Chapitre 6, cours

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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis
Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
La Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 établit les libertés
d’expression et d’opinion. Mais sous l’Empire, la presse est contrôlée puis censurée et brimée
sous la Restauration. Le Second Empire entrave la presse d’opposition par toute une série de
mesures (droit de timbre, autorisation préalable). Sous la IIIème République, la démocratie
retrouvée restaure la liberté de la presse par la loi du 29 juillet 1881. Les lois scolaires de
Jules Ferry instruisent les citoyens qui prennent l’habitude de la lecture de la presse d’opinion.
Au début du XXème siècle, la presse devient un véritable contre-pouvoir.
L’émergence de l’opinion publique est indissociable de l’avènement la démocratie. C’est
avec les Lumières qu’apparait le modèle de l’opinion publique contemporaine ancrée dans un
espace public d’essence démocratique. Au cours des XIXème et XXème siècles, le triomphe de
l’opinion publique s’appuie sur la reconnaissance des libertés individuelles et collectives.
D’emblée, l’opinion publique est liée au développement des médias : elle s’affirme au XIXème
siècle tandis que le développement de la presse ouvre un espace favorable aux débats
contradictoires, favorisant la formation de l’opinion publique tout en étant le reflet de cette
opinion.
La diversification des médias au XXème siècle renforce l’importance de l’opinion publique et
la confronte à de nouvelles problématiques.
Opinion publique : ensemble des convictions, jugements et valeurs d’une société à une
époque donnée. Les sondages, mis au point dans les années 1930 par l’américain Georges
Gallup, essaient de mesurer l’opinion publique.
Presse d’opinion : presse engagée qui défend des valeurs et des idéaux, et participe au débat
politique.
Médias de masse : moyens de diffusion d’information et d’opinions ; l’industrialisation
permet une diffusion à grande échelle tout en abaissant les coûts. En France, les médias de
masse sont la presse, à laquelle s’ajoute la radio dans les années 1930, la télévision dans les
années 1960, Internet depuis les années 1990.
Crise politique : période courte de tension politique et de mobilisation publique au cours de
laquelle le système de gouvernement est l’objet d’une remise en cause.
Problématiques : Quelles sont les interactions des médias et de l’opinion publique dans les
crises politiques ? En quoi les médias permettent-ils, en mobilisant l’opinion des citoyens, de
défendre la démocratie ? Et inversement : en quoi les médias sont-ils à l’origine du recul de la
démocratie ?
I.
Le développement parallèle des médias et de l’opinion publique : fin du XIXème
siècle- années 1930
A. L’Affaire Dreyfus, guerre d’opinion, guerre de média
Documents à utiliser : double page de document p. 162-163
1. Replacez les documents liés à l’Affaire Dreyfus dans leur contexte
o Climat d’antisémitisme
o Climat de nationalisme exacerbé
o Climat de défense des valeurs de liberté et d’égalité, libertés fondamentales de la
République
o Antiparlementarisme => une partie des hommes politiques se défaussent du système
parlementaire après le scandale de Panama.
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Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
o Opposition entre différents courants de pensée et de cultures politiques qui ne sont pas
forcément en accord avec le régime républicain.
2. Identifiez les valeurs de la République mise en évidence par Emile Zola dans son texte
J’accuse. Montrez à l’aide du vocabulaire qu’il utilise qu’il évoque une période de grande
crise où la République est en danger
Valeurs défendues par Zola : libertés individuelles, respect de l’individu, égalité devant la loi
soit les valeurs issues de 1789.
Zola utilise un vocabulaire marqué par la gravité : crime, diabolique, machination, néfaste,
coupable => registre qui marque la dangerosité de la crise et des hommes qui en sont
responsables : antisémites, droite nationaliste, antirépublicain, antiparlementaires.
3. Identifiez les idées mises en avant par les antidreyfusards. Pour eux, si Dreyfus est
acquitté, qu’est-ce qui est en danger.
