Les écrevisses

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Les écrevisses
Association Theutoise
pour l’Environnement asbl
Photos : D. Herman
indigènes et exotiques
en Région wallonne
Table des matières
PREFACE
n Introduction: morphologie externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1
n Structure interne des écrevisses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3
n Biologie et écologie des écrevisses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5
n
Reproduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5
n
Eclosion et développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7
n
Comportement - écologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 11
n
Alimentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12
n
Autre particularité des écrevisses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 13
n
Adversité et adversaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 14
l
Prédateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 14
l
Maladies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 15
l
Pollutions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 18
n Identification des différents espèces d’écrevisses
n indigènes ou importées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19
n
n
Ecrevisses indigènes européennes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 20
l Ecrevisse à pieds rouges ou écrevisse noble . . . . . . . . . . . . . . p. 20
l Ecrevisse à pieds blancs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21
l Ecrevisse des torrents ou écrevisse de pierre . . . . . . . . . . . . . p. 22
Ecrevisses exotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23
l Ecrevisse turque ou écrevisse à pattes grêles . . . . . . . . . . . . . p. 23
l La «petite américaine» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24
l Ecrevisse de Californie ou écrevisse «signal». . . . . . . . . . . . . . p. 25
l Ecrevisse des marais de Louisiane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 27
n Conseils pour les repeuplements en écrevisses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 29
n Le projet de sauvegarde des l’écrevisse à pieds rouges de l’ATE . . . . p. 30
Le projet NATURA 2000, mis sur rail depuis quelque temps, dynamise
au sein des pays européens la problématique de conservation d’espèces ou d’habitats menacés. Il promeut aussi la politique de développement soutenable, indispensable à la survie humaine.
En Région wallonne, ce réseau concerne 13% de notre territoire. De
plus, l’écrevisse à pieds rouges, Astacus astacus, notre seule espèce
d’écrevisses indigène, est une espèce concernée par NATURA 2000
(espèce reprise à l’annexe 4 du décret). Elle devrait ainsi bénéficier des
retombées favorables de cette politique.
A l’heure présente, l’écrevisse à pieds rouges est menacée et, sans
intervention de l’homme, elle risque de disparaître à plus ou moins
court terme.…Faisant partie intégrante de notre patrimoine naturel,
comme le saumon atlantique, elle symbolise aussi la grande qualité
des eaux . La conservation des habitats qu’elle occupe bénéficie également au maintien de multiples autres espèces vivantes.
L’écrevisse est de plus un outil pédagogique particulièrement intéressant, permettant de sensibiliser le grand public (et en particulier les
jeunes générations) à plusieurs problèmes majeurs liés à la conservation de la nature, tels que le maintien et la restauration des milieux
aquatiques, indispensables à toute vie sur Terre, ou encore la diminution de la biodiversité.
Cette espèce mérite donc aussi un effort particulier de protection, et
c’est donc dans ce sens que s’est développé depuis 4 ans le projet de
sauvegarde de cette espèce, projet mené par l’Association Theutoise
pour l’Environnement, avec le soutien de la Région wallonne.
Le Ministre de l’Agriculture et de la Ruralité
Introduction : morphologie externe
Dans le règne animal, l’écrevisse fait partie des
arthropodes, c’est-à-dire des animaux
segmentés pourvus de membres articulés, mais
sans squelette interne. C’est aussi un crustacé,
caractérisé par une carapace externe recouvrant
latéralement ses branchies. Les écrevisses sont
apparues, au cours de l’évolution, il y a quelque
250 millions d’années. Elles se sont diversifiées
(plus de 470 espèces à l’heure actuelle) et ont
colonisé progressivement les eaux douces des
différents continents.
6
revêtaient un intérêt économique certain au
Moyen-Age: des pêches de nuit à la torche étaient
régulièrement organisées, comme le démontre ce
dessin naïf tiré du “Fischbuch” de l’empereur
Maximilien 1er d’Autriche (en 1499).
Le squelette externe de l’écrevisse est fait
essentiellement
de
chitine,
substance
membraneuse et cornée; excepté aux articulations
des membres, la chitine est imprégnée de
carbonate de calcium, lui assurant une dureté
protectrice.
1
5
2
3
1
En Europe occidentale, il existe seulement 3
espèces indigènes: l’écrevisse des torrents
(Austropotamobius torrentium), l’écrevisse à
pieds rouges (Astacus astacus) et l’écrevisse à
pieds blancs (Austropotamobius pallipes).
La première ne se rencontre guère plus que dans
les montagnes de l’Europe centrale. L’aire de
répartition de la seconde est l’Europe centrale et
septentrionale, mais elle est en forte régression. La
troisième, plus méridionale, également en forte
régression, se rencontre dans toute l’Europe
occidentale: France, Allemagne, Grande Bretagne,
Irlande, Espagne, Italie, Suisse, Autriche, Croatie,
Bosnie (mais pas en Belgique)...
A l’aube de l’histoire humaine, l’écrevisse, dont la
capture est plus aisée que celle du poisson, a
certainement fait partie de l’alimentation de
l’homme préhistorique. Cette pratique s’est
perpétuée au fil des siècles: les écrevisses
4
Le corps est divisé en deux parties:
le céphalothorax (tête et thorax soudés)
l’abdomen. 3
2
et
Le céphalothorax se termine en avant par un
éperon, appelé rostre 4 . La tête porte deux yeux
pédonculés composés 5 , formés d’un nombre
d’ommatidies (petits yeux simples), croissant avec
l’âge: leur nombre s’élève à environ 600 chez les
juvéniles et 2000 chez les adultes. La tête porte
aussi 5 autres paires d’appendices articulés,
notamment deux antennules (à deux flagelles),
deux longues antennes 6 , les mandibules
(calcifiées pour pouvoir broyer les aliments) et
d’autres appendices buccaux.
Le sens du toucher a son siège dans les soies
situées notamment sur les antennes et antennules.
l
2
Quant au thorax, il porte 5 paires de pattes ou
péréiopodes 7 (d’où le nom de crustacé
“décapode”), dont la première paire est
transformée chez les écrevisses en deux pinces
puissantes. A la base de ces péréiopodes, sur une
membrane d’articulation les reliant au corps, sont
fixées les 18 branchies, permettant la respiration
de l’écrevisse. Elles sont dissimulées de chaque
côté par la carapace.
L’odorat de l’écrevisse a son siège dans les
multiples soies situées sur la plupart des antennes,
antennules et pattes.
7
7
l L’abdomen des écrevisses est formé de 6
segments articulés, prolongés par un battant
natatoire, le telson 8 , qui porte l’anus 9 en face
ventrale. Les 6 paires de pattes abdominales,
appelées pléiopodes 10 , sont toutes semblables
chez les femelles et ont comme principale
fonction de retenir les oeufs pendant
l’incubation. Chez les mâles par contre, les deux
premières paires sont transformées en organe
copulateur dirigé vers l’avant et situé entre les
péréiopodes 11 . Il a pour fonction l’écoulement
du liquide spermatique au moment de
l’accouplement.
