restaurant les capacités à
communiquer et à aimer, à développer la conscience, à construire la pensée et à
améliorer la conduite, enfin à intégrer le passé pour mieux construire l’avenir ». On
commence à percevoir ici les moyens mis en œ uvre comme la réassurance et les buts
de la psychothérapie tel que l’autonomisation.
Après toutes ces définitions, nous apportant chacune des éléments de réponse, nous
terminerons sur celle de E. Giusti retenue par des psychiatres : « la psychothérapie
constitue toujours une rencontre entre deux ou plusieurs personnes, dans laquelle
l’une se définit ou est définie comme ayant besoin d’aide et demande à être soignée ou
à changer, alors que l’autre possède et est reconnue pour avoir des qualités
personnelles déterminées et un corps de connaissance théorique et technique, qu’elle
utilise pour aider l’autre à produire un changement »[15].
Giusti aborde des éléments fondamentaux pour la définition de la psychothérapie : la
relation, l’intentionnalité du traitement et le contrat thérapeutique, la compétence du
thérapeute, les bases théoriques et techniques des moyens des traitements.
A partir des précédentes définitions, nous retenons trois éléments constituant la
psychothérapie : la relation ou processus psychologique, le cadre dans lequel se
déroule cette relation et le contrat établi entre les protagonistes. Nous allons donc
développer notre définition à partir de ces trois éléments.
1.2.1 Relation : affective et soignante
Nous traiterons de cette relation en ne considérant la présence que de deux
protagonistes : le patient et le thérapeute, mais les explications suivantes s’entendent
aussi pour des relations multiples comme dans les thérapies de groupe.
Quelle que soit la psychothérapie pratiquée, la relation [69] est un des éléments
cruciaux, fondamentale pour le succès de la thérapie. Les résultats de la
psychothérapie peuvent être liés à la personnalité du thérapeute, celui-ci n’étant pas
interchangeable quoi qu’en pensent certains chercheurs. Cette constatation est encore
plus frappante dans les psychothérapies d’inspiration analytique.
Le thérapeute doit être un professionnel [15], reconnu comme tel par la société et par
ses pairs, excluant par cette qualification le soutien d’une communauté qu’elle soit
familiale, amicale ou sociale. Ce niveau de soutien [75] est qualifié parfois de
psychothérapie de niveau I, alors qu’il ne s’agit que d’une aide psychologique
spontanée.
Le psychothérapeute doit montrer sa sincérité dans son désir d’aider son patient par
son empathie et sa chaleur. L’authenticité de cette relation et la volonté de soin du
thérapeute sont nécessaires au patient. La confiance du patient dans cette relation
psychothérapeutique sera basée sur le sérieux théorique de la technique, ainsi que sur
les compétences du thérapeute [48].
Toutes les psychothérapies se fondent sur la relation que le thérapeute entretient avec
son « patient », en faisant en sorte que, quelle que soit la technique utilisée, cette
relation soit thérapeutique par elle-même [26]. Cette relation se différencie de la
relation intime [68] et doit être régie par une éthique [30]. Ce n’est pas le cas des
« psychothérapies de niveau I » telles qu’à pu les définir M. Marie-Cardine.
Cette relation est thérapeutique par le fait d’être établie sur la singularité du patient
[65]. Chaque patient présente des caractéristiques qui lui sont personnelles [24], telles
que son âge, son sexe, sa situation familiale, professionnelle ou sociale, pouvant
influencer le processus thérapeutique et les réactions du thérapeute.
Le patient adhère à cette relation grâce à l’alliance thérapeutique. Luborsky a défini
cette notion comme l’association du facteur affectif (aide et soutien apportés) et du
facteur cognitif (le travail fait en commun) du travail psychothérapeutique. Cette
alliance thérapeutique est la perception du bien fait de cette relation par le patient [40],
dans la progression de son travail psychique.
Le patient s’attache librement au thérapeute, qui lui apporte un soutien quelle que soit
la technique de psychothérapie utilisée, « conséquence naturelle de toute relation
thérapeutique » [40].
Cette relation est nommée par la majorité des auteurs : relation interpersonnelle
subjective, ce qui dénote toute la complexité de cette relation.
Il a été démontré que les résultats obtenus par la psychothérapie sont corrélés à la
qualité de l’alliance2.
1.2.2 Cadre : champ d’action dans l’espace et le temps
La notion de cadre est difficile à définir car elle regroupe de multiples composantes.
On y retrouve les conditions pratiques de la psychothérapie ; pour certains les buts
sont inclus dans le cadre, ainsi que les techniques. D’autres, comme Brusset, y ont
inclus la relation.
2
Selon les recherches de Horvath A.O. et al. (1993, Aug), Barber J.P. et al. (2000, Dec), Summers R.F. et al.
(2003) et Iacoviello B.M. et al. (2007, Feb).
Nous souhaitions reprendre la position de certains auteurs, qui nous paraissait plus
claire, en différenciant la relation du cadre, sans pour autant renier leur lien. La
relation psychothérapeutique ne peut se dérouler qu’à l’intérieur du cadre.
Ce cadre pose les conditions d’un espace [52] et d’un temps distincts de la vie
habituelle. Il est aussi porteur de la théorie psychothérapeutique, des éléments
pratiques de cette dernière ainsi que de l’éthique et des aspects matériels mis en œ uvre
lors de cette thérapie.
Le respect de ce cadre va différencier les interventions thérapeutiques des
psychothérapies, ceci afin de limiter les abus de langage. Tout n’est pas
« psychothérapie » alors que beaucoup de nos pratiques sont psychothérapeutiques.
Nous tenterons de présenter chaque élément du cadre.
L’espace et le temps définis par la psychothérapie sont sécurisants, fixes, même s’ils
doivent pouvoir s’adapter à chaque situation relationnelle, pour pouvoir être le lieu
d’expression de la vie réelle mais surtout de la vie imaginaire et fantasmatique.
Il est important que cet espace-temps soit bien distinct de la vie réelle [17] pour que le
patient se sente en confiance pour pouvoir explorer et extérioriser ses affects les plus
intimes. Cette distinction se fait aussi par l’application de codes différents et de limites
données, comme le non passage à l’acte sexuel ou agressif ou encore l’échange de
cadeaux. Ces limites permettent une liberté d’expression pour le patient.
Le cadre est aussi porteur de l’éthique de la psychothérapie. En ce sens, le secret
professionnel doit être assuré au patient et il doit en être convaincu. Dans les
psychothérapies de groupe, on demande aux participants d’appliquer ce même secret.
Le partage émotionnel et le soutien mutuel des participants font partie des préceptes du
cadre groupal.
En plus du contrat moral, les conditions matérielles aident à définir le cadre de la
psychothérapie. Elles découlent de la théorie et de la technique de celle-ci. Elles
définissent le cadre intrinsèque de la psychothérapie.
La disposition spatiale par exemple, va entrainer un travail psychique différent si les
protagonistes sont en face à face [25] ou en position divan-fauteuil sans contact visuel.
Cette disposition est établie par la théorie appliquée par le thérapeute.
La position en face à face permet, pour certains, une facilitation du processus
psychothérapeutique [11]. Pour E. Gilliéron, c’est un accélérateur de traitement [25],
ayant comme fonction de limiter le transfert et d’inclure les échanges non verbaux
dans la psychothérapie. La position divan-fauteuil permet une régression plus
importante qu’en face à face, mais ne permet pas d’inclure une partie des échanges
non verbaux.
Les aspects temporels de la psychothérapie comme la fréquence, la durée des séances
ou même la durée de la prise en charge sont des éléments importants du cadre et vont
être de plus les premiers éléments du contrat. Cet élément temporel3 joue aussi le rôle
de différenciation entre la psychothérapie et les interventions psychothérapeutiques.
Malheureusement, tous les patients ne peuvent se contraindre au cadre, soit par leur
pathologie soit par la structure de leur personnalité. Il faut cependant, leur proposer
une prise en charge par la modification du cadre ou plutôt une adaptation de celui-ci.
Mais dans ce cas est-on encore dans une psychothérapie ?
1.2.3 Contrat
Ce contrat pourrait se résumer par un propos d’E. Gilliéron : « droits et devoirs du
psychothérapeute et du patient », dans un article de 1996 [75].
En effet, ce contrat possède deux aspects : un côté pratique [52] avec le respect de la
méthode proposée et du cadre tel que le thérapeute l’aura défini, et une partie non
verbalisée qui tient de l’éthique et des conditions relationnelles.
Il est le lien entre la relation et le cadre et reste le plus souvent verbal.
Le patient se retrouve face à un thérapeute compétent dont il attend toute l’attention
nécessaire à la situation de souffrance qu’il lui présente. La confiance et le climat
affectif sont des éléments constituant ce contrat.
Les contraintes qui en résultent sont acceptées et souvent souhaitées par le patient,
consciemment ou inconsciemment, lui permettant d’établir un point de fixation dans
une situation où il n’a plus les repères nécessaires à son équilibre psychique.
Les éléments du contrat et son acceptation par les deux protagonistes peuvent se
confondre avec l’alliance thérapeutique telle que Luborsky l’a définie.
Le contrat détermine aussi le travail à effectuer (gestion d’un symptôme, d’une
situation de crise ou d’une défaillance psychiatrique) et les buts à atteindre.
Le but premier d’une psychothérapie est de diminuer la souffrance du patient qui
l’amène à consulter, ce résultat est obtenu par un changement de son état psychique
[45]. C’est uniquement grâce à la relation interpersonnelle décrite précédemment que
ce résultat est obtenu.
Mais ne pourrions-nous pas parler plutôt d’adaptation que de changement ? Nous
verrons par la suite que certaines psychothérapies n’entrainent pas une modification de
l’état psychique mais plutôt une adaptation pour le maintien d’une vie sociale, une
acquisition de l’autonomisation.
3
En effet, la limitation d’une prise en charge dans le temps, avec un début, une phase d’état et une fin est
nécessaire pour qualifier cette prise en charge de psychothérapie selon Schneider, Gilliéron et d’autres.
1.3 Eléments contribuant à la définition
1.3.1 Critères d’influence
L’étude de ces critères reste importante car, bien qu’ils ne soient spécifiques à aucune
psychothérapie, ils sont inclus dans les facteurs d’efficacité de la psychothérapie. Ces
paramètres sont impliqués dans le développement de l’alliance thérapeutique. Ils sont
liés aussi aux facteurs curatifs communs développés ultérieurement. Luborsky a luimême étudié ces facteurs en 1976 pour comparer l’efficacité des psychothérapies.
1.3.1.1 Caractéristiques du patient
Quelles que soient les psychothérapies pratiquées, les patients présentant la plus
grande motivation face au traitement bénéficient d’une meilleure efficacité du
traitement. Les chercheurs ont démontré que, plus le patient était investi dans sa
thérapie avec une attente d’amélioration, plus il en ressentait les effets bénéfiques.
En effet, un patient ayant une bonne compréhension de la démarche y adhère
davantage, ce qui améliore les résultats attendus. On retrouve la même démarche avec
l’allopathie : si le patient attend une amélioration de son état et si celui-ci comprend
son traitement, la compliance sera meilleure et les résultats le seront aussi.
En ce qui concerne les psychothérapies, il faut un véritable engagement de la part du
patient, il en va de même pour la préférence des patients pour telle ou telle galénique,
le bien-être et le ressenti des patients faisant partie intégrante de la guérison.
1.3.1.2 Caractéristiques du thérapeute
Les auteurs s’entendent pour dire que le thérapeute est un facteur important de la
psychothérapie et que son profil joue un rôle non négligeable dans l’efficacité de la
psychothérapie. Ce point a été relevé très tôt [2].
C’est en cela que les critiques sur les études d’efficacité des psychothérapies peuvent
se comprendre. Certains scientifiques ne croient qu’aux études versus placebo, en
double aveugle, mais comment pourrions-nous appliquer cette méthodologie aux
psychothérapies ?
Les thérapeutes ne sont pas interchangeables [6] et chaque relation est particulière ;
voilà la raison pour laquelle la psychothérapie est efficace.
Si on reprend les conditions posées par R. Knight [35] sur les critères nécessaires à un
psychothérapeute pour qu’il soit efficace, en plus des bagages théoriques souvent non
inclus dans la formation des médecins, on retrouve des qualités humaines [23] qui
malheureusement ne s’acquièrent dans aucun livre.
Selon P. B. Schneider, les qualités du thérapeute comme son empathie, sa chaleur
affective ou sa disponibilité ont une valeur thérapeutique, mais seulement si elles sont
accompagnées d’interventions.
D’autres critères [15] ont été retenus comme bénéfiques pour l’efficacité de la
psychothérapie, mais ils sont tous aussi importants quelle que soit la spécialité
pratiquée. Il est nécessaire que le thérapeute ne souffre pas de problèmes émotionnels
majeurs, il ne doit pas se servir de la psychothérapie qu’il pratique pour se soigner. Le
fait d’avoir effectué un travail personnel et de se connaitre améliore la prise en charge
du patient.
Sa confiance dans la psychothérapie et sa compétence sont des éléments
indispensables à sa pratique. Son engagement sincère [58], autre élément retenu, ne
suffit pas à une bonne pratique. Il ne s’agit pas d’un pur technicien, mais d’un Homme
capable d’établir une véritable relation.
La personnalité du thérapeute doit être prise en compte car elle influence le type de
relation possible entre le thérapeute et son patient. Ceci montre le rôle personnel que
joue le psychothérapeute.
1.3.1.3 Caractéristiques de la relation patient-thérapeute
Une fois les caractéristiques des protagonistes analysées, nous nous attachons à la
relation en elle-même. Le lien établi entre le patient et le psychothérapeute est à la fois
un critère de définition et un critère d’efficacité.
En effet, la relation établie doit présenter certaines composantes pour être bénéfique.
Le patient doit tout d’abord avoir un sentiment de confiance envers le thérapeute.
L’empathie de ce dernier, ses manifestations et l’expression de sa volonté sincère à
aider son patient favorisent cette confiance [52].
De plus, le patient doit être favorable au travail psychique à effectuer et être conscient
de la nécessaire coopération avec le thérapeute.
Nous voyons là s’établir deux éléments de la relation, qui sont d’un côté un lien
affectif et de l’autre un lien cognitif. Ces éléments seront repris par Kernberg [33],
pour établir ses techniques de psychothérapie.
Dans cette relation, s’établit l’alliance thérapeutique, terme cher à Luborsky [40], qui
décrit les deux types de relation : le type 1 étant celui du soutien et de l’aide apportés
par le thérapeute, le type 2 celui du travail cognitif par la coopération et l’expression
du cheminement commun du thérapeute et du patient.
Nous avons donc avec « la relation » un élément fondamental de la psychothérapie,
puisqu’on la retrouve comme élément de définitions, comme critère d’influences et
critère curatif commun.
1.3.2 Evaluation des facteurs curatifs communs
De nombreuses études [16] ont été menées pour tenter d’établir l’efficacité des
psychothérapies [15]. Les résultats ont conclu que quelles que soient les
psychothérapies, elles étaient efficaces, sans pouvoir montrer la supériorité de l’une
d’entre elles, ni montrer quels étaient les facteurs spécifiques de chacune. Ces
évaluations sont presque aussi anciennes que les thérapies qu’elles étudient [24].
Les auteurs tels que J. D. Frank, J. C. Norcross ou M. Young en ont donc conclu qu’il
existait des facteurs communs à toutes ces psychothérapies. Ces facteurs communs
efficaces permettaient une communication plus aisée entre les thérapeutes de pratiques
différentes.
Tous les auteurs étudiés nous proposent six facteurs communs recouvrant quasiment
les mêmes données. Nous nous proposons d’en dégager les grandes lignes pour
faciliter leur compréhension. Ces facteurs reprennent en partie, très logiquement, les
critères d’influence.
1.3.2.1 La force de la relation patient/thérapeute
La relation thérapeutique ou alliance thérapeutique [18], selon les auteurs, est le
premier élément cité par tous. Effectivement, nous avons montré que la relation est un
des trois éléments de définition de la psychothérapie.
Celle-ci est établie dans un climat de confiance. La force de cette relation ou la prise
de conscience de cette force par le patient est bénéfique dans la psychothérapie.
Cela est vérifié dans toutes les pratiques psychothérapiques quel qu’en soit leur théorie
ou leur courant d’appartenance signifiant ainsi que les thérapeutes ne sont pas
interchangeables et que la relation interpersonnelle est spécifique aux deux
protagonistes.
1.3.2.2 La motivation
Les auteurs retiennent indifféremment la motivation du patient ou les techniques
accroissant cette motivation. En effet, il a été démontré que le patient doit effectuer
une démarche volontaire dans le travail psychique et doit en attendre des résultats
positifs.
Il s’agit donc d’un traitement nécessitant tout l’engagement et la compliance du
patient. La motivation du patient au départ, va être renforcée par des techniques
utilisées par le psychothérapeute comme l’encouragement. Celui-ci s’exprimera de
différentes façons selon la psychothérapie pratiquée.
Liées à cet élément, les auteurs associent les interventions qui vont induire une attente
d’aide du patient envers le thérapeute. Ces interventions sont quelque peu contestées,
car elles risquent d’induire une dépendance du patient envers son psychothérapeute.
1.3.2.3 L’augmentation de l’estime de soi
La souffrance psychique entraine une perte d’estime de soi, il est donc fondamental,
quelle que soit la psychothérapie pratiquée, que le patient retrouve ce sentiment que
d’autres ont nommé le sentiment d’efficacité personnelle.
En plus de stimuler les sentiments de valeur, le psychothérapeute va devoir lutter
contre les mécanismes de défense mis en place par le patient qui, lorsqu’ils sont trop
fréquents ou trop rigides, en deviennent pathologiques.
C’est dans ce cadre là que l’on va devoir utiliser la suggestion [15] qui est pour
certains, un mélange d’interprétation et de confrontation. Ces techniques se retrouvent
dans tous les courants psychothérapeutiques. Notons quand même que la place de la
suggestion fait débat dans les psychothérapies psychanalytiques.
1.3.2.4 L’exposition à de nouvelles expériences d’apprentissage
Cette méthode a pour but de favoriser la prise de conscience de niveaux inconscients
(nommée insight) et d’entrainer un changement de perception.
Il s’agit là de confronter le patient à ses contradictions, ses pensées ou son
comportement. Le thérapeute va utiliser la triade « clarification-confrontationinterprétation » dans le but de développer l’insight. De plus, il va intervenir dans la
psychothérapie par des techniques de recadrage et d’aide à la redécision.
Ces techniques se retrouvent dans différents courants de psychothérapies avec des
appellations différentes. Elles s’intègrent dans le domaine cognitif de la
psychothérapie.
1.3.2.5 La stimulation des émotions (catharsis, abréaction… )
Cette action sur les émotions est commune à tous les courants psychothérapeutiques,
elle va juste varier de nom selon son utilisateur.
Les psychothérapies cherchent à réduire ou à accroître le niveau émotionnel du patient
en souffrance. Pour les comportementalistes, il va s’agir « d’une désensibilisation
systématique ». La Gestalt-thérapie va, quant à elle, permettre de vivre des affects non
accomplis. Les thérapies systémiques utilisent la technique de la chaise vide,
permettant l’expression des émotions.
L’association libre reste la technique la plus ancienne pour entrainer une catharsis ;
aujourd’hui elle est largement utilisée dans les thérapies liées à l’art.
Toutes ces psychothérapies servent à prendre conscience des émotions, et en les
réduisant ou les accroissant selon la nécessité, elles permettent un soulagement de la
souffrance du patient.
1.3.2.6 L’opportunité de pratiquer de nouveaux comportements
Cette modification de comportement, peut être retrouvée dans différentes pratiques
psychothérapeutiques. Elle respecte la personnalité du patient comme le veut la
psychothérapie.
Chambon et Marie-Cardine ont défini trois niveaux d’apprentissage et de pratiques
afin d’atteindre ces nouveaux comportements. Tous ne peuvent pas se retrouver dans
les psychothérapies, ils sont prédominants dans les psychothérapies comportementales
et le psychodrame par exemple.
Pour les citer, nous avons la pratique de l’imagination avec la focalisation du
problème, l’imagination de sa résolution, la tentative de résolution et l’analyse d’un
éventuel échec, au premier niveau. Cette première pratique est très visible dans les
thérapies comportementales, mais existe tout autant dans les psychothérapies
d’inspiration analytique d’une façon moins franche et moins directe.
Le deuxième niveau est la méthode du jeu de rôle, utilisée surtout dans le
psychodrame et moins dans les autres thérapies. On peut se demander en quoi le
transfert ne serait-il pas à son niveau un jeu de rôle, qui là ne serait pas aussi conscient.
Sa prise de conscience et son utilisation par le patient en resteraient donc plus
difficiles.
Le troisième niveau est la prescription de tâches hors séances, cette technique très
présente dans les thérapies comportementales, comme dans le premier niveau, peut
être retrouvée dans les autres psychothérapies par la prise de conscience de réactions
habituelles et le souhait de vouloir agir différemment.
Ces différents niveaux vont agir afin d’améliorer l’état psychique du patient souffrant
d’une situation complexe et douloureuse qu’il ne pourra souvent pas modifier. Sa
modification de comportement s’oriente surtout vers une adaptation.
1.4
Les grands courants de la psychothérapie. [28, 67, 76]
Pour plus de clarté, nous souhaitons présenter succinctement les différents courants de
psychothérapie les plus importants. Sachant qu’il existe un très grand nombre de
psychothérapies référencées, plusieurs centaines, le moyen le plus pertinent nous
semble être la théorie psychologique sur laquelle elles s’appuient [37].
Les auteurs proposent des classements par référence au modèle théorique [44], par
technique utilisée [42] ou par époque. Nous avons choisi de nous référer à des
ouvrages collectifs, nous permettant de présenter un classement plus consensuel.
Notons que nous n’aborderons pas l’hypnose, cette pratique antérieure à la
psychothérapie reste controversée par le fait d’être considérée comme une
psychothérapie. La psychanalyse sera traitée en commun avec les psychothérapies
analytiques, même si on peut discuter son statut de psychothérapie pour elle aussi.
Cela nécessiterait pourtant un travail de confrontation entre ces concepts et notre
définition.
1.4.1 Domaine de l’inconscient et des niveaux de conscience : les psychothérapies
d’interprétation.
On retrouve dans ce domaine la psychanalyse et les psychothérapies d’inspiration
analytique, ainsi que les courants personnalisés tels que la psychanalyse jungienne ou
adlérienne. Nous avons aussi des psychothérapies d’inspiration freudienne mais de
pratique adaptée comme les psychothérapies brèves [28] ou focales. Ces dernières
seront revues dans le courant transversal.
