Cette année sera également celle de la parution de la traduction française de l’ouvrage clé
de Geremek, La potence ou la pitié2, ou encore celle de l’organisation de l’année
internationale des sans-abri par l’ONU…
En ce qui concerne les frontières disciplinaires, choix a été fait d’intégrer toutes les
références en sciences sociales au sens large (de la sociologie à l’urbanisme, en passant par
le droit). En revanche, les travaux de psychologie clinique ou sociale, psychiatrie ou
médecine, ont volontairement été écartés, à l’exception de ceux ayant « généré des
controverses dans le champ des sciences sociales ». On pense ici par exemple au
psychanalyste, écrivain, anthropologue d’origine bruxelloise, Patrick Declerck…
La recension bibliographique, en elle-même, est développée autour de 4 chapitres,
brièvement introduits : « Du problème social au problème scientifique : nommer, objectiver,
enquêter », « Les dispositifs d’assistance des personnes sans-abri », « La question SDF comme
problème public », « La vie entre rue et assistance : expériences et expédients ».
La partie consacrée au vocabulaire, finement nommée « Arpenter le domaine du sans-
abrisme », loin d’être exhaustive sur la problématique, poursuit l’objectif de « rassembler
des expressions, notions, ou concepts mobilisés et réinterprétés de manière significative et
cohérente par des chercheurs francophones explorant un même domaine de recherche au
cours de ces deux dernières décennies. » (p.157). Si l'on peut parfois rester sur sa faim en
terme de contenu (il est toutefois précisé que ce n’est pas un dictionnaire…), on trouve un
riche panorama de définitions d’expressions, telles que « asile de nuit », ou encore des
éclaircissements judicieux de notions sociologiques (« carrière de survie », P. Pichon) ou de
concepts comme l’épuisement capacitaire (M. Breviglieri). On notera avec curiosité que le
lexique recense des notions assez rarement éclairées : "propriétaires de chien", "inclusion
périphérique" ou encore "histoire des malheurs"...
En ce qui concerne l’aspect francophone, plusieurs références majeures belges sont
reprises : B. Francq, P. Jamoulle, L. Thelen, etc. A présent, il reste probablement à la région
bruxelloise à se doter du même type d’outil pour la partie néerlandophone…3
Au final, cette somme bibliographique francophone constitue un outil très utile et efficace,
récent et mis à jour, pour tous ceux qui souhaitent aborder, approfondir ou se mettre à jour
autour des questions relatives aux sciences sociales et au sans-abrisme.
Permettons-nous, dans le cadre de cette rapide recension, de revenir sur un point essentiel
abordé dans cette bibliographie. Les chercheurs, auteurs de l'ouvrage, visent des objectifs de
cumul des savoirs, de comparaison, de concentration, de clarification, et de circulation des
savoirs. De fait, ils s'interrogent - et ce point intéresse au premier chef le Centre d'appui à
travers ses missions de recherche, de collecte de données et d'interpellation politique - sur
les liens entre commande publique et recherche.
En effet, alors même que le sans-abrisme, est passé d’un problème d’ordre social à un
problème public, les travaux sur la question se sont multipliés et éclatés en différents
domaines, ce qui suscite plusieurs interrogations : quels sont les impacts de ces recherches ?
Quelles sont les demandes ? Qui sont les mandataires ? Les auteurs rappellent ici
l’importance des travaux scientifiques pour mieux saisir, délimiter et comprendre les
2 Bronislaw Geeremek, La potence ou la pitié. L’Europe et les pauvres du Moyen Âge à nos jours, Paris, Gallimard, 1987.
3 En ce qui concerne les références anglo-saxonnes, on pourra toujours se reporter à la magistrale somme de plus de 900 pages :
l’Encyclopedia of homelessness (D. Levinson, 2004)