HISTOIRE DU DROIT PRIVE
INTRODUCTION
C’est par la famille que l’espèce humaine se perpétue.
Mais certaines personnes se demandent si la famille a encore un avenir.
Dans tous les cas, la famille a un passé que l’on étudiera ici.
Il y a, biensûr, des modèles familiaux, et non UN seul.
Nous allons étudier la famille occidentale.
On va mettre en évidence l’évolution de l’institution familiale en occident, et l’évolution du droit de la famille
depuis l’antiquité, depuis le droit romain, jusqu’à nos jours.
I. Remarques préliminaires
L’existence d’un paradoxe dans l’évolution de la famille
La famille est l’institution du droit privé qui est à la fois la plus stable et la plus variable, la plus évolutive.
C’est, d’abord, une institution très stable car elle résiste à toute modification législative brutale. Rien ne peut
modifier la famille d’un seul coup, et pas même une idéologie nouvelle.
Exemple : la lutte entamée par les empereurs romains, après leur conversation au christianisme, vont chercher à
lutter contre le divorce.
Or, à Rome, le divorce était très largement admis : le consentement mutuel, et la répudiation unilatérale.
Les empereurs, convertis, vont promulguer des mesures législatives pour restreindre ou interdire le divorce. C’est
textes seront inefficaces. La majorité de la population n’est pas chrétienne à l’époque. Ces milieux non chrétiens
vont résister.
Mais, d’un autre côté, la famille est une institution très variable.
Elle est l’objet de mutations lentes, internes, mais irrésistibles.
Il y a une multitude de facteurs (politiques, conjoncturels, économiques…) qui interviennent.
Dans les facteurs économiques et sociaux, on a le travail des femmes par exemple.
On a aussi l’accès des femmes à l’enseignement.
Pour les facteurs politiques, les partis de gauche n’ont pas la même conception de la famille que les partis de
droite. Suivant le parti au pouvoir, ca peut jouer.
Parmi les facteurs idéologiques, selon les époques, les courants de pensée sont favorables ou défavorable à
l’égalité des sexes, ce qui se répercutera sur la famille.
Parmi les facteurs conjoncturels, historiques, l’exemple type est les guerres. L’éloignement des maris favorisait
l’émancipation des femmes. Ce phénomène s’est déjà manifesté à Rome. Les guerres que Rome va mener ont
contribué largement à l’émancipation de la femme romaine.
Le législateur ne peut pas s’opposer à ces mutations.
On constate donc qu’en droit de la famille, le législateur ne fait que consacrer officiellement, par ses réformes,
des pratiques déjà admises dans les faits.
Exemple : loi de 1975. Avant, on n’avait que l’admission du divorce pour faute. En 1975, on reconnait la possibilité
de divorcer par consentement mutuel.
Mais, avec la loi de 1884, on utilisait des fautes lettres d’injure pour divorcer. On revenait à un divorce pour
consentement mutuel. La loi de 1975 n’a fait que consacrer une possibilité que les époux utilisaient alors.
Le législateur ne peut pas pousser les mœurs. En revanche, il est parfois obligé de suivre les mœurs.
On constate que souvent l’intervention du législateur a un but restrictif.
Par exemple, pour la loi de 1975, le législateur voulait canaliser la liberté qui s’exerçait malgré lui.
L’existence de deux types de conflits au sein de la famille
Le premier type : le conflit entre le foyer familial restreint (le mari, la femme et l’enfant), et un groupe plus vaste,
la grande famille, la famille souche qui est capable d’englober, voire d’étouffer la petite famille.
Dans le système moderne, on assiste à la domination de la petite famille.
Cette conception que l’on se fait de la famille influe directement sur les règles de droit.
Exemples :
Le droit du mariage : le mariage peut être conçu comme l’Union de deux familles, ou comme l’Union de deux
êtres.
Sous l’Ancien Régime, et jusqu’au 19ème siècle, le mariage apparaissait avant tout comme l’union de deux familles.
On avait les respectueuses sommations.