Dans ces psychothérapies, la relation s’établit entre un thérapeute compétent ayant une
formation adaptée et reconnue et un patient volontaire.
La technique de cette prise en charge pourrait se présenter de la manière suivante :
écouter activement l’enchainement des pensées du patient et sa verbalisation, relever si
besoin les associations et enfin faire comprendre au patient le sens caché de
l’enchainement de ses pensées.
Ces psychothérapies utilisent des moyens [58] comme le soutien affectif, le travail
cognitif, la décharge des émotions ainsi que l’analyse et l’interprétation des émotions
inconscientes. Elles ne répondent pas directement à un symptôme, mais proposent une
écoute de soi, permettant une autonomisation du patient vis-à-vis de sa souffrance.
Le cadre proposé pour cette psychothérapie va permettre le travail psychique du
patient par la remémorisation de son histoire passée et son actualisation.
La psychanalyse et les psychothérapies d’inspiration analytique diffèrent quelque peu
sur le plan pratique (fréquence et durée des séances, position des protagonistes). Les
psychothérapies psychanalytiques ont des ambitions plus modestes que la
psychanalyse en n’envisageant qu’un aménagement face à une situation difficile. La
psychanalyse cherche à avoir une action plus importante que les psychothérapies.
Les concepts et les méthodes diffèrent aussi entre psychanalyse et psychothérapie
analytique. Nous ne ferons que les citer. Si la psychanalyse a besoin de régression, la
psychothérapie analytique préfère la limiter par son contact en face à face, mais toutes
deux se servent du transfert et du contre-transfert, éléments indispensables à
l’interprétation.
Pour résumer, il s’agit de psychothérapies abouties autant sur le plan théorique que
pratique. Elles cherchent à modifier ou à adapter selon leur pratique, l’attitude du
patient à partir d’un travail sur son passé et sur le lien entre son inconscient et ses
conflits actuels.
Dans le même courant il existe des thérapies familiales psychanalytiques, dont les
fondements théoriques sont ceux des thérapies d’interprétation et les modalités
pratiques sont celles des thérapies familiales systémiques.
Comme toute psychothérapie, la psychanalyse et les psychothérapies psychanalytiques
ont leurs indications et leurs contre-indications.
1.4.2 Domaine des conduites et des symptômes : les psychothérapies comportementales
et cognitives.
Ce domaine n’a pas évolué à partir de la psychanalyse. Il est constitué de
psychothérapies qui se sont inspirées des sciences et de l’application de la psychologie
expérimentale, comportementale ou cognitive au champ de la clinique.
Ces psychothérapies se réfèrent à une théorie de l’esprit qui se rattache aux sciences de
la cognition. Elles traitent des problèmes de l’apprentissage dont le dysfonctionnement
pour ses auteurs est la cause des troubles psychiques et même des symptômes
névrotiques.
Ce courant, fondé par Watson, au début du XXème siècle se crée par opposition aux
théories psychologiques de XIXème siècle. Pour lui, tout comportement bon ou
mauvais n’est que la conséquence d’apprentissage, en réaction à l’environnement et à
ses stimuli.
Il ne souhaite que remplacer le symptôme exposé par le patient par un comportement
acquis grâce à un nouvel apprentissage, sans prendre en compte une éventuelle origine
passée consciente ou inconsciente.
Sur un plan pratique, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) se font dans un
cadre défini de séances étalées, avec une durée limitée de la prise en charge. Le contrat
établi entre le psychothérapeute et le patient est fondé sur l’analyse comportementale,
centré sur le symptôme cible. Ce contrat détermine la méthode utilisée après
élaboration commune entre le thérapeute et le patient, et fixe les buts pouvant être
obtenus [28].
La relation thérapeutique [67], bien que nécessaire à la prise en charge, n’est pas aussi
active par elle-même que dans d’autres psychothérapies telles que les psychothérapies
analytiques. Certains thérapeutes souhaitent même limiter leur implication et les effets
de la relation, préférant se rabattre derrière la technique [12] ; néanmoins la relation
reste un élément de définition important.
On retrouve particulièrement dans ces psychothérapies des facteurs communs
d’efficacité comme la motivation du patient, fondamentale pour la pratique, ainsi que
l’attente d’amélioration et l’acquisition de nouveaux comportements.
On peut se demander si ce domaine ne pourrait pas se limiter aux termes de thérapies
telles qu’elles sont souvent nommées (TCC), et non plus de psychothérapies, de par
l’absence complète de prise en compte du transfert et du contre-transfert, de
l’inconscient, ainsi que du choix de ne répondre qu’à un symptôme.
1.4.3
Domaine de la personne et de son autonomie : les psychothérapies humanistes.
[17, 28, 76]
Ces psychothérapies sont centrées sur la personne. On y retrouve l’idée que chacun
peut et doit choisir ce qu’il veut réaliser de son potentiel ainsi que les éléments
communs suivants : l’importance du groupe4, l’expression de la vie psychique par le
corps, l’émotion ou la perception.
Elles s’opposent à la psychanalyse dont ses fondateurs sont souvent issus, par un accès
rapide aux problèmes du patient, une prise de conscience de « l’ici et maintenant » et
un développement personnel permettant une meilleure vie sociale. Néanmoins elles
conservent les notions d’inconscient, de signification du symptôme et du rôle du
transfert et du contre transfert, même si ces derniers ne sont pas analysés comme dans
les thérapies interprétatives.
Ce domaine regroupe des psychothérapies telles que la Gestalt-thérapie, la
psychothérapie humaniste de Carl Rogers, l’analyse transactionnelle, la bioénergie et
d’autres encore.
La Gestalt-thérapie, comme la psychothérapie humaniste de Rogers, part d’un postulat
optimiste sur l’être humain : tout homme a en lui la capacité de se guérir lui-même. F.
Perls, souhaitant s’opposer aux théories freudiennes, soutient la théorie suivante :
l’homme doit satisfaire des besoins et non répondre à des pulsions. Ses besoins,
lorsqu’ils ne sont pas achevés par le cycle d’obtention ou « gestalt » entraînent une
souffrance pour le « client ».
Cette psychothérapie, pratiquée seul ou en groupe, recentre en permanence le
« client » dans l’ici et maintenant, dans son ressenti par le corps et ses émotions, et lui
montre que la solution se trouve en lui, afin de réaliser ses « gestalt ». Le transfert bien
que présent, n’est pas analysé mais exposé au patient et remis en situation.
4
Le groupe est pris dans le sens de support de rencontre et non système de fonctionnement comme dans les
thérapies systémiques.
Un contrat est donc établi entre le psychothérapeute et son « client » afin de définir des
objectifs réalisables et uniquement obtenus par le « client ». Perls préfère l’utilisation
du terme « client » à celui de « patient » car ce dernier évoque davantage la notion de
passivité. Nous voyons par la présentation de cette psychothérapie que les distinctions
de courant ne sont pas si figées et que cette psychothérapie pourrait être un lien entre
les thérapies de groupes, les thérapies corporelles et les thérapies analytiques [51].
En ce qui concerne la psychothérapie de Carl Rogers, ce dernier a pu montrer que les
résultats de sa technique tenaient de l’union de la non-directivité et de l’empathie. Une
seule de ces composantes ne suffisait pas à améliorer l’état du « client ».
Il s’appuie sur des postulats toujours tournés sur le « client » tels que la vision positive
de l’être, sa capacité à se dépasser, à se penser et à être conscient de tout. De plus,
Rogers se sert du transfert pour comprendre son client, sans interpréter celui-ci dans
son traitement. Sa pratique s’appuie essentiellement sur la présence et l’écoute
bienveillante du thérapeute, celui-ci montrant son franc désir d’aider l’autre sans le
juger.
On retrouve là des éléments communs d’efficacité aux psychothérapies comme la
sincérité de l’engagement du thérapeute, la motivation au changement et surtout la
relation interpersonnelle.
Comme toutes les psychothérapies précédentes, tenant de la psychologie humaniste,
l’analyse transactionnelle défend la responsabilisation de l’individu et sa capacité à se
changer. Bien que son fondateur Eric Berne ne rejette pas les théories freudiennes de
l’inconscient, des états du moi et des pulsions, il a cherché à simplifier leur approche
en conceptualisant trois états de la personnalité. Il les a nommés état de Parent,
d’Adulte et d’Enfant, présents tous les trois en chaque individu.
Berne propose d’analyser les « transactions », c’est à dire les échanges de
communication, verbale, gestuelle ou physique, selon l’état des intervenants.
Les troubles des patients viendraient soit du mauvais façonnage d’un état (celui
d’enfant par exemple, élaboré par les relations parentales), soit d’une mauvaise
communication entre les états de deux personnes (dialogue entre deux adultes, l’un en
état adulte, l’autre en état enfant).
Cette psychothérapie se trouve à la limite des thérapies comportementales et
analytiques [67], ce qui nous confirme la difficulté de classer les psychothérapies et
justifie l’émergence d’un courant intégratif.
Pour ce qui est de la bioénergie, nous nous retrouvons à nouveau à la limite des
courants. En effet, cette psychothérapie fait appel autant au corps qu’au psychisme, en
travaillant sur le refoulement et les pulsions, notions chères à Freud.
Lowen, fondateur de cette thérapie défend la théorie suivante : le changement
psychique s’obtient par la disparition des tensions corporelles, luttant ainsi contre
l’emprise du Moi et permettant la circulation de « l’énergie ».
Il s’appuie sur le travail de Reich, qui avait créé ou recréé la notion énergie biologique
et cosmique, nommée Orgone. On peut retrouver là les concepts inventés par Mesmer
avec son magnétisme animal.
Lowen laisse une place importante à la parole par l’expression des affects, des images
et des sensations corporelles.
D’autres psychothérapies se proclament de ce domaine, mais nous ne souhaitions
présenter que les psychothérapies les plus pratiquées et les plus théorisées.
1.4.4 Domaine de l’interaction et contextes : les psychothérapies systémiques. [37]
Sous cette dénomination, on retrouve des approches cliniques variées dont le point
commun est l’action sur l’ensemble de la famille et du système qu’elle crée, et non sur
l’individu à l’intérieur du groupe. Il s’agit là d’aborder uniquement les thérapies
familiales systémiques, laissant les thérapies familiales psychanalytiques.
Ces thérapies sont basées sur une théorie de la communication et la théorie des
systèmes. Elles prennent en compte le patient comme un élément du réseau, ne
s’intéressant qu’aux dysfonctionnements du système, sans prendre en compte les
facteurs personnels du patient.
Elles ont débuté avec les thérapies fondées sur les recherches de Grégory Bateson au
début du XXème et l’école de Palo Alto dont il est à l’origine, avec les soins apportés
aux psychotiques. En même temps, d’autres thérapeutes développaient des théories
similaires fondées sur la théorie générale des systèmes.
Le point de départ est le patient nommé « porteur du symptôme ». Il est la porte
d’entrée de la prise en charge d’une crise familiale. Le symptôme présenté est l’image
donnée au thérapeute du conflit familial dû à des difficultés relationnelles, à des
limites floues entre les membres de la famille ou à une pathologie en lien avec une
situation familiale mal vécue.
La prise en charge doit être globale en ce qui concerne la famille, car les attitudes, les
sentiments de chacun jouent sur les autres membres.
Les séances se font en présence de toute la famille, en étudiant les communications
verbales et non verbales des intervenants. Le thérapeute devant s’impliquer dans ce
système familial, doit rester neutre ; pour cela il est aidé souvent d’un second
thérapeute présent physiquement ou non dans la séance.
Ces thérapies demandent au thérapeute un investissement en temps très important,
ainsi qu’une solide formation. Le contrat établi pour ces psychothérapies est très
variable d’un thérapeute à l’autre, selon sa pratique, son école et les caractéristiques de
la famille.
Ces psychothérapies se sont étendues à des domaines multiples comme la prise en
charge sociale ou judiciaire, s’éloignant des interventions psychiatriques.
1.4.5 Les psychothérapies transversales : les psychothérapies de soutien, les
psychothérapies de relaxation, les psychothérapies brèves, les psychothérapies de
périodes de crise.
Cette catégorie, assez hétérogène, est composée de psychothérapies s’inspirant des
précédents courants, soit sur le plan théorique, soit sur le plan technique.
Ces psychothérapies sont probablement les plus répandues et les plus connues du
public, car l’accès y est facilité de par leur simplicité, leur souplesse et leur
connotation non stigmatisante.
Les psychothérapies de soutien regroupent diverses pratiques selon les auteurs, allant
de la simple relation d’aide présente dans toute relation thérapeute-malade à la
psychothérapie de soutien d’inspiration psychanalytique, théorie que nous avons
souhaité défendre.
L’amalgame fait entre plusieurs pratiques, regroupées sous le nom de psychothérapie
de soutien, entraîne en plus d’une confusion, un manque de visibilité et donc de
crédibilité. Chacun parle de sa psychothérapie de soutien (psychanalyste, psychiatre,
psychologue, généraliste… ) sans pour autant faire le lien avec les autres définitions, ni
proposer une concertation afin de définir chaque pratique.
Les psychothérapies de relaxation entrent dans le groupe des thérapies mettant en jeu
le corps. Elles se sont développées à partir de deux courants, l’un physiologique
s’appuyant sur un travail de contrôle des rythmes physiologiques comme les théories
de J. H. Schultz et E. Jacobson, l’autre analytique comme les pratiques de J. de
Ajuriaguerra.
Les pratiques de Schultz et de Jacobson cherchent à établir un état de déconnexion
physique et psychique sans réflexion du patient sur sa situation.
La méthode de J. de Ajuriaguerra et de J. Lemaire utilise une véritable analyse de la
relaxation par la verbalisation des sensations.
Ses expériences se rapprochent de l’hypnose et, comme dans la définition de la
psychothérapie, on y retrouve une relation interpersonnelle, un cadre de pratique et un
contrat entre le « relaxateur » et le patient [51].
Ces méthodes étant plus du côté physiothérapie, notamment celles pratiquées sans
aucune analyse de la situation, peuvent être plus difficiles à intégrer dans les
psychothérapies.
Les psychothérapies brèves se sont développées à partir des théories psychanalytiques
[51], mais en ne s’engageant que sur des objectifs limités dans un temps donné. Leur
nom est assez mal choisi car il ne détermine qu’une notion de temps alors qu’il
pourrait recouvrir tous les courants de psychothérapies.
En fait, les psychothérapies brèves ne s’entendent que comme des psychothérapies
psychanalytiques. Ainsi, des psychothérapies comportementales ou cognitives, qui
sont pourtant limitées dans le temps, ne sont pas incluses dans cette détermination.
Il s’agit pour la plupart de psychothérapies « focales », même si ce terme n’a pas été
employé par tous. Elles sont nées en réponse à l’allongement des cures
psychanalytiques.
Les psychothérapies de période de crise seront simplement citées, car elles restent
difficilement compatibles avec une définition stricte, leur réalisation est rarement
négociée et souvent établie dans un cadre atypique. Elles utilisent des procédés de
diverses psychothérapies et sont considérées pour certains comme des psychothérapies
éclectiques.
Leurs effets restent à évaluer sur le long terme.
1.5 Les thérapies éclectiques et intégratives [43]
Il nous semblait important d’aborder le courant intégratif. Il s’agit d’un courant fondé
dans les années quatre-vingts aux Etats-Unis et qui gagne l’Europe et la France depuis
quelques années5.
Ce mouvement est né de plusieurs constats. Il existe un nombre important de
psychothérapies, plus de quatre cents d’après certains ouvrages, et aucune d’entre elles
n’a fait la preuve de sa supériorité malgré des tentatives de recherche en ce sens [31].
En effet, il est difficile de comparer les effets très variables de psychothérapies
différentes [6].
Les psychothérapies doivent leur efficacité à des facteurs communs, ceci a permis un
rapprochement possible entre les différentes psychothérapies dites pures. Une autre
constatation a pu être faite, le cloisonnement des psychothérapies dans des courants est
illusoire [43]. Nous avons pu montrer qu’il existait toujours des psychothérapies
pouvant se rattacher à deux courants fondateurs.
Enfin les psychothérapies ne peuvent pas répondre à toutes les pathologies, elles n’ont
qu’une action partielle sur le patient. Elles ne peuvent traiter que ce qu’elles
perçoivent du malade selon leur théorie.
Mais le patient est un tout, avec un inconscient, avec une souffrance dans l’ici et
maintenant et avec des problèmes relationnels au sein de son système.
Devant ces constatations, des chercheurs ont voulu développer une pratique qui
s’adapterait au patient et non le contraire ; ils ont souhaité instaurer un dialogue et un
rapprochement entre les différentes démarches.
Leur souhait n’était pas de fonder une psychothérapie supplémentaire [46] mais
d’accroître l’efficacité d’une prise en charge psychique [27] grâce aux thérapies déjà
existantes. Ils ne souhaitaient pas faire une synthèse théorico-clinique unifiée mais
s’inscrire dans une nouvelle épistémologie.
Plusieurs « psychothérapies » découlent de ce mouvement : les psychothérapies
éclectiques, position empirique, qui n’utilisent que les techniques de psychothérapies
différentes sans réflexion théorique, les psychothérapies intégratives qui souhaitent un
rapprochement des théories et des concepts et un troisième courant qui renoncent aux
synthèses au profit des articulations.
Le courant intégratif, comprenant les psychothérapies éclectiques et intégratives, est
décrié [38] et malgré sa connotation péjorative, de très nombreux psychothérapeutes se
revendiquent de ce mouvement [53] aux Etats Unis, ainsi qu’en Europe. Ces études
demandent confirmation en France.
Ce mouvement reste une véritable psychothérapie [9] en respectant ses définitions,
mais elle nécessite une connaissance et une maitrise des différents courants
5
Création de la fédération française de psychothérapie intégrative en 1997.
fondateurs. Le sérieux de la formation et le développement de la recherche dans ce
sens permettront une meilleure connaissance et reconnaissance du mouvement [37].
Malheureusement, derrière un même vocabulaire de psychothérapie éclectique ou
intégrative, nous retrouvons des pratiques très diverses et très contestables. Le risque
pour le patient est de se sentir perdu parmi l’utilisation de techniques provenant de
mouvements théoriques différents [77], il faut éviter une rupture de l’alliance
thérapeutique. Il est difficile de se maintenir dans l’éclectisme ou l’intégratisme sans
sombrer dans le syncrétisme.
Malgré la volonté de lier les psychothérapies entre elles, il existe un débat [27] entre
les défenseurs du mouvement intégratif qui reprochent aux éclectiques leur manque de
support théorique et les éclectiques qui pensent que leur mouvement ne nécessite
aucune théorisation, malgré le poids et la reconnaissance que cela leur apporterait.
Il nous semble à priori difficile d’établir une théorie qui « fusionnerait » deux théories
différentes comme la psychanalyse et la thérapie comportementale par exemple. Par
contre, il nous parait envisageable de lier des techniques comme la technique de la
chaise vide utilisée dans les thérapies systémiques et un échange verbal d’inspiration
analytique.
Cela reste une voie de recherche intéressante.
2
La psychothérapie de soutien
Il s’agit de traiter de la psychothérapie de soutien et non des psychothérapies de
soutien en général, la grande majorité des psychothérapies ayant pour but de soutenir
les patients.
Certains auteurs se sont même interrogés sur l’opposition que l’on pouvait faire entre
la psychothérapie de soutien et la notion de soutien en psychothérapie, entre les
techniques de soutien, les stratégies thérapeutiques qui visent le soutien et les
techniques et attitudes non spécifiques de soutien [73].
L’attitude de soutien [7], commune à tout thérapeute et particulièrement à tout
psychothérapeute, n’est pas une psychothérapie par elle-même. Elle apparaît comme
une technique et est aussi un des facteurs communs. Elle est présente et active sur le
processus de « guérison » dans la psychanalyse [2]. L’attitude psychothérapeutique
sera reprise ultérieurement, en comparaison avec la psychothérapie de soutien et la
psychothérapie spécifique du généraliste.
Nous comprenons que cela conduise à une certaine confusion. Nous allons donc tenter
l’éclaircissement de cette notion, grâce à la lecture des auteurs qui se sont intéressés au
sujet.
Il est donc essentiel de définir les contours et les conditions de cette psychothérapie.
Le chapitre ne s’intéressera qu’à la psychothérapie de soutien proprement dite,
traitement intermédiaire entre la thérapie de soutien (vocabulaire retenu par P.B.
Schneider) ou attitude de soutien (vocabulaire préféré par E. de Perrot) et la
psychothérapie analytique [68].
2.1 Est-elle une psychothérapie à part entière ?
2.1.1 Les éléments de définition (relation, cadre, contrat)
Lorsqu’une relation entre un médecin et un patient est utilisée seule, sans contrat
établi, même si cette relation apporte du soutien au patient, mais que celui-ci se
« sert » de son thérapeute quand il le veut, le sachant à sa disposition, il s’agit là d’une
thérapie de soutien.
Elle n’en est pas moins efficace dans l’aide apportée au patient, mais elle ne peut pas
être définie comme psychothérapie, lui manquant certains éléments constitutifs
nécessaires à sa définition. Cette thérapie de soutien apporte étayage et consolidation
de la personnalité, sans aborder le côté inconscient du conflit, abord indispensable
pour P. B. Schneider et E. de Perrot.
Ces auteurs qui sont respectivement le premier et le dernier à avoir travaillé sur la
psychothérapie de soutien, en langue française, nous ont beaucoup inspirés pour notre
recherche. D’autres auteurs ont traité ce sujet durant cette même période, comme L.
Luborsky et O. Kernberg ; nous nous sommes également beaucoup appuyés sur leurs
écrits.
Nous avons pris conscience que la psychothérapie de soutien, en plus d’être une
psychothérapie à part entière comme nous le montrerons ultérieurement, est une
psychothérapie qui prend en compte l’inconscient du patient et son rôle dans le conflit
qu’il présente au psychothérapeute dans le cadre de sa souffrance psychique.
Cette prise en compte la classe dans le domaine des psychothérapies d’interprétation et
apparentées. En effet, si la psychothérapie de soutien prend en compte l’inconscient de
la situation, elle doit aussi prendre en compte le transfert.
C’est sur ce point que les opposants et les défenseurs de la psychothérapie de soutien
s’affrontent. Dans toutes nos lectures, nous avons retrouvé l’importance du transfert
dans cette psychothérapie, néanmoins il n’est pas interprété comme dans les
psychothérapies analytiques. Il n’en reste pas moins que cette reconnaissance suffit
pour définir la psychothérapie de soutien comme appartenant aux psychothérapies
psychanalytiques.
