BIOLOGIE ET PÉRINATALITÉ
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2015 - N°470// 73
article reçu le 29 octobre 2014, accepté le 21 janvier 2015
© 2015 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
RÉSUMÉ
Les allo-immunisations anti-érythrocytaires chez la femme enceinte sont
des situations rares mais qui peuvent avoir de graves conséquences pour
le fœtus et le nouveau-né. L’identi cation de ces immunisations doit être
faite pendant la grossesse et non en urgence devant les complications
anémiques fœtales ou hyperbilirubinémiques postnatales. Le diagnostic
d’incompatibilité fœto-maternelle (IFM) est purement biologique. Le suivi
biologique des patientes allo-immunisées doit être bien conduit en respec-
tant pendant la grossesse le calendrier de surveillance des agglutinines
irrégulières et en effectuant, en cas de positivité, des titrages et dosages
pondéraux réguliers de ces anticorps anti-érythrocytaires. En fonction
du type d’anticorps, de sa concentration ou de son titre et du terme de
la grossesse, un schéma de suivi biologique avec, au-delà d’un certain
seuil, mise en place d’une surveillance clinique va pouvoir être organisé
a n d’anticiper les moyens médicotechniques de prise en charge de la
mère et de son enfant. Par ailleurs, les progrès en biologie moléculaire
ont permis d’améliorer le diagnostic de ces IFM avec notamment la mise
en place du diagnostic non invasif des incompatibilités grâce au génoty-
page des groupes sanguins du fœtus sur sang maternel pour les gènes
RHD et KEL1. En n le diagnostic des IFM érythrocytaires et le succès
de leur prise en charge reposent sur un dialogue multidisciplinaire entre
biologistes spécialistes de l’immunohématologie périnatale, obstétriciens
et néonatologistes.
Incompatibilités érythrocytaires – maladie hémolytique –
recherche et identifi cation d’agglutinines irrégulières –
titrage/dosage d’anticorps – génotypage de groupe sanguin fœtal.
Stéphanie Huguet-Jacquota, Cécile Toly-Ndoura, Anne Corteyb, Bruno Carbonneb, Agnès Maillouxa,*
Diagnostic et suivi biologiques
des allo-immunisations anti-érythrocytaires
chez la femme enceinte
a UF de biologie du CNRHP
Pôle de biologie médicale et pathologie
Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)
Site Saint-Antoine
184, rue du Faubourg Saint-Antoine
75571 Paris cedex 12
b UF clinique du CNRHP
Pôle de périnatalité
Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)
Site Armand-Trousseau
26, av. du Docteur Arnold-Netter
75571 Paris cedex 12
* Correspondance
SUMMARY
Diagnosis and management of the alloimmunized
pregnancy
The red blood cells alloimmunizations in pregnancy are
rare situations but can have serious consequences for
the fetus and the newborn. The identi cation of these
immunizations must be done during pregnancy and
not urgently face to complications of fetal anemia or
postnatal hyperbilirubinemia. The diagnosis of feto-
maternal incompatibility (FMI) is biological, based on
a well conducted biological monitoring : respect during
pregnancy of recommendation for antibodies screening
and titration or dosage of these antibodies. According
to the type of antibody, its concentration or its titration
and the term of pregnancy, a biological monitoring
scheme will be develop and if necessary a clinical
follow-up will be introduced to anticipate medical and
technical means to follow the pregnancy. Moreover,
the advances in molecular biology have improved
the diagnosis of these FMI including the non-invasive
diagnosis of incompatibilities, the fetal blood group
genotyping from maternal blood for RHD and KELL
genes. Finally the diagnosis of erythrocyte FMI and the
success of their treatment based on a multidisciplinary
dialogue between biologists specialized in perinatal
immunohematology, obstetricians and neonatologists.
Red blood cells incompatibility – hemolytic disease
of fetus and new-born – antibodies screening –
antibodies identifi cation – antibodies titration/dosage –
blood group genotyping.
