Note de Conférence Bornavirose Aviaire
La Ganglionévrite Aviaire à Bornavirus en
Pratique Clinique
Robert D. Dahlhausen, DVM, MS, Susan E Orosz, PhD, DVM, Dipl ABVP (Aviaire),
Dipl ECZM (Aviaire)
Affiliation: Centre Médical pour Oiseaux & Animaux Exotiques, Société Diagnostique
Moléculaire Vétérinaire, 5989 Meijer Dr, Suite 5, Milford, Ohio 45150,
USA (Dahlhausen) et Centre de Bien-Être pour Oiseaux et Animaux Exotiques de
Compagnie, 5166 Monroe St, Suite 350, Toledo, OH, 43623, USA (Orosz).
Résumé: Le virus de la maladie de Borna aviaire (ABV pour Avian Borna virus) a été
identifié comme un agent causal de la maladie de dilatation du proventricule (PDD pour
Proventricular Dilatation Disease) chez les oiseaux. Les bornaviridae aviaires forment un
groupe de virus très diversifié sur le plan génétique et qui est très largement distribué au
sein de populations sauvages et captive dans le monde entier. Ces virus ont une
distribution systémique et se retrouvent dans de nombreux tissus chez les oiseaux
affectés. Ils sont généralement à l’origine d’une ganglionévrite non suppurative du tractus
gastro-intestinal et du système nerveux central. Les examens antemortem visant à
rechercher les acides ribonucléiques de l’ABV et les tests sérologiques ne sont pas
nécessairement positifs chez les oiseaux malades. A l’inverse, des individus cliniquement
normaux peuvent être testés positivement à l’aide de tests moléculaires ou sérologiques.
La voie de transmission lors d’infection naturelle n’a pas été complètement élucidée. La
gestion médicale des oiseaux atteints présente un intérêt et vise à ce jour, à réduire
l’inflammation du système nerveux, à contrôler les complications secondaires et à fournir
un support nutritionnel.
Mots-clés: Virus de Borna aviaire, Maladie de dilatation du proventricule, PDD, ganglionévrite, COX-2
Introduction
La dilatation gastrique neuropathique des psittaciformes fut initialement décrite comme
une maladie débilitante chez les Aras importés de Bolivie en Amérique du Nord et en
Europe à la fin des années 1970. 1,2,3,4,5,6,7,8 A l’origine, la description de cette maladie
était limitée aux espèces de Aras (Ara spp.), mais elle a été ensuite également identifiée
chez d’autres espèces de perroquet. L’un des premiers cas fut décrit par Ridgeway et
Gallerstein en 1983, suivi par le rapport de cas d’impaction, de dilatation et de
dégénérescence du proventricule chez 16 grands psittaciformes par Clark en 1984.1,6
Initialement dénommée “maladie débilitante chronique des aras”, cette maladie a
également été qualifiée de Syndrome de dépérissement des aras, ganglionévrite
myoentérique, neuropathie splanchnique infiltrante, dilatation gastrique neuropathique et
maladie de dilatation du proventricule (PDD pour Proventricular Dilatation Disease). Il
serait plus approprié de nommé cette maladie Ganglionévrite myoentérique aviaire,
ganglionévrite non-suppurée ou ganglionévrite auto-immune aviaire.9 Ces derniers
rendent mieux compte du processus pathologique et retirent l’accent qui est autrement
porté sur le proventricule.