Dans le domaine du droit successoral : les règles applicables pour le conjoint survivant seront plus ou moins
étendues.
Sous l’Ancien régime, le sort du conjoint survivant était souvent régi par le contrat de mariage. C’était du domaine
des régimes matrimoniaux. Le conjoint était perçu comme un étranger. Le sort ne se réglait pas dans le domaine
des successions.
Le code civil n’a pas changé grand chose. Le conjoint passait après les collatéraux jusqu’au 12ème degré, et il n’était
préféré qu’au fisc. De plus, il avait un statut de successeur irrégulier.
A la fin du 19ème siècle, son sort commence à s’améliorer. En 1891, il se fait attribuer l’usufruit. Puis,
progressivement, le sort du conjoint survivant s’est amélioré.
On privilégie la conjugalité sur la lignée.
On privilégie les liens d’affection, aux liens du sang.
Le deuxième conflit : conflit qui intervient à l’intérieur de la petite famille. On a des relations qui peuvent être
conflictuels. Ca oppose le mari et la femme.
Ca pose le problème de la position juridique de la femme mariée.
La femme mariée doit elle être soumise ou associée de son mari ?
Ces deux types de conflit vont être retrouvés tout au long de l’évolution.
II. Les grandes étapes de l’histoire de la famille
La famille occidentale a souvent présenté trois trais principaux :
Elle était fondée essentiellement sur le mariage
Elle supposait la monogamie
Elle impliquait une prépondérance de l’Homme.
Ces trois trais s’expliquaient, en partie, par l’influence de l’église catholique.
Ca correspond à un phénomène de déchristianisation.
L’histoire de la famille en occident peut être découpée en trois périodes.
Les deux premières périodes sont fondamentales car le droit familial d’aujourd’hui va se former ensuite sur ces
deux bases.
A. La famille romaine
Au 5ème siècle, avant JC, on a l’ancien droit à Rome. On a une famille de type patriarcale.
Ensuite, au 2ème s –JC, on a la loi AEBUTIA. C’est alors le début du droit classique. Ca ira jusqu’en 284 après JP. A
cette date, on a le Bas Empire.
1. La famille patriarcale
Patriarcale provient du latin et du grec : Pater signifie le « père », et Arcan signifie le « pouvoir » en grec.
Ca montre que la famille originelle ne correspond pas qu’à la conception du droit privé.
Ca correspond aussi à une organisation politique, de type tribal, qui existait. Cette organisation Ce type tribal se
traduit par la soumission des membres de la famille à un chef.
Ce chef, naturellement, est appelé « pater familias ».
Ulpien : « la famille est un ensemble de personnes soumises à la puissance d’un seul ».
La deuxième caractéristique c’est que la famille ne possède que la parenté agnatique, c'est-à-dire la parenté par
les hommes.
Les agnats sont tous ceux qui ont été soumis au même pater familias ou qui auraient être soumis à ce même
pater s’il avait vécu assez longtemps.
Les femmes entrent dans cette famille toute seule, ou avec leur progéniture. En effet, elles n’apportent pas, à
cette famille agnatique, leur propre parenté.
L’Ancien Droit Romain ignore donc la famille maternelle.
Cependant, la famille maternelle a quand même un effet juridique : on admet un empêchement au mariage dans
ce cas là. Les romains n’aiment pas l’inceste.
La structure de cette famille romaine est complexe car elle est composée de trois cercles concentriques : on a le
plus petit cercle qui est la familial ou domus, le cercle moyen qui est la famille agnatique, puis le cercle plus grand
qui est la « gens » ou famille gentilice.
Cette structure aura une importance fondamentale car elle va être le pilier du droit des successions.
a. La familial ou « domus »
La domus est composée de tous les individus, hommes ou femmes, descendants d’un même ancêtre mâle encore
vivant.
Ce pater familias est le seul, dans la domus, a avoir une pleine capacité juridique. On dit de lui qu’il est sui juris
(sous son propre droit). Tous les autres n’ont pas la capacité juridique. Ils sont alieni juris (sous les droits d’un
autre).