1. Introduction
Les incompatibilités fœto-maternelles (IFM) anti-érythrocytaires
sont des situations obstétricales rares. On dénombre 1 à 2
femmes alloimmunisées sur 1 000 en dehors des incompatibili-
tés ABO. Le processus d’allo-immunisation résulte d’une suite
de phénomènes liés à l’introduction d’un antigène étranger
dans la circulation maternelle (hémorragie fœto-maternelle
avec introduction d’antigènes d’origine paternelle exprimée
par le fœtus, transfusion incompatible) entraînant la production
d’anticorps chez la mère. La traversée transplacentaire des
anticorps maternels de type IgG va se faire via les récepteurs
FcgRn présents sur le placenta dès le premier trimestre
de la grossesse. Le taux fœtal d’IgG à 20 SA (semaines
d’aménorrhées) est de 10 % du taux maternel et peut être
supérieur à celui-ci en  n de grossesse. Ces anticorps une
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est primordial. Quel que soit le statut RH1 de la patiente,
cette recherche est obligatoire au 1er trimestre de la gros-
sesse. Si la patiente est RH1 négatif, elle sera renouvelée
au 6e et 8e mois de grossesse. Ces RAI durant la grossesse
ont un intérêt purement fœtal. Seule la RAI réalisée en n
de grossesse a un intérêt transfusionnel chez la mère avec
une durée de validité de 3jours. Toute RAI positive doit être
obligatoirement suivie d’une identication de cette agglu-
tinine. Il est impératif de déterminer la spécicité de l’anti-
corps puisque le risque de développement d’une maladie
hémolytique du nouveau-né dépend de la spécicité de
cet anticorps. On distingue 4 grands groupes d’anticorps
en fonction du risque d’atteinte fœtale et/ou néonatale. Le
premier groupe comprend les 3 anticorps les plus dange-
reux en anténatal que sont les anti-RH1, les anti-KEL1 et les
anti-RH4. Le deuxième groupe contient les anti-RH3 dont
Il faut également se méer à taux élevés. Les anticorps du
troisième groupe n’ont été que de manière exceptionnelle et
à très forts taux décrits comme pouvant être responsables
du développement d’une anémie fœtale sévère. Enn le
quatrième groupe comprend des anticorps dont le risque
est quasi exclusivement en postnatal (tableau I).
2.2. Paramètres de l’anticorps
influençant le risque hémolytique
Le risque hémolytique va dépendre de plusieurs paramètres
dont le 1er est comme nous venons de le voir, la spécicité
de l’anticorps. Ensuite il va dépendre de l’afnité de l’anti-
corps pour les globules rouges. Ce paramètre englobe de
nombreux facteurs : mode d’immunisation, spécicité de
l’anticorps, génétique, nombre de grossesses incompa-
tibles. L’afnité d’un anticorps vis-à-vis d’un antigène est
appréciée par la technique de titrage réalisé par un test
indirect à l’antiglobuline (test de Coombs indirect) mettant
en contact des hématies tests natives (non traitées par des
enzymes) avec des dilutions du sérum du patient.
Le pouvoir d’activation des récepteurs Fc par l’anticorps
inuence quant à lui directement son activité hémolytique.
Ilest fonction de la sous-classe d’immunoglobuline pro-
duite : IgG1 ou IgG3 quasi exclusivement et de la glycosy-
lation de la partie Fc terminale (Fcg). Des tests fonctionnels
de type ADCC (cytotoxicité dépendante des anticorps)
mettant en présence le sérum de la patiente avec des
macrophages permettent d’évaluer l’activité cytolytique de
l’anticorps. Ils ne sont plus réalisés de manière courante
bien que très informatifs.
Enn la concentration en anticorps inuence directement
le pouvoir hémolytique de l’anticorps. On observe une très
grande variation des taux en anticorps (gamme très large
pouvant aller de 1 ng à 100 μg/mL). Le dosage pondéral
permet d’apprécier cette concentration en anticorps, le
titrage permet de l’approcher d’une manière moins précise.
Les 3 anticorps principalement impliqués dans les anémies
fœtales sévères sont les suivants.
r L’anti-D (RH1), ayant une incidence clinique durant la
grossesse, est toujours présent au 1er trimestre de gros-
sesse mais il peut être en limite de détection. L’utilisation
de technique de RAI utilisant des hématies traitées par des
enzymes (papaïne) facilite donc sa détection. Le principal
piège est de le confondre avec un anti-RH1 passif résiduel
consécutif à une injection d’IgG anti-D (IgRhD).
fois dans la circulation fœtale forment des immun-complexes
antigène-anticorps sur le globule rouge fœtal, ce qui entraîne
une immunoadhérence et une érythrophagocytose par les
macrophages spléniques. La gravité de l’atteinte est due à
une immuno-hémolyse fœtale et néonatale, entraînant la sur-
venue d’une anémie fœtale pouvant aboutir, sans traitement
et dans les formes les plus sévères, à un état d’anasarque et
à une mort fœtale in utero, et/ou d’une anémie néonatale avec
hyperproduction de bilirubine. Cette bilirubine s’accumule
en post-natal ayant pour conséquence un risque d’ictère
dès les premières heures de vie pouvant aller jusqu’à une
encéphalopathie hyperbilirubinémique (ictère nucléaire) par
xation de bilirubine non liée (forme neurotoxique) au niveau
des noyaux gris centraux en l’absence de prise en charge
immédiate et adaptée. L’incidence clinique des IFM est de
4/1 000 naissances [1].