7
7
11
10
10
9
8
Structure interne des écrevisses
Le système digestif est composé de trois parties:
3
coagule dans l’eau douce, à l’endroit d’une plaie,
grâce au travail des thrombocytes (cellules
sanguines).
¿ Un court oesophage et un estomac volumineux et
très musculeux (pour le broyage des aliments);
¡Un intestin moyen et glandulaire, avec un
hépatopancréas (sécrétant la cellulase, enzyme
permettant de digérer la cellulose végétale) et un
caecum;
¬ Un intestin postérieur, long tube droit se
prolongeant jusqu’au telson.
Le système circulatoire est “ouvert”: Il est
constitué d’un coeur, perforé de 3 paires de trous ou
ostioles, permettant au liquide sanguin de la cavité
générale du corps d’y pénétrer lorsqu’il se dilate. A
20°C, le coeur de l’écrevisse bat à raison de 30-40
fois par minute. Un réseau d’artères alimente les
différents organes du corps, mais comme la
circulation n’est pas fermée, le sang se déverse à
l’extrémité de ces vaisseaux dans les cavités situées
entre les organes. Pour cette raison, en cas de
blessure importante, les écrevisses peuvent mourir
en perdant leur sang... Le sang de l’écrevisse est
incolore. Il ne contient pas de l’hémoglobine mais
de l’hémocyanine (contenant du cuivre et non du
fer), dont le rôle est le transport de l’oxygène
provenant des branchies. Le sang de l’écrevisse se
Le système nerveux est essentiellement
ganglionnaire, à raison d’une paire de ganglions
par segment. Le ganglion se trouvant au-dessus du
pharynx est appelé “cerveau” de l’écrevisse. Il est
relié à une chaîne ventrale composée de 22
ganglions. Des ganglions partent des connexions
nerveuses vers les muscles du corps, vers la tête et
les différents organes du corps.
La musculature: Les muscles les plus développés
sont bien entendu ceux de l’abdomen (2 paires:
les dorsaux ou extenseurs et les ventraux ou
fléchisseurs) et ceux des pinces.
Ce sont ces muscles-là qui sont consommés par
l’homme.
L’écrevisse possède bien entendu toute une série
d’autres muscles, moins puissants cependant:
ceux des mandibules, ceux des autres pattes, de
l’estomac, etc...
L’appareil génital
Le système excréteur: Même si les branchies
jouent un rôle dans l’excrétion, le système principal
est constitué par les glandes vertes, dont l’orifice est
situé à la base des antennes 1 . Le liquide excrété
est en majorité composé d’ammoniaque et d’urée.
1
l chez le mâle, l’appareil génital est composé de
deux testicules (situés dorsalement dans le
thorax, sous le coeur et au-dessus de l’intestin),
de deux canaux déférents et de deux glandes
androgènes situées juste avant l’orifice extérieur.
C’est à la base de la 5ème paire de périopodes que
se localisent les orifices extérieurs (les gonopores
mâles).
lchez la femelle, l’appareil génital se compose de
deux ovaires et de deux oviductes, qui aboutissent
aux gonopores femelles à la base de la 3ème paire
de péréiopodes 2 . Le développement des ovaires
dépend de la phase de croissance et de
4
maturation des œufs. Il est maximal avant
l’accouplement, qui se produit fin octobre-début
novembre pour l’écrevisse à pieds rouges.
2
4
La pigmentation
Le tégument des écrevisses contient des
chromatophores, qui sont des cellules contenant
des granules pigmentés. Les pigments rouges,
jaunes et bleus sont des dérivés du carotène; ils
sont fournis par le régime alimentaire. Le
pigment bleu (astaxanthine) est détruit par la
cuisson; c’est pour cette raison que les écrevisses
prennent alors une coloration rouge orange très
prononcée 3 . Dans la nature, on peut trouver de
temps en temps des individus bleus 4 .
3
Biologie et écologie des écrevisses
n Reproduction (écrevisse à pieds rouges)
Comme indiqué précédemment, c’est en octobrenovembre que les ovules de l’écrevisse à pieds
rouges sont mâtures; ils ont à ce moment un
diamètre de 1,5 mm. Les femelles prêtes à
l’accouplement se reconnaissent facilement aux
taches blanchâtres qui apparaissent sur les bords
de chaque segment abdominal 1 .
A cette période, le mâle recherche activement une
femelle, l’immobilise et la retourne sur le dos avec
ses fortes pinces 2 . La période d’accouplement
dure en général 2 à 3 semaines.
Signalons qu’un mâle trop puissant peut
mutiler, voir tuer les femelles en période
d’accouplement, car il arrive que celles-ci
5
refusent le contact et tentent de résister. Si la
femelle meurt, le mâle n’hésite pas à la dévorer.
Cela arrive assez fréquemment.
Lors des accouplements, le taux de réussite le
plus élevé est obtenu lorsque le mâle est
légèrement plus grand (1 cm-1,5 cm) que la
femelle. Quand le mâle est plus petit, les
femelles arrivent souvent à se dégager et quand
il est trop grand, les mortalités des femelles sont
plus élevées. Il est en général reconnu qu’un
mâle peut féconder 3 femelles: cette proportion
(1 mâle pour 3 femelles) est d’ailleurs conseillée
lors de réensemencements de pièces d’eau.
Le mâle ayant réussi à immobiliser une femelle
dépose alors, grâce à son organe “copulateur”
son sperme sur l’abdomen de celle-ci. Ce
sperme se fige rapidement en petits filaments
blancs, les spermatophores 3 , qui contiennent
les spermatozoïdes.
La femelle nettoie la face ventrale de son
abdomen généralement une quinzaine de jours
après l’accouplement. Après quoi elle recourbe
son abdomen pour former une cavité
protectrice, et sécrète un mucus abondant 4 .
Ensuite, la ponte des oeufs a lieu en général la
nuit. Les oeufs fraîchement pondus sont brunviolet 5 , de 2-3 mm de diamètre; en même
temps, une substance sécrétée par la glande
sexuelle femelle dissout la paroi des
spermatophores et libère les spermatozoïdes
permettant ainsi la fécondation.
2
5
3
1
3
4
6
Les oeufs se collent alors aux pattes
abdominales grâce à un liquide sécrété par des
cellules cémentaires 6 .
Les oeufs fécondés vont se développer en
embryons: les ébauches des pattes thoraciques
apparaissent à la seizième semaine, les
premières pulsations cardiaques peuvent être
observées entre la dix-huitième et la vingtquatrième semaine; l’apparition des yeux à la
vingt et unième semaine.
