Chapitre 9 Susceptibilité électronique 2

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La susceptibilité électronique
Chapitre 9. La susceptibilité électronique1
Nous allons maintenant étudier plus en détails la réponse d’un atome soumis à un champ
électromagnétique résonnant avec une transition entre deux niveaux électroniques. Ceci va nous
permettre d’établir la susceptibilité électronique et de donner une interprétation plus claire de la
fonction forme de raie g(v) que nous avons introduite au chapitre 5. Nous allons d’abord utiliser un
modèle classique de l’atome afin d’obtenir une expression de la susceptibilité électronique; nous verrons
ensuite que l’on peut transposer directement ces résultats à la mécanique quantique. Sauf mention
contraire, tous les calculs seront faits en supposant un indice de réfraction n=1, i.e., une permittivité ε=ε0.
Fig. 1 Illustration du modèle classique de l’électron élastiquement lié de Lorentz. Voir la question 1 pour
une justification d’une force de rappel linéaire. Figure tirée de A. E. Siegman, Lasers, p. 82.
1
La référence principale du chapitre est A. E. Siegman, Lasers, chapitres 2 et 3.
147
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La susceptibilité électronique
9.1 Calcul du taux de relaxation d’un dipôle électronique classique (modèle de Lorentz)
On considère un électron soumis à la fois à l’attraction du noyau, à l’écrantage des autres
électrons, et à un champ électromagnétique oscillant. Nous allons nous intéresser au champ électrique
puisque, pour des vitesses non relativistes, ce dernier exerce une force plus importante sur un électron
que le champ magnétique. On suppose que le champ électrique est polarisé linéairement dans la
direction de l’axe des x. L’électron est assujetti à l’attraction du noyau par la force de Coulomb, qu’on
modélise, dans le modèle de Lorentz, comme une force de rappel isotrope d’un ressort, Cf. Fig. 1. Soit
x(t) la composante selon x de la position en fonction du temps de l’électron par rapport à sa valeur au
repos. Dans la suite, on utilisera la notation x& ≡
∑F
x
dx
d2 x
et &x& ≡ 2 . La deuxième loi de Newton,
dt
dt
= ma x , appliquée à l’électron s’écrit :
− kx − eE (t ) = m&x& ,
(1)
où e=1.6 x 10-19 C et m= 9.1 x 10-31 kg sont la charge élémentaire et la masse de l’électron, et k est la
constante de rappel du ressort. L’équation (1) peut se réécrire :
&x& + ω a 2 x = −
e
E (t ) ,
m
(2)
où
ωa =
k
m
(3)
est la fréquence angulaire de résonance. Maintenant, nous pouvons prendre en considération le fait
qu’un dipôle électrique classique oscillant doit s’amortir puisqu’un électron qui subit une accélération
doit perdre de l’énergie en rayonnant. On introduit alors un terme d’amortissement proportionnel à la
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vitesse et un coefficient d’amortissement γ en [s-1]. Les équations (1) et (2) sont modifiées
respectivement comme suit:
− kx − mγx& − eE(t ) = m&x&
(4)
et
&x& + γx& + ωa 2 x = −
e
E (t )
m
(5)
La position en fonction du temps de l’électron en l’absence de signal externe, i.e., après que l’on coupe
le champ E(t), qui est donnée par la solution homogène à l’équation (5), est donnée par :