Première précision : les autres membres de la domus sont la femme du pater familias, à condition qu’il l’ait
épousé cum manu. Ensuite, il y a ses fils, ses filles non mariées, ses belles filles, ses petits enfants, ses arrières
petits enfants, etc.
Deuxième précision : la manus est « la main » en latin. C’est le symbole de la puissance. La Manus c’est la
puissance que le mari acquiert sur son épouse.
Le mari peut acquérir cette manus de trois manières :
- L’usage, usus. C’est la cohabitation pendant un an. Pour y échapper, il faut qu’avant la fin de l’année qui
suit le mariage, la femme peut retourner vivre 3 jours et 3 nuits chez son père. Elle reste donc dans sa
famille d’origine.
- Le rituel. C’est la confarreatio. Ca consiste pour les époux à partager un gâteau. Le partage de ce gâteau
fait naître la manus.
- L’achat. C’est la Coemptio. Dans ce cas, le pater de la fille donne sa fille à son époux, au cours d’une vente
solennelle, en présence de 6 témoins.
Ce mariage cum manu est de loin le plus pratiqué à l’époque. Ca se différencie du mariage sine manu (sans la
main) qui, lui, deviendra la règle sous l’époque classique.
Les 2 types de mariage ont des effets juridiques différents :
Le mariage Cum Manu présente la particularité de soustraire définitivement l’épouse à la puissance paternelle
pour la soumettre à la puissance de son mari, ou de son beau père si celui-ci est encore en vie. ca rompt les liens
d’agnation, et les liens de succession de l’épouse avec sa famille d’origine. Elle change donc de famille.
Lors d’un mariage sine Manu, l’épouse reste sous la puissance de son père, sous la patria potestas. Elle garde ses
droits d’agnation, et ses droits de succession de sa famille d’origine.
La puissance paternelle, la patria potestas dure aussi longtemps que vit le père de famille. Elle ne cesse que par la
mort du père de famille.
Donc les romains ignorent l’idée de majorité émancipatrice.
La puissance paternelle se justifie par des contraintes économiques. Il ne faut pas oublier que les romains, à
l’origine, était des agriculteurs et des pasteurs, qui vivaient sur les 7 collines. Et le bon fonctionnement d’une
activité agricole suppose que le rythme des travaux soit laissé à l’appréciation d’un seul, et que les biens restent
en indivision pour éviter le morcellement des exploitations.
La puissance paternelle permet d’aboutir à un tel résultat.
Quand l’économie romaine deviendra commerçante, la puissance paternelle deviendra anachronique. Elle ne
correspondra plus aux besoins.
Ainsi, elle va s’assouplir de plus en plus.
Elle ne disparaîtra jamais.
La domus est donc déjà une grande famille.
b. La famille agnatique
Agnatique provient de ad et nati : ceux qui sont nés côte à côte.
C’est composé par l’ensemble des domus qui ont été soumises à la puissance d’un ancêtre commun proche.
En pratique, ca regroupe souvent tous ceux qui descendent du même père, ou du même grand père.
Quand le pater familias meurt, sa veuve, ses fils, et ses filles non mariées deviennent Sui Juris.
En revanche, les belles filles, et les petits enfants restent alieni juris.
Les fils forment de nouvelles maisons, de nouvelles domus. Chaque fils est à la tête d’une domus. C’est domus
restent unies par les liens d’agnation.
Donc, à Rome, quand un pater familias meurt, chacun de ses fils devient, à son tour, pater, et se trouve placé à la
tête d’une nouvelle domus.
Le pater romain n’est pas l’équivalent du père pour nous.
« L’évènement juridique qui fait d’un homme romain un pater n’est donc pas la naissance d’un fils, mais la mort de
son propre pater, mort au moment de laquelle lui-même cesse d’être un fils » (Y. THOMAS).
