
La Lettre du Cardiologue • N° 502-503 - février-mars 2017 | 25
Points forts
»Chez un patient nécessitant une ablation de la fibrillation atriale (FA), l’anticoagulation est nécessaire
3semaines avant le geste, quel que soit le score de CHA
2
DS
2-
VASc.
»Juste avant l’intervention, il ne faut pas faire de relais avec l’héparine. Si le patient est sous anti-vitamineK
(AVK), réaliser la procédure sous AVK. Si le patient est sous anticoagulant oral direct (AOD), arrêter l’AOD la veille
de l’opération et le reprendre le soir même ou le lendemain. Il est aussi possible de faire la procédure sous AOD.
»
Après l’ablation de la FA, 2mois de traitement anticoagulant efficace sont nécessaires, quel que soit
le score de CHA
2
DS
2-
VASc.
»
Par la suite, il faut revenir au score de CHA2DS2-VASc pour l’indication des anticoagulants à long terme.
»Toutefois, le risque d’AVC semble diminué lorsque l’ablation de la FA est réussie.
»Des études sont en cours pour préciser la stratégie anticoagulante la mieux adaptée dans ce cas.
Mots-clés
AVC
Ablation
de la fibrillation
atriale
Anticoagulation
Highlights
»
All patients referred for Atrial
Fibrillation (AF) ablation should
have 3 weeks of anticoagula-
tion before the index proce-
dure.
»
There is no indication for
bridging strategy with heparin.
If the patient is treated with
Vitamin K Antagonists (VKA)
the treatment should be con-
tinued during the procedure.
For patients treated with Direct
Oral Anticoagulants (DOA), the
treatment should be stopped
the day before the procedure
and restarted in the evening
or the morning after the pro-
cedure.
»
After the ablation, 2 months
with full anticoagulation are
needed for all patients.
»
After this period, anti-
coagulation strategy should
be indicated on the basis of
CHA
2
DS
2
-VASc score and inter-
national guidelines.
»
However, stroke rate seems
lower for patients with suc-
cessful AF ablation.
»
Further ongoing studies will
bring new insights to elucidate
what is the best anticoagula-
tion strategy following AF abla-
tion.
Keywords
Stroke
Atrial fibrillation ablation
Anticoagulation
nauté rythmologique. Cependant, l’arrivée des
anticoagulants oraux directs (AOD) a bouleversé
ces schémas. En effet, il s’agit de produits beau-
coup plus maniables que les AVK (demi-vie plus
courte), dont l’activité anticoagulante est stable,
mais pour lesquels la gestion des complications
hémorragiques est moins formalisée que pour les
AVK (problème de l’antagonisation, etc.). Compte
tenu de ces données, il est recommandé d’arrêter
les AOD la veille de l’ablation de FA, sans relais par
héparine, et de reprendre le soir de l’intervention
ou le lendemain matin (6). Cependant, une récente
étude prospective randomisée comparant AVK et
rivaroxaban (VENTURE-AF) a validé le principe
de faire cette intervention sous rivaroxaban (7).
D’autres études avec les AOD sont en cours pour
valider définitivement cette pratique. Un point
important est que la réalisation de cette procé-
dure sous AOD diminue l’Activated Cephalin Time
(ACT) réalisé au cours de l’intervention (7), ce qui
peut aboutir à une augmentation, non justifiée,
des doses d’héparine données pendant la procé-
dure. Quelle que soit la stratégie utilisée avant
l’ablation de la FA, il est nécessaire d’injecter de
l’héparine pendant la procédure pour maintenir
un ACT supérieur à 300 secondes tout au long de
l’intervention. Il est aussi nécessaire de perfuser
les gaines avec du sérum physiologique hépariné
pour éviter le risque de thrombus perprocédural.
Après l’intervention, les anticoagulants sont pour-
suivis pour une durée minimale de 2 mois. En effet,
la période postopératoire immédiate est une période
à haut risque thromboembolique, pour plusieurs
raisons :
➤
les lésions de radiofréquence peuvent entraîner
la formation de thrombus sur la paroi atriale ;
➤
le système inflammatoire systémique est activé,
ce qui augmente le risque de thrombose ;
➤si une cardioversion a été effectuée pendant la
procédure, il y a un risque de sidération de l’auricule
gauche, associé à un risque de thrombose ;
➤
la période postopératoire immédiate est propice
à la survenue de récidives de FA précoce, susceptibles
d’augmenter le risque thromboembolique.
Après cette période initiale, il est impératif de revoir
le patient pour juger de la nécessité de maintenir le
traitement anticoagulant à long terme.
Gestion des anticoagulants
apres ablation
Il est très important de souligner que l’ablation de la
FA n’est pas une thérapeutique antithrombotique à
ce jour. Il est donc illusoire d’adresser un patient pour
une ablation de la FA en vue d’arrêter son traitement
anticoagulant. Ainsi, il est recommandé, 2 mois après
la procédure, de calculer le score de CHA2DS2-VASc du
patient et d’indiquer ou non la poursuite de l’anticoa-
gulation selon les recommandations européennes (4).
Cependant, il est parfois tentant, chez un patient qui
ne présente plus de FA après une ablation de celle-ci,
de proposer l’arrêt de ces traitements en considérant
que le patient est potentiellement guéri, afin de lui
éviter le risque hémorragique du traitement anticoa-
gulant prolongé. Ainsi, des registres américains (8-10)
ont montré que, chez la majorité (70 %) des patients
ayant subi une ablation de la FA “réussie”, le traite-
ment anticoagulant a été arrêté, et ce quel que soit
le score de CHA
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2
-VASc. Par ailleurs, le taux annuel
d’AVC était particulièrement faible chez ces patients :
1,3 % lorsque le score de CHA2DS2-VASc était supé-
rieur ou égal à 2, et 0,3 % sinon. Il semble donc, et
cela a été retrouvé dans d’autres études (11-12), que le
taux d’AVC en cas d’ablation de la FA réussie soit plus
faible qu’en l’absence d’ablation. Ainsi, il est possible
que le score de CHA2DS2-VASc ne soit pas forcément
adapté pour évaluer le risque thromboembolique
après une ablation réussie. Une étude randomisée
européenne (EAST-AF) est en cours pour essayer de
répondre à cette question difficile, qui n’est pas com-
plètement tranchée.
Conclusion
Il est important de bien encadrer le geste d’ablation de
la FA avec une stratégie antithrombotique adaptée. Il
faut 3 semaines d’anticoagulation avant et 2 mois après
le geste, quel que soit le score de CHA2DS2-VASc du
patient. Même si le risque thromboembolique semble
plus faible chez les patients sans FA documentée après
l’ablation, il faut revenir au score de CHA2DS2-VASc
pour l’indication du traitement anticoagulant à long
terme, jusqu’à ce que de nouvelles études prospectives
randomisées soient disponibles sur le sujet. ■
N. Lellouche déclare avoir
desliens d’intérêts avec Bayer,
Boehringer et BMS
(présentations orales).