Étudiant à la maîtrise en études littéraires et rédacteur en chef
de l’Artichaut
L’expression « Avenir radieux » peut d’emblée sembler ironique.
Nous vivons en eet à une époque qui ne cesse d’annoncer, de
dénoncer la fin, la chute de l’humanité, une époque accablée
semble-t-il par la bureaucratie, les gauchistes, les racistes, la migra-
tion, la mondialisation, le nationalisme, le protectionnisme, la
démocratie, le totalitarisme, les inégalités sociales, les paradis fis-
caux, les impôts trop élevés, la finance, les chômeurs, les retraités,
les syndicats, le précariat1, la pollution, le réchauement climatique,
les écologistes... Et quoi encore ? Aussi bien dire tout ce sur quoi
on peut rejeter la faute sans chercher à comprendre les causes
véritables de l’« état de crise perpétuel » du monde d’aujourd’hui. À
défaut de causes, on trouve des fins : le Bogue de l’an2000… une
énième fin du monde en 2012… les astéroïdes… l’Armageddon…
Il y a d’abord les antagonismes du discours politique, la partisanerie
qui pousse à sans cesse salir pour mieux masquer les points forts de
la position adverse, pour mieux cacher ses propres points faibles.
Au-delà de ce face-à-face souvent stérile, la nouvelle ère qui
s’ouvre devant nous se donne comme une menace qui dépasse
au-delà de la catastrophe annoncée par le calendrier Maya. Cette
vision sombre de l’avenir n’est pas seulement celle des idéologues
à tout crin, sectaires et autres individus proposant leurs fantasmes
comme une réalité. Elle s’appuie avant tout sur les sciences de la
terre qui n’ont de cesse de montrer comment l’impact humain sur
l’environnement risque d’avoir des conséquences funestes. Elle est
aussi celle de nombre d’artistes qui envisagent l’avenir sur un mode
dystopique, inspiré par ces discours de fin du monde.
D’un point de vue culturel, l’ensemble de ces discours alarmistes
peut être considéré sous un angle commun, celui d’un « imaginaire
de la fin ». À ce sujet, Bertrand Gervais, professeur au département
d’études littéraires de l’UQAM, écrit :
Cet imaginaire n’est ni nouveau, ni spontané, et encore moins
homogène. Ses lieux sont multiples et l’espace qu’il occupe est ou
bien central, par le caractère essentiel des mythes d’origine et de fin
du monde, ou bien périphérique, puisque constitué de discours
marginaux et sectaires, d’aliénation et de persécution. La fin qu’il
met en scène est tantôt celle d’un monde, d’une tradition ou d’une
pratique, tantôt celle du Monde2.
La catégorie est vaste, certes, mais en tant qu’imaginaire, on peut
d’emblée considérer « que la fin doive être conçue avant tout
comme une pensée, une représentation3 » qui n’est jamais qu’un
fantasme fondé sur une vision catastrophiste du futur, vision jamais
tout à fait réalisée. Pour Jean-François Chassay, également pro-
fesseur de lettres à notre université, imaginer « la fin consiste
d’abord à envisager un phénomène ontologiquement inadmissible,
son propre eacement du réel4. »
L’utopie du quotidien
Gabriel Vignola