Nous reviendrons sur la place du transfert au cours de la psychothérapie de soutien
dans la comparaison des courants d’idées opposant le courant analytique et non
analytique.
Nous avons tenté de différencier la thérapie de soutien et la psychothérapie de soutien,
nous devons encore vérifier si cette dernière répond aux critères de définition d’une
psychothérapie avec les éléments suivants : la relation thérapeutique, le cadre
spécifique et le contrat établi.
Au cours d’une psychothérapie de soutien, nous avons à faire à deux
protagonistes entrant en relation : le thérapeute et le patient, désirant tous les deux
engager un travail. Nous nous limitons volontairement à deux personnes car au-delà, il
peut s’agir d’une thérapie de groupe ou d’une thérapie familiale que nous ne faisons
pas entrer dans notre définition. Le thérapeute, pour beaucoup d’auteurs [33,59] doit
avoir bénéficié d’une psychanalyse. En effet, cette psychothérapie est qualifiée de
psychanalytique ou plus précisément de psycho dynamique [63], car elle prend en
compte la part inconsciente [68] de la situation et reconnait le transfert sans
l’interpréter.
Ne suffirait-il pas pour pratiquer une psychothérapie de soutien, de savoir qu’il faille
prendre en compte la part inconsciente de la souffrance du patient et de le faire
travailler dans ce sens ?
Le patient doit présenter un niveau de verbalisation suffisant pour pouvoir engager un
travail de réflexion, sans souffrir de troubles psychiatriques lourds qui ne lui
permettraient pas d’accéder à ce genre de psychothérapie. Mais en dehors d’un état de
crise, tout patient peut être amené à bénéficier d’une psychothérapie de soutien.
Cette relation est basée sur un soutien émotionnel et un intérêt humain authentique
[59]. L’alliance thérapeutique comme définie précédemment se retrouve dans cette
relation, mais nous la reprendrons dans l’explication du contrat.
En plus de la relation, nous devons déterminer si cette « psychothérapie » répond à un
cadre défini. En effet, en reprenant les écrits, nous constatons que ce travail s’effectue
dans des conditions précises. Le cabinet où se déroule les entretiens6 et la régularité de
l’heure du rendez-vous, sont des facteurs déterminants du temps et de l’espace de la
psychothérapie.
Sur le plan pratique, les entretiens se déroulent en face à face, avec la parole comme
principal mode de communication. Les entretiens s’effectuent à un rythme régulier.
Leur fréquence a varié dans l’histoire, tout comme la fréquence des entretiens de la
cure analytique. A l’apparition de cette pratique, les psychothérapeutes pouvaient
s’entretenir jusqu’à deux fois par semaine avec leur patient. Aujourd’hui, il est plus
fréquent de voir un suivi hebdomadaire ou bimensuel.
Nous rappelons que la cure analytique est passée de la fréquence quotidienne à
l’époque de Freud à plurihebdomadaire de nos jours, sans perdre pour autant en
résultat. Nous pouvons donc supposer aisément qu’il en est de même pour la
psychothérapie de soutien. La durée d’un entretien est souvent retrouvée autour de
trente minutes, soit plus courte qu’une séance de cure type.
Cette psychothérapie proposée par le thérapeute, parfois sur demande du patient, va
être circonscrite dans un temps donné. Il ne s’agit en aucun cas d’un suivi qui peut être
indéfini, sans que l’on puisse déterminer un début et une fin [68].
Pour être une psychothérapie, il faut donc une durée déterminée, soit par une limite
arbitraire, soit par une limite fixée par l’obtention des résultats. Pourtant, de
nombreuses psychothérapies réalisées par des psychiatres, telles que des
psychothérapies analytiques n’ont pas de fin déterminée. Peut-être sont-elles plus
proches de la psychanalyse que de la psychothérapie ?
Cela permet donc de se questionner sur la notion du temps limité dans la définition de
la psychothérapie.
Se pose également le problème de la possibilité de prescription médicamenteuse. En
effet, la plupart des auteurs s’entendent pour dire que l’on peut « prescrire » dans une
psychothérapie. Mais cette question fait encore débat.
Le troisième élément de définition est le contrat. Dans cette psychothérapie, le contrat
détermine un travail de deux ordres.
Dans un premier temps, le patient demande un soutien, une aide qui sera d’ordre
affectif. La confiance envers le thérapeute et le sentiment de sécurité vécu dans ces
entretiens sont nécessaires au travail ultérieur. La confiance et la sécurité proviennent
de la connaissance de ce travail et de son sérieux ainsi que des règles qui la régissent,
telles que la liberté de parler, le secret professionnel et les règles déontologiques.
Dans un second temps, le patient entreprend un travail cognitif afin de prendre
conscience des événements, puis de faire émerger la partie inconsciente de la
6
Un entretien psychothérapeutique ne se fait jamais au domicile du patient, il se réalise dans un lieu distinct des
lieux de vie du patient soit privé, soit professionnel, soit social.
souffrance et de pouvoir trouver une attitude qui lui permettra une adaptation à la
situation. Ce travail se fait par la parole qui a une fonction thérapeutique, si celle-ci
fait face à une écoute active [17].
Pour cette psychothérapie, le psychothérapeute va employer des techniques
spécifiques qui seront exposées ultérieurement.
2.1.2 Buts : adaptation, intégration et évaluation de la réalité
La psychothérapie de soutien ne se donne pas pour but un remaniement de la
personnalité [41], mais un meilleur fonctionnement des mécanismes d’adaptation par
le développement des moyens de défense.
Les grandes fonctions de la psychothérapie de soutien sont la diminution voire la
disparition d’un symptôme et la restauration de l’estime de soi ou renarcissisation, tout
ceci dans le but de l’amélioration du fonctionnement psychique et socioprofessionnel
du patient [20].
Les patients confrontés à des situations stressantes ou angoissantes ne peuvent pas
toujours les modifier. Certains pourront faire face seuls à leur souffrance, d’autres
auront besoin d’aide. C’est dans ce cadre que la psychothérapie de soutien aide le
patient à s’adapter à la situation.
Le but premier de la psychothérapie de soutien est donc une adaptation à une vie
sociale, familiale et professionnelle.
Après un travail psychique de la sorte, le but ultime est l’autonomisation du patient.
Une fois les difficultés repérées et connaissant ses réactions devant une situation
angoissante, le patient peut gérer lui-même ses difficultés.
2.1.3 Eléments techniques de la psychothérapie de soutien
Nous avons pu retenir un certain nombre de techniques [63], différentes selon les
auteurs mais qui, pour les principales, se répètent.
Nous avons cherché à établir une définition pour chacune, mais nous avons été
confrontés à une difficulté majeure. Pour la plupart des techniques, il n’existe pas de
définition, pourtant le même vocabulaire est utilisé par de nombreux auteurs.
En effet, dans nos lectures, nous n’avons retrouvé que l’énumération des techniques
accompagnée d’exemples cliniques pris dans la pratique de chaque thérapeute. En
dehors de la suggestion, notion influente pour laquelle beaucoup d’auteurs ont écrit,
faisant la différence entre la psychanalyse et les psychothérapies, nous nous
proposons d’apporter un éclaircissement sur les autres techniques n’ayant pas
bénéficié d’un tel engouement.
2.1.3.1 Renarcissisation
Un patient en souffrance peut présenter une altération de son narcissisme, attribut
nécessaire à une vie sociale et familiale équilibrée. Par un travail verbal de la part du
thérapeute, le patient va bénéficier d’une restauration de son narcissisme.
Des mots d’éloge (technique supplémentaire pour O. Kernberg) et de réconfort envers
le patient vont lui permettre un renforcement de l’estime de soi (expression retenue par
E. de Perrot à la place de renarcissisation).
Il s’agit là de la première technique employée dans la phase affective du travail. Une
fois l’image de soi restaurée, le patient va pouvoir entreprendre un travail cognitif.
2.1.3.2 Clarification
Il ne s’agit pas d’une technique en elle-même, même si elle est énoncée comme telle
par O. Kernberg, mais plutôt d’un ensemble de formes d’interventions permettant
d’introduire plus de clarté et d’intelligibilité dans le discours du patient. Elle comprend
selon les auteurs : la reformulation, la confrontation, voire rarement l’interprétation.
Présentons immédiatement ces techniques évoquées.
2.1.3.3 Reformulation
Cette technique permet de renvoyer au patient son discours, de la façon dont le
thérapeute l’a compris, en utilisant un nouveau vocabulaire dans la majorité des
interventions.
Cela met en évidence une vision objective du discours, le patient pouvant ainsi porter
un regard extérieur à ses paroles, ce qui lui permet de préciser ses propos ou de
prendre conscience de son discours et de ses répercussions.
2.1.3.4 Confrontation
Cette intervention permet de renvoyer au patient des contradictions dans son discours
et son comportement, des sentiments et des idées dont il n’avait pas pris conscience,
afin qu’il puisse encore une fois porter un regard extérieur à sa situation.
Cette technique est probablement l’une des plus difficiles à vivre pour le patient
devant faire face à ses incohérences comportementales. Néanmoins ce travail en miroir
est fondamental pour sa prise de conscience.
2.1.3.5 Suggestion
Ce terme, le plus ancien des techniques énumérées, prend ses origines pratiques dans
le « magnétisme » de F. A. Mesmer. Son nom apparaît ensuite dans le cadre de
l’hypnotisme de J. Braid. A cette époque, on se sert de la parole à des fins
thérapeutiques pour introduire dans l’esprit du patient, une idée que celui-ci acceptera.
Cette technique sera abandonnée par la psychanalyse et subira les critiques négatives.
Elle sera considérée comme une pratique sans consentement de la part du patient.
A cause de cette technique, la psychothérapie de soutien n’est pas admise parmi les
psychothérapies d’inspiration analytique pour certains, alors que seule la psychanalyse
n’intègre pas la suggestion. Elle reste présente dans de nombreuses psychothérapies
d’interprétation et est retrouvée chez tous les auteurs défendant la psychothérapie de
soutien.
Cette technique que nous retrouverons dans le chapitre suivant, mériterait un travail à
part entière tant son étendue et ses conséquences sont importantes dans le travail
psychique.
2.1.3.6 Persuasion
Cette technique s’applique au travail cognitif de la psychothérapie et se distingue de la
suggestion par l’utilisation de l’argumentation, tout en restant assez proche. Elle a
pour fonction de rétablir les capacités adaptatives et de défense du patient, mais doit
être utilisée avec mesure, en prenant en compte la réalité de la situation.
2.1.3.7 Conseil
Ce terme, issu du langage commun a la même fonction dans la psychothérapie que
dans la vie courante, cependant utilisé dans un cadre particulier, il passe d’un simple
avis de lien social à une technique spécifique.
Il s’agit souvent d’une prise de position du thérapeute, d’une technique d’intervention
selon O. Gabbard7.
2.1.3.8 Encouragement
L’encouragement s’entend de deux façons. Il peut être soit un accompagnement à
l’approfondir du travail psychique en cours en poussant le patient à aller plus loin, soit
une aide positive à la restauration du narcissisme, agissant sur le pôle émotionnel du
soutien.
Cette technique retenue par tous les auteurs va être une façon de faire progresser le
patient vers son autonomisation quel que soit le versant émotionnel ou cognitif que
l’on utilise.
7
En effet, Gabbard décrit sur un continuum les différentes interventions du psychothérapeute allant de la cure
type à la psychothérapie analytique « supportive » : Interprétation, confrontation, clarification, encouragement à
élaborer, empathie, conseil et encouragement, confirmation. (Psychodynamic psychiatry in clinical practice,
1990)
2.1.3.9 Abréaction [49,64]
Nous tenions juste à citer cette technique qui n’est retenue que par de rares auteurs
[20]. Issue de la psychanalyse, c’est la remémoration d’un événement traumatique
entraînant une décharge émotionnelle, appelée effet cathartique, qui sera bénéfique.
Elle peut apparaître spontanément dans la discussion ou être provoquée par le
questionnement du patient. Il faut s’assurer qu’elle soit proportionnelle en intensité au
traumatisme et que des mots soient posés sur cette souffrance, ce qu’une patiente
célèbre a nommé la « cure par la parole »8.
2.1.3.10 Eloge et réconfort
Ces techniques, comme dans la vie courante, peuvent être utilisées dans n’importe
quel cadre mais, comme le conseil, elles sont retenues comme techniques de
psychothérapie incluses dans le soutien du pôle émotionnel du travail psychique, pour
Kernberg.
Tous les auteurs ne les retiennent pas, mais peuvent être comprises à l’intérieur du
concept de renarcissisation.
Des auteurs plus récents, comme de Perrot, retiennent le commentaire, l’explication et
l’information comme moyens techniques, mais ces méthodes récentes n’ont pas fait
œ uvre de critiques ou comparaisons. Pour cela, nous nous contentons de les citer sans
les commenter.
8
Dénomination attribuée à Anna O., de son vrai nom Bertha Pappenheim, patiente de Breuer.
2.2 Courants de pensée
2.2.1 Le courant analytique
De nombreux auteurs considèrent la psychothérapie de soutien comme appartenant au
courant analytique [59], ce qui semble pouvoir s’admettre si l’on regarde la méthode
comparativement aux autres psychothérapies.
Pour Balint, ce qui est psychanalytique c’est de rendre conscient des affects
inconscients [66]. Si on se limite à ce point de vue, en effet, on peut admettre que la
psychothérapie de soutien est bien psychanalytique.
Le point le plus litigieux de cette application est la place du transfert. Il est nécessaire
que celui-ci soit pris en compte pour que cette thérapie soit pleinement d’inspiration
analytique, mais elle ne nécessite pas son interprétation ce qui la différencie de la
psychothérapie analytique et surtout de la psychanalyse [33].
Tout thérapeute pratiquant ou souhaitant pratiquer cette psychothérapie peut-il
reconnaître un transfert sans savoir l’interpréter ? Le soignant ne nécessite-t-il pas luimême d’avoir été analysé ? E. de Perrot, dernier auteur à avoir traité de la
psychothérapie de soutien, propose que le thérapeute ait bénéficié d’une psychanalyse
ou du moins d’une psychothérapie analytique pouvant ainsi se prévaloir d’une
« connaissance de lui-même plus clairvoyante ».
D’autres auteurs tels que M. Marie-Cardine et J.L. Terra, défendent le fait que cette
psychothérapie comme toutes les autres doit faire l’objet d’un apprentissage afin de
maîtriser le transfert, support essentiel de la psychothérapie. Un meilleur mode
d’exercice et une réelle formation bénéficieront à la reconnaissance de la
psychothérapie de soutien en tant que psychothérapie à part entière et non en tant que
technique passe-partout.
En plus d’une formation adaptée, ne faudra-t-il passer obligatoirement par un travail
personnel ?
Parallèlement au fait de rendre conscient des affects inconscients, de prendre en
compte le transfert au sein de la relation, l’utilisation de techniques particulières est un
argument supplémentaire pour établir le caractère analytique de la psychothérapie de
soutien. Des auteurs comme Gabbard présentent les différentes techniques
psychanalytiques selon un continuum allant d’un pôle expressif à un pôle
« supportif ». Le pôle expressif est représenté par la cure type, le pôle « supportif » par
la psychothérapie psychanalytique de soutien.
Sur ce continuum [19], nous retrouvons les interventions du psychothérapeute rompant
ainsi avec la neutralité de la cure type. Nous reprendrons celles défendues par O.
Gabbard [75], qui s’approchent des techniques définies dans la psychothérapie de
soutien. Il part de l’interprétation, intervention exclusive de la cure type, puis s’étend
vers le pôle « supportif » en utilisant la confrontation, la clarification, l’encouragement
à l’élaboration, l’empathie (dont nous pourrions critiquer la présence ici, puisqu’elle
est nécessaire à toute relation thérapeutique), le conseil, l’encouragement et la
confirmation.
Donc, par la place donnée à l’inconscient dans la souffrance psychique et par les
techniques utilisées, nous pouvons considérer que la psychothérapie de soutien
appartient aux psychothérapies analytiques.
2.2.2 Le courant non analytique
Pour les auteurs comme E. de Perrot ou O. Kernberg, il existe des psychothérapies de
soutien non analytiques [33] liées à des méthodes cognitivo-comportementales [73].
Cette « alliance » est due à l’élargissement des indications de la psychothérapie de
soutien à des cas graves, les méthodes analytiques n’étant pas adaptées.
Mais en ce qui concerne les psychothérapies dites analytiques, pour des auteurs
comme B. Brusset ou D. Widlöcher, la psychothérapie de soutien ne peut pas être
psychanalytique.
Pour le premier, l’éloignement de la rigueur psychanalytique fait que la
psychothérapie de soutien ne peut pas être considérée comme analytique [13]. Pour
lui, la place de la neutralité est incontournable. Toutes les interventions utilisées dans
les psychothérapies, bien qu’elles soient issues de la psychanalyse et particulièrement
en psychothérapie de soutien, violent cette condition. Les conditions qui permettent
selon lui de considérer une psychothérapie comme analytique est qu’en plus de « la
neutralité bienveillante, le thérapeute doit s’abstenir de toute gratification
réelle, utiliser préférentiellement la parole, interpréter tout ce qui se passe en
référence au transfert, élaborer et utiliser le contre-transfert » [13].
Pourtant après réflexion, il évoque le fait qu’une psychothérapie peut être analytique,
à l’exception des thérapies focales et à durée limitée.
Nous voyons là l’évolution possible de la psychothérapie en retrouvant le même débat
que celui du début du siècle précédent, lorsque la psychanalyse excluait toute
psychothérapie.
Le second auteur, moins catégorique, s’interroge sur l’apport [74] positif ou négatif de
la suggestion dans la pratique psychanalytique. Freud en faisait de même en
introduisant la suggestion, en vue de l’élargissement de l’utilisation de la
psychanalyse.
En dehors de la technique, il est reproché à la psychothérapie de soutien ainsi qu’à
toutes les autres le caractère focal de leurs objectifs, contrairement à la psychanalyse
où même la guérison n’est pas un objectif en soit.
Le débat reste donc ouvert avec pourtant beaucoup plus de défenseurs du courant
analytique. On peut se demander pourquoi la position des opposants au courant
analytique de la psychothérapie de soutien est aussi marquée. Il semble sacrilège, pour
ces auteurs, de créer une filiation entre psychanalyse et psychothérapie, mais cela ne
va-t-il pas contre l’évolution naturelle de la psychanalyse et de son adaptation au plus
grand nombre ?
2.2.3 Psychothérapie intégrative ou syncrétisme
Après avoir présenté les arguments sur l’appartenance de la psychothérapie de soutien
au courant théorique psychanalytique, nous pouvons avancer le fait que cette
psychothérapie n’est pas intégrative, puisqu’elle ne se base que sur un seul courant
théorique.
Néanmoins certains voudraient la voir comme une psychothérapie éclectique [73]. Si
nous reprenons les techniques utilisées, les principales comme la suggestion, la
clarification ou la confrontation sont d’origine analytique. D’ailleurs les défenseurs de
cette psychothérapie soutiennent l’argument qu’elle ne peut être entreprise que par un
analyste ; de Perrot élargit cet argument à tout médecin ayant fait un travail
d’interprétation approfondi sur lui-même.
Les autres techniques, comme l’encouragement, la renarcissisation, le réconfort ou
l’éloge, qui peuvent introduire le doute sont incluses dans le cadre psycho-dynamique
et donc utilisables dans une pratique psychanalytique.
D’autres critiques sont faites au sujet de la psychothérapie de soutien sur le plan
pratique. Les buts qu’elle se fixe reposent sur l’ici et maintenant et la disparition des
symptômes selon certains chercheurs. Cela en fait-il une psychothérapie cognitivocomportementale ? Cela pourrait se défendre si la psychothérapie de soutien se
contentait de ces buts, mais elle prend en compte une exploration et une explication
beaucoup plus large du problème.
S’adressant à des patients en souffrance aiguë, elle se doit de les soulager le plus vite
possible, d’où son action ici et maintenant, mais elle va chercher à établir une cause
éventuellement inconsciente ou la répétition d’une situation ; ce en quoi elle reste
d’inspiration psychanalytique.
Selon les effets prioritaires recherchés, on peut défendre la thèse que la psychothérapie
de soutien est éclectique, mais si on voit plus largement son action, on peut admettre
qu’il s’agit là d’une psychothérapie d’inspiration analytique présentant diverses
techniques pouvant se retrouver dans d’autres psychothérapies dites pures.
Nous ne pourrons pas imposer ici une conception par rapport à une autre, même si
nous nous sentons plus proche de la voie non éclectique de la psychothérapie de
soutien. Néanmoins nous souhaitons avoir apporté un éclairage afin que chacun puisse
se faire une opinion, sachant qu’une seule vérité ne pourrait pas sortir de ce débat.
2.3 Définition retenue
E. de Perrot nous propose une définition regroupant de nombreux éléments traités
précédemment. Pour lui, il s’agit « de la psychothérapie par excellence, soit un
traitement médical d’un malade porteur d’une affection psychique ou somatique par
des moyens psychologiques, avant tout verbaux, qui prennent en considération la
structure psychoaffective conflictuelle de l’être et ceci dans le cours d’une relation
interpersonnelle subjective » [59].Cette définition sortie de son contexte littéraire peut
être complétée par les éléments que nous avons établis dans ce chapitre.
La relation, premier élément de définition est qualifiée « d’interpersonnelle
subjective ». Nous pouvons y ajouter qu’elle se déroule entre deux protagonistes, qui
sont d’un côté un être en souffrance ayant fait une démarche afin d’être aidé, et de
l’autre un psychothérapeute compétent [57], maîtrisant les connaissances du
dynamisme psychoaffectif, ayant été formé à la psychothérapie et ayant bénéficié d’un
travail personnel psychanalytique ou d’inspiration psychanalytique.
Cette psychothérapie, prenant en compte le transfert et les éléments inconscients
entrant en jeu dans la situation de souffrance, nécessite pour la plupart, une
supervision, exigence à laquelle le psychothérapeute doit se plier.
Cette psychothérapie sera effectuée dans un cadre spécifique, en face à face, avec la
parole comme élément principal d’échange, dans un lieu de soin, avec une prise en
charge établie à l’avance en ce qui concerne les conditions temporelles. Des entretiens
spécifiques réguliers doivent y être consacrés avec une fréquence et une durée variable
selon les situations.
