Les défibrillateurs implantables ont-ils une nouvelle indication ?
Examen de l’essai MADIT
Présenté par ARTHUR J. MOSS, M.D. au nom des chercheurs de l’essai MADIT
Rédigé et commenté par: Alan Barolet, M.D. et Paul Dorian, M.D.
Le défibrillateur implantable est de plus en plus considéré comme
le traitement de choix chez les patients présentant des arythmies
ventriculaires à risque mortel. Cet enthousiasme croissant pour
cette méthode thérapeutique sera probablement intensifié à la
lumière des résultats de l’essai MADIT1(Multicenter Automatic
Defibrillator Implantation Trial) qui ont été présentés lors de
la récente réunion de la North American Society for Pacing
and Electrophysiology (NASPE) à Seattle, Washington.
Les personnes qui survivent à un arrêt cardiaque présen-
tent ultérieurement un risque sensiblement accru de tachy-
cardie ventriculaire (TV) et de fibrillation ventriculaire (FV),
l’incidence combinée de ces deux troubles chez les patients
non traités pouvant être aussi élevée que 40% sur deux ans.
Il a été démontré de façon répétée que les défibrillateurs
implantables sont capables de détecter la TV et la FV de façon
fiable et d’induire une cardioversion ou une défibrillation
dans près de 98% des cas. Grâce aux progrès effectués récem-
ment dans la conception de ces appareils, il est désormais
possible de les implanter dans la région pectorale et d’admi-
nistrer le traitement au moyen d’une ou de deux électrodes
introduites par voie veineuse. Les complications liées à l’in-
tervention sont rares, le taux de mortalité étant inférieur à
1%. La durée de vie de la pile est habituellement de cinq à
sept ans. Étant donné que l’on continue d’améliorer ces
appareils et que la morbidité associée à leur implantation
baisse, on prévoit que l’appréciation des risques et des avan-
tages jouera encore davantage en leur faveur.
Les indications actuellement approuvées des défibrilla-
teurs implantables comprennent la TV ou la FV soutenue
attribuable à des causes irréversibles lorsqu’un traitement aux
antiarythmiques est inefficace, entraîne des effets indésirables
ou est contre-indiqué. L’efficacité des défibrillateurs implanta-
bles en tant que traitement prophylactique chez les patients
ne présentant pas d’antécédents de TV ou de FV soutenue n’a
pas été évaluée jusqu’à présent. L’essai MADIT annoncé
récemment est la première étude randomisée sur l’emploi des
défibrillateurs implantables chez les patients souffrant de
tachycardie ventriculaire non soutenue (TVNS) dont les résul-
tats sont publiés. La population étudiée comprenait 196
patients atteints de TVNS avérée consécutive à un infarctus,
17ESESSION SCIENTIFIQUE DE LA NASPE, DU 15 AU 18 MAI 1996, SEATTLE, WASHINGTON
Division de cardiologie St. Michael’s Hospital
30 Bond St., suite 701A
Toronto, Ontario M5B 1W8
Télécopieur: (416) 864-5330
Les opinions exprimées sont exclusivement celles
des membres de la division.
Publié grâce à des subventions sans restrictions.
Luigi Casella, M.D.
Robert J. Chisholm, M.D.
Paul Dorian, M.D.
Michael R. Freeman, M.D.
Shaun Goodman, M.D.
Robert J. Howard, M.D.
Anatoly Langer, M.D. (rédacteur)
Gordon W. Moe, M.D.
Juan Carlos Monge, M.D.
David Newman, M.D.
Trevor I. Robinson, M.D.
Duncan J. Stewart, M.D. (chef)
Bradley H. Strauss, M.D.
Kenneth R. Watson, M.D.
Actualités scientifiquesMC
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
ST. MICHAELS HOSPITAL
RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE
ST. MICHAEL’S HOSPITAL, UNIVERSITÉ DE TORONTO
Cardiologie
Actualités scientifiques
Essai MADIT
(Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial)
Méthodes (Fig. 1)
PATIENTS
1. Insuffisance coronarienne – antécédents d’infarctus à onde Q ou
documenté par la présence d’enzymes cardiaques
2. FE 0,35; IC de classe I-III de la NYHA
3.TVNS
EFFETS INDÉSIRABLES
EXTRAPYRAMIDAUX (EIEP)
Ne peuvent pas être induits
Peuvent être supprimés
Exclusion
Peuvent être induits
Procaïnamide
Ne peuvent pas être supprimés
Essai MADIT: démarche adoptée
Essai MADIT – Signature du consentement
Randomisation
Traitement
classique*
Défibrillateur implantable
Peut inclure ou non un traitement
antiarythmique classique *Peut inclure ou non un traitement
médicamenteux à l’essai contre les EIEP
Arthur J Moss, M.D.