Aux environs de la mi-juin, l’éclosion survient;
les larves du premier stade vont rester
accrochées sur l’abdomen durant encore une
dizaine de jours 7 . La durée du développement
est fonction de la température de l’eau; plus
élevée, elle permettra une évolution plus rapide.
6
Dans la nature, les femelles portent donc leurs
oeufs et larves pendant environ 7 mois (parfois
8)! Pendant tout ce temps, les femelles ne
s’alimentent que très peu et restent quasiment
en permanence dans leurs terriers ou leurs
cachettes en assurant l’oxygénation des oeufs,
leur nettoyage, leur protection et l’enlèvement
des morts. Mais une grande partie de ces oeufs
périssent pourtant au cours de ces 7-8 mois.
Les femelles ne deviennent sexuellement
matures qu’au cours de la quatrième année de
leur vie, les mâles à leur troisième année. Il est
aussi probable, d’après certains auteurs, que les
femelles ne pondent pas chaque année.
L’adversité du milieu environnant influence la
stérilité des individus (par exemple en cas de
manque de nourriture). Les femelles sont
d’autant plus fertiles qu’elles sont plus âgées; le
nombre d’ovules produits dépend donc de la
taille de l’animal:
une femelle de 9 à 11cm produit environ 190
ovules et porte 80-90 oeufs.
l une femelle de 11 cm produit environ 350
ovules et porte 140-150 oeufs.
l maximum d’oeufs portés par les grosses
femelles : 350 oeufs.
l
Remarquons aussi que les périodes
d’accouplement, les pontes et les durées
d’incubation sont différentes en fonction des
espèces d’écrevisses.
7
n Eclosion et développement
1
La paroi de l’oeuf se déchire et libère la larve de
premier stade (L1) ressemblant assez bien à
l’adulte; cependant, les extrémités de ses pinces
sont recourbées en crochets, ce qui lui permet
de rester fortement accrochée aux pattes
abdominales de la femelle pendant encore
plusieurs jours 1 . La larve a aussi un
céphalothorax disproportionné, qui contient des
réserves nutritives. La carapace est molle à ce
stade et la larve peut donc grandir pendant ce
laps de temps. La larve L1 pèse de 21 à 22 mg et
mesure de 8 à 9 mm.
Après 5-10 jours, une première mue survient et
donne naissance à une larve de second stade,
encore plus ressemblante à l’écrevisse adulte.
Cette larve L2 s’alimente activement car la réserve
de vitellus est épuisée. La carapace se calcifie
également. Le telson de cette deuxième larve
porte des poils en forme d’éventail, lui permettant
de se déplacer rapidement.
Mais, en cas de danger, la larve se réfugie sous la
femelle 2 . La larve L2 atteint en moyenne 10-12
mm de long pour un poids de 37-38 mg.
2
La deuxième mue survient entre le 18ème et le 20ème
jour après l’éclosion de l’oeuf. La jeune écrevisse
doit donc quitter son ancienne carapace; elle est
à ce moment toute molle et sa carapace doit se
durcir progressivement. La larve de stade 3 est
alors tout à fait identique aux adultes. A la fin de
ce 3ème stade, la larve L3 atteint de 12 à 13 mm
pour un poids de 50 mg environ.
Le nombre de mues au cours du premier été de vie
et leur durée sont influencés par la température
extérieure: le développement est davantage
rapide si la température augmente (en restant
tout de même idéalement en dessous de 25°C, le
maximum tolérable pour les écrevisses à pieds
rouges étant de 33°C). Les mues s’effectuent en
général quand la température atteint 12°C. La
richesse des eaux en calcaire peut influer sur la
vitesse de croissance. Cependant, en règle
générale, dans la nature et sous notre latitude, les
jeunes écrevisses à pieds rouges muent 5 fois
durant les premiers mois de leur vie: en juinjuillet, de mi-juillet à fin juillet, de début août à
mi-août, de fin août à début septembre, et de mi-
8
septembre à fin septembre, l’intervalle entre les
mues étant d’une vingtaine de jours.
Tailles et poids d’Astacus astacus en fonction de l’âge et du sexe (Cukerzis, 1984)
(an)
Femelle
Mâle
Age
Les mues reprendront après l’hiver, en mai, puis
en juin et juillet, ensuite en août et en
septembre. Durant les 12 premiers mois de sa
vie, la jeune écrevisse aura donc mué 8 fois.
En juillet, elle aura atteint la taille d’environ 3-4
cm, pour un poids de 0,7 à 1,5 g. Durant la
deuxième année de sa vie, elle ne muera plus que
4 fois, pour atteindre au bout de 24 mois, la taille
de 5-6 cm et un poids de 5,5 à 6,8 grammes.
Pendant la troisième année de sa vie, l’écrevisse
ne mue plus que 2 fois (fin août et en juin-juillet).
Ensuite, les mâles continueront à muer 2 fois par
an (en août-septembre et en juin-juillet), tandis
que les femelles ne le feront qu’une fois, en aoûtseptembre (car elles doivent porter les oeufs et
larves jusque juillet de l’année suivante); elles ne
peuvent donc pas muer en juin. C’est pour cette
raison que les mâles sont en général plus grands
que les femelles. Mais, à partir de 6-7 ans, ils ne
mueront plus qu’une seule fois également, en
août-septembre, comme les femelles. Les plus
gros individus peuvent atteindre la taille de 1516 cm, avec un poids avoisinant les 150
grammes. Le développement de l’écrevisse est
donc fonction du sexe, mais aussi de l’espèce et
des conditions de vie.
Longueur (mm)
Poids (g)
Longueur (mm)
Poids (g)
1
33-38
0,7-1,5
30-40
0,5-1,4
2
59-63
5,8-6,8
59-63
5,5-6,3
3
77-81
12,3-14,5
73-77
11,9-13,5
4
89-94
23,3-26,0
87-91
17,0-21,0
5
110-114
45,0-61,2
104-108
31,2-36,5
6
121-125
55-63
113-117
43,7-49,5
9
La mue est un processus très complexe. Quelques
heures avant de sortir de sa carapace, l’écrevisse
frotte ses membres les uns contre les autres, les
agite séparément, se met sur le dos et replie et
détend sa queue brusquement. Ses antennes
vibrent. Ces mouvements permettent de décoller
progressivement la carapace. A l’intérieur, les
membres vont se rétracter. La carapace va ensuite
se fendre, sur le dos entre céphalothorax et
abdomen, et la nouvelle carapace fait saillie (elle
apparaît plus sombre) 1 . Après un temps de repos,
l’animal tout entier s’extrait de son ancienne
carapace. La durée de la mue peut aller d’une
dizaine de minutes à plusieurs heures.