Le contrat établi et accepté des deux protagonistes sera fondé sur le soutien affectif, la
compréhension et l’adaptation face à une situation douloureuse transitoire ou
permanente, à l’aide de techniques définies [20]. Ces dernières sont pour les
principales : la suggestion, la renarcissisation ou restauration de l’estime de soi, la
clarification, la confrontation et l’encouragement. Cette psychothérapie sera active
autant sur le pôle de soutien que sur le pôle cognitif du travail psychique.
Pour nous, il ne s’agit pas d’une psychothérapie éclectique, mais plutôt d’une nouvelle
psychothérapie répondant à une attente particulière du patient. Nous tenterions même
de faire un parallèle entre la filiation qu’a la psychothérapie analytique avec la cure
type et la psychothérapie analytique avec la psychothérapie de soutien.
Comme la cure analytique a dû se modifier pour s’adapter à une nouvelle pratique et
faire naître la psychothérapie analytique, la psychothérapie de soutien découle très
naturellement de la psychothérapie analytique modifiée.
3
La psychothérapie spécifique du médecin généraliste
Nous avons choisi de nous attacher à une psychothérapie particulière, nommée
psychothérapie spécifique du généraliste. Cependant tout généraliste peut pratiquer
toutes les psychothérapies citées précédemment dans les différents courants, à
l’intérieur ou en dehors de ses consultations.
Nous ne souhaitions aborder ici qu’une des théories faisant débat sur la pratique de la
médecine générale.
Avant de définir la pratique psychothérapeutique du médecin généraliste, nous nous
sommes interrogés sur ce que faisait le médecin généraliste quotidiennement dans son
cabinet, face à son patient venu lui présenter un certain nombre de symptômes,
plaintes ou demandes.
Il nous semble possible d’identifier différents modes d’expression de la souffrance
psychique du patient en médecine générale, dans le cadre d’une consultation ou au
cours de son suivi.
Le plus souvent, le patient se présente avec un motif de consultation particulier et le
médecin après quelques questions orientées au cours de la discussion, fait apparaître
une situation de souffrance psychique. Il s’agit là d’une situation fréquente en
médecine générale et qui, une fois mise à nu, demande une décision médicale. Le
médecin peut alors poursuivre sa recherche dans cette même consultation, soit
proposer une prise en charge plus cadrée ou bien ne rien en faire, le patient n’étant pas
demandeur de soin.
Mais nous savons que le patient se présente le plus souvent avec plusieurs motifs de
consultations. La difficulté va être de trier l’urgent du non urgent et d’expliquer au
patient notre démarche de prise en charge.
Une autre situation bien connue des généralistes est la présentation directe d’une
souffrance psychique comme motif de consultation. Nous avons là l’avantage d’une
demande explicite du patient pour une prise en charge immédiate ou reportée.
La dernière situation que nous avons retenue est la plainte psychosomatique, où nous
devons faire face à un patient présentant une plainte organique, devant laquelle nous
allons évoquer un lien psychique. Ce lien sera ou pas accepté par le patient et, selon
son comportement, pourra amener à une prise en charge cohérente.
Dans ces trois situations, le médecin fait face à un patient qui souffre psychiquement
et sa prise en charge va dépendre de plusieurs facteurs.
Dans un premier temps, nous ne travaillerons que si le patient est d’accord pour être
pris en charge. En effet, il n’y a pas de travail psychique quel qu’il soit : écoute,
entretien, psychothérapie sans une volonté réelle du patient. C’est une des spécificités
du travail en psychiatrie ou psychologie ; on ne peut pas contraindre un patient à
travailler sur lui [6], contrairement aux thérapeutiques médicamenteuses qui peuvent
être appliquées sans consentement.
Le second facteur est lié à l’intention du médecin. Soit il écoute immédiatement le
patient, soit il lui propose une prise en charge spécifique ultérieure. Nous avons vu
précédemment que les qualités du médecin (« caractéristique du thérapeute »), ses
capacités personnelles pour ce travail étaient déterminantes pour l’efficacité du
traitement. Il est donc indispensable que le médecin ait la volonté sincère d’aider ce
patient.
Mais en fonction du symptôme présenté ou de la gravité de la situation, le médecin
généraliste ne pourra pas toujours apporter une réponse et devra s’adresser à un autre
spécialiste ou au milieu hospitalier, selon la nécessité de l’état psychique du patient. Il
n’est pas possible de prendre en charge toutes les souffrances psychiques en médecine
ambulatoire.
A partir de ces situations concrètes, nous avons cherché à définir puis à nommer les
diverses attitudes possibles du généraliste.
Dans la situation de la plainte psychosomatique, l’échange risque d’être bloqué si le
patient ne parvient pas à faire le lien entre son symptôme et sa souffrance psychique.
Un travail d’échange va donc être nécessaire entre le médecin et le patient pour
amener ce dernier à envisager cette hypothèse. Dès que le patient prendra conscience
de la situation, une relation d’aide pourra s’établir comme dans les deux situations
suivantes.
Lorsque le médecin fait apparaître une souffrance psychique ou que le patient présente
de lui-même cette souffrance, dans ces deux situations le médecin propose une écoute
empathique et attentive à un patient qui est conscient de sa souffrance et qui la
verbalise. Il n’engage aucun travail spécifique avec son patient, mais assure une
présence professionnelle. Grâce à nos lectures, nous avons choisi de retenir le terme
d’attitude psychothérapeutique [29] pour ce comportement. D’autres utiliseront le
terme de thérapie de soutien dans cette situation. Ce n’est en rien une psychothérapie
par elle-même, mais il semblait indispensable de qualifier ce qu’il se passait dans cette
relation, situation commune à tout lien entre un thérapeute et son patient. Mais cette
relation reste particulière en médecine générale par ses réponses à des demandes de
premiers recours, par l’instauration d’une prise en charge globale, par son suivi au
long cours et la connaissance de l’entourage du patient [61].
Cette définition d’attitude psychothérapique défendue aussi par P. B. Schneider
permet de formaliser une pratique liée à la spécificité de la médecine et de la relation
médecin/malade.
Cette attitude psychothérapique spontanée [3] a des effets dits aléatoires, mais réels,
reconnus par les patients. Ces effets cessent d’être aléatoires à partir du moment où le
médecin est conscient de son influence sur la relation et de ses conséquences sur le
ressenti du patient. Dès lors, nous ne sommes plus en situation d’attitudes spontanées,
mais bien dans un échange conscient, avec intention d’action sur la souffrance du
patient. C’est probablement le premier pas vers la psychothérapie.
Nous sommes face à une probable psychothérapie si, à la volonté de faire avancer le
patient et à la prise de conscience par le médecin des effets possibles de sa prise en
charge, on ajoute l’utilisation de techniques particulières. Le tout se fait au cours de
son suivi habituel en médecine générale. Nous devons chercher à savoir si cette
psychothérapie répond aux critères de définition que nous avons retenus.
Nous avons été confrontés à la difficulté suivante : peu d’auteurs, qu’ils soient
psychologues, psychiatres ou généralistes nous ont fait bénéficier de recherches sur ce
sujet. La rareté de ces écrits a été compliquée par l’existence de dénominations
différentes pour cette pratique.
Les auteurs étudiés l’appellent indifféremment « psychothérapie de soutien » ou
« psychothérapie spécifique du médecin généraliste ». Nous avons cherché à établir
une définition d’après ces auteurs et à la comparer à celle de la psychothérapie de
soutien, afin de pouvoir les confronter.
Nous avons retenu les écrits de Louis Velluet [70,71], généraliste et psychanalyste,
Jean Pierre Rageau[62], Annie Catu-Pinault[60] et Philippe Jaury 9, médecins
généralistes et enseignants, qui ont étudié cette « psychothérapie » depuis de
nombreuses années et l’ont théorisée afin de l’enseigner.
3.1 Définition
Lorsqu’en 1976, P.B. Schneider parlait des généralistes pratiquant ou souhaitant
pratiquer une psychothérapie, il les distinguait des psychiatres par « leur motivation et
leur aptitude à la compréhension psychologique de leur patient, ainsi que par
l’intensité émotionnelle de leurs expériences au cours de la relation
médecin/malade ».
Ces écrits bien qu’anciens, pourraient peut-être se vérifier de nos jours. Un généraliste
qui fait le choix d’entreprendre une psychothérapie avec l’un de ses patients le fait de
façon très volontaire, rien ne l’y oblige, contrairement à un psychiatre dont c’est la
fonction première. C’est probablement dans ce sens que l’entendait P.B. Schneider.
Cette situation fait donc de cette pratique une particularité.
Avant d’établir une définition, nous nous devons de présenter la théorie des trois
espaces. Ce sont en fait trois « cadres » dans lesquels se déroule la relation médicale
en fonction de l’état d’esprit du patient, de sa capacité à penser et à s’autonomiser.
Cette théorie, conceptualisée par L.Velluet, provient de l’étude des travaux de Balint
qui, avec ses « groupes de recherche » en médecine générale [5], cherchait à établir ce
qui se passait dans un suivi au long cours entre un médecin généraliste et son patient.
9
JAURY Philippe. La psychothérapie, dite de soutien, faite par le médecin généraliste. Département de
médecine générale, faculté de médecine Université Paris V, polycopié 2004.
Grâce à l’observation des présentations de cas de ces groupes de recherche intégrant
les concepts de la psychanalyse, L. Velluet a pu décrire ces « trois niveaux
d’échange » entre le patient et le médecin généraliste.
3.1.1 Concept des trois espaces
3.1.1.1 Espace primaire
Le premier espace ou espace primaire, est le lieu d’échange entre un patient vulnérable
et son médecin. Nous avons à faire face, dans cet espace, à des patients présentant une
souffrance telle, qu’elle leur entraîne une dépendance inévitable vis-à-vis du médecin.
Les patients dans cet espace, sont dans un état de régression. Devant leurs difficultés
physiques ou psychiques, les patients ne peuvent généralement pas élaborer
mentalement, ainsi ils demandent à leur médecin une attitude de maternage. C’est dans
cet espace que se situe le rôle de pare-excitation auxiliaire10 du médecin.
On retrouve dans cet espace, en plus des situations aiguës intenses et forcément
déstabilisantes, des patients immatures présentant des névroses graves ou étant dans
une grande précarité. Il s’agit là de les faire progresser vers l’espace suivant, pour ceux
qui le peuvent.
C’est l’espace privilégié de la plainte psychosomatique qui ne pourra être comprise
que dans le deuxième espace par les patients matures ou ayant des capacités d’analyse
antérieures à la situation de crise. Le médecin est là pour ramener le patient à ses
possibilités de défenses le faisant ainsi passer au deuxième espace.
Pour les patients n’ayant pas cette capacité de réflexion ou ne présentant pas un niveau
de défense antérieur suffisant, ils resteront dans cet espace de dépendance complète au
médecin, tel un petit enfant dépendant de ses parents pour ses besoins essentiels. Pour
ceux qui ne pourront évoluer vers l’espace intermédiaire, le médecin doit présenter une
attitude chaleureuse et soutenante.
Cette attitude de prise en charge globale, alliant le physique et le psychisme, avec une
continuité de soins dans le temps, est spécifique du médecin généraliste. Les
techniques utilisées dans cet espace sont celles de la psychothérapie, à des degrés
différents selon les capacités des patients.
Ainsi, pour ceux qui en ont la possibilité, ils atteindront l’espace intermédiaire.
Cet espace reste le domaine privilégié pour l’attitude psychothérapeutique, il semble
difficile mais possible selon les patients d’établir un contexte de psychothérapie
spécifique.
10
Le concept de pare-excitation élaboré par Freud, rattaché à la mère face au bébé, est repris par L.Velluet en
application au médecin généraliste.
3.1.1.2 Espace intermédiaire
C’est l’espace dans lequel se déroule la majorité des relations médecin/malade en
médecine générale. Il s’agit là plus d’un lieu d’échange d’expériences et de réflexions
que de négociations. C’est l’espace du suivi au long cours, de la prise en charge de
pathologie chronique.
Les patients concernés vont ici prendre une place plus importante dans la prise en
charge de leur pathologie. Ils vont pouvoir intervenir auprès de leur médecin pour
« dire » ce qu’ils savent de leur souffrance, le médecin n’est plus tout-puissant, ni
« tout-décidant ». Le patient peut ainsi prendre une part active à sa guérison ou à son
amélioration, il se réapproprie son corps, sa souffrance et son histoire.
Cet espace permet au patient qui en a acquis les compétences, de faire le lien entre ses
symptômes et sa souffrance psychique. Il va pouvoir appréhender son état
psychosomatique. Dans ce niveau d’échange, le médecin va pouvoir proposer au
patient des connexions entre les différents éléments actuels [3] qu’il n’avait pas
perçues ainsi que des connexions entre des éléments passés et présents en abordant
l’histoire familiale. Le médecin va aussi évoquer l’inconscient du patient. Ces
techniques sont défendues par Balint.
Ainsi le patient prend part à sa « guérison » par l’appropriation de son histoire
familiale, mais il ne peut pas encore développer cette approche par lui-même, c’est
pourquoi le médecin va tenter de le mener vers le troisième espace qui lui conférera
une autonomisation.
Cet espace permet l’instauration de la psychothérapie spécifique.
3.1.1.3 Espace d’intégration
Le patient évoluant dans cet espace est capable d’élaborer mentalement les liens entre
passé et présent, entre physique et psychique. C’est l’espace idéal pour dénouer la
plainte psychosomatique par la capacité du patient à se comprendre. Le médecin ne
sera qu’un facilitateur, le patient ayant intégré son unité somato-psychique. Cet espace
pourra être utilisé par quiconque aura atteint un niveau de maturation émotionnelle
suffisant et sera accompagné d’un médecin compétent pour la pratique de ce type
d’échange. C’est le niveau d’échange de personne à personne.
C’est surtout dans cet espace qu’une psychothérapie cadrée pourra être pratiquée,
même si elle pourrait l’être dès la fin du second espace. Nous entendons par
psychothérapie cadrée, un suivi spécifique, régulier et uniquement destiné à la
résolution de la souffrance du patient.
Après cet espace, le patient peut entreprendre un travail psychique particulier avec un
spécialiste de la psychothérapie ou de la psychanalyse.
3.1.2 Eléments techniques de cette psychothérapie
Dans les trois espaces présentés précédemment, les auteurs de cette théorisation nous
donnent la liste des techniques psychothérapeutiques que l’on peut utiliser. Elles
varient peu d’un auteur à l’autre, mais ce qui est remarquable, c’est leur similitude
avec la psychothérapie de soutien.
Comme nous l’avons vu précédemment, beaucoup de ces termes ne sont pas définis
dans les dictionnaires, même spécifiques de la pratique psychologique, psychiatrique
ou psychanalytique. Pourtant, ils sont utilisés par tous les auteurs dans leurs articles,
permettant leur compréhension.
Nous en dirons donc quelques mots pour les présenter hors de leur contexte.
3.1.2.1 Réassurance/rassurance
La réassurance a pour fonction de porter à la connaissance du patient des éléments
positifs de sa situation, sans nier ou banaliser sa souffrance. Cette notion recoupe en
partie la persuasion d’Otto Kernberg et peut servir d’ouverture à un échange plus
profond.
Elle agit sur le plan cognitif du travail psychique en faisant prendre conscience au
patient d’un état de fait, ainsi que sur le plan émotionnel en tentant d’apporter un
soulagement au patient. Cette technique permet au patient de passer d’un espace à
l’autre et de lui rendre abordables les autres techniques.
Louis Velluet retient le terme de rassurance [71] qui serait moins marqué de
connotation paternaliste sans connaissance du psychisme.
3.1.2.2 Restauration du narcissisme
Comme dans la psychothérapie de soutien, cette technique permet de rétablir auprès
du patient, une image positive de lui-même qu’il a perdue avec sa souffrance.
L’altération qu’a le patient peut provenir d’une atteinte psychique, comme physique.
Le fait de verbaliser face au patient les points négatifs de son discours et de lui
proposer une autre image de lui-même, va lui permettre de se restructurer.
Grâce à la restauration de son image, le patient va pouvoir accomplir la partie
cognitive de son travail psychique.
3.1.2.3 Suggestion
La suggestion, terme fondamental de la psychothérapie, est retrouvée chez tous les
auteurs, que ce soit Kernberg, de Perrot, Bibring ou Weyeneth pour la psychothérapie
de soutien, ainsi que chez les auteurs de la psychothérapie spécifique.
Elle est la technique principale des psychothérapies psychanalytiques et fait la
différence entre les psychothérapies analytiques et la psychanalyse.
Une définition empruntée à Victor Hugo donne une image assez claire de ce que
pourrait être la suggestion : « la suggestion consiste à faire dans l’esprit des autres
une petite incision où l’on met une idée à soi »11.
Cette technique a eu une implication majeure dans le développement des
psychothérapies, les faisant passer de l’hypnose à ce qu’elles sont.
3.1.2.4 Directivité
Cette pratique, consistant à « bousculer » le patient, permet aux immatures ou aux
patients manipulateurs d’avancer.
C’est une des rares techniques où le médecin doit faire preuve d’autorité, se
positionner personnellement. Néanmoins cette technique est à manipuler avec retenue
car elle ne pourra pas s’adapter à toutes les personnalités.
3.1.2.5 Non directivité : humour et reformulation
Les techniques non directives sont présentées sous deux formes.
Tout d’abord l’humour qui reste une voie d’accès lorsque les autres ne sont pas
possibles ou pour désamorcer une crise [55].
Face à un patient en négation profonde de son problème, l’humour peut être un
passage pour diffuser l’information suivante : « je suis conscient de votre problème, je
suis à l’écoute, mais je ne suis pas dupe de vos propos ».Cette technique peut sembler
contestable, mais est fort utile face à un patient dont le suivi au long cours est difficile
par la persistance de sa négation.
La seconde technique est la reformulation que l’on retrouve dans d’autres
psychothérapies telle que la psychothérapie de soutien et qui permet au patient
d’entendre ses propos exprimés par un autre.
Cette pratique évite les malentendus [55] et permet de mettre en évidence les
contradictions des patients, la confrontation en fait de même dans la psychothérapie de
soutien. La psychothérapie spécifique a préféré distinguer les deux termes.
3.1.2.6 Effet placebo
Michael Balint explique que le premier médicament du médecin, c’est le médecin luimême [5], et dans toute relation thérapeutique, le respect mutuel que s’accordent
soignant et patient se concrétise par un fort effet placebo.
De la même façon, l’ordonnance, la façon dont elle sera expliquée, le fonctionnement
du médicament, le choix de sa galénique auront une fonction thérapeutique. Il faut en
tenir compte dans notre pratique.
11
Tiré du dictionnaire des citations de langue française, de Pierre Ripert (1995).
3.1.2.7 Analogie, résonance
L’analogie, non décrite dans la psychothérapie de soutien, sert au médecin pour créer
une ouverture dans une discussion bloquée ou lorsqu’il sent l’existence d’un secret. Il
se sert de l’histoire d’un autre patient (réel ou imaginaire) afin d’entraîner une réaction
chez son patient. Ce dernier, entendant une histoire semblable à la sienne, peut plus
facilement se libérer et se confier à son médecin.
Cette technique est à manier avec prudence car elle peut provoquer une catharsis qu’il
faudra alors pouvoir contenir.
Pour ce qui est de la résonance, nous ne sommes pas parvenus à comprendre en quoi
cela était une technique mais nous comprenons que la souffrance du malade puisse
résonner dans l’histoire personnelle du médecin. C’est pourquoi, le fait de se
connaître, ou d’avoir fait un travail approfondi [6] sur soi, permet de limiter les
conséquences de cette résonance.
Toutes ces techniques peuvent théoriquement être employées dans les trois espaces
thérapeutiques, mais en fonction de la personnalité du patient, de son degré
d’autonomie, de sa maturité, il faudra choisir les techniques les plus appropriées.
Certaines peuvent sembler futiles ou inutiles, mais elles sont des outils indispensables
au médecin généraliste qui est confronté à des demandes multiples et une patientelle
très diverse, ce qui en fait sa spécificité [61].
3.2 La « psychothérapie spécifique » présente-t-elle les conditions d’une
psychothérapie telle qu’elle est définie dans le premier chapitre ?
Nous parlons de cet ensemble de techniques appliquées à la médecine générale comme
d’une psychothérapie, mais nous devons vérifier si cette pratique répond aux
conditions définies dans le premier chapitre.
Si nous observons la relation établie entre un patient et son médecin généraliste, au
cours d’un suivi au long cours, nous sommes dans les conditions d’une relation d’aide,
empathique, qui se veut affective et soignante. Nous sommes donc en dehors d’une
relation pour le patient de type amical, familial ou professionnel.
Cette relation, bénéfique pour le patient, présente les caractéristiques de la relation
psychothérapeutique car elle est établie entre un patient demandeur et un professionnel
soignant reconnu comme tel, prêt à aider son patient. Nous pouvons qualifier cette
relation d’interpersonnelle, cette relation étant différente pour chaque patient. De plus
elle répond à des lois déontologiques, dans un contexte de confiance et de liberté de
choix.
Nous pouvons donc en conclure que les conditions de relation de cette pratique sont
tout à fait compatibles avec celle d’une psychothérapie.
Si on s’arrête à ce seul élément de définition, on se retrouve dans le cas d’une thérapie
et non d’une psychothérapie comme le définit Schneider, appelé aussi attitude
psychothérapeutique. Pour lui, « l’utilisation sèche de la relation médecin/patient,
sans plan thérapeutique, reste une thérapie ». On reste ici dans une relation de type
« étayage », sans travail psychique proposé ni utilisation de techniques du pôle
cognitif. Seules quelques techniques du pôle de soutien comme le réconfort sont
utilisées. D’autres éléments sont donc nécessaires pour définir une psychothérapie.
Le cadre proposé pour cette relation médecin généraliste-patient est lui, un peu plus
discutable. En effet, cette relation n’est pas exclusivement pratiquée dans un lieu dédié
au soin et nous avons retenu qu’une psychothérapie doit être réalisée dans un lieu
distinct de la vie quotidienne. Même s’il existe des « psychothérapies hors cadre »,
elles ont pour but d’amener les patients à consulter dans un cadre particulier.
C’est le cas des conditions de travail des intervenants auprès de marginaux, dans la rue
ou des centres non spécifiques aux soins.
Lors des visites à domicile par exemple, nous changeons de conditions de travail et
nous sortons du cadre proposé pour cette prise en charge psychothérapeutique. Mais
nous pourrions considérer cette démarche comme un approfondissement de la
connaissance du patient ; celui-ci nous laissant accès à ses conditions de vie, nous
permettant ainsi l’acquisition d’informations que nous pourrions avoir du mal à
obtenir autrement.