Le diagnostic des IFM est purement biologique basé prin-
cipalement sur l’identication d’agglutinines irrégulières
et le titrage/dosage des anticorps. Les résultats de ces
examens biologiques vont permettre d’évaluer le risque
hémolytique en anté- et postnatal et ainsi dénir la prise
en charge de la grossesse. De façon plus récente les
techniques de génotypage de groupe sanguin fœtal ont
permis d’adapter cette prise en charge.
2. Outils biologiques pour
le diagnostic et le suivi des
incompatibilités fœto-maternelles
2.1. La recherche d’agglutinines irrégulières
Le diagnostic des IFM repose avant tout sur la recherche d’an-
ticorps anti-érythrocytaire ou agglutinines irrégulières (RAI).
Le respect du calendrier des RAI au cours de la grossesse
Tableau I – Allo-anticorps courants
et risque de maladie hémolytique du nouveau-né.
Spécificité
(nomenclature
traditionnelle)
Spécificité
(nomenclature
numérique)
Risque
d’anémie fœtale
Maladie
hémolytique
néonatale
Anti-D Anti-RH1 OUI après 15 SA OUI
Anti-Kell Anti-KEL1 OUI après 15 SA OUI
Anti-c Anti-RH4 OUI après 20 SA OUI
Anti-E Anti-RH3 RARE
(3e trimestre)
OUI
Anti-e Anti-RH5 Exceptionnel OUI
Anti-Fya Anti-FY1 Exceptionnel OUI
Anti-Jka Anti-JK1 Exceptionnel OUI
Anti-Kpa Anti-KEL3 Exceptionnel OUI
Anti-M Anti-MNS1 Exceptionnel OUI
Anti-A Anti-ABO1 NON OUI
Anti-B Anti-ABO2 NON OUI
Anti-C Anti-RH2 NON OUI
Anti-Fyb Anti-FY2 NON OUI
Anti-Jkb Anti-JK2 NON OUI
Anti-S Anti-MNS3 NON OUI
Anti-G Anti-RH12 NON OUI
BIOLOGIE ET PÉRINATALITÉ
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r L’anti-Kell (KEL1) provoquant une anémie fœtale sévère
est toujours présent en début de grossesse à des titres
très élevés supérieurs au 1/64. L’utilisation d’hématies
traitées par des enzymes n’est d’aucun intérêt pour
détecter cet anticorps puisqu’il est d’emblée présent
à de forts taux. Le principal piège est la nesse des
agglutinats qu’il forme avec les globules rouges, ce qui
peut rendre la lecture du titrage en technique indirecte
à l’antiglobuline très délicate (recours à un laboratoire
de référence souhaitable).
r L’anti-c (RH4) impliqué dans une anémie fœtale sévère
est également toujours présent au 1er trimestre de la gros-
sesse. Là encore, il peut l’être en limite de détection. Sa
détection est très facilitée par l’utilisation de technique
utilisant des hématies traitées par des enzymes (papaïne).
Le principal piège est de se er à une simple technique
de titrage puisque le titre souvent faible (anticorps de très
faible afnité pour les globules rouges) est non prédictif
d’une atteinte fœtale.
2.3. Le dosage pondéral
La technique de dosage pondéral peut être réalisée
pour tous les anticorps du système RH : anti-RH1(D),
anti-RH2(C), anti-RH3(E), anti-RH4(c), anti-RH5(e).
La technique de référence est une technique d’hémag-
glutination automatisée en ux continu (Autoanalyser®).