Epoque et nombre de mues sur 6 ans chez Astacus astacus (Cukerzis, 1984)
Etés
Nombre de
mues par été
1er été
5
Epoques des mues
juin - juillet
Age
Nombre de
mues par an
1 an
8
2 ans
4
3 ans
2
4 ans
mâle = 2
femelle = 1
5 ans
mâle = 2
femelle = 1
mâle = 1
femelle = 1
mi-juillet - fin juillet
début août - mi-août
fin août - mi-septembre
mi-septembre - fin septembre
2 été
e
5
mai
juin
juillet
Fatiguée, l’écrevisse est toute molle à ce moment.
Elle demeure apathique pendant 48 heures et ne
peut se déplacer que faiblement. L’écrevisse est
donc très vulnérable pendant ce temps. Ses
nombreux prédateurs, y compris ses propres
congénères, ne manquent pas de se régaler de
cette proie toute molle.
août
septembre
3e été
3
juin
juillet
fin août
4 été
e
2
juin - juillet
août - septembre
1
5 été
e
6 été
e
Mâle 2
Femelle 1
juin - juillet
Mâle 2
Femelle 1
juin - juillet
août - septembre
août - septembre
6 ans
10
Ensuite, le processus de calcification de la
carapace se réalise: ce sont tout d’abord les
pinces et les pattes qui se durcissent, ensuite le
céphalothorax, et enfin l’abdomen. Cette
calcification peut se réaliser grâce aux réserves
de calcaire que l’écrevisse a accumulées dans
son estomac, sous forme de 2 petits “cailloux”
arrondis, appelés les gastrolithes 2 . Ce calcaire,
l’écrevisse l’a trouvé dans les eaux, mais aussi
dans sa nourriture. La grosseur des gastrolithes
est proportionnelle à la taille de l’écrevisse ; ils
renferment 60% des réserves de calcaire (ils
constituent 5% du poids total de l’écrevisse à la
mue). L’animal doit donc trouver un
complément en calcium, pour calcifier sa
carapace; il le fait grâce à ses branchies. C’est
pourquoi, si l’eau ne possède pas de calcaire (ou
trop peu), la calcification ne peut se réaliser.
Donc, plus les eaux seront riches en calcaire,
plus facilement et plus rapidement s’effectuera
la calcification (en une douzaine de jours au lieu
de 22 à 27 jours). C’est pour cette raison que
nous ne trouvons pas d’écrevisse dans les eaux
acides de nos Fagnes.
Au fil de la calcification, les gastrolithes
diminuent en poids et en volume, et finissent
par disparaître au bout de 24 jours environ.
2
11
n Comportement - écologie
Les écrevisses, comme les crustacés en général,
sont lucifuges (fuient la lumière) et ont donc un
comportement nocturne. On les trouve en
général dans des sites ombragés où la
végétation est dense, dans les réseaux
racinaires d’arbres des berges 1 , sous les
cailloux et rochers, ou en d’autres endroits où
l’obscurité est quasi constante. En rivière, elles
se rencontrent principalement dans les zones où
le courant est lent.
Quand le milieu ne leur offre pas de caches,
elles creusent des terriers 2 , d’une longueur
équivalant en général au double de la longueur
de leur corps, et dans lesquels elles s’abritent
durant la journée. Elles quittent leurs abris la
nuit pour rechercher leur nourriture.
Les écrevisses ont un comportement grégaire:
dans un site déterminé, certaines zones sont
fortement peuplées, tandis que d’autres ne le
sont que faiblement. De plus, et d’après nos
observations, nous avons l’impression que
certaines zones sont plus occupées par des
femelles, d’autres par des mâles ou par des
juvéniles.
Les écrevisses à pieds rouges sont, comme le
saumon atlantique, symbole d’une eau
d’excellente qualité car elles ne se rencontrent
que dans des milieux propres et bien oxygénés.
Elles préfèrent des eaux plutôt froides; le seuil
létal de température est de 33 °C.
1
2
12
n Alimentation
Les écrevisses à pieds rouges sont omnivores :
elles consomment aussi bien des végétaux
aquatiques que des animaux. Leurs préférences
sont cependant:
Contrairement aux adultes, les jeunes écrevisses
sont en général plus carnivores que
végétariennes : les écrevisses de moins d’un an
consomment environ 65% de matières
animales; par contre, les individus de plus de 8
cm sont végétariens à 90 %. Ces préférences
alimentaires sont à mettre en parallèle avec les
mues, beaucoup plus fréquentes chez les
juvéniles: ceux-ci ont besoin de beaucoup
d’énergie et de protéines animales pour passer
ces moments difficiles. Les écrevisses sont aussi
cannibales et ne dédaignent pas la chair de
leurs congénères, affaiblis ou malades.
pour les matières végétales: les élodées, les
cératophylles, les myriophylles, les potamots, le
cresson, les algues filamenteuses (characées);
en élevage, on leur donne aussi des carottes, des
pommes de terre, des grains de maïs, des
betteraves, des courges, des orties,...
l pour les matières animales: les mollusques,
les vers 1 , les larves d’insectes (phryganes,
éphémères, diptères et autres), les poissons, les
têtards ou jeunes grenouilles, ...
l
Cependant, contrairement à l’opinion
généralement répandue, l’écrevisse n’aime pas
trop la viande faisandée ou des poissons
pourrissants : elles préfère la viande fraîche.
En élevage, on peut aussi leur donner des
morceaux de foie ou de rate, des poissons frais…
Il existe aussi des aliments fabriqués sous forme
de granulés composés qui doivent se dissoudre
lentement dans l’eau.
1
1
n Autre particularité
n des écrevisses; régénération
des appendices
Il arrive très souvent que les écrevisses se
mutilent au cours de leur vie (elles ont la
faculté de s’auto-mutiler, par exemple
lorsqu’elles sont prises au piège par un
prédateur). C’est pour cette raison que l’on peut
observer assez couramment des individus avec
une seule pince 1 , voire sans pince. L’écrevisse
a la particularité de pouvoir faire repousser ses
membres à la mue suivante. Cependant, ce
membre ou plus souvent cette pince n’atteint
jamais la taille de la pince originale. C’est
pourquoi on peut souvent observer des individus
avec des pinces de deux tailles différentes 2 .
2
14
n Adversité et adversaires
Les
“ennemis”
de
l’écrevisse
sont
malheureusement très nombreux: virus,
champignons, vers parasites, batraciens,
reptiles, oiseaux, mammifères (y compris le pire:
l’homme); ils s’attaquent à un stade particulier
du développement ou à tous les stades. De plus,
les pollutions, les aménagements intempestifs
des cours d’eau et la surpêche ont aussi joué un
rôle important dans la disparition progressive
des populations d’Astacus astacus.
1
l
Prédateurs
4
Les prédateurs des écrevisses sont très nombreux :
l Les larves et imagos d’insectes peuvent
s’attaquer aux jeunes écrevisses: les dytiques 1 ,
les larves de libellules sont en effet de redoutables
chasseurs.