Ainsi cette sortie du cadre pourrait être une technique supplémentaire pour accroître le
lien entre le patient et le médecin. A noter, que rares sont les autres spécialistes à se
rendre au domicile de leur patient.
Lorsque la relation se fait au cabinet, nous nous retrouvons dans un cadre particulier.
Cette relation se pratique en face à face, avec échange verbal principalement. Le
patient sait qu’il a toute liberté de parler, qu’il se trouve dans un espace en dehors de
sa vie habituelle, un espace dédié à sa souffrance et à son écoute.
Le cadre [23] comprend aussi l’organisation de cet espace comme le mobilier et est en
rapport, comme vu précédemment, avec la technique pratiquée. En effet, dans la
plupart des cabinets de généralistes, nous avons deux espaces distincts, celui de
l’échange en face à face et celui de l’accès au corps.
Par sa fonction de somaticien, le généraliste possède différentes voies d’accès à la
souffrance du patient. Il peut se servir d’un symptôme pour aborder une souffrance
psychique (intérêt dans la plainte psychosomatique), ce qui peut être un avantage.
Mais si le médecin n’a pas prévu dans sa consultation d’accès au corps et que le
patient est demandeur, cela peut casser la dynamique de la prise en charge psychique.
Du côté du patient, l’accès simultané à son corps et à son mental peut le faire se sentir
vulnérable et peut entraîner une méfiance voire une défense.
Donc, définir le cadre de l’entretien, savoir à quoi le patient nous laisse accès et ce
qu’il est prêt à nous livrer est fondamental. Dans une consultation habituelle, il nous
est plus difficile de définir les limites de la prise en charge, donc du cadre, le patient
se présentant avec plusieurs demandes.
Heureusement, la permanence du lieu de soin et de la relation pose un cadre important.
Mais est-il suffisant pour être un déterminant de psychothérapie ? Les généralistes
semblent le penser.
Le troisième élément que nous proposons comme nécessaire à la définition de la
psychothérapie est le contrat établi entre le patient et le médecin.
Ce contrat est établi par les deux protagonistes et pourrait être présenté, comme nous
l’avons dit précédemment, comme les droits et les devoirs de chacun.
Quelle que soit sa demande, nous accueillons le patient avec toute l’empathie et
l’écoute nécessaire. Nous pouvons pointer quelques liens entre sa demande et une
souffrance psychique, mais nous ne pouvons pas lui imposer une prise en charge
particulière qui serait dans ce cas un contrat.
Lors d’une consultation habituelle, le patient présente une demande ou une souffrance.
Il en livre ce qu’il veut et peut souhaiter ne rien en faire, le médecin de son côté ne
peut que proposer une écoute, restant ainsi dans l’attitude psychothérapeutique. Mais,
dès qu’il se met à utiliser des techniques de travail et que le patient réagit et y répond,
on entre là dans un contrat tacite.
Nous savons que notre écoute et nos interventions peuvent améliorer son état [22,54],
nous avons eu une attitude psychothérapeutique quelle que soit la consultation.
Pouvons-nous néanmoins nous prévaloir d’avoir fait une psychothérapie ?
Nous pourrions considérer cette liberté d’accès au soin, cette assurance d’empathie et
de désir d’aide de la part du médecin généraliste, sur un temps indéterminé, comme un
contrat. Il pourrait s’exprimer en ces termes :
« Je suis disponible pour vous écouter, pour vous suivre sur un temps que vous jugerez
nécessaire, vous serez libre de me livrer ce que vous voudrez de votre souffrance, dans
les conditions déontologiques auxquelles je me réfère ».
Pour aller plus loin, dans cette prise en charge, on peut établir un contrat plus clair,
avec des buts et des conditions de travail plus cadrées.
Si le patient reste dans le premier cas, sans contrat déterminé, ni entretien spécifique,
mais qu’il accepte de se livrer en répondant aux techniques du médecin, nous sommes
là dans les conditions d’une psychothérapie particulière qui correspond à la
psychothérapie spécifique du médecin généraliste comme les auteurs l’ont définie.
Si le patient accepte un contrat plus restrictif, on entre dans le cas d’une
psychothérapie stricte, probablement proche de la psychothérapie de soutien.
Un élément du contrat de la psychothérapie spécifique du généraliste est la prise en
compte du conflit intrapsychique et de ses aspects inconscients [72]. Selon Schneider,
il s’agit d’un point fondamental qui oppose thérapie et psychothérapie.
Ceci est un argument supplémentaire pour soutenir que la pratique du généraliste est
une psychothérapie, puisqu’elle prend en compte ce conflit et ses aspects inconscients.
L’avantage du médecin généraliste est qu’il peut passer d’une psychothérapie à l’autre,
d’un contrat tacite à un contrat négocié et qu’il a le temps nécessaire pour ce travail, le
médecin traitant agissant dans la continuité.
Nous comprenons que la psychothérapie du généraliste soit difficile à appréhender
mais elle présente des conditions tout à fait acceptables pour être une psychothérapie à
part entière.
Nous pourrions discuter de différents types de consultations et étudier en quoi elles
répondent ou non à la définition. En effet, certains patients ne nous laissent aucune
possibilité d’établir les conditions d’une relation, comme par exemple une demande
téléphonique ; ou bien les conditions de cadre, comme l’exigence d’une ordonnance
sans interrogatoire ou examen clinique ; ou encore les conditions d’un contrat en
refusant de réagir aux techniques employées.
La pratique du généraliste étant particulière, on peut comprendre que sa prise en
charge psychothérapique le soit aussi.
Nous sommes dans le cadre d’une relation interpersonnelle entre un patient en
souffrance psychique et un médecin désirant lui apporter une aide thérapeutique, dans
le cadre d’un suivi au long cours sans limitation préalable de temps à cette prise en
charge. Un contrat est passé entre les deux protagonistes qui propose, pour le
médecin : d’écouter le patient, d’améliorer son état psychique, d’utiliser ses
compétences dans ce but, et pour le patient : d’accepter de se livrer, d’être confronté à
ses propos et à ses prises de conscience.
Les deux participants ont donc une démarche intentionnelle pour améliorer l’état
psychique du patient.
3.3 La « psychothérapie spécifique »
psychothérapie de soutien ?
peut-elle
se
confondre
avec
la
Nous avons vu la difficulté à définir et limiter ces deux pratiques. Nous allons tenter
de les mettre en parallèle pour faciliter leur comparaison et voir si leurs similitudes ou
leurs différences expliquent l’ambiguïté de leur dénomination.
Si nous reprenons la psychothérapie de soutien telle que nous l’avons définie, le terme
de psychothérapie fait peu de doute à son utilisation. Elle se situe sur le continuum des
psychothérapies psychanalytiques, avec des interventions provenant de la théorie
analytique. Elle répond aux critères établis comme la relation particulière, le cadre et
le contrat. Elle doit être pratiquée par un psychothérapeute ayant bénéficié d’une
analyse ou d’un travail personnel approfondi. Ceci donne les meilleures conditions de
pratique, mais qu’en est-il si cette psychothérapie est pratiquée par un thérapeute
n’ayant pas réalisé ce travail ?
Cela est-il néfaste au patient ? Cela ralentit-il sa progression ? Le thérapeute ne risquet-il pas de s’épuiser en manquant de recul sur son contre-transfert ? Est-ce que le fait
de n’avoir pas effectué sa propre thérapie pour le psychothérapeute, en l’occurrence le
médecin dans le cas qui nous concerne, annule toute pratique possible de la
psychothérapie de soutien ?
Nous pensons que le respect des conditions de la relation, du cadre et du contrat, avec
l’utilisation des techniques que nous avons présentées, donne une approche très juste
de la psychothérapie de soutien et qu’il s’agit d’un plus que d’avoir bénéficié d’une
psychothérapie analytique pour le médecin.
Pour ce qui est de la psychothérapie spécifique, nous avons tenté d’apporter des
arguments justifiant cette dénomination, en respectant les conditions de relation, ainsi
que celles du cadre, mais en élargissant celles du contrat.
L’argument qui peut nous être reproché est la place de la durée dans cette prise en
charge. Certains fondateurs ne conçoivent la psychothérapie qu’avec une durée
déterminée, ce qui semble difficilement applicable à la médecine générale. Nous
pensons qu’il s’agit là d’une adaptation nécessaire à la particularité de notre pratique et
que, malgré cette modification, cela reste une psychothérapie.
L’avantage que possède le médecin généraliste est qu’il peut modifier ses conditions
de pratique en fonction de l’état de son patient et de ses besoins ainsi que de sa propre
disponibilité d’esprit.
Accompagnant notre patient sur le long terme, participant à tous ses événements de
vie, nous pouvons « sentir » quand lui proposer une psychothérapie plus cadrée et
ainsi passer de la psychothérapie spécifique à une psychothérapie de soutien.
Nous reprendrions volontiers la démarche d’Otto Kernberg qui comparait la
psychanalyse, la psychothérapie analytique et la psychothérapie de soutien. Les
éléments communs à ces trois formes de psychothérapie montraient leur filiation
évidente, leur différence n’étant pas suffisante pour les opposer. Il semble qu’il en soit
de même entre la psychothérapie de soutien et la psychothérapie spécifique.
Les techniques sont proches, leur théorie psychologique est semblable et leur but est
commun. A partir du moment où le médecin a conscience de ce qui se joue dans sa
consultation, du transfert et du contre-transfert, qu’il utilise les techniques établies,
nous pensons qu’il répond aux conditions de la psychothérapie spécifique.
Dès qu’il va proposer une prise en charge plus consciente de la souffrance psychique,
avec un contrat plus défini, en dehors des demandes habituelles de consultations du
patient, il propose là une psychothérapie de soutien.
La tâche du médecin sera facilitée si celui-ci a effectué un travail personnel. S’il n’en
a pas effectué, il prendra probablement conscience de son intérêt au cours de sa
pratique de psychothérapie de soutien.
Nous pensons que l’appellation de la psychothérapie spécifique du médecin
généraliste comme « psychothérapie dite de soutien » porte à confusion. Cette
psychothérapie est différente de « la psychothérapie de soutien » telle que nous l’avons
définie grâce aux auteurs dans le chapitre précédent.
Bien que leur méthode soit proche, leur but comparable, l’établissement de leur
filiation proposé, nous pensons que l’utilisation de termes distincts ne peut que
valoriser ces pratiques, en les différenciant clairement.
Cette clarification apportera plus de crédibilité à ces psychothérapies.
PARTIE CLINIQUE
1
Problématique
Explorer la pratique psychothérapeutique des médecins généralistes et confronter nos
résultats aux définitions proposées dans la partie théorique de ce travail.
2
Méthodologie
2.1 Choix des médecins
Devant la particularité de la prise en charge psychothérapeutique en médecine
générale, nous avons retenu une méthodologie qualitative. Nous avons travaillé à
partir d’entretiens semi-directifs auprès de médecins généralistes de la Vienne.
Nous avons effectué un tirage au sort à partir des pages jaunes internet, en retenant le
premier nom de chaque page impaire et en excluant les pages qui proposaient à cet
emplacement un cabinet d’associés. Nous n’avons retenu que des médecins
généralistes sans orientation particulière exclusive (type acupuncture, homéopathie).
Le choix de faire appel à un annuaire informatique nous permettait d’avoir accès à des
informations mises à jour, avec apparition de nouveaux installés et retrait des
médecins ne pratiquant plus.
Nous avons choisi de joindre par téléphone chaque médecin du tirage au sort, afin de
lui demander un entretien, en lui exposant très brièvement notre sujet. Souhaitant la
plus grande spontanéité et sincérité dans les réponses de notre questionnaire, nous
n’avons pas voulu détailler notre démarche par téléphone.
2.2 Modalités d’entretiens
Les entretiens se sont déroulés du 23 octobre au 12 décembre 2007, sur rendez-vous,
au cabinet des médecins. Ces entretiens ont duré entre 15 et 30 minutes selon l’intérêt
porté au sujet et les questions suscitées.
Nous avons mené nos entretiens en face à face, laissant le médecin lire et répondre au
questionnaire, notre présence lui permettant de réfléchir à haute voix et de nous
interroger sur les questions qui pouvaient lui sembler moins aisées.
Nous avons été autorisés par les médecins à enregistrer par magnétophone nos
entretiens, ce qui nous a permis de compléter les questionnaires par la discussion
suscitée.
Par la suite, nous avons pu rédiger des fiches d’entretien à partir des questionnaires
remplis et des échanges enregistrés.
Les critères de notre questionnaire étaient les suivants :
- Le lieu d’installation du médecin et son éventuelle association.
- Sur le plan professionnel :
o Son éventuelle pratique psychothérapeutique ;
o Son appartenance à un courant ;
o Le profil des patients concernés ;
o Ses critères d’orientation vers un spécialiste de la souffrance psychique.
- Sur le plan personnel :
o L’existence d’un travail psychothérapeutique personnel ;
o Les effets sur sa pratique de médecin généraliste.
- Au sujet de notre recherche :
o Son avis sur notre proposition de définition : « Entretiens
spécifiquement dédiés à la souffrance psychique, basée sur la relation
thérapeute/patient, dans le cadre d’un suivi régulier imposé, déterminé
par les deux protagonistes, avec des buts établis , utilisant les techniques
spécifiques de renarcissisation, reformulation, suggestion, persuasion,
conseil, encouragement, abréaction (expression émotionnelle en réaction à
un événement traumatique), clarification, confrontation et éloge, avec prise
en compte du transfert sans son interprétation et des liens inconscients de
la souffrance psychique dans le but de réduire la souffrance et de permettre
au patient une meilleure adaptation à la vie sociale. »
o La définition qu’il donne à sa pratique.
3
Résultats
3.1 Présentation des entretiens
Nous avons choisi de vous présenter les entretiens sous forme d’une fiche
récapitulative reprenant les réponses aux questionnaires des médecins ainsi que
certains de leurs commentaires ou impressions qui nous paraissaient instructifs et en
rapport avec le sujet.
Nous avions retenu vingt médecins généralistes de la Vienne, mais seul dix huit
d’entre eux ont donné suite à notre demande. Un premier refus a été justifié par un
manque de temps, un second par désaccord avec le sujet, le médecin concerné trouvant
« dégradant » ce sujet pour la médecine générale.
Lors de nos entretiens, nous avons rencontré douze hommes et six femmes (les deux
refus étaient d’une part un homme, en groupe et en zone rurale et d’autre part une
femme, en groupe et en ville), treize d’entre eux travaillaient en groupe, cinq étaient
installés seuls dont une femme bénéficiant d’un cabinet secondaire.
Huit des médecins pratiquaient en ville, cinq en milieu rural et cinq se définissaient en
milieu semi-rural.
L’âge des médecins s’étendait de 36 ans à 61 ans, avec une durée moyenne
d’installation de 18 ans (de 4 à 32 ans).
Sur ces dix huit médecins, le profil 18 correspond à un psychiatre qui a pratiqué
pendant plusieurs années la médecine générale, mais qui aujourd’hui est installé
comme psychiatre libéral. Son nom apparaissant toujours dans la liste des médecins
généralistes, nous avons décidé de l’inclure dans notre étude, avec tout le biais et la
critique devant s’y rapporter. Nous lui avons demandé de répondre uniquement sur sa
période de pratique de la médecine générale.
PROFIL 1
Homme, 58 ans,
32 ans d’exercice, en groupe, en milieu rural.
Dit :
Ne pas pratiquer de psychothérapie et préférer faire de la médecine.
Utilise une consultation habituelle pour relancer la discussion.
Adresse ses patients aux psychiatres, aux psychologues, à l’hôpital.
Son choix se fait selon les moyens financiers des patients, sa pathologie ou ses relations
professionnelles (travail avec une psychologue à proximité).
Ne pratique pas : par manque de temps, de formation et par difficulté d’intégrer cette PEC
dans consultation de MG.
Ne s’est formé à aucunes techniques psychothérapeutiques.
N’a effectué aucun travail personnel.
N’a pas d’avis sur l’intérêt d’un travail personnel pour cette PEC.
Rôle du généraliste :
Inconvénients : patient trop connu ou trop proche.
Atouts : bien connu donc diagnostic plus aisé.
Mais surtout inconvénients.
Idée personnelle :
Pense qu’il n’a pas à provoquer la demande.
« Le patient ne vient pas pour ce genre de prise en charge chez son médecin généraliste. »
Pense que la prise en charge psychique est très importante, mais qu’il faille un profil
particulier pour le faire.
« Le traitement médical est plus efficace que le traitement psychique »
Méthodes :
Pragmatique, il dédramatise et revalorise.
L’action sur le corps et le suivi dans le temps a une action psychique.
PROFIL 2
Homme, 49 ans,
20 ans d’installation, en groupe, en milieu urbain.
Dit :
Dit pratiquer une psychothérapie (mais pas d’entretien spécifique régulier).
Utilise le renouvellement pour relancer la discussion.
Adresse aux psychiatres, à l’hôpital si crise aiguë.
Le choix est orienté par le patient (mais note la difficulté d’accès aux psychiatres).
Ne pratique pas : par manque de temps (mais possibilité d’intégration dans l’emploi du
temps), manque de formation, manque d’intérêt.
N’a été formé à aucune technique.
N’a fait aucun travail personnel.
N’a pas d’avis sur l’intérêt d’un travail personnel pour cette prise en charge.
Rôle du généraliste :
Atouts : possibilité de dépistage précoce, grande confiance de nos patients.
« Les gens viennent avec une lombalgie ou autre chose et on va pouvoir dépister une
souffrance psychique derrière. »
Inconvénients : absence de formation véritable.
« On fait beaucoup de choses que l’on ne nous a pas appris à la faculté. »
Idée personnelle :
Confort du médecin de se débarrasser des domaines difficiles (gynécologie, psychiatrie).
« Faut-il différencier ou non physique et psychique ? Est-ce notre rôle ? »
Méthode :
Dit pratiquer partiellement la psychothérapie de soutien telle que définie : pas de buts établis,
pas de technique spécifique.
Dit pratiquer dans le cadre d’une consultation habituelle de MG, uniquement avec des adultes,
pas de pathologies graves telles que les psychoses, avec un but de guérison ou d’accompagnement, par
des méthodes d’empathie, de reformulation.
Dit ne pas suivre de personnes proches (familles, amis).
PROFIL 3
Homme ,54 ans,
26 ans d’installation, seul, en milieu rural.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, sans référence à une thérapie particulière, sans imposer de
rendez-vous.
N’a pas été formé à une technique.
A effectué un travail personnel : a fait une psychanalyse.
« J’ai une structure qui est plutôt freudienne dans sa pensée, plus exactement lacanienne. »
Dit pratiquer la psychothérapie telle que définie, car fait partie de la relation normale du
soutien psychologique chez tous les MG.
« [Au sujet de la définition de la psychothérapie de soutien] mais ne s’adresse qu’à une partie de ma
patientelle, car il faut pouvoir verbaliser. »
Rôle du généraliste :
Atouts : tissu social parfaitement connu « je sais comment çà fonctionne, l’entourage »,
autorité morale du MG, connaissance des conditions matérielles des patients.
Idée personnelle :
« Moi, je ne fais pas de thérapie familiale. »
« Les problèmes socio économiques sont devenus de plus en plus importants et les problèmes
de couple aussi. Il ne se passe pas une semaine sans que j’aie un couple qui vienne me voir pour des
problèmes. »
Méthode :
Echange en face à face, surtout avec des femmes souffrant de conjugopathies, venant d’un
milieu social très variable.
Oriente vers psychologue ou vers psychiatre de secteur.
« Les psychiatres en ville sont saturés et les délais d’attente sont trop importants. »
PROFIL 4
Homme, 55 ans,
26 ans d’installation, en groupe, en milieu semi-urbain.
Dit :
Dit pratiquer une psychothérapie, sans entretien spécifique, mais utilise le prétexte d’une
consultation pour relancer la discussion. « Je le fais [suivi psychothérapeutique], mais ce n’est pas
suivi systématiquement … tous les mois, … »
Adresse ses patients au psychiatre, et parfois à l’hôpital (pas au psychologue pour raisons
financières).
Le choix se fait selon le désir du patient, selon ses moyens financiers.
Ne pratique pas : par manque de temps.
« Mais je suis très intéressé par la psy » « Moi, çà m’intéresse, mais il y a un manque de
temps. »
N’a été formé à aucune technique « J’ai tout à fait conscience du transfert ».
N’a fait aucun travail personnel.
Pense qu’il y a plus ou moins d’intérêt à avoir fait un travail personnel pour une telle prise en
charge. « Il y a le feeling (au sujet du travail personnel du médecin). »
Rôle du généraliste :
« Oui oui, il y a des atouts, enfin… .il y a des inconvénients aussi.»
Atouts : médecin de famille qui connait leur histoire, relation de confiance, les patients se
confient facilement.
Inconvénients : c’est le temps.
Méthode :
« c’est pas à la maison, c’est ici (en parlant du cabinet)… c’est un échange … , j’essaye de
trouver l’origine… , j’essaye de remotiver… , il y a une relation avec un échange, enfin c’est pas
vraiment un échange, c’est une mise en confiance… , j’essaye de trouver ce qui coince… , c’est à peu
près tout et puis un encouragement… , et puis on se revoit, on voit si on a progressé… »
« Je n’ai pas vraiment de méthode, c’est ma méthode, mais çà ne rentre pas dans le cadre
d’une école. »
« Le suivi régulier imposé, niet, je ne peux pas [… ] on fait des petits buts, mais c’est flou … »
« C’est pas mon approche … ».
PROFIL 5
Femme, 35 ans,
7 ans d’installation, en groupe, en milieu urbain.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, reçoit des patients en entretien spécifique sans autre prescription
qu’elle-même.
Fait référence à la psychothérapie de soutien.
« Le patient choisit la fréquence de ses rendez-vous et il sait qu’il peut y mettre fin quand il le
souhaite… j’indique le nom du patient à la secrétaire qui bloque 1 heure. »
S’adresse à un niveau socio-économique élevé, chez des patients de plus de 30 ans.
Avec l’expérience, a réduit son panel, par manque de temps, prise en charge consommatrice
d’énergie, ressent ses compétences limitées.
Adresse ses patients au psychiatre (pas au psychologue pour raisons financières).
A été formé au TACT (Technique et Application de la Communication à la Thérapie) et
possède des connaissances de base freudienne.
Pense qu’il faut avoir fait un travail personnel pour une telle prise en charge.
A fait une thérapie familiale.
Dit pratiquer la psychothérapie telle que définie, sauf pour les entretiens imposés.
Rôle du généraliste :
Atouts : rapide, facile d’accès, « ne porte pas le nom de psy ».