Des hématies tests de phénotype RH:1,2,3,4,5 traitées
par la broméline, en milieu macromoléculaire, sont mises
en présence du sérum des patientes. Le ux continu et
la présence de spires d’incubation permet à la réaction
antigène-anticorps de se réaliser. Après élimination des
agglutinats et lyse des hématies restantes non aggluti-
nées, l’auto analyseur réalise une mesure photocolorimé-
trique de l’hémolysat, inversement proportionnelle à la
concentration en anticorps. La comparaison des mesures
d’absorbance avec une gamme étalon d’anticorps de
concentration connue permet de déduire la concentra-
tion pondérale apparente de l’anticorps testé. C’est une
technique lourde avec un coefcient de variation élevé
de 5 à 20 %. C’est pourquoi une augmentation du taux
en anticorps n’est considérée comme signicative que
pour des variations au-delà de 30 %. Il existe 2 variantes
dans ce dosage. La variante 2 temps utilise des hématies
prétraitées par la broméline ce qui facilite la xation des
anticorps sur les hématies et permet un dosage global
de toutes les fractions d’immunoglobulines (toutes les
sous-classes d’IgG et IgM). Pour la variante 1 temps
la broméline est introduite directement dans le circuit,
les anticorps IgG3 sont en grande partie détruits ce
qui permet le dosage des anticorps de moyenne ou de
haute afnité, essentiellement des IgG1. Le résultat du
dosage pondéral des anti-RH1 s’exprime en μg/mL, en
unités internationales (IU/mL) ou en unités locales (unités
CHP/mL) avec la correspondance suivante : 1 μg d’IgG
anti-RH1/mL = 50 UI = 250 UCHP. Pour les autres anti-
corps du système RH le résultat s’exprime uniquement
en unité locale [2].
Le dosage pondéral a permis de déterminer des taux
critiques au-delà desquels on observe un risque d’anémie
fœtale sévère dénis en fonction de l’âge gestationnel.
Ces taux permettent d’alerter le clinicien pour qu’un suivi
spécique du fœtus soit mis en place (échographie fœtale
et surtout mesure du pic systolique de vélocité au niveau
de l’artère cérébrale moyenne). Ce suivi spécique est
destiné à identier des signes d’anémie commandant une
intervention thérapeutique (transfusion fœtale, déclen-
chement de l’accouchement…) [1].
Cependant, la valeur prédictive du dosage d’anticorps ne
doit pas être surestimée car il n’explore pas la capacité de
l’anticorps à activer les récepteurs Fcg des macrophages
et il existe en plus des variables fœtales pouvant atténuer
le potentiel hémolytique des anticorps.
2.4. Le titrage des anticorps
Pour les anticorps du système RH et également les
autres anticorps, la technique de titrage peut être réa-
lisée. La technique de référence fait appel au test indi-
rect à l’antiglobuline (TIA ou test de Coombs indirect)
en tube sur hématies-test normales en force ionique
physiologique à 37 °C. Le sérum à étudier est mis en
présence d’hématies tests possédant l’antigène cible.
Après incubation, les hématies tests sur lesquels les
anticorps présents dans le sérum maternel se sont xés
sont lavées et centrifugées au contact d’une antiglobuline
anti-IgG humaine. Après remise du culot en suspension,
la lecture des agglutinats est macroscopique. Le titre
en anticorps correspond à l’inverse de la plus grande
dilution géométrique du sérum pour laquelle on observe
une agglutination visible à l’œil nu. Une première lec-
ture directe, avant l’ajout de l’anti-IgG, permet de voir
si une composante IgM (anticorps ne passant pas la
barrière placentaire) est présente. Le titre va dépendre
en partie de la concentration en anticorps mais surtout
de son afnité vis-à-vis de l’antigène cible. Il en découle
qu’un anticorps de haute afnité peut avoir un titre très
supérieur à un anticorps de faible afnité en dépit d’une
concentration beaucoup plus faible. Ceci rend compte
des fréquentes discordances observées entre le titre et
la concentration de l’anticorps et de l’impossibilité d’éta-
blir une corrélation serrée entre ces deux paramètres.
L’exemple le plus agrant est celui de l’anti-RH4. Cette
technique n’est pas standardisée et il existe une grande
variabilité inter-laboratoires.
En parallèle du titrage, un score d’agglutination peut
être calculé. Ce paramètre prend en compte l’intensité
des réactions d’agglutination observées pour chaque
dilution du sérum positive. Il est un reet plus précis de
la concentration et de l’afnité de l’anticorps et permet,
un peu plus nement que le titrage, d’appréhender le
prol hémolytique de l’anticorps.
De nombreuses variantes de techniques de titrage sont
utilisables, notamment les techniques en gel, calquées
sur les techniques de recherche d’agglutinines irrégu-
lières. Elles donnent généralement des valeurs de titres
plus élevées. Les seuils décisionnels cliniques ont été
dénis avec la méthode classique de TIA et ne peuvent
donc être appliqués aux autres techniques de titrage.
