Compétence 1 : Définir et situer la démarche participative

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COMPETENCE 1
DEFINIR ET SITUER LA DEMARCHE PARTICIPATIVE
DANS LE CHAMP DE LA PROMOTION DE LA SANTE
I.
« La participation des acteurs » avec vos mots
II.
Les différents niveaux de la participation
II. A. L’échelle de Hance et al.
III.
La participation et ses champs de mise en œuvre
III. A. Le développement social local
III. B. La démocratie participative
III. C. La démarche communautaire en santé
IV.
Les incontournables de la participation
IV. A. La richesse de la participation : à la fois un moyen et un processus
IV. B. La participation contribue au renforcement de la communauté
IV. C. Des valeurs, une éthique
V.
La démarche communautaire en santé, une démarche participative au
service de la promotion de la santé
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1
I.
« La participation des acteurs » avec vos mots
La démarche participative est aujourd’hui entrée dans le discours courant. Or, quand on
l’écoute on se rend vite compte que chaque acteur, depuis sa place, met dans ces mots des
significations très différentes.
Il est donc essentiel de commencer ce module par une clarification des différentes formes
que peut revêtir la démarche participative.
Affiche réalisée par des étudiants français
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II.
Les différents niveaux de la participation
La participation renvoie à des niveaux différents d’implication des acteurs. Plusieurs échelles
existent pour mesurer cette participation à un projet ou programme. Nous présenterons ici
l’échelle de Hance et al. Si vous souhaitez aller plus loin, vous pouvez également consulter
l’échelle de B. Pissarro1 ou de Rifkin (1990).
Ces échelles ont le mérite d’exister, cependant elles ne mesurent que la seule participation
des habitants, usagers et, nous verrons, tout au long de ce module que la démarche
participative, doit intégrer l’implication active de TOUS les acteurs.
Heureusement, comme tout outil, ces échelles peuvent être adaptées aux besoins du projet.
Afin, donc, d’élargir l’utilisation des échelles, l’étudiant qui le souhaite, pourra faire l’exercice
intellectuel de mettre à la place du mot « citoyen », « habitant » et « population »,
respectivement, les mots professionnel et élu. Il obtiendra ainsi des indicateurs d’évaluation
de la participation pour tous les acteurs.
L’échelle de la participation élaborée par Hance et al. en 1990 2 propose de déterminer les
différents niveaux d’implication dans la mise en œuvre des actions et des programmes selon
le niveau de pouvoir spécifique du citoyen sur la décision.
Echelon
1er échelon
Degré de participation
L’équipe projet agit seul, sans communiquer avec les citoyens
2ème échelon
L’équipe projet informe les citoyens sans leur demander de se
prononcer sur la question
3ème échelon
L’équipe projet consulte sans réellement tenir compte des
commentaires émis
4ème échelon
L’équipe projet consulte et tient compte des commentaires émis
ème
5 échelon
L’équipe projet s’associe à la population pour résoudre le problème
6ème échelon
L’équipe projet remet entre les mains des citoyens le pouvoir de
prendre seuls les décisions appropriées
Les différents niveaux d’implication du citoyen ordinaire (selon Hance et Al, 1990)
Cette échelle, comme d’autres qui existent (échelle de la participation citoyenne d’Arnstein,
…), a le mérite de permettre de situer son action dans une démarche évolutive. Elle est par
ailleurs intéressante pour les porteurs de projets car elle peut être un outil qui leur permette
de :
 situer leur action (où en sommes-nous de la participation ?)
 se donner des objectifs de niveaux à atteindre (où voulons nous arriver en terme de
participation ?) et
 envisager alors des « stratégies » pour l’atteindre (comment allons-nous nous y
prendre pour arriver là où nous voulons arriver ?).
Pissarro B. Les inégalités dans la ville. Congrès international du centre de coordination
communautaire en éducation pour la santé : “ Le social dans la santé ”.- Liège, 1992/11/18-20
2
Hance BJ, Chess C, Sandman TM. Industry risk communication manual : improving dialog with
community. Boca Raton : Lewis Publisher, 1990.
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3
Conclusion
" C'est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble" (Montaigne)
Tout au long de ce module nous apprendrons que une démarche participative, selon son
niveau de développement, aura des effets différents en termes de changement. Un niveau
aurait pour effet un non changement, un autre amènerait à un changement de
comportement, puis, carrément si nous arrivons à une participation de niveau 6, ceci nous
amènerait vers un changement sociétal.