 γ

x(t ) = Re x0 exp − t + iω a ' t + φ  ,
 2


(6)
où
γ 
ωa ' = ω a 2 −   .
2
(7)
2
Dans la suite, on choisira l’origine du temps t tel que φ=0. De plus, nous allons considérer que
l’oscillation du dipôle est très faiblement amortie, de sorte que γ<<ωa , et on aura alors : ωa ' ≈ ωa .
Maintenant, la conservation de l’énergie nous permet de conclure que la perte d’énergie mécanique de
l’oscillateur provient du rayonnement électromagnétique. L’énergie mécanique, U, s’écrit comme la
somme des énergies potentielle et cinétique:
1
1
U = kx 2 + mv 2 .
2
2
(8)
En remplaçant (6) et sa dérivée, v=dx/dt, dans (8), on trouve :
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1 2
U = kx0 exp(− γt ) .
2
(9)
La puissance rayonnée par dipôle Pr est l’opposé de la variation par unité de temps de l’énergie
mécanique:
Pr = −
dU 1
2
= γ kx0 exp(− γt ) .
dt 2
(10)
Ensuite, on définit le moment dipolaire électrique μ comme :
µ (t ) = −ex(t ) .
(11)
On définit l’amplitude d’oscillation du moment dipolaire tel que :
µ 0 = −exmax ,
(12)
où xmax est l’amplitude d’oscillation du dipôle au temps t donnée par :
 γt 
xmax (t ) = x0 exp −  .
 2
(13)
En comparant (10), (11) et (13), on peut alors écrire la constante d’amortissement comme suit :
γ=
2e 2 Pr
2
kµ0
.
(14)
Or, on peut montrer que la puissance totale irradiée par un dipôle classique oscillant est donnée par:2
ωa 4 µ 0 2
Pr =
.
12πε 0 c 3
(15)
2
Voir par exemple J.-P. Pérez et al, ‘’Électromagnétisme : fondements et applications’’, 3
Masson.
150
ème
éd., p. 373, 1997,
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En insérant (15) dans (14) puis en exprimant la constante de rappel k en fonction de ω et m, on trouve :
e 2ωa
.
γ=
6πε 0 mc 3
2
(16)
L’inverse de γ est l’analogue classique de la durée de vie d’un niveau excité, τrad. Il est intéressant à ce
stade de comparer ce résultat avec celui de la mécanique quantique. L’utilisation de la règle d’or de
Fermi permet de calculer le taux d’émission spontanée entre un niveau excité (appelé niveau 2) et un
niveau plus bas (niveau 1):3
A21 =
1
τ rad
r
où µ
2
=
=
ω12 3 r 2
µ ,
3ε 0 hc 3
(17)
3
∫∫∫ψ 1 * (r )er ψ 2 (r )d r
r r
r
r
2
et où ψ 1 et ψ 2 sont les fonctions d’onde associées aux niveaux bas
et excité, respectivement. En exprimant la puissance rayonnée Pr en fonction A21 et de l’énergie d’un
photon, puis en remplaçant A21 par son expression quantique (17), on peut montrer que Pr prend une
forme très similaire à la forme classique (15) à une constante près (Cf. question 6).
9.2 Comportement collectif d’un ensemble d’atomes : polarisation d’un milieu.
Nous allons maintenant considérer un ensemble de N dipôles électriques contenus dans un
volume V. Soit μj la composante selon x du moment dipolaire du j-ième dipôle, qui peut être un atome.
On définit la polarisation P comme le moment dipolaire total par unité de volume:
P=
3
1
V
N
∑µ
j =1
j
.
(18)
Voir C. Delsart, ‘’Lasers et optique non linéaire’’, Ellipse 2008, p.95.
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Dans la suite, étant donné que le moment dipolaire suit un mouvement oscillatoire, nous adoptons la
notation complexe, où le moment dipolaire μj de chaque atome est décrit par un nombre complexe µ~ j ,
avec une grandeur et un déphasage:
µ j (t ) = Re{µ~ j (t ) exp iω a t}.
(19)
La partie temporelle de µ~ j (t ) est seulement l’enveloppe, qui peut décroître à cause du rayonnement.
