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Reynaud…) ou encore de la sociologie américaine des professions et qui, même si elles rencontrent
des écoles de sciences politiques (celle de la construction du sens bien plus que celle de la
gouvernance ou même des régimes urbains), restent autonomes dans leurs outils et leurs démarches
[1]. C’est bien plus par toutes ces voies que par une annexion à la géographie ou à un petit secteur
des sciences politiques que la sociologie urbaine et sa sœur (du moins aux yeux de beaucoup, dont
Remy) l’anthropologie urbaine, elle aussi incroyablement riche en travaux empiriques de forte
portée, apportent à l’urbanisme.
Il éclaire ensuite l’importance de l’espace en sociologie. On sait qu’un jugement habituel porté sur
cette discipline consiste à affirmer qu’elle ne sait pas à donner à l’espace une autre valeur que
métaphorique. Elle serait alors dans une situation du même ordre que l’économie. Or, il n’est pas
certain que l’économie soit incapable de produire une pensée de l’espace – même si les écoles
aujourd’hui dominantes s’en moquent éperdument – et le jugement porté sur la sociologie ne vaut
que pour une partie de la discipline (là aussi c’est largement une question de rapports de forces
internes). Plus encore, la sociologie –et encore plus l’anthropologie- peut apporter des éléments
décisifs à la théorie de l’espace. On le voit actuellement avec toutes les questions que posent la lente
sortie du modèle euclidien et la quasi fusion entre l’espace « réel » et virtuel. Toutes les disciplines
(y compris la géographie) peinent à sortir d’une théorie de l’espace comme contenant (container) et
la sociologie n’y réussit pas plus mal que d’autres : un livre tel que celui de Martina Löw Sociologie
de l’espace (Éditions de la maison des Sciences de l’homme 2015) va bien au delà des simples
références sociologiques et la synthèse qu’il opère montre l’importance majeure de la physique
(Einstein et après), de la psychologie ou de la philosophie dans la pensée de l’espace. Du coup, on
considère d’un tout autre œil le dit spatial turn.
Il nous rappelle enfin la singularité de celui qui l’écrit. Économiste, sociologue des religions (et
singulièrement du catholicisme) Remy devient sociologue urbain par le rapport à l’action. D’abord à
travers des études de planification assez classiques en Wallonie, puis par l’expérience de Louvain la
Neuve, précédée d’un séjour (qui n’est pas mentionné dans ce livre) dans l’équipe de Kevin Lynch.
La dimension opérationnelle l’emporte quand, à partir de 1990, il assure la responsabilité du plan
urbain de la ville, devenant un des principaux animateurs de son développement. Au départ, il
s’inscrit nettement dans le courant des sciences sociales qui contribuent à la planification urbaine au
sens large (planning). Puis avec le développement de Louvain la Neuve, lui et son équipe
(notamment Liliane Voyé) investissent, en particulier avec leur travail –très original à l’époque- sur
les ambiances urbaines, un champ qui correspond plutôt à la programmation urbaine. Enfin, comme
responsable du plan urbain de la ville nouvelle, Jean Remy intervient dans le processus de
conception, autant dans la perspective du design que dans celle du planning. L’originalité du
praticien renforce ici celle du théoricien.
L’urbanisme a entretenu –en particulier en France- des liens très privilégié avec la sociologie : faut il
rappeler que les 1,2 et 3 Mai 1968 se tenait à Royaumont un colloque intitulé « sociologie et
urbanisme [2] » et que la liste des présents est stupéfiante ? Le parcours de Jean Remy, comme
théoricien, chercheur de terrain et acteur, ainsi que l’importance des débats que soulève ce livre