LES FRANÇAIS ET L’ARGENT « ETRE OU NE PAS ETRE » RICHE. « C’est une chose de ne pas avoir d’argent... C’en est une autre d’en manquer ! ». Incontestablement, avoir de l’argent – ou pas – s’évalue par rapport aux moyennes nationales ; en revanche se sentir désargenté s’appuie sur un indéniable « manque d’argent » qui explique très souvent le recours aux crédits à la consommation. Une réflexion qui nous donne ici l’occasion de reconsidérer nos revenus et la façon dont on considère nos crédits à la consommation. ►Que valent nos revenus ? Spontanément, on compare sa situation financière personnelle par rapport à celle de ses contemporains, plus précisément par rapport aux salaires moyens: si l’on affirme avec l’INSEE que le salaire français moyen est de 2 000 euros1, chacun peut se situer par rapport à cette moyenne globale, laquelle est certainement plus parlante lorsqu’on la décline en estimations générales des salaires moyens : près de 4000 euros2 mensuels pour les cadres ; moins de 1500 euros3 mensuels pour les employés et ouvriers; s’agissant des retraités, les hommes et les femmes sont diversement traités : près de 1500 euros4 mensuels pour les premiers et 1100 euros5 mensuels pour les secondes ; Et, s’agissant des « smicards », rappelons que le salaire mensuel est d’environ 1000 euros soit, très précisément , 7.80 euros net/heure. Chacun(e) peut alors reconsidérer ses revenus, ramenés, naturellement, à ses heures de travail (35 h. hebdomadaires pour les cas cités ci-dessus). Mais ces moyennes sont relatives : le fait d’être en couple – ou pas – change la valeur de ses revenus (1 € d’un deuxième salaire est plus profitable au foyer, dans la mesure où le premier salaire a déjà payé les charges indispensables). Le fait d’avoir des enfants, ou pas, a évidemment un impact sur le niveau de vie, tout comme le fait de vivre a proximité, ou pas, de la famille élargie : les « petits services » de la vie quotidienne que les proches prennent en charge (la garde d’enfant, le bricolage, etc.) n’apparaissent pas dans les revenus mais interviennent dans le niveau de vie. Enfin, rappelons que les autres revenus – par exemple les profits des placements, primes exceptionnelle, les revenus locatifs, les éventuelles successions… n’apparaissent pas non plus dans ces salaires. De fait, au moment d’évaluer objectivement ses ressources, il faut donc tenir compte de tous ces paramètres – ce que l’on fait rarement, tant pour soi-même que pour les autres – avant de céder au « sentiment de manque » dont on dit qu’il est la marque de notre civilisation de consommation que les « crédits à la consommation » nous incitent naturellement à combler. ► Que valent les crédits à la consommation ? Meilleure façon de céder à la tentation de la consommation, les crédits à la consommation nous inspirent spontanément une certaine méfiance. Car, disons-le, il est facile – et justifié – de les diaboliser : d’abord, ils proposent des taux d’usure excessifs (autour de 20 % et jusqu’à 25 %). Ensuite, ils font état des procédés de marketing contestables (les relances permanentes, la reconduction tacite des dossiers, etc.). Enfin, leurs relations avec les conjoints des emprunteurs sont pour le moins critiquables (l’information de l’époux (se) du signataire n’est pas toujours claire, alors qu’il(elle) est solidaire des dettes). Mais leur succès fait état de ce que l’attrait l’emporte à la méfiance… Car il faut bien accorder au crédit à la consommation quelques qualités : de façon générale, il faut admettre que le paiement à crédit est le mode de paiement de ceux qui n’ont pas d’argent, dans la mesure où le paiement au 2 041 € (2 222 € pour les hommes et 1 777 € pour les femmes) Source : INSEE, DADS, « Montants mensuels nets 2009 ». Sur la base des salariés en équivalent plein-temps du secteur privé et semi-public. Ces calculs n’intègrent malheureusement pas le secteur public. Ainsi, d’autres sources statistiques font état de revenus sensiblement supérieurs. 