Antisémitisme, nationalisme, opposition au régime républicain, importance de l’armée qui est
le cœur de la nation et qui ne peut avoir tort.
L’acquittement de Dreyfus voudrait dire la victoire de la juiverie considérée par eux comme
une anti-France + déconsidération de l’armée, fer de la lance de la Nation, qui doit permettre
la revanche sur l’Allemagne (attention, thème de la droite nationaliste et pas de la
République).
4. Montrez comment la presse participe à l’exposition de ces divergences de point de vue au
cours de l’affaire mais aussi par la suite. Montrez comment la presse permet de véhiculer
certaines images dans l’opinion publique.
L’affaire suscite la publication d’hebdomadaires illustrés (Le Grelot) ; les caricatures et
dessins satiriques se répondent d’un camp à l’autre, avec des contenus simples mais
percutants.
Le pays se divise en deux camps, dreyfusards (Anatole France, André Gide, Marcel Proust,
Charles Péguy, Georges Clemenceau, Jean Jaurès, et antidreyfusards (Maurice Barrès,
Alphonse et Léon Daudet, Drumont). Les journaux antidreyfusards sont La libre Parole de
Drumont, l’Action française de Charles Maurras. Ils enracinent dans l’opinion publique les
stéréotypes antisémites.
5. Montrez que l’Affaire Dreyfus, en instituant deux camps à Paris et parmi les intellectuels
parisiens, provoquent une scission durable en France entre les différents partis issus de
l’Affaire.
L’affaire est un tournant car elle révèle que la pratique de la démocratie n’a pas mis fin aux
haines viscérales envers les Juifs considérés par les antidreyfusards comme des traîtres en
puissance. Surtout, les valeurs démocratiques ont été bafouées au sein de l’armée et de la
classe politique.
L’affaire Dreyfus entraîne un reclassement des partis politiques :
o les antidreyfusards se retrouvent exclus du camp républicain : la droite devient alors
une droite d’opposition, hostile à la république, nationaliste, autoritaire et nationaliste.
o Les Dreyfusards forment l’union des républicains pour sauver la démocratie et ses
valeurs.=> cartel des Gauches
Une nouvelle extrême-droite voit le jour avec la création de l’Action française (AF), dirigée
par Charles Maurras. Elle est monarchiste, xénophobe, antisémite, nationaliste,
antiparlementaire. Rejetant les idées démocratiques, elle profite du recul de la droite
classique, du mécontentement des catholiques face à la politique religieuse de l’Etat.
L’enracinement de la culture républicaine s’est accompagné de la conquête essentielle de la
liberté de la presse (lois de 1881 et de 1889). Dans le même temps, les innovations techniques
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depuis l’Affaire Dreyfus
favorisent le développement de la presse et permet tant une baisse du prix des journaux. Il
s’agit d’une révolution médiatique et civique : le citoyen a dorénavant les moyens de lire le
journal pour se forger une opinion et participer au débat démocratique. La presse triomphe
dans une fonction médiatrice entre le citoyen, l’État et les forces partisanes. Forte de meilleurs
moyens d’informations, d’un personnel qui se professionnalise, elle devient l’instrument
privilégié de la communication politique et sociale. Les joutes idéologiques jouent un rôle
essentiel dans le succès d’un journal.
L’Affaire Dreyfus n’est pas le énième épisode des affrontements franco-français, mais au
contraire un moment symbolique, un moment de naissance.
o C’est la modernité qui s’affirme à travers le rôle nouveau de la presse et de l’opinion.
o Une des révélations de l’Affaire c’est la place de l’opinion dont le poids devient
déterminant dans la vie démocratique.
B. Le 6 février 1934, les médias comme illustration des fractures politiques1
Documents à utiliser : documents p. 166-167
Questions :
1. Montrez que la presse participe de la critique du régime républicain qui se met en place
dans les années 1920-1930.