On peut donc être qualifiés de Pater, même sans enfant.
c. La gens ou famille gentilice
Cette famille gentilice regroupe plusieurs familles agnatiques, qui descendent d’un ancêtre commun, ou qui
croient descendre d’un ancêtre commun. Le lien est tellement lointain, et distendu, qu’il est invérifiable.
Très souvent l’ancêtre commun est un être mythique.
Tous les membres de la gens portent le même nom de famille.
Exemple : Jules Caesar, caius Julis Caesar.
Les romains avaient trois noms. Ici, le nom de famille est celui du milieu : c’est JULIUS (famille des Juliy qui
prétendait descendre de Julius).
Le prénom est le premier nom. Et le troisième nom est le surnom à Rome.
Parmi les familles romaines les plus illustres sont la famille des Fabihy, famille des claudii.
Les membres de la Gens sont aussi unis par des traditions religieuses. Chaque famille pratique un culte commun.
Notamment, dans le domaine funéraire, on a des traditions.
La famille connaîtra une évolution au 2ème siècle avant JC.
2. La famille médiévale
L’époque est marquée par la naissance de l’individualisme, qui contribue à faire reculer, lentement, la structure
autoritaire et patriarcale de la famille.
C’est la loi AEBUTIA.
On assiste à un éclatement de l’ancienne structure familiale romaine.
Ca se traduite par trois phénomènes principaux :
- L’émancipation de la femme
On assiste à une émancipation juridique et sociale de l’épouse. Ca explique la multiplication des mariages sine
manu.
- Apparition d’une famille maternelle, à côté de la famille agnatique
On découvre la famille cognatique (cum et nati : « né avec », c’est la famille par le sang).
Cette famille regroupe tous les parents, tant par les femmes que par les hommes.
Elle inclut donc la famille agnatique.
Ce lien cognatique commence à être pris en considération par le droit romain à partir du 1er siècle Ap. JC.
On aura un conflit entre l’agnation et la cognation. Les réformes progressives aboutiront à un triomphe de la
cognation, de la parenté par le sang.
- Le recul des droits du pater familias
Ca s’explique par la volonté de protéger l’individu contre sa puissance.
Au cours de l’époque classique, les droits de la grande famille s’émoussent. La « gens » disparaît progressivement.
La puissance paternelle ne disparaît pas mais s’affaiblit considérablement.
Puis, à partir du 1er siècle après JC, la mère devient une des composantes de la famille. Elle n’est plus une
étrangère, un satellite du mari.
Mais jamais on arrivera à Rome à l’idée d’une égalité parfaite des époux. le mari aura toujours plus de droits que
sa femme à l’égard de enfants.
Et la puissance paternelle, à Rome, sera toujours exclusivement paternelle.
B. La famille médiévale
Le Moyen âge couvre 10 siècles : 476 au milieu du 16ème siècle.
Souvent, on a trois étapes dans ce MA :
le haut moyen-âge (l’époque franque du 5ème au 9ème s).
Ce haut moyen âge est très marqué par l’influence germanique.
Et, du point de vue du droit, la période est une période de déclin.
Le Moyen âge classique, l’époque féodale. C’est le 10ème, 11ème siècle.
C’est le temps des coutumes.
La coutume devient la principale source du droit jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
La fin du Moyen âge, ou bas Moyen âge. C’est du 12ème au 15ème siècle.
C’est la très forte influence du droit canonique, du droit de l’église.
On redécouvre le droit Romain. On a l’apparition d’universités l’on étudie le droit savant, droit romain, et le
droit canonique.
Au Moyen âge, la famille est soumise à une triple force : la religion, la féodalité, et le lignage (la grande famille).
La famille médiévale s’organise donc dans un triple cadre.
Le cadre religieux
A partir du 5ème siècle, de 496 (date de conversion légendaire de clovis), jusqu’en 1789, le christianisme est
religion d’Etat en France.
Au départ, l’église n’exerce qu’une influence indirecte. Il y a une alliance de fait, qui se renforce par la chute des
mérovingiens. Les carolingiens se font sacrés. On entre dans un régime théocratique.
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