Supposons maintenant que tous les dipôles sont parallèles et en phase à l’instant initial, i.e., :
~
∀j , µ~ j (t = 0) = µ~0 (t ) . À ce moment-là, la polarisation P décroîtra exponentiellement avec la
constante γ/2, i.e.,
N
~
 γ 
P (t ) = µ~0 exp − t  .
V
 2 
(20)
Cependant, dans la plupart des cas, chaque dipôle va interagir avec son environnement. On dit que le
dipôle subit des ‘’collisions’’ aléatoires qui vont modifier soudainement la phase sans changer
l’amplitude du moment dipolaire; d’un point de vue quantique, on dira ‘’sans provoquer de relaxation
vers un niveau plus bas’’. Cela peut être dû à des collisions entre les atomes, comme dans le cas d’un gaz.
Comment ceci peut-il causer un déphasage dans l’oscillation du dipôle? Lorsque deux atomes sont
suffisamment proches l’un de l’autre, il apparaît entre eux une interaction qui se traduit par un
déplacement des niveaux d’énergie; pendant la durée de la collision, qui est très brève, la fréquence
d’oscillation ωa devient ωa+Δω et un déphasage supplémentaire apparaît. Ainsi, à une échelle de temps
de l’ordre de γ-1 , qui est longue par rapport au temps de collision, la variation de phase accumulée
pendant la collision apparaît comme un saut de phase aléatoire. Dans le cas d’un ion dans un solide, les
‘’collisions’’ traduisent une interaction aléatoire et incohérente avec des modes de vibration du réseau
cristallin. Dans les deux cas, le résultat est le même : il y a une perte de cohérence entre les différents
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dipôles. On définit le temps T comme l’intervalle de temps moyen entre deux collisions, qui correspond
aussi à l’inverse du taux de collision. Ce temps T est souvent plus court que le taux de relaxation lié à
l’émission spontanée γ-1. Par exemple, pour un ion dans un solide, on peut avoir T=10-12 s alors que τrad
peut être de l’ordre de 10-6-10-4s. Pour un gaz, on peut ‘’jouer’’ avec le taux de collision en changeant sa
pression; pour une pression suffisamment élevée, on peut avoir T=10-9-10-8s > τrad = 10-7-10-5s, alors que
pour un gaz dilué et une raie vers les courtes longueurs d’onde, tel que le laser hélium-néon, le temps de
collision est grand par rapport au temps de vie. Le temps T s’appelle aussi le temps de cohérence du
dipôle ou du niveau excité.
Considérons le cas le plus fréquent de dipôles dont le temps de vie du niveau excité est très
grand par rapport au temps de cohérence. Ainsi, si au départ ces N dipôles sont en phase, le nombre de
dipôles qui oscillent en phase va décroître exponentiellement et au bout d’un temps t, leur nombre est
donné par:
n(t ) = N exp(− t T )
(21)
Les N-n(t) dipôles restants ont une phase aléatoire et leur contribution moyenne à la polarisation du
milieu est nulle, Cf. Fig. 2. On aura alors :
 γ 1  
1 n(t )
n(t )
~
 γ  N
P (t ) = ∑ µ j =
µ 0 exp − t  = µ 0 exp −  + t 
V j =1
V
 2  V
 2 T  
153
(22)
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N 
Im ∑ µ~i 
 i =1 
N 
Im ∑ µ~i 
 i =1 
N
n(t)
2
1
3
4
2
N 
Re ∑ µ~i 
 i =1 
3
4
1
N 
Re ∑ µ~i 
 i =1 
Fig. 2. Illustration du comportement du moment dipolaire total à deux instants différents. Au départ (à
gauche), tous les N dipôles sont supposés alignés; au bout d’un temps t (à droite), plus petit que mais du
même ordre que T, seule une fraction de ces dipôles oscille encore en phase à cause de la décohérence
sur une échelle de temps T. La décroissance de chaque dipôle, indiquée par la longueur de la flèche, se
 γ

