L
intellectuel, politique et moral de l’humanité. Ainsi, le concept
kantien de la métaphysique, tel qu’il est présenté dans l’Archi-
tectonique de la Critique de la raison pure, est un germe qui ne
peut atteindre sa pleine réalisation qu’à travers un processus
historique infini au moyen duquel on voit poindre au sein
même de la nature des signes de la liberté7. L’accomplissement
de la métaphysique est donc lié au progrès intellectuel, poli-
tique et moral de l’humanité et le souverain bien politique
comme Völkerbund en constitue indéniablement un moment
essentiel. Ainsi, la métaphysique, que fonde le concept du sou-
verain bien, connaîtra son aboutissement dans une interpréta-
tion téléologique de l’histoire humaine et de son sens. La
métaphysique, et la philosophie tout entière, sont une teleologia
rationis humanae8.
La métaphysique, selon Kant, est ainsi la science qui
demande : comment l’homme peut-il atteindre sa destination ?
Quelle est la finalité du savoir, vers quel but doit tendre notre
action au plan individuel et collectif ? Prise en ce sens, elle
correspond à cette soif d’absolu et de totalité qui caractérise la
raison humaine, celle-là même qui peut l’entraîner, lorsqu’elle
est mal guidée, vers des sentiers chimériques. Or, le souverain
bien apparaît bel et bien comme la réponse à de telles questions.
En effet, qu’il soit conçu individuellement comme l’union de
la vertu et du bonheur dans un sujet, ou collectivement comme
un monde moral futur et même plus concrètement comme une
fédération libre des États, le souverain bien répond toujours
chez Kant à la question du sens dernier de l’existence humaine,
à celle du but final de la science et de l’action. Ainsi, contre les
à son idée ; car celle-ci réside dans la raison comme un germe [...]. » Réf. :
E. Kant, CRP, A 834, B 862, OP, vol. 1, p. 1385 (Ak. III, 539).
7. Au sujet de la philosophie ou de la science comme une idée qui
doit connaître un développement historique, voir : E. Kant, CRP, A 835,
B 863, OP, vol. 1, p. 1386 (Ak. III, 540). Au sujet des signes attestant, au
regard d’un jugement réfléchissant, la présence et le progrès de la liberté dans
l’histoire et dans la nature, voir : E. Kant, Le Conflit des facultés, trad. par
A. Renaut, Œuvres philosophiques, Gallimard, La Pléiade, vol. 3, Paris, 1986,
p. 895-897 (Ak. VII, 84-87).
8. Voir : E. Kant, CRP, A 839, B 867, OP, vol. 1, p. 1389 (Ak. III,
542).