Ensuite viennent tous les poissons
prédateurs: truites 2 , perches 3 , brochets 4 ,
sandres, anguilles, carpes, chabots, vairons,...
bref, tous ceux qui consomment des invertébrés
aquatiques.
l
3
Les hérons ne dédaignent pas non plus cette
nourriture, de même que le cincle plongeur
(juvéniles); les canards, en broutant la
végétation aquatique, peuvent également
avaler de jeunes écrevisses.
l
2
Les rats musqués et les loutres sont d’autres
prédateurs bien connus.
l
Mais le prédateur le plus dangereux et le plus
efficace est bien entendu l’homme...
l
1
l
Maladies
Aphanomycose
La première cause de disparition des
écrevisses à pieds rouges en Europe est sans
conteste “la peste” de l’écrevisse: c’est en fait
un champignon (Aphanomyces astaci), qui en
est l’agent responsable. Il est couramment
admis que ce champignon a été importé des
Etats-Unis en 1860 par des bateaux revenant
au port de Venise. Il s’est ensuite
progressivement répandu au travers de toute
l’Europe, éliminant de manière foudroyante les
populations d’écrevisses indigènes: aucun
individu d’un site contaminé ne survit et les
mortalités sont totales en 15 à 21 jours.
En Belgique, les premiers cas de mortalité
massive ont été signalés en 1885 (P. Gérard,
1986). Dès 1891, des repeuplements ont été
effectués et une interdiction de pêche
appliquée. En 1903, l’épidémie semblait
disparue et la pêche fut à nouveau autorisée
dans les cours d’eau en 1906.
Malheureusement, de cette époque à nos jours,
il y eut des réapparitions épisodiques de peste,
détruisant la plupart des populations.
Ecrevisse turque mourante
Aucun moyen de lutte n’a été trouvé à ce
jour; le seul moyen pour ralentir ou endiguer ce
problème réside dans la prévention et une
prudence extrême afin d’éviter la propagation
du champignon.
Les symptômes, quand ils peuvent être observés,
sont les suivants: l’écrevisse infectée montre un
comportement bizarre: elle se promène en
pleine journée; elle semble dressée sur ses
pattes; quand on la soulève, ses pattes pendent,
l’abdomen se décolle du céphalothorax. Ensuite,
l’écrevisse tombe sur le dos et présente des
mouvements de pédalage caractéristique 1 .
Enfin, le mycélium apparaît, sur les yeux 2 et
les articulations du sujet mourant.
Aphanomyces astaci est un pathogène exclusif
et obligatoire des écrevisses; il se transmet
d’un individu à l’autre par zoospores (produites
par le champignon), qui rentrent dans le corps
des individus par les parties les plus molles
(yeux, articulations, lésions,...). Il peut se
propager à des températures allant de 2 à 25°C
et peut donc apparaître toute l’année. Après
disparition de la dernière écrevisse d’un site, le
champignon ne résiste pas plus de 2 mois, s’il ne
retrouve pas un hôte “écrevisse”. Il peut être
transporté par des poissons (via leur tube
2
digestif), ou par l’eau du transport de ces
poissons (à l’occasion d’opération de
rempoissonnements), par des oiseaux d’eau, par
des instruments de pêche (cannes à pêche,
bourriches, bottes,...), par des combinaisons de
plongée, etc... et, bien évidemment par d’autres
écrevisses porteuses, malades ou résistantes.
Les espèces non-indigènes (américaines)
doivent être considérées toutes comme
potentiellement porteuses saines de la peste.
C’est aussi pour cette raison que la
problématique de propagation du champignon
est aussi ardue: en effet, les espèces nonindigènes introduites par l’homme, depuis 1890,
pour remplacer les écrevisses indigènes
16
disparues, ont encore radicalement accru les
risques de propagation de la maladie. La mise
en contact avec des populations d’écrevisses à
pieds rouges est systématiquement défavorable
à notre espèce.
Autres mycoses
D’autres mycoses peuvent être observées chez
les écrevisses :
Les mycoses des oeufs provoquent un
changement de coloration de ceux-ci
(deviennent orangés) et leur mort 1 ;
l
S’il arrive parfois que les écrevisses nonindigènes ne soient pas porteuses de la peste,
ces espèces sont plus prolifiques et plus
agressives. Une fois installées dans un milieu
(cours d’eau ou étang), il est presqu’impossible
de les éradiquer.
champignons parasites qui les provoquent en
infectant les blessures ou les mutilations. Un
tiers des individus infectés peut en mourir.
l Il existe encore bien d’autres mycoses,
d’autres infections causées par des bactéries,
des parasites internes ou externes.
lLa “rouille” se caractérisent par l’apparition de
taches brun rouge ou noires entourées de rouge
sur la carapace
; 2 ce sont aussi des
2
1
1
17
Une autre maladie fréquente des écrevisses est la
thélohaniose (ou “maladie de la porcelaine”): elle
est provoquée par un protozoaire qui envahit
littéralement toute la musculature, les ovaires et
les ganglions nerveux des individus infectés, en
leur conférant un aspect blanc, “comme de la
porcelaine” 3 .
Cela se termine également par la mort de
l’écrevisse. La transmission d’un individu à l’autre
est principalement due au cannibalisme.
En résumé, les précautions à prendre sont les
suivantes :
3
Citons enfin un parasite externe: les
Branchiobdelles, de petites sangsues, souvent
aperçues sur les pinces 4 , mais qui, en se fixant
sur les branchies, les articulations et les pièces
buccales, peuvent faciliter l’apparition de mycoses
ou de bactérioses.
Le seul moyen actuel pour réduire les risques
d’infestation est la mise en quarantaine stricte
des individus et leur destruction, si des maladies
apparaissent.
Malheureusement, dans notre pays, aucune
stratégie n’a été prévue ni mise en route jusqu’à
présent pour lutter contre ces différents
problèmes.
toujours s’assurer de la provenance des écrevisses
à pieds rouges et vérifier leur état sanitaire (mise
en quarantaine);
l identifier avec certitude les différentes espèces
d’écrevisses et ne jamais introduire des nonindigènes dans une population de pieds rouges;
l ne pas favoriser l’extension des espèces nonindigènes invasives;
l lors de transports de poissons vers un étang ou
cours d’eau, vérifier si l’étang d’origine ne
contient pas des espèces américaines; dans ce
cas, éviter de rempoissonner; ou, au minimun,
changer 3 fois l’eau de transport des poissons
avant de les remettre à l’eau;
l lors du passage d’un site potentiellement infecté
à un autre sain contenant des pieds rouges:
désinfecter tout le matériel ayant été en contact
avec l’eau: nasses, bourriches, filets, fils de cannes
à pêche, barque, cuissardes, bottes,... Tremper
dans un bain d’eau à plus de 60 °C, laisser sécher
pendant plusieurs jours, désinfecter à l’eau de
javel ou avec un autre produit désinfectant
efficace.
l en cas de nourrissage avec du poisson: le
congeler au moins une semaine à -18°C.
l
4
Branchiobdelles sur une pince
d’écrevisse de Californie.