Inconvénients : prend trop de temps.
Méthode :
Entretien en face à face avec parole libre, dans un cadre libre, s’adressant à des adultes réflexifs,
sans but fixé hormis le mieux être, thérapie limitée par la compétence.
PROFIL 6
Homme, 59 ans,
33 ans d’installation, en groupe, en milieu semi-rural.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, en entretien spécifique.
Ne fait référence à aucune technique particulière.
N’a été formé à aucune technique.
Ne pratique pas la psychothérapie telle que définie par manque de formation.
Le panel des patients s’est élargi avec l’expérience et une meilleure connaissance des patients.
Adresse aux psychiatres (en 2) et aux psychologues (en 1) (délai plus rapide, pas de problème
d’argent particulier).
Rôle du généraliste :
Atouts : bonne connaissance de ses patients, la proximité avec eux.
Inconvénients : trop bonne connaissance de ses patients.
« Le fait de connaitre ses patients c’est bien, mais c’est aussi un inconvénient car on rentre
dans l’intime des gens, l’intimité des familles et certains se mettent à parler, parler, parler et ils ont
l’impression d’en dire trop, dans les histoires de couples, les histoires de familles et on ne les revoit
pas. »
Idée personnelle :
N’a effectué aucun travail personnel.
Pense qu’il faille avoir fait un travail pour une bonne prise en charge.
« Le médecin de famille fait partie de la vie des gens. »
Méthode :
Il s’agit de rencontres organisées non formalisées, orientées vers un objectif.
S’adresse à tout âge, aux pathologies relativement légères (pas de psychotique), à une
population « cortiquée ».
« Moi, je pense que je fais de l’accompagnement plutôt qu’une vraie psychothérapie. »
PROFIL 7
Homme, 55 ans,
26 ans d’installation, seul, en milieu urbain.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie.
Mais sans entretien spécifique.
Utilise le motif d’une consultation pour relancer la discussion.
Adresse au psychiatre surtout, rarement au psychologue, quelquefois à l’hôpital ; selon le
choix du patient, ses moyens financiers, sa pathologie, et les relations du médecin.
Ne pratique pas : par manque de formation et par difficulté à intégrer cette prise en charge
dans une consultation de MG.
Rôle du généraliste :
Inconvénients : manque de temps.
Atouts : bonne connaissance de ses patients.
Idée personnelle :
A reçu une formation de 2 jours sur la psychothérapie comportementale.
N’appartient à aucune école.
N’a effectué aucun travail personnel.
Ne pense pas qu’il soit nécessaire d’en effectuer pour une bonne prise en charge.
Méthode :
S’adresse plutôt à des femmes, souffrant de pathologies de dépression, recherchant la cause si
elle est connue mais qu’elle n’existe plus. Si étiologie ancienne, psychothérapie comportementale avec
le psychiatre et aide médicamenteuse.
« Je ne sais pas si le patient sent le médecin bon pour l’aider. »
PROFIL 8
Homme, 61ans,
29 ans d’installation, en groupe, en milieu urbain
.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, sans entretien spécifique.
« [Au sujet de la pratique de la psychothérapie] Je pense que oui, mais ce n’est pas de
manière scientifique. »
Utilise une consultation pour relancer la discussion.
Adresse au psychiatre et à l’hôpital (antenne psychiatrique), psychologues « des fois oui, mais
problème du remboursement ».
Le choix se fait par choix du patient, moyen financier et pathologie du patient.
Ne pratique pas par manque de temps, de formation et difficulté d’intégrer cette pratique en
médecine générale.
N’a été formé à aucune technique.
Pense qu’il faille avoir fait un travail personnel, mais n’en a pas fait.
Rôle du généraliste :
Atouts : meilleure connaissance de la somatisation.
Inconvénients : pas d’inconvénient.
Idée personnelle :
« J’ai un parcours particulier… , j’ai recommencé médecine à l’âge de 26 ans, j’ai fait une
fac de psycho en même temps, je n’ai pas de diplôme… , j’ai fait çà pour m’amuser… »
« La relation médecin-malade est importante … on fait de la psychothérapie mais sans avoir
une science de la psychothérapie. »
« Je ne fais pas de la psychothérapie pure. »
« Cà, c’est notre métier, la prise en compte du transfert. »
« Si on ne s’occupe pas du psychisme du patient, on s’est trompé de métier. »
Méthode :
Pense pratiquer la psychothérapie de soutien telle que définie « mais sans la théorie des
psychiatres ».
« Je fais un peu de psychothérapie dans toutes mes consultations, je reste médecin
généraliste ».
PROFIL 9
Homme, 54 ans ?
25 ans d’installation, seul, en milieu urbain.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, avec des entretiens spécifiques, sans technique spécifique, « au
feeling », entretiens directifs.
« C’est souvent un circuit très médicamenteux. »
S’adresse surtout aux adultes et principalement aux femmes.
N’a pas modifié son panel depuis l’installation.
Si besoin, adresse au psychiatre (pour les adultes), psychologue « cela vient d’eux » ou au
Centre Médico Psychologique (enfant et ado).
N’a été formé à aucune technique, pense avoir été formé par la lecture de romans classiques
(type Balzac) « En principe les écrivains sont bons observateurs ».
Pense qu’il est souhaitable d’avoir fait un travail personnel pour prendre en charge, mais n’en
a fait aucun.
«Soit il y en a qui ont un certain don… , qui va surtout être un don d’écoute, et puis d’autres
pas… , avec un travail personnel çà doit être encore mieux»
Ne pratique pas la psychothérapie de soutien telle que définie.
Rôle du généraliste :
Inconvénients : manque de temps, fatigue psychologique, absence de cotation de l’acte psy,
absence de formation spécifique, sensation d’inutilité.
« [Au sujet d’entretiens répétés] la tarification rendrait rapidement cela imbuvable. »
Avantage : sensation d’avoir soulagé un moment, satisfaction d’une curiosité, préhension plus
globale du patient, tient compte des autres traitements.
Idée personnelle : « Les hommes, la plupart du temps, ils ne parlent pas, il n’y a rien à en tirer. »
Méthode :
Pas de cadre défini : consultation à la demande, en face à face, interventionniste « vous devriez
faire ceci ou vous devriez faire cela ».
Evite une médication au long cours si action psychothérapeutique suffisante.
Se dit limité par l’auto-formation.
« Je lis des articles médicaux sur la prise en charge des ados ou des gens en difficulté, mais
rapidement, je préfère un bon truc sur l’hypertension… , des trucs simples quoi… , enfin nets. »
PROFIL 10
Femme, 50 ans,
20 ans d’installation, seule (en cabinet secondaire), en milieu rural.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, en entretien spécifique, sans référence spécifique.
Surtout du dialogue.
Prévoit des RDV plus long en dehors des RDV habituels.
S’adresse aux jeunes adultes, actifs professionnels, a élargi son panel.
Adresse si besoin à des psychothérapeutes : sophrologues, psychiatres…
N’a été formé à aucune technique, ne pense pas qu’il faille avoir fait un travail personnel pour
cette prise en charge « c’est inné ou pas », n’a fait aucun travail personnel.
Pratique la psychothérapie de soutien telle que définie.
Rôle du généraliste :
Atouts : le médecin généraliste est le médecin qui connait le mieux son patient. « Le médecin
traitant est avant tout un médecin de famille qui est à l’écoute ».
Inconvénients : difficulté de prise en charge de problèmes de couple, lorsque l’on suit les
deux. « A trop connaître son patient, le dialogue n’est pas évident à lancer ».
Idée personnelle :
« De nos jours, population de mal-être de par la conjoncture actuelle. »
«J’établis un dialogue de confiance, les buts ne sont pas établis quand je commence, mais au
fur et à mesure j’arrive avec eux à aller vers ce qui leur pose problème, çà ne marche pas pour tout le
monde. »
Méthode :
« Vous faites bien d’enregistrer, je n’ai pas envie d’écrire du tout. »
« J’ai le droit de ne pas écrire. »
PROFIL 11
Femme, 37 ans,
4 ans d’installation, en groupe, en milieu semi-rural.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, avec entretien spécifique, sans référence à une technique
particulière. « Çà prend beaucoup de temps, beaucoup d’énergie ».
S’adresse à des patients 35-45 ans, d’un niveau culturel satisfaisant, présentant une anxiété ou
dépression ; le profil ne s’étant pas modifié au cours des années.
Adresse aux psychiatres +++/ aux psychologues++/ sophrologue/ shiatsu.
N’a été formé à aucune technique, pense qu’il faille avoir fait un travail personnel pour une
telle prise en charge « un groupe Balint, on m’en a parlé… mais j’ai un peu peur d’y aller ».
A été suivi en psychothérapie.
Pratique la psychothérapie de soutien telle que définie.
Rôle du généraliste :
Atouts : connaissance du milieu familial.
Inconvénients : connaissance des conjoints lors de conjugopathies.
Idée personnelle :
« Je pense qu’il faudrait former les médecins, mais les formations qu’on propose ne sont pas
adaptées, dans un amphi par exemple,… »
« On se fait manipuler par les familles. »
Méthode :
Reconvoque à un mois pour un entretien 45 min.
« C’est fatigant, on n’en sort pas indemne de cette écoute. »
« [Au sujet de transfert et de sa prise de conscience] c’est pas facile, çà bouscule notre propre
transfert ».
PROFIL 12
Femme, 36 ans,
5 ans d’installation, en groupe, en milieu semi-rural.
Dit :
Ne pas pratiquer de psychothérapie, « C’est plutôt une simple écoute » mais réalise des
entretiens dirigés en face à face, répondant à la définition de la psychothérapie de soutien. « On en fait
en parallèle des souffrance physiques ».
Adresse aux psychiatres++, aux psychologues +.
« Cà dépend des moyens de la personne … et celle du CMP s’il y a un créneau, mais là ce
n’est pas très facile», sophrologue, homéopathe, hôpital s’il y a un risque suicidaire.
Choix orienté par patient, pathologie, moyen financier et relation professionnelle.
Manque du temps, manque de formation, difficulté d’intégrer cette prise en charge en
médecine générale.
Pense qu’il faille avoir fait un travail personnel « oui çà nous renvoie forcement à notre
propre histoire, il vaut mieux la connaître », mais n’en a fait aucun « çà viendra certainement un
jour ».
N’a été formé à aucune technique.
Rôle du généraliste :
Atouts : bonne connaissance du patient, du milieu professionnel ou familial, des histoires
familiales ou amicales, confiance immédiate du patient.
Inconvénients : « c’est plus mes limites à moi ».
« Quand le patient a commencé un travail avec son médecin généraliste et qu’il vous dit : je
me sens bien avec vous docteur je n’ai pas envie d’aller voir quelqu’un d’autres, ce n’ai pas facile de
l’adresser », trop de connaissance, problème du suivi du couple dans une conjugopathie.
Idée personnelle :
« Çà m’arrive de faire ce suivi là au départ, et parfois c’est suffisant, je n’envoie pas
forcement mon patient… Si çà doit être relativement long, je passe la main, ou si j’ai l’impression de
ne pas avancer, de ne pas pouvoir aller aussi loin, de faire des bourdes… »
Méthode :
Entretien semi-directif, tous les 7 à 15 jours, pour dépression, addiction.
S’adresse à des adultes de tout âge, en situation de crise, se sert de l’arrêt de travail pour faire
revenir son patient.
Limitée par manque de formation « ce n’est pas les quelques heures de psychologie que l’on a
eu qui sont très formatrices », peur de faire une erreur, absence de progression du patient.
« Je mène des entretiens réguliers quand il y en a besoin, quand je vois qu’il faut aller plus
loin, je passe la main. »
«Ce n’est pas très structuré ce que je fais,… n’ayant pas été formée… , c’est assez intuitif… »
« Les buts vont être une meilleure adhésion au traitement, leur redonner confiance en eux,
essayer de retrouver des liens entre leur façon de penser et leur vécu, trouver des parallèles entre
leur souffrance et leur vécu, … »
« [Prise en compte du transfert] je ne suis pas sûr de maitriser çà… »
PROFIL13
Homme, 50 ans,
10 ans d’installation, en groupe, en milieu urbain.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie mais dans le cadre de suivi thérapeutique, faisant référence à la
psychothérapie de soutien.
S’adresse aux dépressifs, toxicomanes.
Sinon adresse à un psychiatre. « Je l’adresse au psychiatre, il y en a peu, et ils [les patients]
ont plus confiance en nous, car pour eux les psy c’est pour les fous ».
N’a été formé à aucune technique, dit s’auto-former sur le terrain.
Ne pense pas qu’il faille avoir fait un travail personnel.
Rôle du généraliste :
Atouts : meilleure connaissance de l’individu, connaissance du milieu familial.
Inconvénients : non coté « si c’était vraiment officialisé çà serait mieux ».
Méthode :
« Le suivi est selon le patient, s’il va bien, tous les mois ou tous les deux mois, s’il ne va pas
bien, c’est lui qui voit. »
« En fait, le médecin généraliste, il englobe tout, la thérapeutique, le comportementalisme, et
l’étude de la personnalité. »
PROFIL 14
Homme, 37 ans,
7 ans d’installation, en groupe, en milieu urbain.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, avec entretien spécifique.
Ne fait référence à aucune thérapie particulière.
N’a été formé à aucune technique, a reçu un cours de psychologie à la faculté.
Suit des FMC sur la relation médecin/malade.
Ne pense pas qu’il faille avoir fait un travail personnel pour cette prise en charge.
« La médecine générale, c’est connaitre ses limites, il ne faut pas non plus en faire quand on
ne connait pas bien les choses. »
Rôle du généraliste :
N’a pas compris la notion de transfert.
Avantages : bonne connaissance du patient, de son histoire.
Inconvénients : manque de temps, pas de cotation.
Idée personnelle :
« J’essaie de faire que mes patients aillent mieux, qu’ils disent des choses qu’ils n’ont jamais
dites, si j’ai fait çà je suis content de mon travail ».
Méthode :
En face à face, avec un entretien prévu à cet effet, basé sur l’écoute, sans intervenir.
Surtout patient jeune (25 à 40 ans), souffrant de difficultés professionnelles ou de problèmes
de couple, et quelques patients âgés (aide à la prise en charge d’une pathologie chronique).
A réduit son panel par manque de temps.
Adresse à des psychologues, ou des psychothérapeutes psychologues.
« Actuellement j’ai un patient que je vois toutes les semaines, car il va se faire opérer d’un
adénome de prostate. Il n’a jamais été malade et c’est sa première maladie. En plus il a fait une
rétention aiguë d’urine, donc il a une sonde à demeure en attendant l’opération. Il vit çà comme
quelque chose de très déstabilisant. »
« [Au sujet de la définition de la psychothérapie de soutien] je pense que je le fais sans
vraiment le nommer, pas forcement dans un cadre aussi défini, on utilise ces techniques dans la
consultation habituelle de médecine générale. »
PROFIL 15
Femme, 47 ans,
17 ans d’installation, en groupe, en milieu rural.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, mais sans entretien spécifique.
Utilise une nouvelle consultation pour relancer la discussion.
Adresse au psychiatre, ou à l’hôpital, n’adresse pas au psychologue car ne connait pas sa
formation ni son travail. (Ne fait pas la différence entre psychologue et psychothérapeute)
L’orientation se fait selon le choix du patient, ses moyens financiers, sa pathologie, et les
relations professionnelles du médecin.
Ne pratique pas d’entretien par manque de temps et de formation.
N’a été formé à aucune technique, ne pense pas qu’il faille avoir fait un travail personnel, n’en
a pas fait.
Rôle du généraliste :
« J’écoute, j’essaie de comprendre dans la mesure du possible, je pense avoir de l’empathie,
j’essaie de proposer des choses, sans être directive »
« Parfois on a l’impression que çà n’avance pas, je sens les limites et ce genre de patient
refusera d’aller consulter un spécialiste »
Avantages : bonne connaissance du patient, de la famille, le vécu.
Inconvénients : trop bonne connaissance ou lien trop important pouvant gêner le patient pour
se livrer, manque de temps.
Méthode :
S’adresse à des patients avec un bon niveau de verbalisation.
Utilise les techniques de la psychothérapie de soutien telle que défini mais sans cadre,
uniquement dans la consultation habituelle.
Laisse libre choix au patient de reconsulter, mais ne prévoit pas de temps supplémentaire.
« S’ils ne sont pas capables de faire la démarche, je leur fixe un rendez-vous, mais je
considère qu’ils doivent s’impliquer, on ne peut pas tout faire à leur place. »
PROFIL 16
Homme, 43 ans,
14 ans d’installation, seul, en milieu semi rural.
Dit :
Ne pas pratiquer de psychothérapie, car selon lui, le travail qu’il effectue avec ses patients ne
peut être nommé psychothérapie.
Adresse au psychologue ou à l’hôpital, pas au psychiatre car difficulté d’accès.
L’orientation se fait selon le choix du patient, ses moyens financiers, sa pathologie et les
relations du médecin.
Ne pratique pas par manque de formation, manque de temps et difficulté d’intégrer cette prise
en charge dans une consultation de MG.
N’a été formé à aucune technique, pense qu’il faille avoir fait un travail personnel pour une
prise en charge, a effectué une psychanalyse.
Rôle du généraliste :
Pense qu’il n’y a pas d’inconvénients si le MG est bien formé.
Idée personnelle :
« Je pense qu’il y a beaucoup de médecins qui font de la psychothérapie et qu’il y a des
catastrophes,… ils passent complètement à coté de leur boulot de médecin généraliste. »
PROFIL 17
Femme, 51 ans,
20 ans d’installation, en groupe, en milieu semi-rural.
Dit :
Pratiquer une psychothérapie, en entretiens réguliers.
Fait référence aux thérapies Cognitivo-Comportementales, à la psychothérapie de soutien.
N’a été formée à aucune technique, pense qu’il faille avoir fait un travail personnel pour une
bonne prise en charge, a été suivie personnellement en psychothérapie.
Adresse à l’hôpital si urgence, au psychiatre, parfois au psychothérapeute (selon les moyens),
parfois le CECAT, mais souci de délai d’accès.
Pratique la psychothérapie de soutien telle que définie, mais prend systématiquement la
tension.
« On en fait tous les jours, sans le savoir, de la psychothérapie de soutien. »
Rôle du généraliste :
Inconvénients : manque de temps, pas de rémunération adaptée.
Atouts : intéressant, sorte de récréation.
Idée personnelle :
« Je ne suis pas attentiste, je ne suis pas neutre, je trouve que c’est extrêmement dur pour les
patients d’avoir à faire à quelqu’un qui est comme çà, qui ne bouge pas, qui ne dit rien. [… ] ce n’est
pas très constructif. »
« Je fais une psychothérapie intuitive, car je connais les gens depuis très longtemps
maintenant. »
« Les gens avec qui je peux faire une psychothérapie, c’est des gens que je connais bien, qui
sont à l’aise avec moi, qui me racontent pleins de trucs. Ils savent que je connais tout leur passé. »
Méthode :
Consultation à la demande du patient sans rendez-vous imposés, durant 1h, en face à face,
dans des entretiens spécifiques, sans but déterminé.
S’adresse à des adultes, rarement à des enfants (selon relation avec les parents).
S’adresse aux patients souffrant d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel, d’une crise de
panique ou en fin de vie.
Souvent dans l’attente d’une consultation du spécialiste.
A élargi son panel, par prise de temps, dû à la diminution de l’activité.
PROFIL 18
Homme, 57ans, psychiatre, ayant pratiqué en médecine générale,
16 ans d’installation, en groupe, en milieu rural.
Aujourd’hui psychiatre libéral.
Dit :
Avoir pris en charge en psychothérapie et leur avoir proposé des entretiens spécifiques de 30
minutes 1fois par semaine si PIP (psychothérapie d’inspiration psychanalytique), moins fréquemment
si psychothérapie de soutien.
Faisait référence aux psychothérapies d’inspiration psychanalytique (formation de psychiatre)
et « bidouillages » comme tous les thérapeutes.
S’adressait à tous pour la psychothérapie de soutien, surtout des femmes pour les PIP.
Prenait en charge toutes les pathologies psychiatriques de par sa formation de psychiatre.
Son panel ne s’est pas modifié durant les 16 ans.
Rôle du généraliste :
Atouts : proximité du médecin généraliste vis-à-vis des patients, connaissance intime.
Inconvénients : exigence de temps, absence de tarification, neutralité plus difficile.
Idée personnelle :
« Le recrutement de ma patientelle était pipé, des patients venaient car ils savaient que j’étais
psychiatre. »
Méthode :
A été formé, car psychiatre de formation, école lacanienne.
A fait une psychanalyse.
Pratiquait la psychothérapie de soutien telle que définie.
4
Analyse des résultats
Les questionnaires ont été remplis de façon très disparate, expliquant la différence de
consistance des fiches présentées. Les généralistes ont répondu selon leur intérêt pour
le sujet, selon le temps qu’ils avaient prévu pour l’entretien, selon l’envie d’échanger
verbalement sur le questionnaire et selon leur envie d’écrire.
Aucun des médecins n’a exprimé son regret de nous avoir reçus, et tous ont montré un
intérêt pour notre sujet, suggérant ainsi le bien fondé de notre questionnement.
En reprenant les entretiens, le premier point à retenir est que les médecins généralistes
déclarent pratiquer une psychothérapie, dans leur grande majorité. Notre faible
échantillon ne nous permet pas de tirer des conclusions globales sur la pratique
médicale, mais il est important de voir que seize médecins sur dix-huit sont concernés
par le sujet.
Avant d’analyser plus loin les différents entretiens, il nous faut parler des deux
médecins s’étant présentés comme ne pratiquant pas de psychothérapie. Il s’agit là de
deux situations très différentes.
Le premier profil, un homme, semblait méconnaitre les effets psychothérapeutiques
induits par sa consultation. Il ne voyait pas les effets de son travail de généraliste sur la
souffrance psychique du patient.
« Moi, je ne fais pas de psy… , je préfère faire de la médecine… »
Il s’agissait d’un médecin peu intéressé par la psychothérapie, voire pas du tout et qui
préférait confier ses patients à une spécialiste de l’écoute. Il travaille d’ailleurs avec
une psychologue installée à proximité de son cabinet.
« Les patients ne viennent pas me voir pour ce genre de chose »
Sa pratique pourtant ne différait pas de celle de ses confrères, mais l’image qu’il avait
de la psychiatrie et de la psychothérapie était assez négative. En cela, il ne pouvait
prétendre à une pratique psychothérapeutique.
« Le traitement médical est plus efficace que le traitement psy… ».