Ces effets recherchés vont nous faire privilégier un niveau de participation ou un autre.
QUAND L’INSTITUT RENAUDOT PARLE DE PARTICIPATION, IL SE SITUE LUI, AU
NIVEAU 6 DE LA PARTICIPATION (ACTION).
Or, si l’on s’en tient aux concepts et aux discours actuels sur la participation, on remarque
qu’il s’agit essentiellement du niveau 6, la participation action. Cependant, quand on observe
les pratiques, on note que tout en restant aux niveaux 1 ou 2, les acteurs locaux disent
« faire » de la participation action.
Autrement dit, entre ce qui se dit et ce qui se fait réellement, il y a un gouffre et ce
généralement pour deux raisons :
 Soit parce que la volonté et la compétence des professionnels impliqués ne
rencontrent pas la volonté et la capacité des institutions, des élus et des
habitants à s’inscrire dans une participation - action.
Il peut alors être nécessaire de passer par les autres niveaux de participation. Ces
derniers peuvent être des tremplins vers une participation plus systématique et plus
active des acteurs. C’est à travers l’expérimentation de ces différentes formes de
participation que petit à petit chacun pourra tenter d’aller plus loin. Mais l’expérience
a montré que l’atteinte d’un niveau de participation supérieur demande du temps, le
temps pour les habitants de prendre leur place et le temps pour les professionnels et
des élus de la leur donner.
 Soit parce que la participation est détournée de ses objectifs à des fins
purement politiques ou de « marketing social ». Cette situation est plus
fréquente qu’il n’y paraît. Il n’est pas rare d’entendre un élu demander à ses
agents de « faire venir » beaucoup d’habitants à une réunion de concertation quand
en réalité la décision est déjà prise. Dans ces situations, on ne peut donc pas
avancer sur l’échelle de la participation.
Lissons ensemble ce premier argument qui justifie les propos tenus au préalable. « La
participation n’est donc possible que par la rencontre d’un mouvement descendant, constitué
par les élus qui soumettent au débat leur projet, et d’un mouvement ascendant constitué par
les habitants demandeurs de participation. Sans mobilisation des habitants, l’offre de
participation reste une coquille vide. Sans reconnaissance du pouvoir local, l’implication de
la population faiblit rapidement. Ce système d’offre et de demande implique que les élus
soient prêts à « jouer le jeu » jusqu’au bout même si les habitants s’avèrent opposés au
projet, mais aussi que ces habitants soient en mesure de définir et de mettre en avant une
problématique d’intérêt collectif pour négocier avec la municipalité »3.
« La participation se situe au carrefour des initiatives citoyennes, de la volonté des élus »3, et
de la compétence des professionnels.
3
Nina FAUCHEUX, La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains - Mémoire d’IUP
Aménagement et Développement du Territoire, Juin 2008, p.16-18
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III.
La participation et ses champs de mise en œuvre
Pour le dictionnaire Larousse 2009, la participation c’est l’« association des citoyens au
pouvoir»4.
Si l’on consulte l’encyclopédie Wikipédia 5 : « La participation désigne des tentatives de
donner un rôle aux individus dans une prise de décision affectant une communauté. Cette
notion s'est appliquée à plusieurs champs distincts […]. En sciences politiques, la
participation est un terme plus général qui recouvre les différents moyens selon lesquels les
citoyens peuvent contribuer aux décisions politiques. Pour que la participation en toute
connaissance de cause soit possible, un degré de transparence est nécessaire, mais non
suffisante. La participation est recherchée surtout pour les décisions qui affectent en priorité
certaines catégories de la population, en particulier dans le domaine de l'urbanisme et des
rénovations urbaines ou dans celui de la gestion des ressources (eau, paysage...) et de
l'environnement ».
Avec cette définition de la participation, il apparaît qu’elle peut s’inscrire dans différents
champs. Compte tenu du temps imparti et en fonction de nos objectifs pédagogiques, nous
avons aborderons trois dès champs possibles : le développement social local, la démocratie
participative et la promotion de la santé.
III. A. Le développement social local
Ce courant est issu, entre autre, des travaux de Paolo Freire, qui, au Brésil dans les années
60, a mené des démarches de conscientisation qui avaient pour but que les gens deviennent
acteurs de leur propre développement.
