« Une compagnie, un théâtre, un festival »
'est devenu une tradition à Saint-Valery sur
Somme: depuis cinq étés, la Troupe Solilès
organise Théâtre sous les étoiles. Cette année,
la Troupe Solilès a choisi de mettre en scène Les
Caprices de Marianne, d’Alfred de Musset. Entretien
avec deux artisans du théâtre, Willy Michardière et
Yann Palheire, metteurs en scène de la Troupe.
Julien Levasseur - Tout d'abord, revenons sur la
naissance de Théâtre sous les étoiles. Comment
cette idée a germé dans vos esprits ?
Willy Michardière - Cet événement est né en 2012,
avec la création du spectacle La Nuit des Rois, de
William Shakespeare dans la Cour de la Mairie de
Saint Valery. Cette pièce a fait date dans l’histoire
de notre Troupe pour deux raisons : ce fut d’abord
un grand rendez-vous estival populaire qui associait
le génie du théâtre au patrimoine local, mais c’est
aussi avec ce spectacle que nous avons marqué
notre arrivée dans la ville. Dès l’automne qui a suivi
ce succès, nous avons décidé – conjointement avec la
municipalité – de poursuivre l’aventure d’un été de
théâtre. Ainsi naquit Théâtre sous les Étoiles, qui est
devenu un temps fort très dense pour notre troupe,
mais qui est aussi à présent un point d’orgue en
termes de programmation depuis que nous avons
également en charge une saison hivernale entière.
Yann Palheire - Ajoutons à cela que ce rendez-vous
s’inscrit parfaitement dans notre tradition théâtrale,
qui s’appuie sur la formule consacrée « une
compagnie, un théâtre, un festival ». Naturellement
il faut penser cette idée en association avec un
territoire et un public pour la comprendre. C’est
l’héritage que nous avons directement reçu de
Pierre Debauche, et que lui-même avait reçu de
Jean Vilar. Notre histoire du théâtre populaire est
celle d’une filiation qui continue à faire ses preuves,
et nous appliquons les mêmes recettes tout en les
accordant au monde d’aujourd’hui. Dans les années
1950, Vilar fait du Festival d’Avignon le temps fort
estival de sa troupe, le Théâtre National Populaire,
alors installée à Chaillot. Durant plusieurs semaines,
ses acteurs quittaient Paris pour créer au plus près
des publics décentralisés. Car Théâtre sous les Étoiles
est aussi une affaire de création : nous nous attelons
chaque année à de grands auteurs du
répertoire comme Shakespeare, Hugo, Feydeau,
Molière, et cette année Musset.
Julien Levasseur - Au fil des éditions, le nombre
de spectateurs a été grandissant. Quelle est la
recette de ce succès ?
Willy Michardière - Le choix des œuvres doit y être
pour beaucoup, mais aussi les lieux que nous
choisissons. Les vieilles pierres de Saint Valery ont
quelque chose d’infiniment théâtral. Notre projet
consiste aussi à permettre à tout le monde de voir
les grands chefs-d’œuvre du théâtre qui sont très
difficiles à lire, puisqu’il s’agit de partitions faites
pour être jouées et non pour rester dans les livres. Et
comme nous mettons beaucoup d’enthousiasme dans
nos mises en scène à les restituer avec un souffle de
modernité, je crois que le public y est sensible. Et
puis il y a bien entendu la jeunesse de notre équipe
qui touche les gens, et sans doute aussi l’amour sans
borne pour le théâtre de chacun des membres de
notre troupe (comédiens, techniciens, costumières).
Cela doit transparaître, c’est un plaisir qui se
diffuse.
Yann Palheire - Pendant un mois, nous donnons tout
pour le théâtre. A nos côtés, il y a plusieurs
bénévoles qui vivent passionnément l’aventure. Tout
converge vers un seul objectif : régaler chacun de
nos spectateurs. Et même avec des textes que le
public peut appréhender, nous réussissons
systématiquement à convaincre. Mais nous ne nous
contentons pas que de jouer, il y a de nombreux
rendez-vous avec le public autour de la
manifestation, que ce soit au restaurant du festival,
à l’entracte, ou même en amont de la première lors
de soirées gratuites (répétitions publiques, cartes
blanches des artistes) consacrées à l’amitié du public
et de nos artistes. C’est ce que nous faisons à
l’année, mais à plus vaste échelle durant l’été.
L’alternance des spectacles amuse aussi beaucoup le
public qui peut voir un soir les artistes dans un
spectacle, et le lendemain la même équipe dans une
autre pièce. C’est aussi une tradition empruntée à
Vilar et Vitez.
Julien Levasseur - Après Monsieur Chasse de
Feydeau en 2015, pourquoi avoir choisi de
mettre en scène cette année, Les Caprices de
Marianne, d'Alfred de Musset ?
Yann Palheire - C’est un projet de longue date. Il
fallait trouver le lieu pour jouer ce texte, et nous
avons choisi la Chapelle Saint Pierre qui était jusque