Heart Research Follow-up Program
University of Rochester Medical Center
P.O. Box 553, Rochester, NY 14642
Cardiologie
Actualités scientifiques
présentant une dysfonction importante du ventricule gauche
(fraction d’éjection inférieure à 35%; insuffisance cardiaque
de classe I-III de la NYHA). Tous les patients avaient une TV
pouvant être induite à l’épreuve électrophysiologique, que
l’on ne pouvait supprimer par l’administration de procaï-
namide (figure 1). Les patients ont été ensuite répartis au
hasard dans le groupe subissant l’implantation d’un défibril-
lateur ou dans le groupe recevant un traitement médical
optimal. La mortalité cumulative après un suivi moyen de 32
semaines est résumée dans le tableau 1. Le comité de surveil-
lance des données sur l’innocuité des traitements a mis fin
prématurément à l’essai MADIT après avoir noté une avantage
significatif sur le plan de la mortalité dans le groupe de
patients chez qui l’on a implanté un défibrillateur: 39 décès
dans le groupe traitement classique contre 15 décès dans le
groupe défibrillateur (risque relatif = 0,46, intervalle de confiance
à 95%; 0,26 à 0,82, p=0,009). Les patients dans les deux groupes
de traitement ont été appariés de façon appropriée en fonction
de toutes les variables cliniques: fraction d’éjection, antécédents
de pontage, d’insuffisance cardiaque et usage d’autres médica-
ments. Dans le groupe de traitement médicamenteux, 80% des
patients recevaient de l’amiodarone. L’usage de l’amiodarone n’a
eu aucun effet significatif sur le risque relatif de décès. Sur la base
de ces données, la Food and Drug Administration américaine
a approuvé quelques heures après la publication des résultats
de l’étude l’usage prophylactique des défibrillateurs implanta-
bles chez les patients présentant les mêmes caractéristiques
que celles du groupe à l’étude.
L’essai MADIT a été présenté uniquement sous forme de
résumé et l’on devrait informer les cliniciens que la description
détaillée des résultats n’a pas encore été imprimée. Cependant,
ces nouvelles données et la vitesse à laquelle la FDA a réagi
dès qu’elle en a pris connaissance nous autorisent à penser
que les défibrillateurs implantables peuvent être le traitement
de choix chez les patients souffrant de TVNS qui présentent
apparemment un risque élevé de mort subite, et par con-
séquent chez les patients atteints de TV soutenue et ceux
ayant survécu à un arrêt cardiaque. Cependant, plusieurs
points concernant l’essai MADIT et l’usage des défibrillateurs
implantables doivent être élucidés avant que l’on puisse tirer une
telle conclusion. La méthodologie de l’essai semble être fiable,
mais l’incidence des morts subites et non subites avait
diminué dans le groupe de patients à qui l’on avait implanté
un défibrillateur. Le mécanisme par lequel ces appareils pour-
raient entraîner une baisse de la mortalité non attribuable aux
arythmies demeure obscur. Étant donné que les patients
étaient relativement peu nombreux et avaient fait l’objet d’une
sélection rigoureuse, nous ne savons pas dans quelle mesure
ils sont représentatifs d’une vaste population de patients souf-
frant de TVNS et de dysfonction du VG. Le pronostic et le
risque d’arythmies chez les patients atteints de TVNS, mais
n’ayant pas d’antécédents d’arythmies symptomatiques, ne
sont pas nécessairement comparables à ceux des patients
ayant subi un arrêt cardiaque. On ne peut simplement
extrapoler les résultats de l’essai MADIT aux patients ayant
des antécédents de TV ou de FV.