« Au début des années 60, Paulo Freire, éducateur brésilien, a lancé une campagne
massive d’alphabétisation parmi les populations du Nord-est brésilien. En quelques années,
plus d’un million d’exclus ont retrouvé leur dignité et une capacité d’autonomie, d’initiative et
de participation à la vie sociale grâce à une méthode qui combinait apprentissage de la
lecture avec la valorisation de la culture et de l’expérience de chacun. A la suite de cette
expérience, Freire a élaboré sa théorie de la conscientisation »6. Autrement dit, « qu’il
s’agisse des pays en développement ou des pays dits industrialisés, l’analyse des situations
et des problèmes de développement (local, régional, institutionnel…) fait apparaître de plus
en plus que le développement d’une collectivité ne peut résulter seulement de la volonté et
des programmes des planificateurs. […] Dans cette perspective, les actions contribuant au
développement seraient celles qui accroîtront la capacité des acteurs sociaux à se prendre
en main, à élaborer et réussir leurs propres projets, à analyser et résoudre les problèmes qui
se posent à eux, à intervenir sur les situations qu’ils vivent. Il ne s’agit pas seulement de la
capacité de l’Etat, mais aussi de celle des acteurs de la société civile »7.
Enfin, il s’agit de créer les conditions pour que les personnes agissent elles-mêmes pour leur
propre développement et celui de leur communauté.
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/participation/58372
http://fr.wikipedia.org/wiki/Participation
6
Freire P. - L’éducation, pratique de la liberté. Editions du Cerf. 1996
7
Leboterf G., Lessard P. L’ingénierie des projets de développement – Gestion participative et
développement institutionnel. Ed. Paideia, 1987. – 178 p. 9 et 10.
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5
5
III. B. La démocratie participative
« La démocratie participative proprement dite a pour but d’augmenter l’implication des
citoyens dans la prise de décision elle-même, surtout de ceux qui en sont habituellement
tenus à l’écart. Les formes en sont multiples, mais toutes "recherchent la formation de
communautés citoyennes actives, mettent l’accent sur l’engagement et la politisation des
habitants" »8.
Il s’agit donc de réfléchir à la place qu’ont les citoyens – et tous les citoyens - dans les prises
de décisions et ce à tous les niveaux, du plus local au plus global. On observe néanmoins
que les initiatives de démocratie participative restent très minoritaires et sont surtout mises
en place au niveau local, des espaces plus ou moins « participatifs » en ce qui concerne la
participation active des citoyens : conseils de quartier, conseil de développement, Forum
Citoyens, Conseil municipal des Anciens, des Jeunes, des Enfants, …
Pour aller plus loin :
- Nina FAUCHEUX, La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains Mémoire d’IUP Aménagement et Développement du Territoire, Juin 2008, p.16-18 (faire lien)
III. C. La démarche communautaire en santé
Elle est une des 5 stratégies de la promotion de la santé (plus exactement « renforcer
l’action communautaire »). Elle part du postulat que pour améliorer la santé des populations,
il est essentiel que les personnes vivant en proximité, les communautés, s’impliquent dans
les projets ; qu’elles définissent leurs besoins communs, cherchent ensemble une réponse,
des moyens, et s’organisent pour y arriver.
La démarche communautaire en santé s’attache à accompagner les habitants dans le
développement d’une attitude citoyenne vis-à-vis de leur santé et celle de leur communauté,
à s’informer, se former, s’impliquer dans la vie locale sur toute politique locale qui puisse
avoir un impact sur la santé, c'est-à-dire les déterminants de la santé.
Alors qu’il y a quelques années on parlait de « santé communautaire », aujourd’hui on
préfère parler de « démarche communautaire en santé », mettant en avant qu’il s’agit tout à
la fois d’une méthodologie d’intervention et d’un processus.
Une démarche de santé sera donc dite communautaire « … lorsqu’elle concerne une
communauté qui reprend à son compte la problématique engagée, que celle-ci émane
d’experts ou non, internes ou externes à la communauté »9.