Presse exploite les scandales politico-financiers => présentation par cette presse d’un
gouvernement et d’hommes politiques, voire de journalistes corrompus => reprise de certains
thèmes déjà vus pendant la période de l’Affaire Dreyfus.
Les journaux se politisent avec ouvertement deux camps de journaux qui se mettent en place :
o Les journaux en faveur du régime républicain comme le populaire ou l’Humanité qui
pourtant critique ouvertement certaines décisions du gouvernement républicain
o Les journaux dans la mouvance de Charles Maurras et de Maurice Barrès (notamment
l’Action Française) => thème anti-républicain
2. Montrez que les médias sont un reflet majeur des fractures politiques qui déchirent
l’opinion française.
Le 6 février 1934, les parutions reflètent la violence des fractures politiques qui déchirent
l’opinion. Les journaux conservateurs jouent, avec l’Humanité, un rôle certain dans la
démission de Daladier le 7 février. Les journées présentent des visions très différentes des
événements selon leur orientation politique en faveur ou en défaveur de la République aussi
bien sur la réalité du déroulement de la manifestation, le nombre de mort et la perception de
1
Lors de la Première Guerre mondiale, l’Etat rétablit la censure pour encadrer l’opinion publique et mobiliser
les esprits dans le cadre de la guerre totale. Les informations militaires sont strictement limitées pour ne pas
renseigner l’ennemi et la réalité des combats est remplacée par une propagande nationaliste que les soldats
appellent le « bourrage de crâne ». Les journaux de tranchées se multiplient et adoptent un ton plus libre,
sarcastique mais soumis eux-aussi au contrôle militaire. Le Canard enchaîné, journal satirique et antimilitariste,
fondé en 1915, est régulièrement victime de la censure. Au lendemain de la guerre, la profession de journaliste
s’organise avec la création d’un syndicat en 1918 et l’adoption de règles de déontologie (règles morales et
éthiques à respecter dans le cadre professionnel dont respect des sources, refus de la diffamation…). En 1935, un
statut règlemente la profession.
Dans les années 1920, les magazines sont lancés sur le modèle américain, en diffusant une culture de masse. Les
grands reporters publient des reportages illustrés comme Albert Londres (Au bagne, 1923).
Mais, la nouveauté réside dans la diffusion, aux cinémas d’actualités filmées devenues sonores en 1929 : elles
sont diffusées avant le film, avec un temps de décalage par rapport à l’événement. Cependant, c’est la radio qui
concurrence le plus la presse écrite avec la TSF (transmission sans fil) ; 10 % des Français ont un poste récepteur
en 1932, 56 % en 1939. Ce nouveau média est très contrôlé par le pouvoir, monopole d’Etat depuis 1921, mais
avec des autorisations d’émettre pour quelques stations privées. Le contenu des émissions relève surtout du
divertissement (humour, chansons, musique).
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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis
Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
l’événement. Cette division de la presse montre aussi une division de la classe politique
française reflet de la division de la classe politique européenne qui se divise peu à peu entre
fascisme et communisme, entre idéal républicain et idéal totalitaire.
3. Identifiez le média qui commence à prendre de l’ampleur mais montrez qu’il a moins de
liberté que la presse écrite.
Les informations diffusées à la radio sont, en revanche, Ministère de l’éducation nationale, de
la jeunesse et de la vie associative (DGESCO), étroitement surveillées par le pouvoir qui
affirme son emprise sur le réseau national. Le traitement radiophonique du 6 février 1934
témoigne de ce contrôle de l’État. La nuit des affrontements, le réseau d’État attend la fin de
l’opéra en cours pour retransmettre un communiqué du ministère de l’intérieur. Radio Paris
présente les manifestants comme « des repris de justice ». Prenant appui sur la « menace
fasciste », le gouvernement d’union nationale puis le Front populaire renforcent le contrôle
étatique de la radio : une grande administration est crée et placée sous l’autorité directe de la
présidence du Conseil. Les journaux de droite s’insurgent alors contre la TSFIO.