t + φi (t )  .
 2

~ = µ exp −
fait en général à une échelle plus lente, i.e., (γ/2)-1 >> T. On a défini: µ
i
0
Fig. 3. Effet de la décohérence sur le moment dipolaire total associé à trois dipôles. Figure tirée de Lasers,
Siegman, p. 91.
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Alors, en ce qui concerne le comportement collectif d’un ensemble de N dipôles, le taux de décroissance
de la polarisation est plus rapide que celui associée à chacun des dipôles pris séparément. Le
comportement collectif est tel que si on avait un taux de relaxation effectif donné par γ/2-1/T plutôt que
par γ/2. Le comportement des dipôles est illustré sous forme de phaseur à la Fig. 2 et en fonction du
temps à la Fig. 3. Alors, par analogie avec l’équation (4), l’équation différentielle qui va régir la
polarisation p d’un ensemble de N dipôles sera alors donnée par :
2
&&(t ) +  γ + 2  P& (t ) + ω 2 P (t ) = Ne E (t ) .
P
a
T
m

(23)
9.3 Comportement des dipôles lorsque soumis à un champ extérieur : la susceptibilité électronique.
On suppose maintenant que les dipôles sont soumis à un champ harmonique de fréquence ω
dans l’équation (23). Noter que ω est une fréquence angulaire (légèrement) différente en général de la
fréquence de résonance ωa. On cherche une solution en régime permanent de l’équation (23) pour P. De
~
manière analogue aux autres phaseurs définis dans ce chapitre, on peut définir le champ complexe E :
{
}
~
E ≡ Re E exp(iωt ) .
(24)
~
Noter que P est un phaseur qui, en régime permanent, qui ne dépend pas du temps. En remplaçant (24)
~
dans (23), on obtient une équation algébrique pour P :
2 ~
Ne 2 ~
~

2~
− ω 2 P + iω  γ +  P + ω a P =
E
T
m

On définit la susceptibilité complexe
(25)
χ comme suit :
~
~
P = ε 0 χE
(26)
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En insérant (25) dans (26), on trouve :
~
P
χ = ~ ==
ε0E
Ne 2
ε 0m
ωa
2
2

− ω + iω  γ + 
T

.
(27)
2
Maintenant, on définit ∆ω a = γ +
2
et on suppose que : ∆ωa << ωa ; alors la susceptibilité χ ne
T
prendra des valeurs appréciables que si ω est au voisinage de la résonance. On peut donc écrire :
ωa 2 − ω 2 ≅ 2ω (ωa − ω ) ,
(28)
et alors :
Ne 2
ε 0m
χ=
2ω (ωa − ω ) + iω∆ωa
(29)
On peut aussi écrire l’équation (29) sous la forme :
1
,
1 + i∆
(30)
Ne 2
ε 0 mω ∆ω a
(31)
ω − ωa
.
∆ωa
(32)
χ = −iχ 0
où
χ0 =
et
∆=2
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Maintenant, on peut encore réécrire l’équation (30) sous la forme:
χ ≡ χ '+iχ ' ' ,
(33)
où
χ'=
− χ0∆
1 + ∆2
(34)
et
χ'' =
− χ0
,
1 + ∆2
(35)
où χ ' et χ ' ' sont respectivement les parties réelle et imaginaire de la susceptibilité complexe. Δωa
correspond à la largeur à mi-hauteur de la partie imaginaire de la susceptibilité complexe, alors que χ 0
correspond à la valeur maximale de la partie imaginaire de la susceptibilité lorsque ω=ωa. L’allure de la
susceptibilité en fonction de la fréquence est illustrée à Fig. 4.
9.4 Transposition des résultats classiques en mécanique quantique.
9.4.1 Expression quantique de la susceptibilité électronique
Jusqu’ici, tous les résultats ont été établis par des calculs classiques. Nous allons voir maintenant que,
malgré sa naïveté apparente, le modèle de l’électron élastiquement lié donne aussi l’expression
quantique correcte de la susceptibilité; il suffit seulement d’adapter l’interprétation des termes qui
composent le résultat classique. Pour ce faire, nous allons exprimer la susceptibilité χ 0 en fonction de
qui est un taux de relaxation radiative.
157
γ,
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Fig. 4 Illustration de la susceptibilité classique en fonction de la fréquence angulaire. Notez que χ ' et
χ ' ' ont été renversés sur la figure. Figure tirée de Siegman, Lasers, p. 108.
La combinaison de (16) avec (31) donne :
χ0 =
3Nγλ3
,
4π 2 ∆ωa
(36)
où l’on a supposé que ω ≅ ω a car la transition est étroite. En remplaçant (36) dans (34-35), on obtient :
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χ' = −
3Nγλ
4π 2 ∆ωa
2
3
La susceptibilité électronique
ω − ωa
∆ωa
 ω − ωa 