Propos tenus par Serge Cannasse en novembre 2008, dans Carnets de Santé
(http://www.carnetsdesante.fr/Democratie-sanitaire-pour-une)
9
Charte de promotion des pratiques de santé communautaire. Paris : Institut Théophraste Renaudot,
1998
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8
6
Conclusion
« On ne développe pas l'homme : il ne se développe que par lui-même (...) c'est par ce
qu'il fait qu'il se développe ; il se développe (...), par ses propres décisions, en
comprenant mieux ce qu'il fait et les raisons pour lesquelles il le fait (...), en
augmentant ses connaissances et ses capacités et en participant entièrement luimême, sur un pied d'égalité avec les autres, à la vie de la communauté au sein de
laquelle il vit » (Nyerere)
Quel que soit le domaine dans lequel la participation s’inscrit, pour l’Institut Renaudot elle
doit toujours viser le changement social.
En effet, les habitants d’un quartier, les usagers d’un hôpital, des parents d’élèves…, sont
avant tout les citoyens d’une société. Celle-ci aura une influence directe ou indirecte sur eux
et sur leur développement. De la même façon, en tant que membres de cette société, ils
constituent aussi des facteurs d’influence pour le changement de celle-ci.
La participation permet donc de développer cette capacité des individus et des groupes à
agir, à être acteurs, dans le changement de leur société.
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IV.
Les incontournables de la participation
Nous avons bien vu que la participation peut être mise en œuvre dans différents domaines et
peut donc viser différents objectifs et atteindre différents niveaux.
A cette analyse, il faut ajouter néanmoins 3 éléments qui sont incontournables à la
compréhension de ce concept :
•
•
•
La richesse de la participation : à la fois un moyen et un processus
La participation : contribue au renforcement de la communauté
La participation : des valeurs, des attitudes et des principes de travail
IV. A. La richesse de la participation : à la fois un moyen et un processus
Pour l’Institut Renaudot, la participation n’est pas une fin en soi. Il ne s’agit pas de « faire
participer » pour « faire participer ». Autrement dit, la participation est un moyen, pour
atteindre un ou des objectifs posés en commun par les acteurs impliqués par une
problématique.
Pour illustrer cela, voyons l’exemple d’une démarche que l’Institut Renaudot a conduite sur
un quartier.
Depuis quelques années l’antenne de quartier et le service santé de la Ville X animaient des
cafés bien-être dans lesquels les habitants étaient invités à participer pour parler de santé au
sens global (santé physique, environnement, le bien-être…). L’objectif de ce projet était de
permettre aux habitants de s’approprier leur santé et de promouvoir le lien social dans le
quartier. Or, après un certain temps de mise en œuvre le constat des professionnels porteurs
de ce projet est « une faible mobilisation des résidents du quartier sur les différentes
animations proposées »10.
La Ville a donc sollicité l’Institut Renaudot pour accompagner les acteurs à mobiliser les
habitants du quartier pour que des actions adaptées visant le mieux-être des habitants,
soient mises en place.
Pour cela, nous avons commencé par constituer un groupe de travail dans lequel des
habitants du quartier, des professionnels et quelques élus se retrouvaient environ tous les
mois pour :
 construire une culture commune autour de la santé
 recueillir les envies et préoccupations des autres habitants du quartier en
matière de santé
 partir de ces éléments pour construire avec ces habitants des actions
adaptées
Ce travail mené sur environ 1 an et demi a permis que des habitants s’engagent, « coude à
coude » avec élus et professionnels de la ville dans la mise en place des projets.
Concrètement par exemple, une action visant à réduire l’isolement des personnes âgées en
organisant des rencontres entre voisins dans les halls d’immeubles a été mise en place.
Dans notre exemple dès lors que ce sont les habitants eux-mêmes qui ont décidé de l’action
à conduire et de la façon de la mettre en œuvre, cette action sera plus efficace en termes de
lutte contre l’isolement que les cafés bien-être pensés au départ par les professionnels pour
« faire du bien » aux habitants.
10
Cahier des charges publié par la commune
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8
De nombreuses recherches dans le champ de la santé et des services sociaux (Itzhaky et
York, 1994), démontrent que la participation dans les décisions donne lieu à de meilleures
interventions et à de meilleurs programmes.
« Plus les citoyens sont en capacité de s’exprimer et de délibérer sur le devenir de la cité,
plus une communauté est en capacité d’agir pour ces fins. Plus un régime politique prend en
compte les attentes de ses membres, plus il est efficace. [...] La participation constitue la
modalité la plus efficace pour l’intégration de tous ceux qui forment la communauté politique.
