l’empereur envoya le ministre de l’Agriculture et du Commerce et l’inspecteur des
services sanitaires à Amiens où l’épidémie avait revêtu une exceptionnelle gravité. Il fit
don de 5 000 francs en son nom personnel et de 1 000 francs au nom du prince impérial
pour secourir les victimes (Le Moniteur, 4 juillet 1866). Quatre jours plus tard,
l’impératrice fit une visite de bienfaisance à Amiens, visitant les hôpitaux et autres
institutions. A propos de cette visite, Prosper Mérimée écrivait à Panizzi, le 5 juillet
1866 : “ Je ne suis pas sûr que ce soit très raisonnable, mais c’est très beau. ” En
décembre 1865, l’impératrice avait rendu visite aux cholériques de l’hôpital Beaujon, à
Paris. En 1866, le conseil municipal de la capitale fit frapper une médaille de bronze
commémorative.
Analyse
La toile d’Auguste Feragu représente l’impératrice Eugénie sortant de l’hôtel-Dieu
d’Amiens, le 4 juillet 1866. Derrière l’impératrice se tiennent les autorités civiles et
religieuses : le docteur Connau, conseiller d’Etat et préfet de la Somme, accompagné de
son épouse, monsieur Dhavernat, maire de la ville, l’évêque d’Amiens ; derrière ces
notabilités, le personnel de santé, médecins et religieuses. L’impératrice est sobrement
vêtue de noir ; elle est coiffée d’un petit bonnet noir fixé à l’aide d’un ruban noué sous
le menton. Elle est accompagnée de la comtesse de Lourmel, dame du palais.
Devant l’hôtel-Dieu, quelques Amiénois l’attendent. Un petit garçon s’avance vers elle
et lui tend une supplique.
L’hôtel-Dieu est situé dans le quartier Saint-Leu, quartier populaire dominé par la
masse imposante de la cathédrale qui se dresse à l’arrière-plan. On aperçoit la foule
grouillante et, à gauche, l’entrée de l’église Saint-Leu.
La toile de Paul-Félix Guérie représente l’impératrice Eugénie à l’intérieur même de
l’Hôtel-Dieu. La grande salle commune, dont le haut plafond est soutenu par des piliers
de bois, est divisée en deux par une cloison de planches. On aperçoit le tuyau du poêle
qui permet de chauffer la salle. Les lits sont répartis sur trois rangées. Au centre de la
toile, l’impératrice est penchée sur un lit où repose un malade. Comme dans le tableau
d’Auguste Feragu, elle est très simplement vêtue de noir. Une sœur de charité se tient
de l’autre côté du lit. Derrière l’impératrice se trouvent les autorités civiles, militaires et
religieuses, notamment le préfet de la Somme et l’évêque d’Amiens. La salle est
remplie d’une foule nombreuse. A droite, au pied d’un lit, un homme agenouillé nettoie
le parquet.
La peinture sur toile d’Antoine-Léon Brunel-Rocque a la forme d’un médaillon ovale.
Il s’agit de la composition originale, préparatoire à la décoration d’un vase commandé à
la manufacture de Sèvres pour commémorer la visite de l’impératrice à Amiens le 4
juillet 1866. Il fut livré “ au nom de S.M. l’Empereur, au Musée Napoléon de la ville
d’Amiens ” en mai 1870.
Le thème traité par Brunel-Rocque est une allégorie. Au centre de la composition,
l’impératrice Eugénie, debout, tend les bras vers deux femmes agenouillées, tourelées,
qui symbolisent les villes de Paris et d’Amiens éprouvées par l’épidémie. Aux pieds de
la souveraine, deux dragons agonisants, lançant flammes et fumées, incarnent le choléra
vaincu par l’intercession de l’impératrice.
Interprétation
Auguste Feragu et Paul-Félix Guérie ont représenté le même événement, mais ils l’ont
mis en scène de façon totalement différente.
Le choléra est pratiquement absent du tableau d’Auguste Feragu. L’impératrice est
représentée sortant de l’hôtel-Dieu et le peintre insiste davantage sur le caractère
officiel de sa visite à Amiens. L’œil est attiré par ce petit garçon présentant une
supplique à la souveraine, qui tend majestueusement la main pour la recevoir et montre
ainsi que le pouvoir impérial est à l’écoute des problèmes et des aspirations du peuple.
A l’inverse, le choléra est au centre du tableau de Paul-Félix Guérie. Méprisant la