1 +  2
 ∆ωa 
(37)
2
et
χ''= −
3Nγλ3
4π 2 ∆ωa
1
 ω − ωa 

1 +  2
 ∆ωa 
(38)
2
On peut montrer que la fonction forme de raie normalisée associée à cette expression de la partie
imaginaire de la susceptibilité est donnée par
g L ( v = ω / 2π ) =
4 / ∆ω a
 ω − ωa
1 +  2
 ∆ω a



2
,
(39)
Qui correspond à une distribution dite ‘’Lorentzienne’’, d’où l’indice L dans gL. On peut alors écrire :
χ'' = −
3 Nγλ3
g L (v )
16π 2
(40)
Maintenant, on peut obtenir le résultat quantique en appliquant les substitutions suivantes à
l’équation (40):
1) N devient N1-N2, qui est la différence de populations entre les deux niveaux impliqués dans la
transition, le niveau 1 étant le niveau bas.
2) ωa devient ω12 qui est la fréquence angulaire de résonance, i.e., E2 − E1 = hω12 où E2-E1 est la
différence d’énergie entre les deux niveaux considérés.
3) γ devient 1/τrad où τrad est soit mesuré expérimentalement ou calculé à l’aide de l’équation (17).
159
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La susceptibilité électronique
4) Il faut prendre en considération les propriétés tensorielles du tenseur de susceptibilité; nous
allons voir que ceci revient à remplacer le facteur 3 par un facteur qui, comme nous allons le voir,
varie de 1 à 3 selon la situation et que l’on note 3*.
∞
5) On remplace gL par g qui est de forme quelconque mais normalisée, i.e.,
∫ g (v )dv = 1 . En effet,
−∞
le spectre de χ ' ' (v) n’est pas nécessairement de forme lorentzienne, contrairement à ce que
l’équation (39) suggère. En effet, la forme lorentzienne s’applique dans le cas d’une raie isolée
mais on perd la forme lorentzienne quand on considère un ensemble de raies qui se
chevauchent partiellement les unes les autres (Cf. Fig.5). De plus, nous allons voir que la position
des raies peut changer d’un atome à l’autre; le résultat net est une convolution des différents
élargissements homogènes, que l’on nomme élargissement inhomogène. Ce dernier a parfois
une forme proche de la distribution gaussienne.
On montre à la Fig. 5 les spectres d’absorption et celui de la distribution d’indice de réfraction pour un
doublet de raies du chrome dans un cristal de rubis très rapprochées l’une de l’autre. Donc, le résultat
quantique pour la partie imaginaire de la susceptibilité sera donnée par:
χ'' = −
3 * ∆Nλ3
g (v ) .
16π 2τ sp
(41)
Finalement, notons que les parties réelle et imaginaire de
reliées par une transformation de Kramers-Kronig.
160
χ ne sont pas indépendantes puisqu’elles sont
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La susceptibilité électronique
Fig. 5 Courbes d’absorption et de distribution de la partie réelle de l’indice de réfraction lorsque deux
raies voisines se chevauchent. Figure tirée de A. E. Siegman, Lasers, p. 274.
9.4.2 La relation entre la susceptibilité et le coefficient d’absorption .
La partie imaginaire de la susceptibilité peut s’interpréter comme étant reliée à l’absorption.
L’équation (41) montre qu’elle est négative si N1>N2, i.e., si le coefficient d’absorption est positif. On
peut faire le lien entre χ ' ' et α en trouvant la relation qui existe entre χ = χ '+iχ ' ' et l’indice de
r
réfraction complexe n = n ' +in ' ' . D’abord, on sait que le vecteur déplacement D s’exprime comme:
r
r
v r
D = ε 0ε r E = ε 0 E + P ,
(42)
où εr est la permittivité relative du milieu. L’indice de réfraction complexe est donné par :
161
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La susceptibilité électronique
n = εr
(43)
En combinant (26) avec (42), on trouve :
n ≡ n'+in' ' = 1 + χ '+iχ ' '
(44)
Si on suppose que la susceptibilité atomique est très petite devant un, alors on peut faire un
développement limité au premier ordre:
n ≡ n'+in' ' ≅ 1 +
χ '+iχ ' '
(45)
2
et identifier :
n' ' =
χ''
(46)
2
Maintenant, considérons une onde plane qui se propage dans la direction positive de l’axe des z. On
~
~


aura : E = E0 exp i ωt −
2πn  
z   . L’amplitude du champ E évolue avec la coordonnée z selon :
λ  
 2πn 
 2π (n '+in' ' ) 
 2πn' ' z 
E = E0 exp − i
z  = E0 exp − i
z  = E0 exp

