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INTRODUCTION
L'économie mondiale est un univers dangereux. La présente décennie va durcir sensiblement les
traits de la concurrence internationale apparus dans les années soixante-dix. Mais elle va, en outre,
préciser les nouvelles lignes de force de la division internationale du travail dont finiront par
émerger les linéaments d'un nouveau régime de croissance. L'industrie demeure au cœur des
transformations en cours. On peut y déceler
à
la fois des origines profondes de la crise et des
enjeux majeurs dont va dépendre la position relative des nations d'ici la fin du XXe siècle. Or les
mut
ations industrielles s'accomplissent désormais dans un contexte monétaire et financier
beaucoup plus serré que dans les années d'essor de l'économie d'endettement.
Face
à
une concurrence internationale exacerbée, l'évolution économique en France risque de
dépendre, pour une large part, de cette qualité difficile
à
définir et encore plus difficile à renforcer
qu'est la compétitivité de son industrie. On ne peut élaborer des propositions constructives à cet
égard sans aller au-delà des constatations habituelles de prix et de coûts relatifs. Analyser la
compétitivité implique de repérer et de comprendre les liaisons dynamiques entre trois niveaux au
moins de l'organisation économique : les entreprises qui sont les agents de la décision industrielle
et les vecteurs de sa réalisation, les branches qui sont les foyers de différents types de
changements techniques et d'innovations dans les produits, l'économie globale où s'élaborent les
règles sociales, explicites ou implicites, en matière de formation des revenus, de modèles de
consommation, de signification du travail.
Compte tenu de la complexité des relations entre ces trois niveaux, il n'est pas de recette miracle
pour orienter la spécialisation industrielle d'un pays. Le succès n'appartient pas
à
ceux qui ont eu la
chance de choisir quelques créneaux mieux placés que d'autres. Il tient
à
l’organisation d'ensemble
de l'économie. Face
à
l'imprévisible que secrète l’innovation dans la crise, une structure
industrielle peut se disloquer comme elle peut s'adapter qualitativement. La thèse présentée dans le
présent rapport est que la capacité de transformation offensive de l'industrie dépend au premier
chef de la présence de pôles de compétitivité, de leur renforcement et de leur renouvellement.
Or l'économie française s'avère relativement fragile
à
cet égard, fragilité que rend manifeste le
tournant de la crise internationale du début des années quatre-vingt. Face
à
l'impératif de
compétitivité, il serait illusoire de tenter d'importer des modèles étrangers, aussi efficaces
semblent-ils : il ne s'agit rien moins que de construire des formes originales d'organisation
économique qui soient adaptées au contexte sociopolitique français (
§
1).
C'est sur ces bases que peuvent être recherchés les grands axes d'une stratégie compétitive
mobilisant les entreprises. Partant des points actuels de l'industrie française, il faut examiner sous
quelles conditions ils peuvent être étendus à
des nouvelles productions, selon une démarche
prospective associant innovation-formation-qualité et anticipation des marchés. La simple
conjonction de stratégies individuelles ne saurait suffire : un rôle fondamental de la politique
indu
strielle pourrait être d'aider à l'émergence, puis la diffusion, de nouvelles formes
d'organisation interindustrielle, de coopération entre producteurs et consommateurs,