Pour la surveillance de la femme enceinte, il est recom-
mandé de réaliser des titrages comparatifs avec le sérum
précédent. Pour que l’augmentation d’un titrage soit
considérée comme signicative, il faut plus d’une dilu-
tion d’écart avec le sérum précédent.
76 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2015 - N°470
2.5. La technique de microtitrage
des anti-RH1
L’injection prénatale d’immunoglobines anti-RH1 (IgRH)
peut rendre difcile le diagnostic d’immunisation anti-RH1
chez les femmes enceintes RH1 négatif et être à l’origine de
méprises regrettables. La technique de microtitrage permet
de répondre à 3 questions suite à une injection d’IgRH.
1. Est-ce que l’anticorps trouvé dans le sérum de la patiente
est uniquement explicable par un anti-RH1 passif ou une
allo-immunisation anti-RH1 est-elle associée
?
2. Est-ce que la quantité
d’anticorps restante dans
le sang maternel est suf-
sante pour protéger une
patiente d’une hémorragie
fœto-maternelle sachant
que pour avoir une efcaci-
té optimale de 100 % l’ap-
port en IgG anti-RH1 doit
être supérieur à 20 μg/mL
GR RH :1?
3. Est-ce qu’il est néces-
saire de recourir à un
dosage pondéral, à utili-
ser seulement en seconde
intention pour trancher des
cas incertains (anti-RH1
supérieur à 24 ng/mL) ?
Le microtitrage est une
technique simple d’hémag-
glutination en support gel
permettant à tout labo-
ratoire de répondre de
manière satisfaisante à ces
3 questions (figure 1) [3].
L’intensité de l’hémagglu-
tination de différentes dilutions de l’échantillon contenant
un anti-RH1 est comparée avec celle d’une gamme d’un
standard anti-RH1 (même principe de réaction qu’une
recherche et identication d’agglutinines irrégulières). La
concentration de l’anti-RH1 présent dans l’échantillon
est égale à l’inverse de la dernière dilution réactive de
l’échantillon multiplié par la concentration de la dilution
du standard anti-RH1 avec la même intensité d’aggluti-
nation. La concentration mesurée est exprimée en ng/mL
(figure 2). Elle est comparée à la concentration attendue
Figure 1 – Résultat de microtitrage anti-RH1 chez les accouchées RH1 négatif
ayant reçu une ou plusieurs injections d’IgRH.
Pour la patiente pointée par la èche une immunisation anti-RH1 jusqu’alors méconnue a été mise en évidence
avec cette technique.
Figure 2 – Présentation de la technique de microtitrage :
comparaison de l’hémagglutination en support gel Liss-Coombs sur hématies RH : 1,-2,-3,4,5 papaïnées
du sérum de la patiente par rapport à un standard anti-D.
BIOLOGIE ET PÉRINATALITÉ
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2015 - N°470// 77
dont le calcul est établi à partir de la figure 3 en fonction
du délai d’administration de l’IgRh et de sa posologie.
Une concentration en anti-RH1 inférieure ou égale à la
concentration attendue permet de conclure à un anti-RH1
passif. A contrario, une concentration en anti-RH1 supé-
rieure à la concentration attendue doit faire évoquer une
alloimmunisation anti-RH1. La technique de microtitrage
est donc la seule qui puisse répondre de manière précise
à l’absence ou non d’une alloimmunisation anti-RH1.
2.6. Les techniques de génotypage
Dans les allo-immunisations avérées, RH1, KEL1 et RH4,
la connaissance du génotype fœtal permet de faire le dia-
gnostic d’incompatibilité fœto-maternelle et de justier une
surveillance fœtale lourde et contraignante. Suite à l’isole-
ment et au séquençage des gènes RHD, RHCE et KEL1, le
génotypage fœtal RHD, KEL1, RHc par amplication PCR a
rapidement trouvé une application diagnostique dès le milieu
des années 1990 à partir de l’ADN des cellules amniotiques.
Néanmoins, cette méthode s’appuie sur un geste invasif
d’amniocentèse, qui comporte un risque de pertes fœtales et
un risque d’hémorragie fœto-maternelle qui pourrait réactiver
une immunisation et/ou favoriser l’apparition de nouveaux
anticorps. Les génotypages RHD et KEL1 fœtal non invasifs
sur sang maternel ont été développés dans les années 2000.
Ils présentent l’avantage d’éviter les risques fœtaux et d’ag-
gravation de l’immunisation liés aux prélèvements invasifs.
