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Mercredi 13 avril 2016 | SCIENCE & MÉDECINE | 
Dimensions
Hauteur
12 m 48 m
Diamètre
3 m 3,7 m
Masse de la charge lancée, en tonnes
(au moment de la séparation)
5 130
Moteur
1 9
Poussée, en tonnes-force
50 450
Altitude maximale, en km
104 200
Vitesse maximale
Mach 3 Mach 5,5 à Mach 7,5
SOURCES : SPACE X ; BLUE ORIGIN
INFOGRAPHIE : HENRI-OLIVIER
Texas Floride
Deux ambitions rivales
Blue Origin comme Space X ont réussi à faire atterrir leurs 
fusées verticalement, mais les deux exploits n’ont pas tout à fait 
la même valeur : le New Shepard (Blue Origin) ne fait qu’atteindre 
la frontière de l’espace (100 km) avant de retomber vers son point 
de départ, quand le premier étage du Falcon 9 (Space X) propulse 
une lourde charge utile en orbite, avant de se retourner 
pour atterrir sur une barge dans l’océan Atlantique.
New Shepard
New Shepard
(Blue Origin)
Freinage
à 1 km
d’altitude
Ascension
Ascension
Séparation
de la capsule
Vol suborbital
Séparation
deuxième étage
à environ 70 km
Deuxième
étage
Atterrissage
de la capsule
Rotation
Cargo Station
spatiale
internationale
Succession
de freinages
moteurs
Freinage
final
Déploiement
d’aérofreins
100 km100 km
Atterrissage
8 min 37 sec
après décollage
Atterrissage
11 min 
après décollage
Océan Atlantique
Environ 300 km
Barge
Falcon 9
Falcon 9,
premier étage
(Space X)
Si les progrès de la génétique ont coutume
d’agiter les communautés scientifiques et
de sciences humaines et sociales, la  nou-
velle  technique  du  genome  editing,  ou
d’« ingénierie ciblée du génome », soulève
d’intenses  polémiques.  Cas9  est  une
nucléase capable de couper les deux brins de la molé-
cule d’ADN. L’intérêt du système Crispr-Cas9 est d’être
guidé par une courte séquence d’ARN qui positionne 
très précisément Cas9 là  où l’expérimentateur sou-
haite introduire la coupure. Ces guides ARN sont peu 
onéreux et aisés à produire. Une fois l’ADN coupé, il 
est  réparé  voire  remplacé  par  une séquence  d’ADN 
choisie. Par son efficacité et sa simplicité de réalisa-
tion, cette technique offre une perspective d’applica-
tions médicales inaccessibles jusqu’à présent.
Notre  groupe  de  travail  conjoint,  associant  la
Société française de génétique humaine (SFGH) et la 
Société  française  de  thérapie  cellulaire  et  génique
(SFTCG) mis en place mi-2015, souhaite contribuer au
débat qui est ouvert à ce sujet, en France, par l’Office
parlementaire  d’évaluation  des  choix  scientifiques 
et technologiques et l’Académie nationale de méde-
cine. Ce groupe de  chercheurs et de professionnels 
de la génétique, de  la reproduction  et des sciences
humaines  et  sociales  a  généré  une  position  com-
mune dont les fondements ont été discutés lors de 
deux  réunions  scientifiques  et  qui  sera  proposée 
pour adoption aux deux sociétés savantes. Ce travail 
s’ancre dans une analyse rigoureuse de l’état de l’art 
scientifique, seule à même de permettre une identi-
fication précise des enjeux d’encadrement des déve-
loppements de cette technologie.
La controverse majeure concerne la possible appli-
cation de Crispr-Cas9 à l’embryon humain et aux cel-
lules germinales rendant possible la transmission à
la  descendance  d’une  modification  génétique.  Un
consensus sur l’interdiction de telles manipulations 
s’est maintenu jusqu’à présent, d’autant que ces mo-
difications n’étaient pas réalisables par manque d’ef-
ficacité et de précision des techniques. Mais la révo-
lution  technologique  que  représentent  le  système 
Crispr-Cas9  et  ses  dérivés  remet  en  cause  ce  statu 
quo. Si une nouvelle technologie très précise et sûre, 
efficace et facile à mettre en œuvre existe, est-il légi-
time de maintenir cette interdiction ? La recherche 
pour explorer les stratégies possibles est indispensa-
ble si l’on souhaite améliorer l’efficacité de la techni-
que tout en diminuant ses risques.