18
l
Pollutions
Depuis quelques décennies, des pollutions de
différentes natures se sont généralisées dans
tous les pays. Les polluants peuvent agir de
diverses manières sur les écrevisses: mortalité
massive, diminution de la résistance aux
maladies, baisse du taux de reproduction,
diminution de la vitesse de croissance,
modifications génétiques...
Pollutions mécaniques:
il s’agit de la mise en suspension dans l’eau de
sédiments, à la suite de crues, de travaux, de
vidanges d’étangs... Les sédiments colmatent les
niches et les substrats des fonds, allant parfois
jusqu’à la destruction complète du milieu. Ils
peuvent provoquer la mort par asphyxie des
oeufs ou des juvéniles.
l
Pollutions thermiques:
il s’agit de l’augmentation de la température
des eaux (par exemple près des centrales
nucléaires ou d’autres industries), qui perturbe
et élimine les écrevisses, animaux ayant besoin
d’eau fraîche.
l
Pollutions chimiques:
de multiples substances, parfois très toxiques,
l
ont été déversées dans les cours d’eau à partir
des milieux industriels. Des métaux lourds, des
pesticides, des insecticides, des phosphates, des
nitrates ont également contaminé de
nombreuses rivières, entraînant la mort ou
l’affaiblissement des écrevisses (mais aussi de
nombreux autres organismes aquatiques).
Pollutions organiques:
l’égouttage généralisé de nos agglomérations,
sans épuration, a aussi provoqué l’asphyxie de
nombreux milieux, entraînant la mort ou
l’élimination progressive des populations
d’écrevisses indigènes.
l
Remarquons cependant que les écrevisses
peuvent fuir l’adversité dans certains cas en
sortant de l’eau et en marchant sur le sol à la
recherche de sites plus accueillants : à la
condition cependant que leurs branchies
puissent rester humides pendant ce laps de
temps; dans le cas contraire, elles mourront.
C’est grâce à cette faculté que des écrevisses
peuvent être transportées ou maintenues en
cageots pendant plusieurs jours, pour autant que
l’air ambiant soit suffisamment humide pour
éviter l’assèchement des branchies.
Identification des différentes espèces d’écrevisses
indigènes ou importées
En Belgique, actuellement, 5 espèces
d’écrevisses peuvent être observées :
notre seule espèce indigène est l’écrevisse à
pieds rouges ou écrevisse “noble” : (Astacus
astacus); et quatre espèces ont été introduites :
L’écrevisse turque, ou écrevisse à pattes grêles
(Astacus leptodactylus)
l L’écrevisse américaine (Orconectes limosus)
l
L’écrevisse de Californie, ou écrevisse “signal”
(Pacifastacus leniusculus)
l L’écrevisse
des marais de Louisiane,
(Procambarus clarkii), rencontrée en aquarium
chez les restaurateurs, et peut-être dans l’une ou
l’autre pièce d’eau.
l
Avertissement: étant donné l’objectif de
vulgarisation de cette brochure, les critères
d’identification de ces différentes espèces ont été
volontairement simplifiés dans la clé ci-dessous.
Pour reconnaître rapidement les différentes
espèces rencontrées en Belgique: retourner
l’écrevisse et observer la couleur de ses pinces en
face ventrale:
Si les pinces sont entièrement rouges (rouge vif
ou rougeâtres)?
l Les pinces, en face dorsale, possèdent une tache
blanche (ou parfois bleue) et sont très larges. La
carapace est lisse et de couleur brun orangé.
Il s’agit de l’écrevisse de Californie
Les pinces, en face dorsale, possèdent une tache
rouge et sont également assez larges. Le
céphalothorax possède de petites épines derrière
le sillon de la tête et est de couleur brun foncé
(parfois bleu).
Il s’agit de notre écrevisse indigène, l’écrevisse à
pieds rouges
l
Les pinces, en face dorsale, comme la carapace
entière, sont noires avec de nombreux points
rouges (chez l’adulte), et pas très larges.
Il s’agit de l’écrevisse rouge des marais de
Louisiane
l
Si les pinces ne sont pas rouges en face
ventrale, mais plutôt blanchâtres:
l Les pinces sont assez étroites et longues (en
lames de ciseau, surtout chez le mâle). La
carapace est assez épineuse sur toute sa surface
19
et de couleur jaunâtre, parfois verdâtre.
Il s’agit de l’écrevisse turque
Les pinces, toujours en face ventrale, présentent
des extrémités noires et oranges; l’article
précédant la pince possède une forte épine; les
articles de l’abdomen en face dorsale possèdent
des taches brun marron; la couleur du
cephalothorax est brun à verdâtre.
Il s’agit de la “petite américaine”
l
Remarques:
attention cependant à la couleur, qui peut varier
en fonction du milieu.
Ecrevisses indigènes européennes
20
Ecrevisse à pieds rouges ou écrevisse noble (Astacus astacus)
Noble crayfish l Edelkrebs
Taille : généralement 12-15 cm, jusqu’à 16 cm (de l’extrémité de la
queue à la pointe du rostre)
lPoids : généralement entre 50 et 150 g
lColoration : en général brun foncée (parfois individus bleus)
lRostre : crête médiane crénelée 1 et côtés lisses 2
lCarapace : deux crêtes post-orbitaires 3 , une ligne d’épines en arrière
du sillon cervical (aucune en avant) 4
lPinces : larges et massives, rouges en face ventrale 5 , avec deux
tubercules sur le bord interne de la partie fixe. Souvent chez le
mâle, arc de cercle caractéristique. 6
l
6
Remarque :
La présence des écrevisses à pieds rouges dans les pays scandinaves
résulte probablement d’importations effectuées au Moyen-Age à partir de
l’Allemagne. Leur présence dans l’Atlas marocain est due à leur
exportation en 1930 à partir de la France.
En Belgique, elle n’existe pratiquement plus que dans quelques pièces
d’eau.
4
1
5
3
2
21
Ecrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes)
White-clawed crayfish l Dohlenkrebs
Taille : généralement moins de 10 cm, maximum 12 cm
Poids : maximum 80 g
lColoration : brunâtre, vert olive
lRostre : triangulaire, à côtés lisses et non-parallèles, carène médiane 1
2
lCarapace : une seule crête post-orbitaire
, présence
d’épines en arrière
3
du sillon cervical
lPinces : rugueuses et blanchâtres en face inférieure, assez massives, un
tubercule sur le bord interne de la partie fixe, pas d’ergot sur
l’article précédant les pinces
l
l
L’écrevisse à pieds blancs vit dans des ruisseaux non pollués et bien
oxygénés de plaine ou de montagne de l’Europe centrale et septentrionale,
accompagnant la truite fario. On ne la rencontre pas chez nous, en Région
wallonne. Sa plage thermique optimale se situe entre 13 et 20°C
(maximum). Les femelles pondent en général moins d’une centaine
d’oeufs.