Le second profil ayant exprimé le fait de ne pas faire de psychothérapie, était à
l’inverse du précédent, un homme ayant bénéficié d’une psychanalyse et bien
conscient de ce qu’était ou pouvait être une psychothérapie. Il reconnaissait les effets
de sa consultation sur la souffrance psychique de ses patients mais se refusait de les
nommer psychothérapie.
« J’ai des confrères qui veulent tout psychanalyser … , ils passent
complètement à coté de leur boulot de médecin… et on aboutit à des catastrophes »
« Souvent une angine, c’est qu’une angine et il n’y a rien derrière… »
Là encore, sa pratique quotidienne de la médecine générale n’était pas différente de
celle des autres médecins généralistes. Il semblait juste être plus réservé sur la
dénomination de sa pratique.
« Oui, bien sûr, je les écoute, mais c’est pas une psychothérapie… »
En dehors de ces deux médecins, tous les autres ont déclaré pratiquer une
psychothérapie avec leurs patients.
Nous avons donc là un élément fondamental justifiant de l’intérêt de notre travail,
mais derrière ce vocabulaire commun nous avons retrouvé des pratiques différentes.
La majorité des médecins (10 sur 16) reçoit les patients en consultations uniquement
consacrées au problème psychique, appelées entretiens spécifiques, avec des
fréquences variables.
« Le patient choisit la fréquence de ses rendez-vous, et il sait qu’il peut y
mettre fin quand il veut… »
« Je mène des entretiens réguliers quand il y en a besoin »
« Le suivi est selon le patient, s’il va bien, tous les mois ou tous les deux mois »
«S’ils ne sont pas capables de faire la démarche, je leur fixe un rendezvous… »
« Le suivi régulier imposé, niet, je n’en veux pas… »
Un élément mis en évidence par cette étude est la prévalence des médecins femmes à
faire appel aux entretiens spécifiques (5 femmes sur les 6) pour cette prise en charge
alors que les hommes le font nettement moins (5 sur 10).
Peut-on en conclure que les femmes médecins sont moins gênées pour proposer un
travail psychique à leurs patients ?
Nous avons vu dans nos recherches théoriques que la personnalité du thérapeute
entrait en jeu dans la relation psychothérapeutique. Le genre du médecin ne pourrait-il
pas alors jouer un rôle dans sa décision de pratiquer ou non des entretiens
psychothérapeutiques ?
En ce qui concerne les méthodes utilisées pour cette prise en charge
psychothérapeutique, on retrouve celles proposées dans le questionnaire qui présente
les techniques de la psychothérapie de soutien. Même si les médecins disent ne pas
faire de psychothérapie en entretien spécifique, ils utilisent en grande partie ces
techniques.
« … j’essaye de trouver l’origine… j’essaye de les remotiver… c’est une mise
en confiance,… et puis un encouragement… »
Un autre élément nous est apparu au cours des entretiens, c’est l’absence de but
déterminé à l’avance dans la prise en charge d’une souffrance. Les généralistes
préfèrent laisser évoluer leur patient et les accompagner sans leur fixer un objectif.
Cela semble moins contraignant pour les deux protagonistes.
Pour ceux qui fixent des buts, cela semble favoriser la compliance au traitement
allopathique et psychothérapeutique.
« Les buts vont être une meilleure adhésion au traitement, leur redonner
confiance en eux… »
Tous les médecins interrogés décrivent leur action de soutien et d’écoute à chaque
consultation. On sort ici de la définition de la psychothérapie de soutien, mais on est
en pleine « psychothérapie spécifique » du médecin généraliste où l’intervention
psychothérapeutique est permanente.
« C’est plutôt une simple écoute, on en fait en parallèle de la souffrance
physique. »
« J’écoute, j’essaye de comprendre dans la mesure du possible, je pense avoir
de l’empathie… »
« Moi, je pense que je fais de l’accompagnement plutôt qu’une vraie
psychothérapie. » [Ce médecin pratique pourtant des entretiens spécifiques]
« Je fais un peu de psychothérapie dans toutes mes consultations, je reste
médecin généraliste. »
« J’établis un dialogue de confiance, les buts ne sont pas établis quand je
commence… »
« Le médecin traitant est avant tout un médecin de famille qui est à l’écoute. »
Un terme de notre définition a semblé poser problème à certains médecins, il s’agit du
transfert. Nous pensons que sa connotation psychanalytique fait peur, alors que les
médecins qui maitrîsent ce terme sont beaucoup plus à l’aise dans leur relation avec
leur patient et surtout conscients de ce qui s’y joue.
« [Au sujet du transfert] je ne suis pas sûre de maitriser çà »
« Je ne comprends pas le transfert, c’est quoi ? »
« J’ai tout à fait conscience du transfert »
« Çà, c’est notre métier, la prise en compte du transfert »
« [Au sujet du transfert et de sa prise de conscience] c’est pas facile, çà
bouscule notre propre transfert. »
Ce qui est remarquable dans les déclarations des médecins sur le plan du vocabulaire
des techniques, c’est qu’ils ne sont gênés que par les termes qui possèdent une réelle
définition, alors que les techniques comme reformulation, renarcissisation ne
bénéficiant pas encore de définitions écrites sont parfaitement comprises et maîtrisées.
Les médecins se sont ensuite exprimés sur les inconvénients et les avantages du cadre
de la consultation de médecine générale dans la prise en charge de la souffrance
psychique.
La première doléance exprimée, que ce soit par les médecins proposant des
consultations spécifiques ou par ceux prenant en charge cette souffrance durant leurs
consultations habituelles, c’est le manque de temps.
« Moi, la psy çà m’intéresse, mais il y a un manque de temps. »
Tous reconnaissent que cette prise en charge est difficile à gérer vu les conditions de
travail qu’ils doivent supporter. Le temps dégagé tient surtout du choix du médecin et
de son plaisir à pratiquer cette « psychothérapie ».
« C’est une récréation. »
« Je suis très intéressé par la psy… »
Les autres reproches sont d’ordres divers.
Nous avons rencontré des médecins conscients de leur manque de formation malgré
leur pratique satisfaisante et demandeurs de formations adaptées.
« [Au sujet de la psychothérapie] oui, je pense que j’en fais, mais pas de
manière scientifique… »
« Je pense qu’il faudrait former les médecins, mais les formations qu’on
propose ne sont pas adaptées, en amphi par exemple… »
« Ce n’est pas les quelques heures de psychologie que l’on a eues qui sont très
formatrices… »
Tous, quel que soit leur âge, leur parcours, reconnaissent faire quelque chose, dont ils
ont du mal à donner une définition, probablement par modestie.
« Je fais une psychothérapie intuitive… »
« Je pense que je le fais [psychothérapie de soutien] sans vraiment le
nommer… »
« Ce n’est pas très structuré ce que je fais, … , c’est assez intuitif »
« On fait de la psychothérapie sans avoir une science de la psychothérapie »
« Je pratique au feeling »
« Je n’ai pas vraiment de méthode, c’est ma méthode, mais çà ne rentre pas
dans le cadre d’une école »
Certains médecins m’ont parlé d’un « don » particulier pour l’écoute et la prise en
charge psychique, que l’on pourrait probablement rattacher à la personnalité du
médecin, critère déterminant de la psychothérapie.
Nous avons aussi été confrontés à l’expression de la difficulté liée à l’énergie
nécessaire pour cette prise en charge et à la fatigue que cela pouvait entraîner. La
supervision ou les groupes Balint [39] pourraient permettre aux généralistes de gérer
ces situations difficiles et émotionnellement éprouvantes.
«Ça prend beaucoup de temps, beaucoup d’énergie »
« C’est fatigant, on n’en sort pas indemne de cette écoute »
Un argument d’ordre financier a été émis : l’absence de cotation pour les actes de
psychothérapie. Cette cotation existe à l’étranger, mais n’est pas faite en France, et
cela limite certains médecins dans leur pratique.
« La tarification (ou le manque de tarification) rendrait cela vite imbuvable [au
sujet des entretiens répétés] »
« Si c’était vraiment officialisé, ce serait mieux »
La dernière plainte évoquée par un petit nombre est retrouvée dans les avantages ainsi
que dans les inconvénients. Le fait de très bien connaître ses patients, leur famille,
leurs conditions de travail pour certains, leur secret familial pour d’autres, était vécu
pour un petit nombre de médecins comme un inconvénient.
« Le fait de bien connaître ses patients c’est bien, mais c’est aussi un
inconvénient [… ] ils se mettent à parler… et ils ont l’impression d’en dire trop… »
« A trop connaître son patient, le dialogue n’est pas évident à lancer. »
La majorité des médecins rencontrés relevait le fait de très bien connaître leur patient,
leur histoire, comme un avantage à la prise en charge de la souffrance psychique et à
l’établissement du dialogue.
Cette connaissance sur le long terme, établie sur une relation de confiance, était
déclarée comme facilitatrice pour beaucoup d’entre eux.
« Le médecin généraliste est le médecin qui connaît le mieux le patient. »
« Les gens avec qui je fais une psychothérapie, c’est des gens que je connais
bien, qui sont à l’aise avec moi, qui me racontent plein de trucs. Ils savent que je
connais tout leur passé. »
Un autre avantage de cette prise en charge pour les patients, selon les généralistes,
c’est qu’ils ne portent pas le nom de « psy ».
« Je les adresse au psychiatre, [… ] ils ont plus confiance en nous, car pour eux
les psys, c’est pour les fous… »
« Je ne porte pas le nom de psy »
Un autre élément nous est apparu, ce sont des patientes très majoritairement et non des
patients, qui bénéficient d’une prise en charge psychothérapeutique.
« Les mecs, ils causent pas de toute façon… »
« J’ai de plus en plus de femmes qui viennent me voir pour des
conjugopathies… »
Plusieurs explications qui ne sont pas forcement d’ordre médical, peuvent être
apportées à cette situation, argumentation retrouvée dans nos entretiens et complétée
par nos connaissances sociologiques.
Dans un premier temps, les médecins nous ont rapporté l’information suivante : la
dégradation de la situation socio-économique de leurs patients entraînait une
augmentation des plaintes lors des consultations et nous savons que la paupérisation
touche en priorité les femmes.
« Les problèmes économiques sont de plus en plus importants. »
« On a une population de mal-être de par la conjoncture. »
De plus, la souffrance liée à une situation familiale difficile était pourvoyeuse de
consultations et particulièrement les difficultés liées aux enfants. Même si les
conditions familiales évoluent, ce sont encore majoritairement les femmes qui
s’occupent des enfants12. Et dans le cas des familles monoparentales, il s’agit très
majoritairement d’une cellule maternelle13.
« Il ne se passe pas une semaine sans que j’aie un couple qui vienne me voir
pour des problèmes ».
Nous avons là deux éléments majeurs des causes de souffrance touchant
principalement les femmes, expliquant peut-être la prévalence de consultation
féminine.
D’autres éléments connus au sujet de la population féminine, comme un suivi médical
plus important, une fréquentation des cabinets médicaux plus marquée pour elle-même
ou pour d’autres tels que leurs enfants ou leurs parents, font que les femmes sont
amenées à être plus en contact avec le médecin.
Cette situation explique peut-être aussi la facilité d’accès au médecin. Cela
nécessiterait une étude approfondie des motifs de consultations en fonction du sexe du
patient.
12
13
Selon l’INSEE, enquête emploi du temps 1998-1999
Selon l’INSEE en 2005, dans 85% des familles monoparentales, le parent restant est la mère.
Durant ces entretiens et leur analyse, il n’a pas été retrouvé de différence notable de
pratique entre les médecins établis en ville et ceux installés en zone rurale ainsi que de
différence entre les médecins exerçant seuls ou en groupe.
Ceci pourrait être retenu comme un élément concernant l’importance de la
personnalité du médecin (ou du psychothérapeute) et son rôle dans l’efficacité de la
psychothérapie.
Que pouvons-nous retenir des informations de notre enquête ?
Dans un premier groupe, les médecins confrontés à une souffrance psychique vont
établir les conditions d’un travail psychique en dépassant la simple écoute empathique
et en utilisant des techniques de la psychothérapie de soutien proposées dans notre
questionnaire. Ils conservent pour cette prise en charge le cadre de la consultation
habituelle et proposent de façon tacite ce travail en suggérant, reformulant et/ou
confrontant les patients à leurs propos. Ce travail est marqué par l’intentionnalité du
médecin à faire évoluer le patient. Ces conditions de pratique correspondent
parfaitement à ce que nous avons défini comme la psychothérapie spécifique du
généraliste.
Dans un second groupe, les médecins vont proposer des entretiens spécifiques en
dehors du suivi habituel de médecine générale et utiliser les techniques proposées
comme la suggestion, la reformulation, la confrontation et la restauration de l’estime
de soi. L’importance du transfert semble mieux prise en compte chez les médecins
proposant ce type de prise en charge. Cette pratique est en fait celle de la
psychothérapie de soutien.
Nous voyons donc se présenter deux situations de prise en charge en médecine
générale en dehors de la simple écoute empathique. Cette écoute s’accompagne du
souhait de soulager le patient sans intentionnalité de le faire travailler sur sa
souffrance.
Une première situation est mise en évidence. Le médecin par sa connaissance du
patient, va lui proposer une prise en charge plus technique sans sortir de sa
consultation habituelle afin de permettre au patient de travailler sur sa souffrance.
Une seconde est visible. Le médecin, dans un cadre plus strict, avec des entretiens plus
longs que les consultations habituelles et un contrat établi entre lui et son patient, va
établir les conditions d’une psychothérapie de soutien en accord avec le patient.
Au-delà de cette prise en charge, quelle qu’en soit sa forme, les généralistes expriment
un certain nombre de doléances. Ils reconnaissent une difficulté liée à l’importance du
temps que cela leur demande, surtout pour les entretiens spécifiques. Ils semblent
devoir faire face à une augmentation de l’expression de la souffrance psychique et à la
difficulté de déléguer cette prise en charge par l’absence de remboursement des
consultations des psychologues, par le délai trop important d’obtention de rendez-vous
avec un psychiatre ou par l’isolement de certains patients. Certains médecins regrettent
l’absence de rémunération pour ce type de prise en charge.
D’autres récriminations d’ordre plus personnel, ont été exprimées : la crainte de mal
faire devant l’absence de formation adaptée à leur pratique et l’épuisement psychique
et émotionnel dû à cette prise en charge.
Malgré ces difficultés, les médecins trouvent des avantages à leur condition de
généralistes pour la réalisation de ces psychothérapies. Ils reconnaissent comme un
atout le fait de bien connaître leur patient, son entourage, ses conditions matérielles
voire professionnelles. Les médecins déclarent pratiquer la psychothérapie spécifique
et la psychothérapie de soutien avec des patients qu’ils connaissent bien. Ils se
limiteront à l’attitude psychothérapeutique pour les patients qu’ils ne connaissent pas.
De plus, ils reconnaissent l’importance de l’alliance thérapeutique qu’ils ont établie
avec leurs patients, acquise sur le long terme et leur facilitant le travail de
psychothérapie. Un dernier avantage est déclaré par la plupart : la satisfaction de
pouvoir améliorer l’état psychique du patient et de pouvoir suivre cette amélioration.
DISCUSSION
Après avoir abordé le côté théorique de la psychothérapie, nous devons exposer les
problématiques liées à ce sujet sur le plan professionnel, politique et citoyen.
Quelques constats s’imposent.
Les généralistes, médecin de premier recours doivent faire face à une demande
croissante de prise en charge psychique, comme nous l’avons montrée, avec un
manque reconnu de formation.
Les psychiatres sont de moins en moins nombreux. Beaucoup de postes publics restent
vacants, les psychiatres libéraux sont surchargés et leur délai d’entretiens est très long.
Les psychologues « souffrent » de ne pas avoir de consultations prises en charge,
éloignant certains patients de la possibilité de les consulter.
La CCAM (Classification Commune des Actes Médicaux) ne reconnait pas l’entretien
psychothérapeutique comme un acte à part, elle ne cote que les actes d’évaluation et de
bilan14, étonnamment inclus dans le chapitre du système nerveux central.
Les « psychothérapeutes ni-ni », soit ni médecin ni psychologue, n’ont pas de
reconnaissance officielle, malgré l’amendement Accoyer15 ; nous attendons toujours
les décrets d’application. Cet amendement16 a suscité de très nombreuses réactions en
provenance des « professionnels » concernés.
Le domaine de la psychothérapie et de la prise en charge psychique reste très
conflictuel et ce n’est pas à nous, dans ce travail de recherche, d’établir qui peut-être
« psychothérapeute » et qui ne peut pas. C’est au législateur de prendre position. Nous
ne pouvons qu’exposer la situation de pratique des généralistes dans ce cadre.
En effet, seuls les psychiatres, les psychologues et les psychanalystes « ni-ni » ont
interpellé nos gouvernants. Nous n’avons retrouvé aucunes revendications émanant
des généralistes. Pourquoi se sont-ils exclus du débat ? Considèrent-ils avant même
toute réflexion qu’ils ne peuvent être psychothérapeutes, en dépit du fait que le terme
de « titulaires d’un diplôme de docteur en médecine » soit stipulé dans la loi, sans
spécialité notée ?
D’ailleurs ce terme nous semble critiquable ; le fait d’être médecin n’implique pas
obligatoirement que l’on soit psychothérapeute.
14
Cotation de l’acte : ALQP 003 et ALQP 004.
Loi n°2004-806 du 9 Aout 2004, parue au JO 185 le 11 Aout 2004.
16
Projet de loi, modifié en première lecture par le Sénat, relatif à la politique de santé public :
Article 18 quater :
"L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des
psychothérapeutes.
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur
résidence professionnelle.
Sont dispensés de l'inscription les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les psychologues titulaires
d'un diplôme d'Etat et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret".
15
Enfin sur le plan citoyen, il est reproché aux patients une trop grande consommation
de médicaments psychotropes. Cependant peu d’alternatives leur sont proposées. Pour
ceux qui font le choix d’un travail psychothérapeutique, faut-il encore pouvoir se
retrouver entre les titres de psychiatres, psychologues, psychanalyste,
psychothérapeutes, coach et autres gourous. D’un côté, la loi ne leur donne aucune
garantie au risque de se retrouver « pris en charge » par un charlatan et de voir
s’aggraver leur état psychique. De l’autre, la sécurité sociale ne propose aucune prise
en charge pour les consultations auprès des psychologues, profession pourtant
reconnue, bénéficiant d’une formation d’état (universitaire) et ce malgré le manque de
psychiatres.
Nous sommes donc face à un dilemme où le patient est victime et où chaque catégorie
professionnelle souhaiterait une reconnaissance unique de sa pratique.
Une interrogation s’impose : si la prescription de psychotropes est trop importante et
engendre des coûts trop élevés pour la société, il faut pouvoir proposer une alternative
efficace aux patients en souffrance. Une psychothérapie semble pouvoir répondre à ce
problème, mais de nombreuses questions se posent : Qui doit la pratiquer ? Avec quel
financement pour les « psychothérapeutes » ? Quelles cotations pour les médecins ?
Quel accès pour les patients (délais, isolement géographique) ?
Même si on peut obtenir la réalisation d’une psychothérapie, son financement se fera
sur son évaluation et son éventuelle efficacité. Après le rapport de l’INSERM sur ce
sujet, nous nous interrogeons sur les critères que pourrait retenir la CNAM afin de
proposer une éventuelle prise en charge par la collectivité.
Nous ne pouvons malheureusement que constater la situation sans pouvoir y remédier
malgré le fait que nous, médecins généralistes soyons en première ligne face aux
interrogations du patient. Cette difficulté supplémentaire ne fait qu’embellir une
spécialité déjà très riche.
Conclusion
La souffrance psychique est omniprésente dans les consultations de médecine
générale, qu’elle soit le motif de consultation ou qu’elle transparaisse derrière une
plainte ou un symptôme physique. L’objectif de ce travail était de montrer de quelle
manière le généraliste répondait à cette souffrance et en quoi le fait de pratiquer la
médecine générale rendait cette prise en charge particulière. Pour cela nous nous
sommes intéressés à la prise en charge psychologique et plus particulièrement à la
psychothérapie sans aborder la part pharmacologique.
Depuis une centaine d’années à la suite de Freud, beaucoup d’auteurs qu’ils soient
psychologues, psychiatres, psychanalystes, psychothérapeutes ou généralistes se sont
interrogés sur la définition de la psychothérapie. D’autres à nouveaux s’intéresseront à
ce sujet. Nous avons pu voir un certain nombre d’acceptions au mot psychothérapie.
Nous avons cherché à proposer une définition de la psychothérapie à partir d’une
revue de la littérature. Nous avons choisi de retenir les éléments suivants pour définir
la psychothérapie : une relation thérapeutique de confiance, s’établissant
volontairement entre deux protagonistes identifiés comme étant d’un côté le
psychothérapeute et de l’autre le patient demandeur, un cadre particulier de prise en
charge accepté par les deux acteurs et un contrat négocié portant sur les conditions du
travail psychique du patient. Ces trois éléments sont pour nous les constituants
nécessaires à la définition d’une psychothérapie.
A partir de ces éléments, nous avons pu prétendre que la psychothérapie de soutien à
laquelle nous nous sommes attachés, répondait bien aux conditions de définition d’une
psychothérapie. Nous en avons présenté les techniques spécifiques, les conditions de
réalisation telles que les entretiens particuliers et la formation du psychothérapeute,
ainsi que les courants de pensée. Nous avons montré en quoi elle pouvait être
applicable en médecine générale.
Nous nous sommes attachés en dernier lieu à la psychothérapie spécifique du
généraliste et avons montré en quoi elle était une psychothérapie selon les termes de la
définition. Après avoir présenté ses techniques et ses conditions de pratiques, incluses
dans les consultations habituelles du généraliste, nous avons voulu différencier ces
deux types de psychothérapies. Nous avons cherché à établir en quoi elles étaient
proches et pouvaient se confondre. Nous avons aussi recherché leurs différences afin
de les confronter. Nous pensons qu’il existe une filiation entre la psychothérapie de
soutien de courant analytique et la psychothérapie spécifique du généraliste.
Nous avons complété cette recherche par une étude qualitative auprès de médecins
généralistes de la Vienne, afin de confronter nos conclusions à leur pratique. Cette
étude a montré que les généralistes déclarent faire de la psychothérapie mais ne
parviennent pas à nommer ce qu’ils font. Tout à fait conscients des techniques qu’ils
utilisent, ils nous ont présenté deux modes de prise en charge pour la souffrance
psychique. Nous avons pu nommer ces pratiques grâce aux conclusions de nos
recherches théoriques. Une partie d’entre eux pratique la psychothérapie spécifique du
généraliste, une autre la psychothérapie de soutien, mais tous ont une attitude
psychothérapeutique envers leur patient.
