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Rédacteur : Sarah ABDELNOUR, Critique à nonfiction.fr L’économie morale. Pauvreté,
crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle Auteur : Laurence Fontaine. Éditeur :
Gallimard. Collection : NRF Essais. Date de publication : 18/09/08. N° ISBN : 2070785777
Réaction d’un lecteur : 15/12/08 13:00
Chaque lecteur s’approprie le livre en fonction de ses intérêts et cette diversité des lectures,
que les comptes-rendus restituent, est un vrai plus pour les lecteurs. Mais le plaisir s’arrête
quand on fait dire au livre ce qu’il ne dit pas et c’est ce qui se passe dans le résumé de la con-
clusion qui devient, sous la plume de Sarah Abdelnour, une machine de guerre contre les Al-
termondialistes et une apologie du marché et du microcrédit. Or, les critiques qu’elle formule
ensuite s’appuient pour l’essentiel sur cette conclusion.
Le lecteur attentif que je suis se doit donc de résumer la première partie qu’elle a ignorée. Elle
s’ouvre par une réflexion sur la pauvreté et ses définitions et dit : « La question essentielle à
l’intelligence de notre sujet est donc celle du risque et de l’incertitude, de l’efficacité des
réseaux sociaux, et des manières dont le statut et les rôles sociaux des individus influaient sur
leur capacité d’agir. Des réponses à ces questions dépend la plus ou moins grande capacité des
pauvres à sortir de la misère et à organiser un futur qui puisse prévenir qu’ils n’y retombent
(p. 309-310) ». Elle entame ensuite un dialogue avec les Altermondialistes pour rappeler que
les réseaux qui sont si importants dans leur vision d’une économie autre peuvent être porteurs
de solidarité mais également de dépendance. Elle constate qu’hier comme aujourd’hui, les
«pauvres » développent des stratégies de survie qui reposent sur la multiplication des sources
de revenus et remarque que l’accès au marché en est un élément essentiel. Mais elle souligne
que tous n’y ont pas accès et qu’en outre, autour de ce désir de marché une finance informelle,
foisonnante et usuraire se développe. Elle parle ensuite des expériences du microcrédit (Gra-
meen Bank et monts-de-piété), des débats que l’activité suscite (est-ce une activité charitable
ou une activité bancaire ?) et montre qu’aux difficultés de fonctionnement s’ajoutent des ques-
tions d’efficacité : « il ne suffit pas de se procurer du capital pour réussir une entreprise, même
si l’idée de départ est bonne. Il faut aussi du savoir-faire, du pouvoir-faire et, éventuellement,
des réseaux d’appuis. Ces trois éléments dépassent le seul cadre de l’action économique puis-
qu’ils touchent à l’éducation, aux droits des individus, aux rôles sociaux et au capital social
(p. 317) ». Elle insiste alors sur la nécessité d’une approche en termes de « capabilités » pour
comprendre le prix que les individus payent du fait de leur marginalisation politique, juridique
et économique comme de leurs handicaps physiques. Elle rappelle le chapitre V qui montre
que du fait de leur manque de « capabilités », les femmes n’entrent dans le marché que dans
des positions toujours marginales et elle ajoute que « ce sont les transformations de la société,
avec la reconnaissance d’un statut, l’égalité juridique proclamée des femmes et des hommes et
l’accès à l’éducation, qui ont changé leurs capacités à sortir de la pauvreté plus que toutes les
expériences économiques réussies qu’elles ont pu conduire ici ou là. Ce constat dit clairement
que le microcrédit n’est pas un remède miracle (p. 319) ». Pour conclure cette première moitié
de l’introduction, elle revient sur les enjeux des définitions de la pauvreté : « cessons de
regarder la pauvreté comme un état auquel il faut remédier et le pauvre comme un patient qu’il
faut soigner ; tenons la pauvreté pour ce qu’elle est : un phénomène dynamique, à la fois un
risque dont il faut comprendre les modalités de l’incertitude et l’ensemble des stratégies que le
pauvre pourra lui opposer dans l’espace que lui délimiteront les blocages physiques et cultu-
rels, institutionnels et économiques, qui tous à leur tour inhibent sa capacité d’action (p.
321) ». Ensuite seulement, la conclusion discute la position des Altermondialistes qui refusent