2 3 851 € (4 175 € pour les hommes et 3 197 € pour les femmes). Ibid. 3 Employés : 1 481 € (1 578 € pour les hommes et 1 442 € pour les femmes). Ouvriers : 1 563 € (1 609 € pour les hommes et 1 318 € pour les femmes). A noter : Professions intermédiaires : 2 104 € (2 238 € pour les hommes et 1 928 € pour les femmes). Ibid. 4 http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATCCF04564 « Montant moyen mensuel de le retraite globale (…) » Drees, Echantillon inter-régimes de retraités 2008. Site : insee.fr (2012) 5 Ibid Page 1 1 LES FRANÇAIS ET L’ARGENT comptant est celui des plus riches. Ainsi, un petit tiers des Français6 est endetté par des crédits à la consommation : sans lui, l’accès à différents biens marchands est exclu. Par ailleurs, force est d’admettre que les organismes de crédits, sont souvent plus rapides, que les établissements bancaires traditionnels et, de ce fait, ils sont souvent plus adaptés à celles et ceux qui, précisément, sont en marge du circuit traditionnel : « (…) le crédit à la consommation concerne tous les ménages ; il s'adresse donc plus souvent aux ménages pauvres et aux jeunes (…) »7. Cette demande de souplesse explique d’ailleurs le succès des microcrédits – autres crédits en-dehors du système bancaire traditionnels, qui nous inspirent, quant à eux, des sentiments plus positifs, alors qu’ils peuvent parfois proposer des intérêts très contestables8 et, de fait, être comparables à des crédits à la consommation. Enfin, l’idée selon laquelle les emprunteurs des crédits à la consommation sont des irresponsables qui s’endettent pour leurs vacances ou leur écran plat de télévision est une caricature : En effet, et près de 70 % 9 des crédits à la consommation sont pour l’achat d’un véhicule. Les adeptes des crédits dits « revolving »10 – qui préfèrent d’ailleurs l’appellation « réserve d’argent » – sont donc loin d’être, pour la majorité d’entre eux, des victimes de la consommation sauf à considérer qu’un véhicule automobile est un accessoire inutile. En conclusion, la façon de considérer nos revenus, par rapport à ceux de nos contemporains, et la façon de considérer les crédits à la consommation – voire les situations de surendettement (cf. tableau ci-dessous) – méritent réflexion : savoir précisément ce que valent ses revenus et ses – éventuels – crédits à la consommation est essentiel. Le sentiment de « manquer d’argent » qui à distinguer du simple fait de ne pas en avoir, est à ce prix… Qui est concerné par le surendettement ? QUID DU SURENDETTEMENT « En 2010, la population des surendettés se caractérise par la prédominance de personnes vivant seules (65 %) et n'ayant pas de personnes à charge (53 %). » 11 Comment en arrive-t-on au surendettement ? « (…) 23 % des dépôts de dossiers sont dus à des difficultés familiales (séparation, divorce, décès d'un membre de la famille) impliquant une diminution des ressources ». 12 Surendettement des ménages dans l’Aisne. Nombre de dossiers déposés 2007 2008 2009 2 903 dossiers 2 870 dossiers 3 335 dossiers Source : Banque de France13 Cet article a été écrit à la demande et avec le soutien de : Isabelle Habchy Doctorante en Sciences Sociales U.F.R. des Sciences Sociales de l’ U.V.S.Q http://www.udaf02.fr/ 6 28 p. cent des Français. Source : insee.fr. http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=endettmnt04 Insee Première n° 1352, mai 2011, source: http://www.insee.fr/fr/mobile/etudes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1352 8 Voir l’article d’ Esther Duflo, Professeur au MIT et Collège de France, Le Monde, 12/01/2010, in http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/01/11/microcredit-miracle-ou-desastre-par-esther-duflo_1290110_3232.html 99 68 p. cent. Source: cf. note n° 6 10 Contrairement à ce qu’on pourrait penser le crédit “revolving” n’est pas susceptible d’exécuter son emprunteur (cf. révolver) mais il est un crédit « tournant », « pivotant » ou « en rotation » (Dic. anglais). 11 http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/default.asp?page=dossiers_web/dev_durable/menages_surendettes.htm 12 Ibid 13 http://www.insee.fr/fr/insee_regions/picardie/themes/dossier/bilan2009/chap04_prestations_sociales.pdf Page 2 7