[...] Ce n’est pas l’utopie d’une démocratie directe, ni celle d’une société sans conflits, mais
l’utopie d’une communauté qui n’abandonne pas son autonomie entre les mains de ceux
qu’elle désigne pour les représenter »11.
« La participation est considérée comme un moyen pour parvenir à un objectif donné et pour
mobiliser des ressources et des énergies en vue de contribuer à la réussite des projets »12.
« La participation communautaire correspond alors à un souci d’amélioration de l’efficacité et
de l’impact des interventions entreprises par les professionnels. Ces derniers ont
progressivement réalisé que l’efficacité de leurs actions était démultipliée quand les
intéressés eux-mêmes se les réappropriaient à leur propre compte »13.
Dans cette logique « utilitariste », on pourrait penser que les résultats obtenus importent plus
que l’acte de participation. Mais au-delà des résultats obtenus, l’expérience nous a
également montrée qu’il faut observer les résultats de processus et impacts indirects de la
participation : des effets sur la place de ces habitants dans la vie de leur Cité.
Pour revenir à notre exemple, quand nous avons évalué les effets de l’action avec les
habitants, ils ont exprimé le fait que ça leur avait permis de mieux comprendre comment les
décisions étaient prises, que certaines instances participatives mises en place sur la
commune ne visaient qu’une participation alibi, qu’en tant qu’habitants, ils pouvaient
contester les propos des professionnels et des élus, qu’ils avaient eux aussi des solutions à
apporter pour améliorer le bien-être sur leur quartier.
Cet accompagnement a aussi permis aux autres acteurs de prendre conscience de la
capacité des habitants à prendre leur rôle de citoyens à bras le corps.
Ceci nous permet de dire que la participation est aussi un processus qui contribue au
renforcement du pouvoir de l’individu et de la communauté. Robertson et Minkler définissent
ce pouvoir comme « les capacités d’un individu ou d’une communauté de prévoir, contrôler
et participer à son propre environnement »14.
La participation en tant que processus est un élément dynamique créée par l’implication
des acteurs, notamment les habitants. Elle, s’adapte aux besoins locaux et à l’évolution des
contextes. Elle doit se prolonger au-delà de la durée du projet, sous la forme d’un
engagement dynamique et permanent15.
La participation communautaire ne doit jamais être considérée comme acquise. Sa
pérennité pose de nombreux problèmes qui doivent être analysés et dépassés si l’on veut
que la participation soit vraiment une réalité.
Bevort A. Pour une démocratie participative, Paris, Presses de Science po, Coll. La bibliothèque du
citoyen, 2002, 130 p. (http://www.participation-locale.fr/article.php3?id_article=33)
12
Fournier P, Potvin L, Kaddar M. Participation communautaire et programmes de santé : les
fondements du dogme. La participation communautaire : une réponse à un double échec ? Sci Soc
Sante 1995;13:39-64.
13
Pissarro B. Médecine communautaire, santé communautaire et promotion de la santé, Paris :
Faculté de Médecine Saint-Antoine, 1987:3p.
14
Robertson A, Minkler M. New health promotion movement: a critical examination. Health Educ Q
1994; 21:295-312.
15
Oakley P. L’engagement communautaire pour le développement sanitaire : Analyse des principaux
problèmes. Genève : OMS, 1989:85p.
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9
PARTICIPATION
Résultats
de production:
amélioration de
l’efficacité
Résultats de processus :
Citoyenneté,
Changement social…
IV. B. La participation contribue au renforcement de la communauté
La participation contribue au renforcement du pouvoir de l’ensemble des acteurs qui
participent, donc de la communauté.
Arrêtons nous quelques instants sur le concept de « communauté ».
La charte d’Alma-Ata, en 1978, l’OMS définit la communauté comme étant « un groupe
d’individus qui vivent ensemble dans des conditions spécifiques d’organisation et de
cohésion sociales. Ses membres sont liés à des degrés variables par des caractéristiques
politiques, économiques, sociales et culturelles communes ainsi que par des aspirations et
des intérêts identiques, y compris en matière de santé ». Autrement dit, les gens qui
constituent la communauté sont toutes les personnes qui se sentent ou peuvent,
potentiellement, se sentir concernées par un sujet ou une problématique, à savoir les
habitants d’un quartier, les usagers d’une structure, les citoyens d’une commune, les
professionnels (sanitaires, sociaux, éducatifs, …), les décideurs (élus, institutions,…).