La maladie de dilatation du proventricule a été décrite dans le monde entier, chez plus de
80 espèces d’oiseaux, incluant des psittaciformes et des non-psittaciformes, vivant à en
captivité ou à l’état sauvage. 10,11 Les Gris du Gabon (Psittacus erithacus), les aras (Ara
spp.), les amazones (Amazona spp.) et les cacatoès (Cacatua spp.) comptent parmi les
espèces de psittaciformes les plus affectées.10 La maladie est en revanche beaucoup
moins présente chez les Conures veuves (Myiopsitta monachus) et les espèces
d’inséparables (Agapornis).9 Des lésions suggestives de PDD ont également été décrites
chez des canaris (Serinus canaria), des verdiers d’Europe (Carduelis chloris), des
coracines casquées (Cephalopterus penduliger), un barbican à poitrine rouge (Lybius
dubius), des oies du Canada (Branta canadensis), des toucans (Rhamphastidae), des
drépanidinés hawaïens (Drepanidinae), des spatules rosées (Platalea ajaja) et un faucon
pèlerin (Falco peregrines).12,13,14,15 La maladie de dilatation du proventricule (PDD) est
une maladie neurologique progressive présentant un taux de mortalité élevé une fois les
signes cliniques présents.16 Cette maladie représente une menace sérieuse lors du
déplacement de sujets captifs et pour les efforts de conservation des psittaciforme en
danger d’extinction tels que le Ara de Spix (Cyanopsitta spixii).
La maladie de dilatation du proventricule (PDD)
Signes cliniques
Les signes cliniques sont variables et dépendent de l’espèce hôte impliquée, de la sévérité
de la maladie, de la distribution des lésions et des systèmes organiques affectés. Les
signes cliniques varient donc d’un cas à l’autre. Ils peuvent témoigner d’une atteinte du
système nerveux central, périphérique et/ou autonome. Bien qu’ils soient de nature
neurogénique, les signes cliniques sont généralement classés selon leur caractère gastro-
intestinal (GI) ou nerveux central. Les oiseaux peuvent manifester des signes cliniques
neurologiques, gastro-intestinaux ou une combinaison des deux. Les signes cliniques
associés au tractus gastro-intestinal reflètent l’atteinte du ganglion terminal du nerf vague
(nerf crânien X). Le nerf vague, également connu comme le nerf pneumogastrique, est
responsable du contrôle parasympathique du cœur et du tractus digestif par le Système
Nerveux Autonome. Il régule les fonctions homéostatiques du tractus gastro-intestinal
proximal, la fonction endocrine et exocrine du pancréas, la production de glucose
hépatique ainsi que la fréquence cardiaque. Les signes gastro-intestinaux reflètent les
degrés variables de dysfonctionnement et d’atrophie neurogénique. Ils incluent un retard
à la vidange du jabot et une altération du transit gastro-intestinal, des régurgitations, de
l’anorexie, une dilatation et parfois une impaction du tractus gastro intestinal supérieur.
La motricité pylorique est altérée et associée à une altération importante de la vidange
gastrique et à une stase.
La capacité de digestion et d’absorption des nutriments alimentaires diminue chez les
oiseaux atteints et aboutit à une perte de poids, au passage d’aliments non digérés dans
les selles et à de la diarrhée. Le nerf vague est un élément majeur du réflexe
inflammatoire, un réflexe nerveux qui contrôle les réponses immunes innées et
l’inflammation lors d’invasion du tractus gastro-intestinal par des agents pathogènes ou
lors de lésions tissulaires. 17,18,19 L’altération de ce réflexe et la diminution de l’acidité
gastrique secondaire au défaut de stimulation vagale modifient la résistance naturelle à la
surcroissance bactérienne et conduisent à une dégradation du microbiome intestinal. La
surcroissance d’organismes pathogènes comme les Clostridies spp. et autres organismes
fongiques est fréquente chez les oiseaux atteints. Cette forme classique de la maladie est
plus fréquemment remarquée chez les perroquets du Nouveau Monde.
Les lésions du système nerveux central impliquent fréquemment le cervelet ou le
cerveau. Le développement de manchons périvasculaires cérébraux et les lésions des
cellules gliales peuvent être à l’origine de crises convulsives chez les oiseaux atteints. Les
lésions du lobe optique conduisent à une cécité corticale, qui peut être réversible avec un
traitement efficace. La rupture des couches de cellules de Purkinje, des cellules gliales et
des cellules granulaires du cervelet sont à l’origine de troubles des mouvements fins et de
l’équilibre, se manifestant par de l’ataxie, des déficits proprioceptifs, des
tremblements intentionnels, de l’incoordination, de la dysarthrie (vocalisation
anormale), des déficits moteurs et des capacités cognitives réduites. Les espèces de
psittaciformes du vieux monde développent souvent ces signes nerveux centraux
bien que des lésions du tractus gastro-intestinal concomitantes et sans
manifestations cliniques soient habituellement présentes aussi.