Ce sont désormais des techniques validées et éprouvées qui
ont révolutionné le suivi de la femme enceinte [4, 5].
Ces techniques non invasives ont vu le jour suite à la décou-
verte en 1997 par Y.M. Dennis Lo et ses collaborateurs
que l’ADN présent dans le plasma des femmes enceintes
comprenait de 1 à 6 % d’ADN d’origine fœtale sous forme
acellulaire. Chez les femmes enceintes, il est possible par
une technique d’amplication génique à partir de l’ADN
extrait du plasma maternel, d’amplier des gènes portés
par le fœtus et pas par sa mère (Brevet Oxford University).
Cette découverte a rendu possible la détermination non
invasive du génotype du sexe fœtal – par amplication du
gène SRY – et le génotypage RHD fœtal non-invasif à
partir du sang des femmes enceintes RH1 négatif sous
réserve qu’elles ne possèdent pas dans leur génome des
séquences non exprimées du gène RHD interférant avec
le test. Des séquences spéciques du gène RHD, l’exon 7
(plus spécique mais absent chez certains sujets RHD
partiels), l’exon 10 (le mieux conservé) et l’exon 5 sont
ampliées à partir de l’ADN plasmatique extrait (Kit « Free
DNA Fetal Kit® RhD » commercialisé par la société Biorad).
En cas de positivité du test, une surveillance spécique
est justiée. En cas de négativité, cette surveillance n’est
pas nécessaire. Le risque d’un faux négatif du génotypage
pourrait avoir ici des conséquences dramatiques, ce qui
justie tous les moyens pour éviter cet écueil. Dans ce
contexte, il apparaît essentiel de ne jamais rendre de résul-
tat négatif dénitif sans un contrôle systématique sur un
2e prélèvement à distance du premier. En cas de résultat
positif, ce contrôle n’est pas nécessaire. En cas de résultat
ininterprétable, pouvant correspondre à un variant RhD
(RH1) positif, le fœtus doit être considéré comme positif
jusqu’à la naissance. Cet examen est accrédité selon la
norme EN NF ISO 15189 au CNRHP depuis 2012.
De même, le génotypage KEL1 non-invasif est pratiqué
au CNRHP depuis octobre 2010 et accrédité depuis 2013.
Il est basé sur 3 étapes.
1. PCR spécique de l’allèle KEL1 en temps réel réalisée
en triplicat et permettant de mettre en évidence la pré-
sence d’ADN KEL1 d’origine fœtale dans le plasma
maternel.
2. PCR de l’exon 7 du gène ABO en temps réel en simpli-
cat, permettant de déterminer la quantité d’ADN maternel
3. PCR d’un ADN traceur de maïs en temps réel permettant
de valider l’étape d’extraction de l’ADN.
An de limiter tout risque d’erreur, le résultat est validé à
partir de 2 tests indépendants et il est vérié sur un 2e pré-
lèvement prélevé un peu plus tard dans la grossesse [6].
Le génotypage RHc non invasif est actuellement en cours
de développement au CNRHP.
3. Diagnostic et suivi biologique
des allo-immunisations anti-
érythrocytaires en pratique
Lors de la découverte d’une RAI positive en cours de
grossesse le schéma de suivi va dépendre de la spéci-
cité de cet anticorps. On distingue 3 grands groupes
d’anticorps (figure 4).
Pour les anti-RH1, anti-RH4, anti-RH3 et anti-KEL1 pour
lesquels il existe un risque d’anémie fœtale sévère in utero,
on va tout d’abord phénotyper le procréateur pour l’antigène
cible. Si ce dernier est trouvé de phénotype incompatible,
un génotypage fœtal est proposé pour le RHD et le KEL1,
enn un titrage et un dosage sont réalisés et renouvelés
toutes les 2 à 3 semaines.
Pour les anti-FY1, anti-FY2, anti-MNS-1, anti-MNS-3, anti-
JK1, anti-JK2 où le risque est avant tout en postnatal, on
va là aussi phénotyper le procréateur pour l’antigène cible.
Si ce dernier est phéno-incompatible l’anticorps sera titré/
dosé à 3 mois puis à 8 mois de grossesse.
Figure 3 – Concentration en anti-RH1 attendue suite à une
injection d’IgRH 300 μg faite à 28 SA en IV. La concentration
en anti-RH1 diminue de moitié toutes les 3 semaines.
La positivité de la RAI après une injection va dépendre de la dose et du délai d’injection
ainsi que de la sensibilité de la RAI.
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