Page 5 L’OREILLE BRUYANTE
Chronique scientifique
avec Sylvie Hébert, professeure agrégée
École d’orthophonie et audiologie, faculté de médecine, UdeM
Au cours des quatre derniers
mois, j’ai été invitée à présen-
ter mes résultats de recherche à
Buffalo (États-Unis) au mois
d’août, et à Stockholm (Suède)
en novembre. À Buffalo, il s’a-
gissait du Tinnitus Research
Initiative, un congrès interna-
tional réunissant des cher-
cheurs de tous les coins du monde (Amérique du
Nord, Amérique du Sud, Europe, Asie, Austra-
lie) dont les recherches ont un lien avec l’acou-
phène. Plusieurs chercheurs s’intéressent aux
traitements. Les questions qui motivent ces cher-
cheurs sont : Quels sont les traitements efficaces
pour réduire les acouphènes? Comment peut-on
mesurer le succès d’un traitement pour l’acou-
phène? Quelles sont les caractéristiques des
acouphènes qui répondent le mieux aux traite-
ments? Une des difficultés (dont j’ai déjà parlé
dans cette chronique) est la mesure du succès
d’un traitement. En effet, étant donné que l’a-
couphène est une sensation subjective, il reste
encore beaucoup à faire pour bien le mesurer.
C’est en partie ce que nous développons dans
notre laboratoire, à l’aide d’un écran tactile qui
permet d’apparier des sons externes avec les
sons de l’acouphène.
C’est la personne elle-même qui ajuste la fré-
quence et l’intensité de son acouphène en mani-
pulant l’écran tactile. Nos résultats préliminaires
suggèrent que lorsqu’une personne revient au
laboratoire environ huit mois plus tard, l’acou-
phène est très similaire à la première fois, ce qui
extrêmement encourageant puisque cette mesure
pourrait nous permettre d’établir un lien entre le
succès d’une thérapie, la mesure de l’acouphène,
et la mesure de la détresse psychologique. Par
exemple, est-il possible que l’acouphène change
à cause du traitement, mais pas la détresse psy-
chologique, ou vice versa? D’autres chercheurs
s’intéressent à des questions plus fondamentales
sur l’acouphène, par exemple, quelles sont les
structures du cerveau qui sont responsables de la
genèse de l’acouphène?
À Stockholm, il s’agissait d’une conférence sur
invitation organisée par l’Université de Linkö-
ping et le Karolinska Institutet. C’était un évé-
nement réservé aux étudiants inscrits au doctorat
de recherche (Ph.D.) à ces deux instituts ainsi
qu’à un groupe de quelques invités internatio-
naux, dont j’ai eu l’honneur de faire partie. J’en
ai profité pour allonger mon séjour et consolider
ma collaboration avec des chercheurs experts
sur l’audition, la santé et les acouphènes du Cen-
tre de recherche Karolinska Institutet, là où sont
consacrés les Prix Nobel de toutes les discipli-
nes. Nous avons soumis un article scientifique
qui traite des facteurs prédisant la présence et la
sévérité de l’acouphène.
En le résumant, bien que des facteurs auditifs
tels que la perte auditive et la sensibilité aux
sons soient importants dans l’acouphène, nous
avons trouvé que l’épuisement émotionnel joue
un rôle insoupçonné et beaucoup plus grand
qu’on aurait pensé. La question importante est,
maintenant : Est-ce que l’épuisement émotionnel
pourrait provoquer la présence, et surtout la
détresse, reliée à l’acouphène? Un sujet d’ac-
tualité pour plusieurs en cette période où, com-
me encore davantage à Stockholm, les jours rac-
courcissent.
Je vous souhaite un Joyeux Noël et une excel-
lente année 2012.