Pratiques médicales
 Le potentiel thérapeutique de
la technologie Crispr-Cas9 n’est certes pas à envisa-
ger  uniquement  sous  l’angle  des  modifications
transmissibles à la descendance, mais ces dernières 
soulèvent les questions les plus aiguës en pratique.
Aujourd’hui, le  diagnostic  pré-implantatoire  ou le
diagnostic prénatal permettent à des couples qui sont
à risque élevé de transmettre une maladie génétique 
grave et incurable, d’avoir des enfants indemnes de la
pathologie. La technologie Crispr-Cas9 permettrait de
corriger  le  défaut  génétique  chez des  embryons  at-
teints, dans le cas où le diagnostic génétique pré-im-
plantatoire n’identifie pas d’embryon indemne.
Enjeux sociétaux 
Cette  technologie  permet  aussi
d’envisager le scénario de modification des caracté-
ristiques ou capacités des individus humains dans 
des domaines variés, des frontières du médical aux
performances  d’ordre  physique  ou  intellectuel.
Mais dans ce domaine, le niveau des connaissances
scientifiques et la force du déterminisme génétique
sont souvent surévalués. Les caractères complexes
sont en règle générale multifactoriels. En outre, de
tels  scénarios  sont  sans  précédent  et  risquent  de
créer  ou  d’aggraver  des  inégalités  sociales.  Appli-
quée à l’ingénierie du génome humain, la technolo-
gie Crispr-Cas9 donnerait accès à un  éventail  d’ap-
plications potentielles,  allant de la naissance d’un
enfant en bonne santé pour un couple qui n’aurait
pas pu en avoir sans cela, à l’« homme augmenté ».
Faut-il interdire la première application pour éviter
toute dérive vers la seconde ?
Enjeux juridiques
 Le droit a posé des régimes d’inter-
diction forts dans le domaine des modifications géné-
tiques  de  l’embryon  humain.  Ces  interdits  ont  été 
pour  partie  levés concernant la  recherche  sur  l’em-
bryon humain et la procréation, mais différemment 
selon  les  pays  européens.  En  France,  les  textes  qui 
s’appliquent, dans le domaine de la recherche et dans 
celui des applications médicales  (aide médicale à  la
procréation, AMP), laissent persister des ambiguïtés.
L’analyse des dispositions du code civil, du code de la 
santé publique ou encore de la Convention d’Oviedo 
(articles 8 et 13) tendrait à interdire une partie des acti-
vités de recherche utilisant l’ingénierie ciblée du gé-
nome dans le contexte de l’embryon humain. Est-il 
donc nécessaire de réfléchir à une éventuelle modifi-
cation de la loi ou simplement de la clarifier, au regard
des activités scientifiques actuelles et de la nécessaire 
protection de l’individu et de l’espèce humaine ?
Nos propositions
 Reconnaissant la responsabilité
qui découle de la façon dont les experts parlent des
technologies,  l’expression  « ingénierie  ciblée  du
génome » a été choisie en raison du champ large re-
couvert.  L’expression  « chirurgie  du  génome »  a 
paru adaptée si l’on désigne les applications théra-
peutiques.
L’interprétation du cadre réglementaire actuel de
la recherche sur la modification du génome de l’em-
bryon humain ou des cellules germinales humaines 
devrait être clarifiée, en levant les ambiguïtés et en
identifiant le périmètre des recherches possibles.
Sans présumer de la décision de la société concer-
nant l’utilisation de ces techniques en clinique hu-
maine, toute application de l’ingénierie ciblée du gé-
nome  dans  le  contexte  de  l’AMP  est  actuellement 
prématurée pour des raisons méthodologiques. Des 
travaux de recherche pour en améliorer l’efficacité et
l’innocuité sont indispensables avant de pouvoir en-
visager  leur  utilisation,  pour  des  indications  limi-
tées, sur des bases solidement documentées.