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Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
II.
La période de l’occupation allemande, entre contrôle des médias, de l’opinion et
résistance
Au début de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement renoue avec la censure pratiquée
en 1914-1918. Le premier ministère de l’information est créé en mars 1940. Les informations
cinématographiques diffusées en mai 1940 n’évoquent même pas l’attaque allemande qui
déferle sur le territoire national. Les caméras et les photographies ayant été interdites par les
autorités militaires, les historiens ne disposent que de documents allemands pour illustrer les
combats de mai-juin 1940.
La presse est totalement désorganisée par la débâcle française et les Allemands, maîtres de
Paris, interdisent tous les journaux. Dès lors, tous les médias sont sous le contrôle allemand en
zone occupée et sous le contrôle de Vichy en zone libre.
Seuls sont autorisés les journaux collaborationnistes, favorables aux Allemands, comme Je
suis Partout sont autorisés. C’est l’heure de gloire des journalistes d’extrême-droite qui
sévissaient déjà dans les années 30, avec l’implication directe d’intellectuels de talents comme
Robert Brasillach et Pierre Drieu-La Rochelle. Berlin met en place des subventions pour
soutenir les médias qui encouragent la collaboration avec l’Allemagne, notamment la radio
par le biais de Radio Paris.
La Radio est le média dominant de la période car désormais, du fait d’un équipement
généralisé, elle diffuse au cœur des foyers français. On assiste alors à une véritable guerre des
ondes.
Pétain avait annoncé l’armistice par un célèbre discours radiodiffusé aux Français le 17 juin
1940. Le lendemain, De Gaulle lui répondait sur les ondes de la BBC, appelant à poursuivre le
combat lors de son discours du 18 juin 1940, peu entendu au demeurant le jour-même…
Churchill saisit parfaitement l’importance de la radio pour la France Libre et accorde des
plages horaires pour la BBC qui émet vers la France. De Gaulle groupe autour de lui une
équiper qui anime la célèbre émission Les Français parlent aux Français où sont diffusés des
messages codés pour la résistance, des nouvelles du front, des émissions parodiques réalisées
par des chansonniers de talent (Pierre Dac, Maurice Schumann, Jean Oberlé Radio Paris
ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand), des attaques contre Vichy et l’Allemagne
nazie.
Malgré l’interdiction d’écouter une radio étrangère, les Français écoutent en nombre la BBC
malgré les opérations de brouillage. Les collaborationnistes français répondent sur Radio
Paris avec des orateurs réputés comme Philippe Henriot.
La résistance intérieure appuie son action par des journaux clandestins qui sont dans un
premier temps des feuilles volantes manuscrites diffusées sous le manteau. Puis, ils sont
imprimés clandestinement et connaissent une plus grande diffusion toujours clandestine. Les
principaux titres sont Combat (Henri Frenay), Franc-Tireur (Jean-Pierre Lévy), Libération
(D’Astier de La Vigerie).
III.
Médias et opinion publique dans l’ère des médias de masse, de la télévision à
Internet
A. Le poids grandissant des médias dans la démocratie française restaurée
A la Libération, l’épuration frappe aussi les journalistes compromis avec le régime de Vichy
ou avec l’occupant allemand : 687 sont suspendus, 99 fusillés. Les journaux
collaborationnistes sont interdits. Les journaux de la Résistance sortent de la clandestinité.
Les ordonnances de l’été 1944 rétablissent la liberté de la presse qui est subventionné par
l’Etat. Ce dernier crée l’AFP (Agence France Presse), qui recueille à travers le monde
l’information pour la redistribuer aux différents médias. Toujours en 1944, le journal Le
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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis
Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
Monde est fondé par Hubert Beuve-Méry et devient vite un quotidien de référence.
Seulement, la presse écrite est limitée par les pénuries de l’après-guerre, notamment la
pénurie de papier.