λ 
λ



 λ 
(47)
L’intensité de l’onde, qui est proportionnelle au carré du champ électrique, évolue alors selon
l’expression :
 4πn' ' z 
I == I 0 exp

 λ 
(48)
En faisant l’identification avec la loi de Beer-Lambert,
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La susceptibilité électronique
I = I 0 exp(− αz ) ,
(6.12)
on trouve avec l’équation (46):
α=−
2πχ ' '
(49)
λ
Or nous avons vu que α pouvait s’exprimer en fonction des sections efficaces spectroscopiques comme:
α = σ 12 (N1 − N 2 )
(6.13)
Alors, la combinaison de (49) avec (6.13) et la comparaison avec (41) donne :
σ 12 =
3 * λ2
g (v )
8πτ sp
(50)
L’expression (50) est la même que la formule de Füchtbauer-Ladenberg (6.28) à condition que le facteur
3*soit remplacé par 1.
9.4.3 Prise en compte du caractère anisotrope d’une transition atomique en mécanique quantique :
élucidation du facteur 3*.
Le modèle de l’électron élastiquement lié de Lorentz produit apparemment un facteur de trois
en trop pour la section efficace par rapport à la relation de Füchtbauer-Ladenberg que nous avons
établie au chapitre 6. La raison de cette différence tient à ce que toutes les transitions atomiques ont un
caractère intrinsèquement anisotrope, c’est-à-dire que l’orientation du champ électrique par rapport à la
fonction d’onde joue un rôle important dans la capacité d’exciter un dipôle. Une transition dipolaire
163
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La susceptibilité électronique
électrique entre deux états peut avoir lieu à condition que la valeur moyenne du moment dipolaire
électrique entre ces deux états soit différente de zéro. À titre d’exemple, la distribution de la fonction
d’onde de deux orbitales 1s et 2pz (associée à ml=0) est illustrée à Fig. 6. La fonction d’onde de l’orbitale
s possède la symétrie sphérique (fonction paire) alors que l’orbitale pz est impaire selon z et paire selon
x et en y. Supposons qu’un champ électrique oscillatoire résonant avec la transition puisse induire une
telle transition entre ces deux états. Alors, la fonction d’onde s’écrira (si on néglige la composante de
spin) :
r
r
r
 iE t 
 iE t 
Ψ( r , t ) = c1 (t )ψ 1s (r ) exp 1  + c2 (t )ψ 2 pz (r ) exp 2 
 h 
 h 
(51)
Si on calcule l’amplitude de probabilité de Ψ en fonction du temps lorsque celle-ci est dans une
superposition de ces deux états, on constate que le nuage électronique oscille dans la direction de l’axe
des z, tel que montré à la Fig. 7. Ceci suggère que seule la composante d’un champ électrique orientée
selon z peut exciter un tel dipôle. On peut voir que seule la composante selon z du moment dipolaire
électrique moyen sera non-nulle:




0
µx
 x


 
0
µ y = Ψ − e y  Ψ = 




r
r

it




µz
z
 2 Re c1 (t ) * c 2 (t ) exp − ( E 2 − E1 )  ψ 1s (r ) − e z ψ 2 p (r )  


 h

z
(52)