La constitution de la communauté passe d’abord par le partage du constat d’un problème et
la rencontre d’envies de s’en sortir.
Pour Bury, « le groupe ne devient communauté que lorsque certaines circonstances lui
permettent de prendre conscience de relations privilégiées entre des membres et du fait que
ces relations autorisent des changements sociaux impossibles à réaliser autrement, en
d’autres termes lorsque apparaît une “conscience communautaire” »16
Par exemple un groupe de mamans qui parlent de leurs difficultés avec leurs adolescents, se
rendent compte qu’elles ne sont pas seules dans cette situation mais que d’autres mamans
rencontrent aussi des difficultés, que cela interroge aussi certains professionnels du quartier,
que les élus se questionnent à ce sujet, puis, une réunion des acteurs concernés (les
mamans, les professionnels, les élus) peut se mettre en place afin d’essayer d’identifier les
origines de cette situation, les dysfonctionnements qui existent mais aussi les ressources sur
lesquelles s’appuyer pour faire évoluer la situation dans le sens souhaité. Enfin, le groupe
élabore des « stratégies » pour améliorer les choses.
Nous voyons bien là que tous les membres de la communauté (habitants, élus,
professionnels) sont au même niveau, que chacun apporte son expertise issue de ses
16
Bury J. Education pour la santé, Bruxelles, 1988
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expériences, de sa formation, de sa compétence… mais aussi que tous ces savoirs sont
légitimes et qu’ils permettent d’agir sur la situation de façon plus globale.
IV. C. Des valeurs, une éthique
La participation demande une rigueur méthodologique (abordée en compétence 3)
mais surtout des valeurs sociétales telles que la solidarité, la réciprocité, la justice, ….
Explorons les cinq valeurs qui nous semblent essentiels.

La dignité de la personne
Le respect de la dignité humaine est le principe qui doit guider toute action. Il importe de
répondre aux aspirations de chaque personne et de toutes, dans leur diversité, en cherchant
des solutions individualisées, redonnant à chacune la possibilité de trouver, retrouver ou
conforter ses propres raisons d'exister ou de se réaliser. L'action est guidée par le souci
de ne pas faire de la personne un objet de soins et d'assistance mais d'assurer une
prise en charge de qualité, de rendre le sujet autonome, maître autant que faire se peut,
de son destin.

La solidarité
La relation d’entre aide entre les personnes est indispensable voire primordiale lorsque les
difficultés de la vie laissent l'individu démuni, désorienté, blessé, lui faisant courir le risque de
la marginalisation, voire de l'exclusion.
L'exercice de la solidarité volontaire - qu'elle soit civique, familiale, de voisinage ou
d'affinité - apparaît comme une composante essentielle de la vie de l'être humain,
capable en outre de fournir une des réponses à la quête de sens de tout individu17.

L’égalité, l’équité, la justice sociale
L'action doit être guidée par l’exigence du droit à un accès aux soins de qualité égal
pour tous. Cela repose pour partie importante sur un système de protection sociale et de
distribution des soins accessibles à tous.

La démocratie
La reconnaissance pour chaque citoyen de sa place d'acteur de la vie sociale, et la
prise en compte des facteurs qui conditionnent son mieux-être, notamment l'habitat, le cadre
de vie, l'environnement socio-économique pour la préservation ou à l'amélioration de la
santé,...

La réciprocité
La modification d'un certain nombre de pratiques est nécessaire pour permettre de nouvelles
relations entre :
- les citoyens et les professionnels des secteurs du social et de la santé passant
d’une relation de domination soignant-soigné à une relation "d'échangenégociation-information"18.
- entre citoyens et élus, passant aussi d’une relation unilatérale de représentant
à administré vers une relation « d’échange-négociation-information ».
Charte de l’URIOPSS : http://www.uriopss-idf.asso.fr/section/idfr_idfr_cont_html_qusn_urio.html
Charte de l’Institut Renaudot : http://www.institut-renaudot.fr/resources/Microsoft+Word++CHARTE+ITR+98$5B1$5D.pdf
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17
18
11
V.
La démarche communautaire en santé, une démarche participative au
service de la promotion de la santé
Avant de conclure cette 1ère partie de l’enseignement, arrêtons-nous plus longtemps sur la
démarche communautaire en santé qui n’est autre que la mise en œuvre de la démarche
participative dans le domaine de la promotion de la santé.