L’inflammation et la dégénérescence des gaines de myéline des racines nerveuses
dorsale, de la substance blanche et des ganglions associés ont été décrites à tous les
niveaux de la moelle épinière chez les oiseaux atteints de PDD.20 Les lésions
thoracolombaires sont généralement les plus fréquentes et les plus sévères. Le ganglion
rachidien de la racine dorsale contient le corps cellulaire des neurones sensoriels qui
acheminent l’information de la périphérie vers la moelle épinière. La névrite périphérique
associée à la maladie de dilatation du proventricule a été suspectée d’être une cause de
destruction des plumes et d’automutilation chez les oiseaux atteints.20
Il a déjà été rapporté que la PDD pouvait également être associée à une myocardite.21 Les
lésions affectent plus fréquemment et plus sévèrement la partie droite du cœur. Cette
situation pourrait témoigner de la plus grande densité de tissu nerveux dans cette région.
De plus, l’innervation parasympathique du cœur est en partie contrôlée par la branche
droite du nerf vague qui innerve le noeud sinoatrial. La dilatation du ventricule droit
chez les oiseaux atteints a été préalablement décrite. Des arythmies et des
changements de pression sanguine peuvent également être observés chez les
oiseaux affectés. Les lésions cardiaques peuvent induire une mort subite chez des
oiseaux par ailleurs cliniquement normaux.
Une étude réalisée chez des oiseaux de compagnie présentant des signes cliniques de
PDD a révélé que 66% des oiseaux manifestaient des signes nerveux centraux, 22%
manifestaient des signes gastro-intestinaux, 9% montraient un comportement de
destruction des plumes et de mutilation et que 9% des cas se présentait sous la forme de
mort subite.22
Pathologie
Les lésions histologiques caractéristiques de la PDD correspondent à l’existence
d’infiltrats inflammatoires lymphocytaires et plasmocytaires des tissus nerveux, un
œdème axonal, une dégénérescence des gaines de myéline ainsi qu’un infiltrat
périvasculaire de cellules mononuclées des vaisseaux sanguins et des tissus conjonctifs
environnant les nerfs atteints.20 Les lésions sont souvent présentes dans les ganglions du
tractus gastro-intestinal (ganglionévrite), le système nerveux central (encéphalite,
myélite), les nerfs périphériques incluant les nerfs sciatique, brachial et vagal (névrite),
ainsi que la rétine (rétinite). Les anomalies peuvent être observées à tous les niveaux de la
moelle épinière mais sont particulièrement marquée en région thoracolombaire. Elles
regroupent une vacuolation et une spongiose de la substance blanche, un œdème axonal
associé à une dégérescence des gaines de myéline, une infiltration périvasculaire des
substances blanche et grise ainsi que des ganglions et des racines nerveuses dorsales
associés, et pour finir une gliose. Les lésions peuvent également être observées dans le
cœur qui présente alors des lésions de nécrose myocardique focale à diffuse en
association avec une infiltration de cellules mononucléaires. Le plexus nerveux
intracardiaque du cœur droit est souvent plus sévèrement atteint.20 Les lymphocytes
peuvent être répartis diffusément dans l’ensemble de la médulla surrénalienne ou
localisés en groupes adjacents au tissu cortical.
La pathogénie de la PDD repose sur l’exposition des gangliosides et des protéines,
habituellement séquestrées et non exposées au système immunitaire de l’hôte, suite à
l’inflammation des ganglions nerveux. Des études réalisées par Rossi et al. ont montré
que la libération de protéines G50 provenant des ganglions nerveux produit des lésions
pathologiques semblables à celles observées dans la neuropathie auto-immune du
syndrome de Guillain Barré.24,25,26,27 La maladie se déclare lorsque la réponse
immunitaire de l’hôte cible les protéines exposées et provoque un dysfonctionnement du
système nerveux correspondant.