Les Trente Glorieuses voit l’apparition des magazines d’information hebdomadaires, souvent
engagés et adoptant une liberté de ton vis-à-vis du pouvoir, dénonçant par exemple la torture
pratiquée par l’armée française en Algérie. Les principaux sont L’Express (1953), Le Nouvel
Observateur (1964). Le contexte de Guerre froide et la force du PCF accompagnent
l’importante diffusion de L’Humanité, à laquelle s’oppose Le Figaro (quotidien de la droite).
La presse est souvent appelée le « quatrième pouvoir » grâce aux enquêtes d’investigation
qui révèlent des scandales politico-financiers (affaire des diamants de Giscard donnés par
Bokassa, en 1973, Le Canard Enchaîné).
Mais cette période est avant tout l’âge d’or de la radio qui diversifie ses programmes
d’informations et propose des émissions politiques et des programmes de divertissement : elle
est la première source d’information. A la fin des années 50, le transistor permet l’écoute des
radios « périphériques » qui émettent depuis l’étranger comme « Radio Luxembourg » (future
RTL) ou Europe 1 (1955) qui émet depuis la Sarre. Ainsi, le monopole de la radio d’Etat est
contourné. La télévision, apparue en 1947, ne touche qu’un public très réduit mais qui va
croissant : 125 000 téléviseurs en 1954, 10 millions à la fin des années 1960. Charles de
Gaulle use pleinement de ce nouveau média, multipliant les conférences de presse et
allocutions télévisées à 59 reprises entre 1958 et 1969. La télévision contribue pleinement à
forger l’opinion publique et devient le média de masse par excellence avec des émissions
phare comme « Les Dossiers de l’écran » (1967), « Cinq colonnes à la Une ».
Mais l’Etat entend la contrôler aussi étroitement que la radio regroupée au sein de l’ORTF
(Office de la radiodiffusion-télévision française remplaçant, en 1964, la TRF). Les
programmes sont sévèrement contrôlés par le ministère de l’Information et l’ORTF sert de
relai au pouvoir en place : l’opposition n’y a pas vraiment accès et la censure frappe les
informations lors de la guerre d’Algérie.
B. Le tournant de Mai 68 entraîne la libéralisation des médias
Les classes nombreuses arrivent à l’adolescence ce qui entraîne une véritable explosion
scolaire d’autant plus que l’Etat mène une politique d’élévation du niveau d’instruction. En
1963, les moins de 20 ans dépassent le tiers de la population. L’université est touchée par ce
phénomène et les locaux deviennent inadaptés, les méthodes pédagogiques paraissent
désuètes.
Cette nouvelle jeunesse s’affirme au travers d’une culture symbolisée par la mode « yéyé »
composée de nouvelles danses (le twist), de nouvelles musiques (le rock). La culture jeune est
le produit de la révolution des moyens de communication : transistor, disque, télévision.
Or, c’est la contestation étudiante qui déclenche Mai 68. Dans le contexte de la guerre
d’Algérie, puis de la guerre du Vietnam, les jeunes se politisent et adhèrent à des syndicats
étudiants.
La crise débute à l’université de Nanterre, récemment bâtie et construite au milieu d’un
bidonville ; les étudiants dénoncent la société de consommation qui écrase la personnalité de
l’homme au nom du productivisme, et aboutit à la frénésie de consommation des uns pendant
qu’une grande partie du monde croupit dans la misère.
Il est donc question de justice sociale, de libérer l’homme de tout ce qui est contraintes
(sociales, administratives, religieuses), de lutter contre le capitalisme, et contre le verrouillage
par les autorités des médias. Les affiches se multiplient pour rendre visible la contestation.
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Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
Le fer de lance du mouvement est composé des étudiants gauchistes qui dénoncent la société
capitaliste et le communisme bureaucratique de type soviétique, des anarchistes libertaires,
des admirateurs du maoïsme, des trotskistes.
