Recul record des glaciers aux Kerguelen : la baisse des

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Recul record des glaciers aux Kerguelen
: la baisse des précipitations mise en
cause
Les causes du recul record des glaciers de l’archipel des Kerguelen (49°S,
69°E) au cours des dernières décennies viennent d’être dévoilées par une
(1)
équipe internationale
comprenant des chercheurs de quatre laboratoires
français : Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement
(LGGE/OSUG, CNRS / UGA), Laboratoire d’études en géophysique et
océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD), Laboratoire
de géographie physique : Environnements Quaternaires et Actuels (LGP, CNRS
/ Université Panthéon-Sorbonne / Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne
/ INRAP) et Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et
approches numériques (LOCEAN/IPSL, UPMC / CNRS / MNHN / IRD)). Après une
période de stabilité, de 1850 à 1960, les glaciers ont en effet connu une
forte diminution de leur volume, qui serait essentiellement due à une
sécheresse résultant du réchauffement climatique et du trou d’ozone en
Antarctique.
Les glaciers situés en bordure des régions de climat polaire sont
extrêmement sensibles au changement climatique. Au cours des dernières
décennies, ils ont détenu les records de perte de masse glaciaire à
l’échelle du globe, avec des valeurs particulièrement extrêmes en Patagonie
et sur l’archipel des Kerguelen, contribuant de manière significative à
l’élévation du niveau de la mer.
Localisation de
l’archipel des
Kerguelen. Les
zones rouges
(bleues)
correspondent aux
régions
actuellement
marquées par des
pressions
anormalement
fortes (faibles).
L’archipel des Kerguelen (49°S, 69°E) est un territoire français situé dans
la région sub-Antarctique, au sud de l’océan Indien, sur lequel se trouve
une calotte glaciaire : la calotte Cook. Deux fois plus étendue que
l’ensemble des glaciers des Alpes françaises, cette calotte représente la
zone englacée la plus vaste du territoire national.
Ayant analysé l’évolution depuis 1850 de la calotte Cook à partir d’images
satellitaires, une équipe internationale comprenant des chercheurs du LGGE,
du LEGOS, du LGP et du LOCEAN a montré que sa taille ne la protégeait pas
du changement climatique. Si la calotte est en effet restée stable entre
1850 et 1960, ses pertes de glace sont ensuite devenues brusquement très
fortes, jusqu’à atteindre un record au cours des dix dernières années.
Accélération
modélisée des
pertes de masse
annuelles (en
mètres d’eau par
an) de la calotte
Cook depuis 1950
(en noir). Les
valeurs des
pourcentages en
rouge représentent
la contribution
des précipitations
à la perte de
masse au cours de
la décennie
concernée. Le
climat de
référence est
celui des années
cinquante.
Les chercheurs se sont alors penchés sur les causes d’un tel déclin.
L’analyse conjointe de l’évolution du glacier et des variations du climat
depuis 1850 leur a permis de montrer que ce recul fort et continu était
principalement dû à la sécheresse majeure qui sévit aux Kerguelen depuis le
milieu des années soixante et qui s’est très largement accentuée depuis
1975, conduisant à la disparition progressive des chutes de neige sur la
calotte. Par ailleurs, il s’avère que si le réchauffement atmosphérique
concomitant aux Kerguelen a aggravé le processus, il n’a joué que pour un
quart dans la perte de glace de la calotte depuis les années 1960.
Les chercheurs ont également démontré que cette sécheresse était liée à un
déplacement des dépressions se propageant sur l’océan Indien : alors que
celles-ci circulaient exactement au-dessus de l’archipel en 1950, elles
évoluent aujourd’hui plus au sud et n’alimentent plus la calotte. Or, ce
changement de circulation résulterait de l’évolution des pressions
atmosphériques aux moyennes et hautes latitudes de l’hémisphère sud, en
lien avec le réchauffement climatique et la variabilité de la couche
d’ozone en Antarctique.
Les pertes record de glace aux Kerguelen seraient donc finalement une
conséquence du changement climatique et du trou d’ozone, tous deux
d’origine anthropique (consommation toujours croissante des combustibles
fossiles et utilisation des gaz fréons dans le passé).
Enfin, les chercheurs ont montré que la calotte devrait continuer à reculer
au cours du XXIe siècle, jusqu’à disparaître au cours des prochains siècles.
Néanmoins, ces travaux de modélisation montrent que les modèles de climat
actuellement utilisés pour effectuer les projections d’évolution du climat
sous-estiment très largement l’assèchement observé à Kerguelen. Les
chercheurs estiment que l’avenir des glaciers de la région sub-Antarctique,
où l’assèchement devrait se poursuivre, pourrait donc être plus sombre que
prévu et que, d’une manière plus générale, les projections d’évolution des
glaciers sont à considérer avec précaution dans les régions marquées par
d’importants changements de précipitation, ceux-ci étant très difficiles à
reproduire.
(1) Les organismes étrangers impliqués sont les suivants : Barcelona Super
Computing Center (Espagne), Cooperative institute for research in
environmental sciences (États-Unis), University of St Andrews (Écosse),
Référence
Favier, V., Verfaillie, D., Berthier, E., Menegoz, M., Jomelli, V., Kay, J.
E., Ducret, L., Malbéteau, Y. , Brunstein, D., Gallée, H., Park, Y. H. and
Rinterknecht V.: Atmospheric drying as the main driver of dramatic glacier
wastage in the southern Indian Ocean. Sci. Rep. 6, 32396; doi:
10.1038/srep32396 (2016) www.nature.com/articles/srep32396
Contact
Vincent Favier (LGGE/OSUG) : [email protected], 04 76
82 42 68
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