Dans le cadre d’un travail du Secrétariat Européen des Pratiques en Santé Communautaire
(Sepsac19), des acteurs belges, espagnols et français ont tenté de dessiner les contours la
démarche communautaire en santé20.
La démarche communautaire vise à rendre effectives les conditions d’accès à la santé
(information, prévention, droits, dépistage, structures de santé…). Cela implique une
accessibilité des services de santé au niveau géographique, culturel, financier, … Elle
s’inscrit dans un double mouvement : non seulement des usagers, habitants, vers les
structures de santé mais également des professionnels de santé vers les habitants.
Cette démarche est caractérisée par un faisceau de repères interdépendants et
complémentaires. Certains de ces points de repères se réfèrent particulièrement à la
promotion de la santé (les 3 premiers), d’autres sont spécifiques à la stratégie
communautaire (les 4 suivants), le dernier explicite la méthodologie de projet propre à cette
démarche.
Des repères relatifs à une approche en promotion de la santé :
 1. Avoir une approche globale et positive de la santé
La démarche prend en compte et intègre outre les dimensions et paramètres du champ
sanitaire (éducatifs, préventifs, curatifs) ceux du champ social, économique,
environnemental et culturel.
2. Agir sur les déterminants de la santé
La démarche agit sur les déterminants de la santé qui sont à la source des problèmes de
santé (logement, environnement, éducation, culture, emploi…).
3. Travailler en intersectorialité pour la promotion de la santé
Elle vise la participation de tous les acteurs concernés (spécialistes, professionnels,
administratifs,…), favorisant ainsi les décloisonnements institutionnels et professionnels,
associant tous les secteurs concernés pour une prise en compte de la santé globale. Le
projet doit favoriser la diversification et l’augmentation des partenaires et des secteurs
impliqués ; il doit également veiller à définir et à clarifier les rôles et places de chacun de ces
partenaires dans un souci de transdisciplinarité.
Des repères spécifiques à la stratégie communautaire
4. Concerner une communauté
Elle concerne une communauté, définie comme un ensemble de personnes présentant un
sentiment d’appartenance commun (habitants, professionnels, élus, institutions). La
communauté peut se définir selon son espace géographique, et/ou ses caractéristiques et/ou
son intérêt commun et/ou sa situation problématique commune.
5. Favoriser l’implication de tous les acteurs concernés dans une démarche de coconstruction
http://www.sepsac.org/
Action communautaire en santé : un observatoire international des pratiques. Sepsac. Novembre
2009
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20
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La démarche favorise la création d’un contexte qui permette et encourage la co-construction
et l’implication de tous les acteurs (habitants, professionnels, élus, institutions) dans les
différentes étapes de la démarche (le diagnostic, la prise d’initiative, la décision, l’évaluation
et l’évolution). Ce contexte est garant de la reconnaissance de la légitimité des compétences
et de la capacité d’agir des citoyens.
6. Favoriser un contexte de partage de pouvoir et de savoir
La démarche vise la mise en place de relations où la spécificité de chaque acteur
(professionnels, institutions, politiques, habitants, usagers) est reconnue. Ces relations
reposent sur un partage des savoirs et des pouvoirs.
7. Valoriser et mutualiser les ressources de la communauté
Elle cherche à identifier, stimuler, mobiliser les ressources de chaque acteur individuel et
collectif en reconnaissant leur spécificité et leur complémentarité.
Un repère méthodologique
8. Avoir une démarche de planification par une évaluation partagée, évolutive et
permanente
La démarche se réfère à un plan d’actions construit, élaboré à partir d’une approche des
besoins, de leur priorisation, de la recherche de la meilleure utilisation des ressources, des
stratégies les plus adaptées, accompagné d’un processus d’évaluation permanente basée
sur un mode de concertation et de participation des intéressés.
A travers ces 8 repères, le Sepsac a proposé une sorte de liste des éléments
incontournables qui doivent être développés dans une démarche communautaire.
Autrement dit,
Néanmoins, même si les démarches communautaires ont des points communs (les repères
présentés ci-dessus), elles sont toutefois très diverses les unes des autres, car chacune est
mise en œuvre en s’adaptant à son contexte, en s’appuyant sur son histoire.
« La créativité et le génie ne peuvent s'épanouir que dans un milieu qui respecte
l'individualité et célèbre la diversité » (Tom Alexander)
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