La  recherche  utilisant  l’ingénierie  ciblée  du  gé-
nome de l’embryon humain, des cellules germinales
humaines ou de leurs précurseurs devrait donc, avec
un encadrement strict, être autorisée, ce qui  pour-
rait nécessiter une modification législative.
La  réflexion  sur les  indications  médicales  poten-
tielles doit être menée dès à présent, via des recher-
ches en sciences humaines et sociales et des débats 
impliquant toutes les parties prenantes de la société.
Un moratoire à un usage clinique de cette techno-
logie ne nous semble pas pertinent, dans la mesure 
où un  tel  usage  est de  facto  interdit  en France  en 
l’état actuel de la loi et de la convention d’Oviedo.
Nos propositions visent ainsi à promouvoir une
recherche responsable, capable d’anticiper les con-
séquences sociétales de ses développements, ayant,
comme  objectif,  une  protection  tant  individuelle
que collective. p
« Ce travail s’ancre dans 
une analyse rigoureuse de l’état de l’art 
scientifique, seule à même 
de permettre une identification 
précise des enjeux 
d’encadrement des développements 
de cette technologie »
¶
Groupe de travail 
conjoint sur 
« l’ingénierie ciblée du 
génome de l’embryon et 
des cellules germinales : 
actualités sur 
les recherches et 
applications envisagées 
chez l’homme » des 
Société française 
de génétique humaine 
(présidente : Anne 
Cambon-Thomsen) et 
Société française de 
thérapie cellulaire 
et génique (président : 
Pierre  Cordelier), 
Emmanuelle  
Rial-Sebbag 
(correspondante).
> Sur Lemonde.fr 
L’intégralité des signataires.
Le système Crispr-Cas9 révolutionne les capacités d’intervention sur notre patrimoine génétique.
Deux sociétés savantes proposent des pistes pour mieux cerner les promesses et les risques de cette chirurgie du gène
Ingénierie du génome : il faut clarifier le cadre réglementaire
|t r i b u n e |
Le supplément « Science 
& médecine » publie 
chaque semaine une 
tribune libre ouverte au 
monde de la recherche. 
Si vous souhaitez 
soumettre un texte, 
prière de l’adresser à 
Les fusées réutilisables, chasse gardée américaine
Vendredi 8 avril, Elon Musk a tenu 
son pari : reposer verticalement le 
premier étage de sa fusée Falcon 9 
sur une barge, au large de la 
Floride, tandis que le reste du 
lanceur mettait correctement en 
orbite une capsule destinée à 
ravitailler la Station spatiale 
internationale. Cette réussite fait 
suite à quatre tentatives 
infructueuses, le long cigare ayant 
alors explosé à l’impact. Elle 
suggère que les fusées réutilisables 
ne sont peut-être pas une utopie.
Moins d’une semaine auparavant, 
le patron d’Amazon, Jeff Bezos, 
avait eu la satisfaction de voir se 
reposer pour la troisième fois en 
moins de cinq mois la même fusée
New Shepard, après un vol d’une 
dizaine de minutes qui l’avait 
conduite au-delà des 100 km 
d’altitude, frontière officielle de 
l’espace. Ce triple retour à bon port, 
même s’il ne s’agit que de vols 
suborbitaux, crédibilise les projets 
de tourisme spatial de sa société 
Blue Origin, qui espère lancer des 
vols commerciaux en 2018.
L’ambition d’Elon Musk est tout 
autre : abaisser encore les coûts 
des lancements commerciaux 
en réutilisant un élément-clé 
des lanceurs qui, jusqu’alors, était 
perdu lors de la rentrée dans 
l’atmosphère. Reste à prouver 
qu’un premier étage ainsi récupéré 
sera aussi fiable qu’un neuf. 
Arianespace en doute et ne prévoit 
pas cette option pour sa future 
Ariane 6, attendue sur le marché 
en 2020. p hervé morin