Ainsi, seule la composante selon z d’un champ électrique oscillant en résonance avec deux niveaux peut
donner lieu à une transition entre les deux niveaux 1s et 2pz. Les composantes selon x et y du champ
électrique ne peuvent produire ni absorption ni émission stimulée entre ces deux états. Or, le caractère
anisotrope d’une transition dipolaire entre deux états a été complètement ignoré dans le modèle de
l’électron élastiquement lié (Lorentz). Quand on a transposé les résultats obtenus avec le modèle de
164
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La susceptibilité électronique
Lorentz au cas de la mécanique quantique, on a implicitement supposé que l’orientation du champ
électrique était optimisée pour qu’une transition dipolaire puisse avoir lieu entre deux états.
Fig. 6 Illustration d’une orbitale 1s et 2pz. Notez que la fonction d’onde 2p est paire selon x et y mais
impaire selon z puisque les deux lobes montrés sont en opposition de phase. Figure tirée de Siegman,
Lasers, p. 139.
Fig. 7. Illustration de l’amplitude de la fonction d’onde (46) qui est une superposition cohérente d’états
1s et 2pz. On voit que le nuage électronique oscille dans la direction de l’axe z. Classiquement, un tel
dipôle ne pourrait être excité que par un champ oscillant orienté dans selon l’axe des z. D’un point de
vue quantique, la règle de sélection de la transition 1s -> 2pz , exprimée par l’équation (52), est en accord
avec cette image classique. Figure tirée de Lasers, Siegman, p.140.
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La susceptibilité électronique
Si on veut prendre en considération ce caractère anisotrope, il faut utiliser un formalisme tensoriel. Dans
le cas d’un alignement parfait du dipôle selon l’axe des x, on aura de (41):
 1 0 0


3∆Nλ3
g
(
v
)
0
0
0
χ'' = −

,
16π 2τ sp
 0 0 0


(53)
i.e., le dipôle ne peut être excité que par un champ orienté selon l’axe des x. Ceci est la situation
implicitement supposé dans le modèle de Lorentz. Par contre, le fait de négliger le caractère tensoriel de
la section efficace dans l’établissement de la formule de Füchtbauer-Ladenberg (6.28) revenait plutôt à
considérer que les dipôles sont orientés de manière aléatoire. Dans ce cas, un tiers des dipôles sont en
moyenne orientés selon chacun des axes et le tenseur de susceptibilité devient isotrope :
0 
1 / 3 0
 1 0 0




3∆Nλ3
∆Nλ3
χ''= −
g ( v ) 0 1 / 3 0  = −
g ( v ) 0 1 0 
2
2
16π τ sp
16π τ sp
 0
 0 0 1
0 1 / 3



(54)
Les équations (53) et (54) illustrent les deux cas extrêmes où tous les dipôles sont orientés soit dans la
même direction et soit de manière parfaitement aléatoire. Si les états sont dégénérés, alors la réponse
peut alors être considérée comme isotrope, par exemple si on considère une transition impliquant l’état
2p (3 orbitales mutuellement orthogonales). Dans le cas d’ions de terres rares placés dans un solide
cristallin cubique, le tenseur de susceptibilité sera aussi isotrope. Dans le cas d’un cristal biréfringent
(uniaxial ou biaxial) cependant, le tenseur de susceptibilité sera anisotrope et la section efficace d’un ion
dépendra de la polarisation du champ électrique.
Le calcul de la section efficace d’émission à l’aide de la formule de Füchtbauer-Ladenberg est
plus difficile à mettre en œuvre dans le cas d’un milieu anisotrope que pour le cas isotrope, en partie à
cause de la difficulté de calculer la fonction forme de raie g(v). Si on connaît les axes neutres du cristal,
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La susceptibilité électronique
que l’on appellera (x,y,z), alors on peut mesurer le tenseur de section efficace d’émission de la manière
suivante :4
 I x (v ) hv

