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Introduction
Dans le cadre du cours « Histoire et société de l’Islam et du Monde Arabe II », nous nous
sommes, parmi d’autres sujets, intéressés au regard des musulmans envers les autres religions
et civilisations. Avec l’objectif de pouvoir approfondir cette partie du cours, ce travail
consistera à étudier le regard des musulmans durant les premiers siècles après l’Hégire sur les
croyances des populations vivant dans la région de l’Al-Hind, vaste région allant d’ouest en est
du Sind (situé à la frontière iranienne actuelle) jusqu’à la péninsule indochinoise et l’archipel
indonésien
. Ce territoire correspond aujourd’hui au minimum à sept entités politiques
(Pakistan, Inde, Bangladesh, Népal, Bhutan, Sri Lanka, Maldives)
. Par ce terme d’Al-Hind, les
intellectuels musulmans de l’époque désignaient plutôt la civilisation comprise dans ce
territoire
que le territoire en lui-même, par ailleurs assez indéfinissable
. Il nous parait
intéressant d’avoir un regard sur la pensée d’auteurs musulmans envers cette région étant donné
qu’aujourd’hui, trois des pays concernés par ce territoire, le Pakistan, l’Inde et le Bangladesh
abritent chacun plus de 100 millions de fidèles musulmans
. Nous avons choisi de nous
intéresser plus particulièrement aux pensées de deux grands auteurs, qui ont écrit sur la
civilisation de l’Al-Hind : Bīrūnī et Shahrastānī.
Après une mise en contexte historique où nous décrirons brièvement la situation de l’Al-Hind
et l’arrivée progressive de l’Islam dans cette région, nous nous attacherons à analyser et
comparer les pensées des deux auteurs musulmans en regardant leurs différentes méthodes de
recherche et sources avant d’étudier plus en détail deux aspects de leurs travaux en particulier :
leur analyse sur les brahmanes et leur regard face à l’idolâtrie des populations de l’Al-Hind. Ce
dernier point est particulièrement intéressant car si la majorité des musulmans voyaient avant
tout les hindous comme des idolâtres en raison de la « grande place que qu’elle donne aux
images des dieux
», nous verrons que tant Bīrūnī que Shahrastānī nuancent largement cette
opinion.
A. Wink, The Making of the Indo-Islamic World, Vol. I., Early Medieval India and the Expansion of Islam 7th-
11th Centuries, Leiden-New York-Kopenhavn-Köln, 1990, (Ed. E.J. Brill), p5.
M. Gaboriau, Islam et société en Asie du Sud, Paris, 1986, (Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Sociales, collection Purusārtha).
A. Wink, op.cit., p.5.
Au sujet des frontières de l’Al-Hind, voir e.a le chapitre d’André Wink sur le sujet : André Wink, op.cit., pp.
109-218.
S. Dubois, Le fait religieux dans le monde d’aujourd’hui, Paris, 2015 (Editions Ellipse, nouvelle édition), p.
348.
G. Monnot dans Shahrastānī, Livre des religions et des sectes, Peeters/Unesco, vol. II, 1986 (Traduction française
avec introduction et notes par Jean Jolivet et Guy Monnot) et A. Wink, op.cit., p.5.