La grande majorité des étudiants n’est pas autant politisée mais rejoint le mouvement. Le
leader étudiant est Daniel Cohn-Bendit appelé « Danny le Rouge »2.
Le gouvernement ferme l’université de Nanterre ce qui déverse les étudiants sur la Sorbonne
qui entre dans le mouvement. Les forces de l’ordre interviennent pour faire évacuer la
Sorbonne ce qui occasionne de véritables affrontements de rues très violents dans le Quartier
latin (il y aura 5 de morts, dont 3 en juin). Les photographies dans la presse ont un impact fort
pour retracer les faits.
Un climat de révolution nationale s’installe en France sans être encadré par les syndicats et les
partis politiques qui sont dépassés. La contestation déborde le mouvement étudiant et touche
les milieux ouvriers qui se mettent en grève à leur tour.
Le gouvernement impose la censure à l’ORTF ce qui provoque la grève des personnels en
retour. Les radios périphériques sont au cœur des événements (nuit des barricades, 10 mai
1968) du Quartier latin et donnent la parole aux étudiants et médiatisent l’événement,
impliquant dans la lutte encore plus de jeunes.
Mais, de Gaulle, dans un discours radiodiffusé du 30 mai 1968, rétablit la situation en jouant
sur la peur et en appelant les Français à le soutenir : c’est une sorte de nouvel appel gaulliste.
Si 200 journalistes de l’ORTF sont licenciés, la contestation interne a fragilisé l’institution qui
sera supprimée en 1974 sous Giscard. Cependant, il faudra attendre 1981 et le pouvoir
socialiste pour libérer les médias avec l’autorisation d’émettre accorder aux « radios pirates ».
C. La libération des médias et de leur impact sur l’opinion publique (1981-nos
jours)
1) Libéralisation et évolutions constantes des médias « traditionnels » :
Plusieurs transformations clés touchent les médias traditionnels :
- Défis et recul de la presse écrite :
La presse écrite peut jouer rôle de contre-pouvoir comme lors de l’affaire du Rainbow
Warrior en 1985, mais elle traverse crise depuis les années 1970 marquée notamment par
l’érosion des tirages et la concurrence d’Internet et de la sphère d’information en continue.
De nombreux problèmes apparaissent :
o perte de lectorat et difficulté à attirer jeunes ;
o question de rentabilité ;
o concurrence de la télévision et d’Internet,
o concurrence des journaux gratuits depuis 2002
Les subventions de l’Etat indispensables et les investissements de riches hommes
d’affaires pose la question de la liberté et de l’indépendance comme l’ont montrés le rachat du
Figaro par S. Dassault en 2004 ou l’entrée dans capital de Libération d’Edouard de
Rothschild en 2005.
- Libéralisation et diversification des ondes :
La libéralisation des ondes se fait dans les années 1980. Les « radios libres » sont autorisées à
émettre en 1981, mais l’Etat attribue fréquences à chacune pour éviter nuisances. Les radios
entrent dans logique concurrentielle, si bien que radios indépendantes disparaissent, tandis
que grands groupes se constituent comme le groupe NRJ par exemple.
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Il est aujourd’hui l’un des leaders du parti écologiste européen. C’est un élu vert allemand au parlement
européen.
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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis
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La Libéralisation de la télévision est aussi à l’ordre du jour avec la création d’une Haute
autorité chargée de garantir l’indépendance du service public. De plus, à partir de 1985, des
chaînes privées apparaissent ce qui diminue l’impact de l’Etat sur la télévision. La télévision
devient le média souverain : le réflexe du journal télévisé s’est imposé dans les foyers, même
si aujourd’hui, elle se pratique autrement grâce à Internet (streaming, VOD, …)
Dès les années 1980, la télévision est entrée dans l’ère de la consommation de masse avec :
o augmentation du volume horaire d’émissions
o l’augmentation du nombre de chaînes : le PAF s’est ouvert au secteur privé dans les
années 1980 avec la fin du monopole d’Etat : Canal + ( 1984 ) et La Cinq (1985 ), TF1
privatisée en 1987, puis un large éventail de chaîne s’est ouvert avec le lancement de
la TNT en 2005 et la multiplication des offres box Internet.