1
2
3
22
Ecrevisse des torrents ou écrevisse «de pierre» (Austropotamobius torrentium)
Stone crayfish l Steinkrebs
Taille : généralement moins de 10 cm, maximum 11,5 cm
Poids : maximum 80 g
lColoration : brun clair à bleu-gris
lRostre : court, à côtés lisses, pas de carène médiane, pointe du rostre
triangulaire 1
lCarapace : une seule crête post-orbitaire , carapace
2
très dure (“écrevisse
de pierre”), pas d’épines en arrière du sillon cervical
lPinces : rugueuses en face dorsale, assez massives, blanchâtres ou
jaune-gris en face inférieure, un tubercule sur le bord interne de
la partie fixe, pas d’ergot sur l’article précédant les pinces
l
l
L’écrevisse des torrents vit dans des ruisseaux caillouteux de montagne de
l’Europe centrale. On ne la rencontre pas non plus chez nous. Elle vit dans
des eaux pures, fraîches, et bien oxygénées, accompagnant la truite fario.
Les femelles pondent en général de 40 à 70 oeufs.
1
2
Ecrevisses exotiques
23
Ecrevisse turque ou écrevisse à pattes grêles (Astacus leptodactylus)
Turkish crayfish l Sumpfkrebs ou Galizierkrebs
Taille : 15-20 cm (maximum : 30 cm)
Poids : jusqu’à 300 g
lColoration : en général jaunâtre à verdâtre
lRostre : côtés dentelés et parallèles, crête médiane dentelée 1
lCarapace : deux crêtes post-orbitaires 2 , nombreuses épines sur le
céphalothorax 3
lPinces : longues et étroites, effilées, en lames de ciseaux
, 4jaunâtres en
face ventrale, pas d’ergot sur l’article précédant les pinces
l
l
Astacus leptodactylus serait apparue en Belgique à la fin des années 50.
4
1
2
2
3
Cette espèce s’accouple un peu plus tard que notre espèce, soit en
novembre-décembre. Les femelles peuvent porter de 200 à 800 oeufs et
leur première reproduction se réalise à l’âge de 2 ans (taille de 9 cm). Elles
peuvent supporter des températures plus élevées que la pieds rouges
(jusqu’à 26-27°C). Elle habite plutôt les eaux calmes et chaudes (étangs,
lacs, barrages,...). Elle tolère assez bien les fortes charges en matières
organiques. Elle ne creuse en général pas de terrier et s’accommode des
caches naturelles que lui offre le milieu. Elle serait plus carnivore que
végétarienne. Elle est moins lucifuge que l’écrevisse à pieds rouges et est
plus active le jour. Sa croissance est aussi très rapide (elle atteint 5-6 cm
à l’âge d’un an). Tous ces éléments la rendent beaucoup plus compétitive
que la pieds rouges: toute compétition dans un même milieu tourne donc
systématiquement à l’avantage de l’écrevisse turque. Elle est cependant
sensible à la peste, quoiqu’étant un peu plus résistante. Cette résistance
plus grande se manifeste aussi par rapport aux herbicides, pesticides et
fertilisants.
24
La «petite américaine» (Orconectes limosus)
Orconectes crayfish l Kamberkrebs
Taille : jusqu’à 12 cm, rarement plus
Poids : jusqu’à 70 g
lColoration : en général brun foncé, avec des taches marron sur chaque
segment de l’abdomen 1
lRostre : en gouttière, à bords lisses, sans crête médiane ni dents 2
lCarapace : une seule crête post-orbitaire 3 , épines devant et derrière le
sillon cervical
lPinces : petites et massives, lisses, jaunâtres en face ventrale, avec pointes
noires et orangées 4 ; présence d’un ergot 5s sur le segment
précédant la pince
l
l
Cette écrevisse a été introduite pour la première fois en Allemagne en 1890.
Depuis, elle n’a cessé de s’étendre dans tous les réseaux hydrographiques des
pays européens. Orconectes limosus serait apparue en Belgique au début des
années 1960. Depuis, elle a colonisé de nombreux cours d’eau et canaux
(Meuse, Sambre, Ourthe, Semois, Amblève, canaux du centre,...).
Cette espèce peut s’accoupler 2 fois par an: en été et au printemps. Les
femelles peuvent porter de 300 à 400 oeufs et leur première reproduction se
réalise à l’âge de 1 an. Elles peuvent supporter de grandes variations de
température (jusqu’à une température maximale de 33-34 °C). Leur longévité
est en moyenne de 3 ans. Cette écrevisse aime les eaux calmes et profondes,
elle supporte bien les fortes charges en matières organiques; elle est
résistante au manque d’oxygène (jusqu’à 1 mg/l O2) et également aux
maladies. Son régime est omnivore. Elle est souvent vecteur de
l’aphanomycose sans en subir les effets néfastes (porteuse saine); elle n’est
pas sensible non plus à la thélohaniose. Elle résiste également très bien aux
pesticides et aux métaux lourds.
1
2
3
5
4
25
Ecrevisse de Californie ou écrevisse «signal» (Pacifastacus leniusculus)
Signal crayfish l Signalkrebs
Taille : 15-20 cm (maximum: 30 cm)
l
Poids : 50-150 g (jusqu’à 300 g)
l
Coloration : en général brun orangé
l
Rostre : crête en gouttière avec carène centrale = simple bourrelet non
dentelé, côtés lisses quasi parallèles 1
lCarapace : deux crêtes post-orbitaires 2, pas d’épines
l
Pinces : larges et massives, avec un tubercule sur le bord de la partie fixe
rouge vif en face ventrale, avec une tache (“signal”) blanche ou
bleuâtre en face dorsale ; pas d’ergot3sur l’article précédant les
pinces
l
Originaire du lac Tahoé en Californie, Pacifastacus leniusculus a été
introduite en Suède en 1960 (100 individus dans un lac); les Suédois en
importèrent ensuite massivement (60.000 individus), qu’ils répartirent
dans une soixantaine de lacs, afin de remplacer les populations d’Astacus
astacus décimées par la peste.
Ils en exportèrent ensuite dans les autres pays européens. La Finlande, la
Russie, l’Autriche, l’Allemagne, le Luxembourg, la Pologne, l’Espagne, la
Grande Bretagne, la France suivirent leur exemple dans les années 70. En
Belgique, elle a été introduite pour la première fois en 1979 dans 6
piscicultures.
1
Cette espèce se propage très rapidement dans tous les pays européens....