L’impact des défibrillateurs implantables sur la mortalité
toutes causes incluses chez les patients ayant des antécédents
de TV ou de FV soutenue est évalué dans trois essais actuelle-
ment en cours: les essais AVID2, CASH3et CIDS4. Les auteurs
de l’essai CIDS (Canadian Implantable Defibrillator Study)
Survie chez les patients ayant participé à l’essai MADIT
Défibrillateur Traitement
implantable classique
1 an 97% 75%
2 ans 90 % 70%
3 ans 85% 60%
4 ans 80% 50%
Effets indésirables du traitement
Défibrillateur Traitement
implantable classique
Hypotension 0 1%
Syncope 0 5%
Bradycardie 0 6%
Fibrose pulmonaire 0 3%
Infection 2% 0
Troubles de dérivation 8% 0
Dysfonctionnement du 5% 0
défibrillateur implantable
Tableau 1
©1996 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Édition: Snell Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de
cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Tout recours à un traitement thérapeutique, décrit ou mentionné dans Actualités scientifiques – Cardiologie, doit être
conforme aux renseignements d’ordonnance au Canada. Snell Communication Médicale Inc. se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur. 120-15-F
prévoient que d’ici le mois de décembre 1996, ils auront
recruté comme prévu 650 patients souffrant de TV ou de FV
soutenue. Cette étude vise à comparer l’administration d’un
traitement médical à l’amiodarone à l’implantation d’un défi-
brillateur. Le paramètre primaire est la mortalité toutes causes
incluses et les paramètres secondaires sont la qualité de vie,
le coût et l’observance thérapeutique. Dans l’essai AVID
(Antiarrhythmics Versus Implantable Defibrillators) parrainée
par le NHLBI et mis sur pied en 1995, 1 200 patients ayant
des antécédents de FV ou de TV soutenue ont été répartis au
hasard dans le groupe implantation d’un défibrillateur ou
dans le groupe traitement médical au sotalol ou à l’amio-
darone. Le paramètre primaire dans cette étude était la mor-
talité toutes causes incluses et les paramètres secondaires
étaient la qualité de vie, le coût et l’observance thérapeutique.
Les auteurs de l’étude CASH (Cardiac Arrest Study Hamberg)
ont réparti au hasard des personnes ayant survécu à un arrêt
cardiaque dans le groupe implantation d’un défibrillateur,
dans le groupe métoprolol ou dans le groupe amiodarone. Un
quatrième groupe formé initialement, recevant de la
propafénone, a été retiré de l’étude par le comité de surveil-
lance en raison de la mortalité accrue notée dans ce groupe.
Aucune différence significative n’a été observée entre les trois
autres groupes de traitement dans une analyse préliminaire et
l’essai se poursuit. Ces trois essais randomisés, regroupant
2000 patients, devraient enfin permettre de déterminer le rôle
des défibrillateurs implantables chez les personnes ayant
survécu à un arrêt cardiaque. Nous espérons qu’ils permet-
tront d’élucider un point tout aussi important, à savoir quels
sont les sous-groupes de patients qui sont les plus suscepti-
bles de bénéficier de cette forme de traitement, et qu’ils con-
tribueront également à clarifier l’impact des défibrillateurs sur
la mortalité toutes causes incluses, la mort subite ainsi que sur
un certain nombre de paramètres secondaires. Bien que l’on
suppose que l’implantation d’un défibrillateur soit plus
efficace qu’un traitement médicamenteux dans la prévention
des décès par arythmie, il est possible que les patients présen-
tant le risque le plus élevé de mort subite par arrêt cardiaque,
qui tireraient le plus grand bénéfice de l’implantation d’un
défibrillateur, présentent également un risque accru de mort
attribuable à d’autres causes. Le bénéfice global sur le plan de
la survie sera finalement peut-être moins important que celui
prévu ou il sera partiellement neutralisé par la mortalité
initiale (actuellement peu élevée) associée à l’implantation
d’un défibrillateur. En outre, l’impact des défibrillateurs sur la
qualité de vie n’a pas encore été élucidé. Cela est particulière-
ment vrai pour les patients chez qui l’on a administré de
nombreux chocs cardiaques, qui font actuellement l’objet
d’études. Enfin, les coûts associés à l’implantation d’un défi-
brillateur demeurent considérables. Tous ces points devront
être résolus avant que l’on puisse s’attendre à ce que les résul-
tats de l’essai MADIT entraînent une augmentation générale
de l’usage des défibrillateurs implantables chez les patients
atteints de TVNS ou ayant survécu à un arrêt cardiaque.
Références
1. Moss AJ, Hall WJ, Cannom DS, Daubert JP, Higgins SL, Klein H,
Levine JH, Saksena S, Waldo AL, Wilbur D, Brown MW, Heo MS, au
nom des autres chercheurs ayant participé à l’essai MADIT. 1996.
Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial (MADIT). North
American Society for Pacing and Electrophysiology. Seattle.
2. Chercheurs de l’essai AVID, Antiarrhythmics Versus Implantable
Defibrillators (AVID): rationale, design and methods. Am J Cardiol
Sous presse.
3. Siebels J, Kuck KH, Implantable cardioverter defibrillator compared
with antiarrhythmic drug treatment in cardiac arrest survivors (the
Cardiac Arrest Study Hamburg). Am Heart J 1994;127:1139-1144.
4. Connolly SJ, Jent M, Roberts RS, Dorian P, Green MS, Klein GJ,
Mitchell LB, Sheldon RS, Roy D, Canadian Implantation Defibrillator
Study (CIDS): study design and organization. Am J Cardiol 1993;
72:103F-108F.
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