Même s’ils semblent satisfaits de leur pratique, les généralistes restent demandeurs de
formation adaptée à leur spécificité, ainsi que d’un système de supervision qui n’existe
pas dans notre spécialité. Ce type de prise en charge est difficile émotionnellement et
les médecins ne nous ont pas exposé les moyens mis en œ uvre pour y faire face.
Devant la difficulté émotionnelle exprimée par les médecins rencontrés, il nous
semblerait pertinent de former les étudiants en médecine ainsi que les internes quelle
que soit leur spécialité à la relation médecin/malade. En effet, nous savons que
certaines facultés en France ont un enseignement de la psychologie médicale, de la
psychothérapie du médecin généraliste ou même des « groupes Balint ». Mais ne
faudrait-il pas rendre ces formations obligatoires pour tous, afin de permettre aux
futurs médecins une meilleure maîtrise de la relation thérapeutique ?
Pour les médecins déjà installés, une information sur leur pratique telle qu’ils ont pu
en avoir lors de nos entretiens, nous paraîtrait pertinente. Cela leur permettrait
d’identifier le travail psychique entrepris avec le patient. Cette information pourrait
être complétée par une formation théorique sur la psychothérapie en général et sur la
psychothérapie spécifique du généraliste en particulier. Une supervision individuelle
ou la fréquentation d’un groupe Balint leur permettrait de relever leurs difficultés
relationnelles et d’améliorer leur vécu de la souffrance psychique du patient.
Au vu des résultats de cette étude, il nous semblerait intéressant d’étendre cette
recherche à un plus grand nombre de généralistes. De plus, il serait pertinent d’évaluer
les résultats de la psychothérapie spécifique en étudiant l’évaluation du patient par le
médecin, les résultats ressentis par le patient lui-même et d’y ajouter l’évaluation de
l’état psychique du patient par son entourage. Ceci permettrait une meilleure
reconnaissance de la psychothérapie spécifique et de ses éventuels résultats.
Références bibliographiques
Le classement est effectué selon le système mixte, avec la norme AFNOR Z 44-005.
1.
ALBERNHE Karine, ALBERNHE Thierry. Les thérapies familiales systémiques 2ième
édition. Paris : Masson, 2004, 285 p.
2.
ALEXANDER Franz. Problèmes actuels de la psychothérapie dynamique dans son
rapport avec la psychanalyse. Psychothérapie et psychanalyse / éd. par DENIS Paul,
JANIN Claude. Paris : Presses Universitaires de France, 2004, p.279-286.
3. AMBRUS J., HERMANN P. « La psychothérapie de soutien existe-t-elle ? ou la place
des traitements de soutien dans les psychothérapies de la pratique courante. »
Psychologie Médicale, 1976, 8, 2, p. 253-271.
4. APPEAU Antoine, GUYOTAT Jean. Attitudes et systèmes psychothérapeutiques
spontanés des médecins généralistes. Le médecin praticien et la psychothérapie, 1965,
p.97-101. (Cahiers médicaux lyonnais, numéro spécial 1965)
5. BALINT Mickael. Le médecin, son malade et la maladie. Paris : Payot, 1957, 424 p.
6. BALINT Mickael, BALINT Edna. Techniques psychothérapeutiques en médecine.
Paris : Petite Bibliothèque Payot, 1961, 296 p.
7. BELINCIONI V, BARBIERI S. Support and psychotherapy. American Journal of
Psychotherapy, 2004, May, 58(3), p. 321-334.
8. BERNHEIM Hippolyte. Hypnotisme, suggestion, psychothérapie. Evreux : Fayard,
1995, p. 9-415.
9. BEUTLER Larry, CONSOLI Andrès. La psychothérapie éclectique systématique.
Psychothérapie intégrative / éd. par Norcross J, Goldfried M. Paris : Desclée de
Brouwer, 1998, p. 245-280.
10. BOSS Médard. « Développement de la psychothérapie au XXème siècle ». Revue de
psychiatrie française, 1983, mai-juin, p. 7-16.
11. BRUSSET Bernard. Psychanalyse et psychothérapie. Encycl. Méd. Chir., Editions
Techniques (Paris-France), Psychiatrie, 37-810-F50, 1994, 4p.
12. BRUSSET Bernard. Les psychothérapies. Paris : Presses universitaires de France,
2003, 126 p. (Que sais-je ? no 480).
13. BRUSSET Bernard. L’or et le cuivre : la psychothérapie peut-elle être et rester
psychanalytique ? Psychothérapie et psychanalyse / éd. par DENIS Paul, JANIN
Claude. Paris : Presses Universitaires de France, 2004, p. 17-44.
14. CARROY Jacqueline. « L’invention du mot de psychothérapie et ses enjeux ».
Psychologie clinique : Les psychothérapies dans leurs histoires. Paris : Harmattan,
Nouvelle série n°9 (Printemps), 2000/1, p.11-30.
15. CHAMBON Olivier., MARIE-CARDINE Michel. Les bases de la psychothérapie. 2e
éd. Paris : Dunod, 2003, 349 p.
16. DAZORD Alice. « Evaluation des effets des psychothérapies ». Encycl. Méd. Chir.,
Psychiatrie, 37-802-A-10, 1997, p.1-7.
17. DELOURME Alain., MARC Edmond. Pratiquer la psychothérapie. Paris : Dunod,
2004, 289 p.
18. DESPLAND Jean-Nicolas, ZIMMERMANN Grégoire et DE ROTEN Yves,
L’évaluation empirique des psychothérapies, Psychothérapies 2006/2, Vol 26, p.9195.
19. DEWALD Paul A. « Principles of Supportive psychotherapy ».American Journal of
Psychotherapy, 1994, 48/4, p.505-18.
20. DOUGLAS Carolyn J. Teaching Supportive Psychotherapy to psychiatric Residents.
American Journal of Psychiatry. 2008, 165: 4, p.445-452.
21. FREUD Sigmund. La technique psychanalytique.12e éd. Paris : Presse Universitaire
de France, 1997, p.9-22.
22. FRIEDLI Karin, KING Michael B, LLOYD Margaret, HORDER John. Randomised
controlled assessment of non directive psychotherapy versus routine general
practitioners care. Lancet, 1997, 350, p.1643.
23. GALLAIS Jean-Luc et ALBY Marie-Laure. Psychiatrie, souffrance psychique et
médecine générale. Encycl. Méd. Chir., Psychiatrie, 37-956-A20, 2002, 6p.
24. GARFIELD Sol. La psychothérapie éclectique : des facteurs communs.
Psychothérapie intégrative / éd. par Norcross J, Goldfried M. Paris : Desclée de
Brouwer, 1998, p.177-210.
25. GILLIERON Edmond. Psychothérapie brève psychanalytique. Encycl. Méd. Chir.,
Psychiatrie, 37-812-L10, 1997, 7p.
26. GILLIERON Edmond. Manuel de psychothérapies brèves. 2e éd. Paris : Dunod, 2004,
214 p.
27. GOLFRIED Marvin, CASTONGUAY Louis, SAFRAN Jeremy. Questions
fondamentales et perspectives d’avenir de l’intégration en psychothérapie.
Psychothérapie intégrative / éd. par Norcross J, Goldfried M. Paris : Desclée de
Brouwer, 1998, p.321-343.
28. GUELFI Julien Daniel, BOYER Patrice, CONSOLI Silla et OLIVIER-MARTIN
René. Psychiatrie. Paris : Presse Universitaires de France, 1987, p.755-832.
29. GUYOTAT Jean. Existe-t-il une psychothérapie du médecin généraliste et quel
rapport a-t-elle avec la psychothérapie de façon générale ? Psychologie médicale
1985, 17, p.2060-61.
30. HUBER Winfrid. Les psychothérapies. Paris : Nathan Université, 2000, 254p.
31. INSERM. Psychothérapie Trois approches évaluées. Institut national de la santé et de
la recherche médicale. Paris : Edition INSERM, 2004, p.49-69.
32. JANET Pierre. Les médications psychologiques I l’action morale, l’utilisation de
l’automatisme. Paris : F Alcan, 1925, 346 p.
33. KERNBERG Otto. Psychanalyse, psychothérapie psychanalytique, psychothérapie de
soutien. Revue française de psychanalyse : courants de la psychanalyse
contemporaine/ éd par Green A. Paris : Presses Universitaires de France, 2001, tome
LXV, numéro hors série, p.15-35.
34. KNIGHT Robert. Evaluation of the results of psychoanalytic therapy. American
Journal of psychiatry, 1941, 98, p.434-46.
35. KNIGHT Robert. Une évaluation des techniques psychanalytiques. Psychothérapies,
2000, 20, n°1, p. 3-11.
36. LAPLANCHE Jean, PONTALIS J-B. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : Presses
Universitaires de France, 2007, 523p.
37. LAXENAIRE Michel, DARCOURT Guy. Les psychothérapies. Le livre blanc de la
psychiatrie/ éd. par Allilaire JF. Paris : John Libbey FFP, 2003.
38. LAZARUS Arnold. La thérapie multimodale : éclectisme méthodique et intégration
minimale. Psychothérapie intégrative / éd. par Norcross J, Goldfried M. Paris :
Desclée de Brouwer, 1998, p.211-244.
39. LEMLER Daniel. Sale temps pour la parole ! Pratiques, les cahiers de la médecine
utopique, 2006, 32, p. 42-44.
40. LUBORSKY Lester. Principes de psychothérapie analytique. Paris : Presses
Universitaires de France, 1996, 247 p.
41. LUMINET Daniel, DUCULOT Marc, NIVELLE Eveline. Réflexions sur la
psychothérapie de soutien. Le problème des indications. Psychologie Médicale, 1981,
13, 12, p.1927-1930.
42. MARIE Pierre. Psychanalyse, psychothérapie : quelles différences ? Paris : Aubier,
2004, 235 p.
43. MARC Edmond. Pluralité et complémentarité des psychothérapies. Perspective
intégrative. Psychologie clinique : les psychothérapies dans leurs histoires/ éd.par
CARROY Jacqueline Paris : Harmattan. Nouvelle série n°9 (Printemps), 2000/1,
p.141-153.
44. MARC Edmond. Guide des psychothérapies. Paris : Retz, 2000, 255 p.
45. MARC Edmond. Le changement en psychothérapie. Paris : Dunod, 2002, 243 p.
46. MARC Edmond. Les psychothérapies : unité, diversité, complexité. Pourquoi la
psychothérapie ? fondements, méthodes, applications / éd. par NGUYEN Tan. Paris :
Dunod, 2005, p.11-24.
47. MARTIN Dric. De la psychothérapie du psychiatre ou de la nécessité de créer une
instance psychiatrique d’échange inter-psychothérapique. Psychiatries.2005, 143,
p173-210.
48. MIERMONT Jacques. Psychothérapies contemporaines : Histoire, évolution,
perspective. Paris : L’Harmattan, 2000, 318 p.
49. MIJOLLA Alain de. Dictionnaire international de la psychanalyse. Paris : Hachette
Littératures, 2002, II, 2017 p.
50. MONTREUIL Michèle, DORON Jack. Psychologie clinique et psychopathologie.
Paris : Presses Universitaires de France, 2006, IV, 391 p. (nouveaux cours de
psychologie)
51. MORO Marie Rose, LACHAL Christian. Introduction aux psychothérapies. Paris :
Nathan Université, 1996, 128 p.
52. NATHAN Tobie, BLANCHET Alain, IONESCU Serban et al. Psychothérapies.
Paris : Odile Jacob, 1998, 327 p.
53. NORCROSS John, NEWMAN Cory. L’intégration en psychothérapie : synthèse et/ou
éclectisme. Psychothérapie intégrative / éd.par Norcross J, Goldfried M. Paris :
Desclée de Brouwer, 1998, p.23-61.
54. NOUMBISSI-NANA Christine. Souffrance psychique : prise en charge en médecine
générale. 124 p. Thèse : médecine : Brest : 2004.
55. OUVRARD Patrick. L’art de faire émerger le sens. Toute la formation médicale
continue, 2008, 71, avril mai juin, p 18.
56. PALMADE Guy. La psychothérapie. Paris : Presses Universitaires de France, 1998 ;
127 p. (Que sais-je ? 480).
57. De PERROT Edouard. Formation et apprentissage en psychothérapie médicale.
Médecine et hygiène, 1992, 50, p 2348-53.
58. De PERROT Edouard. Psychiatrie et psychothérapie : une approche psychanalytique.
Bruxelles : De Boeck, 2004, 437 p.
59. De PERROT Edouard. La psychothérapie de
psychanalytique. Bruxelles : De Boeck, 2006, 229 p.
soutien
Une
perspective
60. PINAULT Annie. Psychothérapie de soutien avec le médecin remplaçant. 73 p.
Thèse : médecine : Paris V, Université René Descartes : 1985.
61. POUCHAIN Denis et al. Médecine générale concept et pratique. Paris : Masson,
1996, p.111-61, p. 344-49.
62. RAGEAU Jean-Pierre. La psychothérapie de soutien en médecine générale. 81p.
Thèse : médecine : Paris XIII, Université de Bobigny : 1987.
63. ROCKLAND LH. A review of supportive psychotherapy, 1986-1992. Hospital and
Community Psychiatry, 1993, Nov, 44(11), p.1053-1060.
64. ROUDINESCO Elisabeth, PLON Michel. Dictionnaire de la psychanalyse. Paris :
Fayard, 2006, 1217 p.
65. SAHLI Christophe, LE GOFF-CUBILIER Valérie, WEYENETH Martin et BRYOIS
Christian. Psychiatrie et psychothérapie : quid ?, Psychothérapies, 2006/3, Vol. 26,
p.167-173.
66. SEULIN Christian. A propos de la psychothérapie focale de Mickael Balint.
Psychothérapie et psychanalyse / éd.par DENIS Paul, JANIN Claude. Paris : Presses
Universitaires de France, 2004, p.265-278.
67. SENON Jean Louis, SECHTER Daniel, RICHARD Denis. Thérapeutique
psychiatrique. Paris : Hermann, 1995, p. 515-632.
68. SCHNEIDER Pierre-Bernard. Propédeutique d’une psychothérapie. Paris : Payot,
1976, 350 p.
69. SINELNIKOFF Nathalie. Les psychothérapies. Paris : ESF, 1993, p.215-219.
70. VELLUET Louis, CATU-PINAULT Annie. La psychothérapie spécifique du médecin
généraliste. Exercer, 2001, 60, p.4-10.
71. VELLUET Louis. Le médecin, un psy qui s’ignore. Paris : l’Harmattan, 2006, 267 p.
72. VELLUET Louis. Devenir « médecin de famille ». Pratiques, les cahiers de la
médecine utopique, 2007, 36, p.50-52.
73. WEYENETH Martin, AMBRESIN Gilles, CARBALLEIRA Yolanda et al. La
psychothérapie de soutien : un pas vers l’éclectisme. Psychothérapies 2004/2, Vol 24,
p.73-86.
74. WIDLÖCHER Daniel., Principes des psychothérapies, Psychothérapies 2006/2, Vol.
26, p. 65-68.
75. WIDLÖCHER Daniel et BRACONNIER Alain, Psychanalyse et psychothérapies,
Paris : Flammarion, 1996, 270 p.
76. WIDLÖCHER Daniel, MARIE-CARDINE Michel, BRACONNIER Alain et HANIN
Bertrand. Choisir sa psychothérapie Les écoles, les méthodes, les traitements, Paris :
Odile Jacob, 2006, p.17-32.
77. WINSTON Arnold. Integrated psychotherapy. Practical Psychotherapy.2003, 54, 2,
p.152-154.
Annexes
a. Questionnaire
QUESTIONNAIRE destiné aux Médecins Généralistes
Informations diverses :
-
Age :
Lieu d’exercice :
Sexe :
rural / urbain / semi-rural
Seul / en groupe
Durée d’installation :
Pratique professionnelle :
- Prenez-vous en charge en psychothérapie des patients en souffrance psychique ? oui/non
- Leur proposez-vous des entretiens réguliers (plurihebdomadaire, hebdomadaire,
bimensuel), uniquement consacrés à l’échange, en face à face, sans intention de
prescrire autre chose que vous-même ? oui / non
- Si oui : répondre aux questions suivantes, si non : passez à la page suivante
? Faites-vous référence à une thérapie particulière (école ou théorie) ? (entourer les
réponses vous concernant)
? TCC exclusive
? Psychothérapie de soutien
? Thérapie familiale exclusive
? Thérapie associant plusieurs techniques : (lesquelles)
? Autres : … … … … .
? Comment procédez-vous pour ces entretiens ?
? Quel profil de patients prenez-vous en « psychothérapie » ? (âge, pathologie,
milieu socioculturel… )
? Le profil des patients que vous suivez aujourd’hui est-il différent de celui que vous
suiviez (ou acceptiez de suivre) dans les premières années d’installation ? si oui
(réduction du panel, élargissement) pourquoi (expérience, formation continue, difficultés)
?
? Que faites-vous des patients n’ayant pas le profil requis ou ne pouvant se soumettre au
cadre imposé ? Les adressez-vous ? A qui ?
-
Si non :
? Utilisez-vous le prétexte d’une nouvelle consultation pour relancer la discussion ?
oui / non
? Les patients que vous ne prenez pas en charge, les adressez-vous ? oui / non
? A qui ? :
? Psychiatre : oui/ non
? Psychologue : oui/ non
? Hôpital : oui / non
? Autres : … … … … …
? Comment faites-vous le choix de votre orientation ? :
? Choix de patient
? Moyen financier du patient
? Pathologie du patient
? Relation professionnelle ou amicale
? Autres :… … … … … … … .
? Si vous ne pratiquez pas de psychothérapies : pour quelle raisons ? (plusieurs
réponses possibles)
? Manque de temps
? Manque de formation
? Manque d’intérêt
? Difficulté d’intégrer cette prise en charge dans une consultation de
médecine générale
? Autres : … … … … … … … …
Parcours personnel :
-
Avez-vous été formé à une ou plusieurs techniques psychothérapiques ? oui / non
Si oui la ou lesquelles ? :
-
De quelle manière : formation initiale / continue
-
Appartenez-vous à une école ? : oui / non
Si oui laquelle ? :
-
Pensez-vous qu’il faille avoir fait un travail personnel pour prendre correctement en
charge les patients en psychothérapie ?
-
Effectuez-vous ou avez-vous effectué un travail personnel ? : (Concerne un travail de
plus de trois séances consécutives) oui / non
?
?
?
?
?
?
Psychanalyse
Psychothérapie
Thérapies familiales
Thérapies systémiques
Groupe Balint
Autres : … … … … … …
Bilan de recherche :
D’après nos recherches, nous avons retenu la définition suivante pour ce qui est
de la psychothérapie de soutien :
« Entretiens spécifiquement dédiés à la souffrance psychique, basés sur la
relation thérapeute/patient, dans le cadre d’un suivi régulier imposé, déterminé par les
deux protagonistes, avec des buts établis, utilisant les techniques spécifiques de
renarcissisation, reformulation, suggestion, persuasion, conseil, encouragement,
abréaction (expression émotionnelle en réaction à un événement traumatique),
clarification, confrontation et éloge, avec prise en compte du transfert sans son
interprétation et des liens inconscients de la souffrance psychique dans le but de
réduire la souffrance et de permettre au patient une meilleure adaptation à la vie
sociale. »
-
Pensez-vous pratiquer une telle psychothérapie ? : oui / non ? pourquoi ?
-
Après avoir vu les conditions d’une psychothérapie dans les questions précédentes,
pouvez-vous
me
donner
une
proposition
de
définition
de
votre
pratique psychothérapeutique ? : (cadre, condition, population concernée, but, méthode,
limites… )
-
Pour vous, y a-t-il des atouts et/ou des inconvénients à être médecin généraliste pour
pratiquer vous-même une psychothérapie chez vos patients ? quels sont-ils ?
Merci
Titre : De la fonction psychothérapeutique du médecin généraliste :
psychothérapeutique, psychothérapie de soutien, psychothérapie spécifique ?
attitude
Résumé :
Nous avons choisi de nous intéresser à la fonction psychothérapeutique du médecin
généraliste. Existe-t-elle ? Comment pouvons-nous la nommer ? A partir des définitions
données par les psychologues, psychiatres ou psychanalystes, nous avons cherché à établir les
éléments définissant une psychothérapie et avons retenu : la relation thérapeutique, le cadre et
le contrat. Nous avons aussi étudié ses facteurs d’efficacité. Parmi toutes les psychothérapies
existantes, nous nous sommes attachés à la psychothérapie de soutien, appartenant au courant
analytique et en avons présenté la technique. Puis nous avons traité de la psychothérapie
spécifique du médecin généraliste en la distinguant de la simple attitude psychothérapeutique
ou thérapie de soutien. Nous avons proposé une filiation entre la psychothérapie de soutien et
la psychothérapie spécifique du généraliste.
Pour illustrer ce travail, nous avons effectué une étude qualitative auprès de 18 médecins
généralistes de la Vienne afin d’étudier leur prise en charge psychothérapeutique de la
souffrance psychique. Après des entretiens dirigés, nous avons pu conclure que les
généralistes avaient une attitude psychothérapeutique, et que la majorité d’entre eux pratiquait
la psychothérapie sous deux formes. Au cours de leur consultation habituelle, une partie
d’entre eux utilisait des techniques définies pour améliorer l’état psychique du patient en
ayant conscience du transfert, sans proposer de contrat rigoureux à cette prise en charge. Cette
pratique recouvrait la définition de la psychothérapie spécifique. L’autre partie des médecins
proposait des entretiens spécifiquement consacrés la souffrance psychique, avec
l’établissement d’un contrat entre le médecin et le patient, avec utilisation de techniques
particulières. Cette pratique correspond à la définition de la psychothérapie de soutien.
Devant les difficultés de prise en charge par les médecins, nous proposons l’élargissement de
la formation initiale en ce qui concerne la relation médecin/malade, et la création d’une
supervision pour les psychothérapies entreprises par le généraliste auprès de ses patients.
Mots clefs :
Souffrance psychique, psychothérapie, attitude psychothérapeutique, psychothérapie de
soutien, psychothérapie spécifique du médecin généraliste, étude qualitative.
Key words:
Psychic suffering, psychotherapy, psychotherapeutic attitude, psychotherapy of support,
specific psychotherapy of the general practitioner, qualitative study.
Téléchargement