Diagnostic
La maladie de dilatation du proventricule devrait être incluse dans le diagnostic
différentiel pour tout oiseau présentant des signes neurologiques et/ou gastro-intestinaux.
Un diagnostic de suspicion peut être avancé à la lumière de l’anamnèse, de l’examen
clinique et de l’évaluation radiographique du système digestif. Le diagnostic définitif
peut être confirmé en mettant en évidence les lésions histopathologiques caractéristiques
dans les tissus des oiseaux atteints.
Des radiographies sans et avec contraste ainsi qu’une évaluation fluoroscopique de la
motricité gastro-intestinale ont été utilisées pour tenter de poser un diagnostic ante-
mortem. La radiologie et l’échographie révèlent souvent divers degrés d’élargissement,
d’amincissement et/ou d’impaction du jabot, du proventricule, du ventricule et du
duodénum proximal. Le proventricule est souvent fortement dilaté, remplissant la partie
gauche de la cavité cœlomique. Il apparait souvent sous la forme d’un « J », provoquant
un déplacement ventral et vers la droite du ventricule.28 La dilatation et l’amincissement
de la paroi de ces organes peut conduire à une impaction et à une perforation. Des études
avec produit de contraste montrent souvent des temps de transit prolongés dans le tractus
gastro-intestinal.29
Les résultats des examens de pathologie clinique dans les cas de PDD ne sont pas
constants et reflètent généralement l’état de malnutrition, de déshydratation et les
infections secondaires qui peuvent apparaître avec cette maladie. Le profil biochimique et
la numération sanguine sont généralement normaux bien qu’une hétérophilie absolue et
relative, une hypoprotéinémie, une anémie et une entérite bactérienne à Clostridies et
agents Gram-négatifs aient été rapportés.28 L’existence d’une stase gastro-intestinale
favorise la surcroissance de bactérie Gram-négative et de levures au sein du tractus
digestif.
Le diagnostic ante-mortem de la PDD peut être confirmé par l’identification d’une
ganglionévrite myo-entérique caractéristique sur des biopsies du jabot, du ventricule ou
des glandes surrénales.10 Les biopsies de jabot devraient contenir un complexe vasculo-
nerveux visible. Bien que cette méthode ai été rapportée efficace avec une précision de
76% pour le diagnostic ante-mortem de PDD, il a également été rapporté que seuls 76%
des oiseaux atteints de PDD présentaient des lésions du jabot.10,30 En pratique, les
biopsies du jabot indiquent une PDD dans seulement 30% à 35% des cas.10,31
L’examen post-mortem révèle souvent un état d’émaciation ainsi qu’une distension et
une impaction du proventricule et du ventricule. La paroi de ces organes est amincie et
une perforation peut être visible. L’examen histologique d’un grand nombre de tissu doit
être entrepris chez les oiseaux suspects d’avoir succomber à une PDD. Le jabot, le
proventricule, le ventricule, le duodénum, les glandes surrénales, le cœur, la rate et le
cerveau sont autant de tissus qui doivent être soumis au laboratoire.
Diagnostic différentiel
Les tumeurs ou les papillomes du jabot, du proventricule, du ventricule et des intestins,
l’ingestion de corps étranger, la mégabactériose et une parasitose peuvent être à l’origine
de signes cliniques identiques à ceux de la PDD.10 La vidange du proventricule et du
ventricule semble être inhibée dès lors que le tractus intestinal est distendu. Les maladies
inflammatoires et néoplasiques du ventricule et du proventricule peuvent également
provoquer une stase gastro-intestinale. L’intoxication aux métaux lourds est fréquemment
associée à des signes cliniques nerveux centraux mais peut également engendrer une stase
gastro-intestinale. Une papillomatose interne peut se manifester par une maladie
débilitante chronique qui ressemble à la PDD. La maladie de dilatation du proventricule
doit être incluse dans le diagnostic différentiel de tout oiseau présentant une atteinte du
système nerveux centrale (SNC). Une lésion traumatique, une intoxication aux métaux
lourds, un phénomène néoplasique, une infection virale, bactérienne ou fongique du
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