quantique dit intriqué se comporte comme un système unique,
même si les deux objets sont très éloignés l'un de l'autre).
D'autre part, les physiciens ont appris à manipuler un par un des
électrons, des ions, des atomes ou des photons, grâce à la
découverte d'une nouvelle génération de microscopes dits à
effet tunnel et à force atomique.
Il a fallu ensuite clarifier la façon d'appliquer le formalisme
quantique à base d'équations de Schrodinger des années 1920,
de nature probabiliste, à des objets individuels et pas seulement
à des assemblées statistiques d'objets.
On aboutit ainsi à explorer ce qui se passe derrière le mur
quantique et à assister en particulier à une révolution de l'infor-
mation dite quantique avec, en particulier, l'avènement de la
cryptographie quantique, dont les premiers démonstrateurs
existent déjà, et les études menées sur le futur ordinateur quan-
tique basé sur la notion des qubits. Alors que le bit informatique
classique (celui de nos ordinateurs) est égal soit à 0, soit à 1, le
bit quantique (ou qubit) peut être dans les deux états à la fois !
Par exemple, il peut valoir 0 avec une probabilité de 13 % et 1
avec une probabilité de 87 %.
De la même façon, alors qu'un système informatique clas-
sique à 2 bits ne peut se mettre que dans l'un des quatre états
distincts (00), (01), (10) ou (II), un système à deux qubits peut
prendre ces quatre états en même temps, chacun étant associé à
une certaine probabilité. Un système à trois qubits est donc une
superposition de huit états et un système à n qubits une super-
position de 2 " états.
Ce système quantique à base de qubits permettrait un traite-
ment de l'information en parallèle massif, qui n'a pas d'équi-
valent dans le monde classique au point du vue de performance
en puissance de calcul (nos supercalculateurs classiques actuels
de type vectoriel ou scalaire sont loin d'atteindre ces perfor-
mances quantiques possibles). De nombreux obstacles doivent
être cependant franchis avant d'obtenir de tels résultats (problè-
me, en particulier, de la décohérence dès que l'objet quantique
a des contacts avec le monde extérieur !)
5.3. Domaines de l'électronique moléculaire et du
traitement quantique de l'information :
le monde des nanosciences *
Ces deux domaines dont on vient de donner quelques carac-
téristiques relèvent des nanosciences.
Précisons que deux approches peuvent être utilisées pour
fabriquer des objets à l'échelle du nanomètre. La première est
une approche dite descendante (ou « top down ») adoptée dès le
début de l'ère microélectronique qui permet d'obtenir jusqu'à
ce jour et pour quelques années encore des objets nanomé-
triques grâce au développement des techniques de lithographie
ultime (sur des échelles dépassant la dizaine de nanomètres).
L'autre approche nécessaire pour obtenir des objets de
quelques nanomètres s'inspire de la synthèse chimique : elle est
dite ascendante (ou « bottom up ») et consiste à assembler
atome par atome un objet nanométrique.
Cette dernière approche, très prometteuse, doit son évolu-
tion et son utilisation à des découvertes fondamentales des
années 1990.
On peut citer à nouveau, en particulier, la découverte des
microscopes à « sonde locale » qui dérivent du microscope à
effet tunnel, et la mise au point d'algorithmes de traitement
quantique de l'information.
Cette approche ascendante est ainsi basée sur une stratégie
moléculaire qui permet de synthétiser des molécules ou des
nanotubes possédant des propriétés électriques et magnétiques
liées à leur taille nanométrique.
Cette « électronique moléculaire » permettra de réaliser des
composants et des circuits constitués d'une ou de quelques
molécules et, par extension, d'un ou de quelques objets de taille
comparable à celle d'une petite molécule (typiquement 5 nano-
mètres), ce qui implique la synthèse de nano-objets dotés de
fonctionnalités, puis leur connexion à des électrodes externes et
enfin l'organisation de composants ainsi formés en circuits.
À cette électronique moléculaire doit être associé le
traitement quantique de l'information avec la notion des
bits quantiques vue précédemment.
Ces deux domaines connexes, en très forte croissance au
plan mondial, nécessitent de façon générale une réflexion
profonde sur les paradigmes de calcul. Tous deux s'appuient sur
des phénomènes physiques proches (cohérence quantique et
transport de charges) se produisant à la même échelle nano-
métrique et la maîtrise technologique de la nanofabrication
associée.
Enfin ces deux domaines, qui relèvent encore en grande
partie de la recherche fondamentale, laissent envisager de nou-
veaux produits qui pourraient révolutionner de nombreux
domaines d'activités, en particulier ceux de la communication
et de la médecine.
Il est à noter qu'il existe une feuille de route « ITRS »
(International Technology Roadmap for semiconductors), un
consensus international sur les moyens à développer pour conti-
nuer à progresser selon la « loi de Moore ».
c
Ce qui est certain est que ce secteur des nanosciences, qui
est à rapprocher de celui des neurosciences (basé sur la méthode
dite « auto-assemblage » de molécules) est le théâtre d'un début
de structuration au travers d'une concentration d'équipes de
chercheurs et d'industriels pluridisciplinaires travaillant en
« grappes » (clusters), afin de mieux tirer parti des moyens dis-
ponibles extrêmement coûteux.
Déjà, en France, a été lancé en 2003 un réseau national en
nanosciences et nanotechnologies, formé par six grands pôles
c
réunissant chacun à la fois la recherche, le développement, l'in-
dustrialisation et l'enseignement (Lille, Grenoble, Toulouse,
c
Besançon, Ile-de-France et Marseille).
Note : Pour les lecteurs de ce chapitre traitant en particulier de la mécanique quantique, qui leur semble malgré tout un monde flou et mystérieux
malgré les efforts faits pour la comprendre, il est intéressant de rappeler ce qui disait le grand physicien Richard Feynmann, prix Nobel, à ses
étudiants : « Si vous avel-, le seiitii ? ieiit d'tiroir coiîipris, reiiiettez-vozis au travail, c'est que vous ii'avez rieii cotiipi-is ». En réalité, il ne peut être
question de « comprendre » mais plus modestement de se faire une idée.
REE
Na 8
Setptembre 2005