La télévision est devenue le cadre essentiel pour les hommes politiques qui y délivrent un
message, dans un souci de maîtrise des techniques et exigences de communication : ex
campagne de 1981 de F. Mitterrand, prise en main par publicitaire J. Séguela.
2) Une opinion touchée par la révolution numérique :
Depuis la fin des années 1990, le temps que les Français passe devant la télévision fléchit
après une hausse spectaculaire dans les décennies précédentes. Ce recul coïncide avec l’essor
des NTIC lié au développement d’Internet et à la généralisation des appareils nomades
innovants : Smartphone, netbook, tablette tactile permettant l’accès à des contenus
multimédias très divers.
Depuis la fin des années 1990, et surtout depuis le milieu des années 2000, on constate
l’irruption et le succès rapide d’internet. Cela oblige les médias traditionnels à s’adapter :
- la plupart des radios, des journaux et des chaînes de télévision proposent une version
en ligne de leurs contenus éditoriaux
- de nouveaux journaux apparaissent même uniquement sur le Web (Rue89 ou
Mediapart, le Huffington post – par ailleurs mondialisé)
- les chaînes ont unsouci de l’interactivité dans les émissions politiques et dans
l’ensemble des programmes.
Internet révolutionne les rapports entre médias, politique et opinion : Internet devient un
nouvel espace de débat et de polémique. Cela a de multiples effets :
- cela brouille distinction entre citoyens et journalistes ;
- Internet est un outil à accaparer pour les hommes politiques (vœux de certains sur
internet ; élections présidentielles de 2002 marquées par entrée d’Internet dans débat ;
nouveau média pleinement intégré à stratégie de campagne par candidats lors des
élections de 2007, utilisation des réseaux sociaux) ;
- Les hommes politiques sont sous surveillance quasi-permanente dans l’espace public.
Cela pose aussi un certain nombre de problèmes :
- Absence quasi-systématique de vérification de données, de sources,
- Cela peut contribuer à propagation de fausses nouvelles et de rumeurs.
D’où la nécessité d’une vigilance redoublée des citoyens face à ce nouveau média…
3) Une opinion publique plus « affranchie », méfiante et vigilante ?
Les Citoyens sont désormais confrontés à une offre pléthorique et flot continu d’info.
Les Citoyens oscillent entre :
- Une participation directe au débat civique : via forums, blogs, Facebook, Twitter…
(certains sont autant lus voire plus que de grands quotidiens).
- méfiance envers les médias « traditionnels » placés sous de nouvelles formes de
contrôle : recherche de l’audimat, souci de rentabilité, « tyrannie » des sondages (voir
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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis
Chapitre 6 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques
depuis l’Affaire Dreyfus
le « séisme » électoral du 21 avril 2002 ou le débat de 2005 pour le Traité en vue
d’une constitution européenne).
Les médias sont la cible des critiques de l’opinion :
- Depuis les années 1990, émerge une dénonciation de l’uniformisation de
l’information. Certains vont jusqu’à dire que les médias sont les propagateurs de la
« pensée unique ».
- Les accusations de connivence supposée entre journalistes, hommes politiques et
grande entreprises font peser sur les principaux médias un soupçon quasi permanent
de la part d’une partie de l’opinion.
- Les médias accusés d’avoir dramatisé les enjeux sécuritaires lors de l’élection
présidentielle de 2002 et ainsi avoir favorisé au 2nd tour le candidat d’extrême droite,
de chercher à manipuler par recours trop fréquent aux sondages. Cela conduit certains
historiens à parler « d’obsession de mesure de l’opinion ».
Conclusion :
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