0
σ=

8πτ sp ∫ 1 / 3 (I x (v) + I y (v) + I z (v) ) hv dv 
0

λ2
0
I y (v ) hv
0
0


0
,
I z (v ) hv 
(55)
où Ix est l’intensité mesurée (par exemple en watts) lorsqu’on excite l’ion avec un rayonnement polarisé
selon l’axe des x, etc. Noter que Ix n’est pas polarisé nécessairement selon l’axe des x. Par ailleurs,
λ=
λ0
est la longueur d’onde dans le cristal et non dans le vide. La formule (47) devient identique à
n
(6.28) lorsque l’ion répond de manière isotrope. La formule 6.28 se généralise pour le cas d’un matériau
isotrope d’indice n par :
σ e (v ) =
c2
g (v )
τ sp 8πv 2 n 2
1
(56)
9.4.4 Force d’oscillateur
Les équations (16) et (17) donnent respectivement les prédictions théoriques de taux de
relaxation radiative d’un niveau dans le cadre du modèle de Lorentz et de la mécanique quantique :
τ classique
1
τ rad
4
=
e 2ωa
=
;
6πε 0 mc 3
2
1
ω12 3
3ε 0 hc 3
(16)
3
∫∫∫ψ 1 * (r )er ψ 2 (r )d r .
r r
r
r
2
(17)
P. F. Moulton, J. Opt. Soc. Am. B, 3(1), 125-133, 1986.
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La susceptibilité électronique
C’est l’équation (17) qui donne le résultat juste. En effet, le résultat classique (16) ne prend pas en
considération les règles de sélection, i.e., le fait que des transitions puissent être interdites à cause de
considérations de symétrie; il ne dépend que de la fréquence de l’oscillateur, par exemple, pour une
longueur d’onde 1 μm, τclassique =45 ns. En effet, l’inspection de l’équation (17) montre que si les fonctions
d’ondes sont paires ou impaires par rapport à une coordonnée (ce qui va arriver si l’hamiltonien a la
symétrie d’inversion), alors, du fait de la présence du terme impair ex ou ey ou ez dans l’intégrale, cette
dernière sera nulle entre fonctions ψ 1 et ψ 2 de même parité; la transition dipolaire sera interdite et le
temps de vie associé sera très long par rapport au calcul classique.5 Règle générale,
1
τ rad
≤
1
τ classique
.
(57)
On définit la force d’oscillateur F par la fraction du taux de transition par rapport au résultat classique:
F=
τ classique
τ rad
(58)
Si F est très petit par rapport à un, alors on parle de transition ‘’interdite’’. Pour la transition du Nd3+
placé dans une matrice Y3Al5O12 (YAG) depuis le niveau 4F3/2 responsable de l’émission autour de 1 mm,
on a τrad=230μs, qui est environ dix mille fois plus grand que le résultat classique, i.e., F≈10-4.
Questions et problèmes :
Question 1 : En vous servant du théorème de Gauss et les effets d’écrantage d’un électrons par les
autres électrons, justifier la dépendance linéaire de la force exercée sur un électron similaire à la force
de rappel d’un ressort, telle qu’utilisée par Lorentz.
5
En fait, dans le cas d’une transition interdite, le temps de vie sera vraisemblablement déterminé par les parties
dipolaires magnétiques, ou quadrupolaires, etc., de l’hamiltonien d’interaction.
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La susceptibilité électronique
Question 2 : quelles sont les unités de γ?
Question 3 : démontrer les résultats (6) et (7).
Question 4 : démontrer le résultat (10).
Question 5: démontrer le résultat (14).
Question 6 : En exprimant la puissance rayonnée Pr en fonction A21 et de l’énergie d’un photon, puis en
remplaçant A21 par son expression quantique (17), montrer que Pr prend une forme très similaire à la
forme classique (14)
Question 7 : À partir de l’équation (5), retrouver l’équation (23) pour le cas où T2>>γ-1.
Question 8 : vérifier le calcul qui permet de passer de (29) à (31-33).
Question 9 : démontrer le résultat (36).
Question 10 : montrer que la fonction gL(v) telle que définie à l’équation (39) est normalisée.
Question 11 : Retrouver l’équation (49) à partir des équations qui la précèdent.
Question 12 : pourquoi les Ix, Iy, Iz dans l’équation (55) sont divisés par hv?
Question 13 : Dans le cas d’un milieu d’indice n, montrer que
1
τ classique
est proportionnel à n. Indice :
établir une correspondance pour la vitesse de la lumière et la permittivité qui ne sont plus celles du vide.
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