Elle s’accouple un peu plus tôt que notre espèce, soit en octobre, parfois
2
3
26
4
en septembre. Les femelles peuvent porter de 200 à 300 oeufs et leur
première reproduction se réalise à l’âge de 2 ans (taille de 6,4-6,8 cm).
Elles peuvent supporter des températures plus élevées que la pieds rouges
(jusqu’à 24-25°C). Leur plage thermique optimale se situe entre 13 et
16°C. En dessous de 6,8°C, les femelles ne portent plus d’oeufs. La
croissance de ces écrevisses est très rapide, plus élevée encore que celle
de l’écrevisse turque (longévité: 5-6 ans). L’espèce est aussi très résistante
au manque d’oxygène (jusqu’à 1 mg/l O2) et aux maladies. Elle est, comme
la pieds rouges, plutôt végétarienne, et apprécie les feuilles d’aulnes et
d’érables reposant au fond de l’eau. Elle est très agressive 4 et l’amplitude
de ses articulations lui permet de pincer en arrière du céphalothorax.
Elle est aussi souvent vecteur de l’aphanomycose sans en subir les effets
néfastes. Elle résiste également très bien aux pesticides et aux métaux
lourds.
27
Ecrevisse rouge des marais de Louisiane (Procambarus clarkii)
Red swamp l Rote amerikanische sumpfkrebs
Taille : 10-12 cm (maximum 15 cm)
l
Poids : jusqu’à 100 g
l
Coloration : rouge et noire (pour les individus de plus de 8 cm; les plus
jeunes sont grisâtre-verdâtre)
lRostre : triangulaire et en gouttière, sans carène médiane, côtés lisses
non parallèles 1
lCarapace : une seule crête post-orbitaire 2 , pas d’épines mais nombreux
tubercules (aspect granuleux) 3, sillon longitudinal médian 4
lPinces : assez étroites et effilées, présence de tubercules sur la partie
fixe, couleur rouge vif en face ventrale , 5tubercules rouges sur
fond noir face dorsale, présence d’un ergot 6 sur le segment
précédant la pince
l
C’est en 1930 que cette espèce a été introduite au Japon et elle est arrivée
en Chine dans le courant de la guerre 40-45. De 1963 à 1970, elle a été
importée au Kenya et en Ouganda.
Procambarus clarkii a été importée pour la première fois en Europe en
1973-1974, tout d’abord en Espagne, au Portugal et en France.
5
2
4
1
6
3
Les femelles peuvent porter de 200 à 700 oeufs et leur première
reproduction se réalise à l’âge de 3 mois (période de reproduction entre
juin et septembre). Les femelles peuvent pondre plusieurs fois par an. La
plage thermique la plus favorable est située entre 22 et 25 °C et l’espèce
peut supporter des températures très élevées (jusqu’à 32-33°C). Elle peut
28
aussi résister aux grands froids (-10°C). Elles sont résistantes au manque
d’oxygène (jusqu’à 1 mg/l O2), aux maladies (elle est porteuse saine de la
peste), aux pesticides et aux pollutions organiques. Longévité : 3-5 ans.
Elle est en activité presque constamment, de jour comme de nuit,
contrairement aux espèces indigènes européennes. Elle est aussi très
agressive et l’amplitude de ses articulations lui permet de pincer en arrière
du céphalothorax.
Les milieux de prédilection sont les canaux, les étangs, les lacs peu
profonds.
Les individus creusent de très grands terriers (jusqu’à 1,5 mètre!), et sont
considérés pour cette raison comme une menace pour les berges des
canaux et des étangs. L’espèce est omnivore, mais surtout végétarienne.
Sa prolifération est une menace pour la biodiversité naturelle des milieux
aquatiques.
Conseils pour les repeuplements en écrevisses
En résumé, pour que les populations d’écrevisses
puissent bien se développer dans une pièce d’eau, les
conditions suivantes doivent être rencontrées:
1. L’eau d’alimentation doit-être fraîche, de très
bonne qualité (sans pollution), bien oxygénée
(teneurs en oxygène supérieures à 6 mg/l), avec un
pH compris entre 6,5 et 8,5 et une teneur en calcaire
minimale de 6 mg/l CaCO3.
2. La présence de végétation aquatique est
également indispensable. Implanter, maintenir ou
développer ces végétaux dans les étangs
ensemencés est donc une bonne gestion à adopter.
3. Prédateurs: La situation idéale est l’absence
totale de poissons dans la pièce d’eau. Une
cohabitation est cependant possible, à condition que
les écrevisses aient suffisamment de caches pour se
soustraire à leurs prédateurs, mais, dans ce cas, leurs
populations ne pourront pas se développer aussi
fortement.
4. Présence de caches et envasement: Plus le
nombre de caches est important, plus les
populations pourront se développer. Les berges
empierrées (sans ciment), des tas de pierres plates
amoncelées, les racines d’arbres et aussi les berges
en argile, plutôt verticales (où elles peuvent creuser
leurs terriers) sont des facteurs favorisants. Mais il
est aussi possible d’installer des caches artificielles:
tuyaux PVC collés, parpaings ou briques à trous.
Ces caches artificielles permettent d’effectuer des
contrôles réguliers et rapides. Les fonds vaseux de
boues liquides sont des milieux défavorables au bon
développement des populations d’écrevisses.
Lorsque l’envasement devient trop important, il est
recommandé de vidanger et de curer l’étang.
5. Enfin, l’absence d’écrevisses non indigène
(américaines en particulier) est absolument
indispensable.
Repeuplements et gestion
Lors de repeuplements d’une pièce d’eau ou d’un
cours d’eau, nous conseillons idéalement d’utiliser
des écrevisses de différents âges : des juvéniles d’un
ou de deux étés (en octobre-novembre), des femelles
grainées (en avril-mai), et des couples (en
septembre-octobre), en proportion de 1 mâle pour 3
femelles. Ces repeuplements, pour être efficaces et
développer rapidement de bonnes populations,
peuvent être réitérés pendant plusieurs années de
suite (3 ou 4 ans par exemple).
En terme de quantités, il est souvent conseillé de
remettre en étang de 1 à 5 adultes par m2, ou 1000
à 10000 juvéniles (de l’année) par Ha.
Dans notre cas, après une étude des potentialités de
chaque site, nous ensemençons selon nos
possibilités…
29
Les rendements généralement obtenus avec Astacus
astacus tournent autour de 100 Kg par Ha, mais
pouvant parfois monter à 300 Kg/ha dans certains
cas, où toutes les conditions favorables sont réunies.
Pour la gestion des populations, il est souhaitable
que les étangs possèdent un système de vidange, le
plus pratique étant le moine. Nous conseillons
cependant de ne pas vidanger les pièces d’eau trop
souvent : les écrevisses n’aiment pas être trop
souvent dérangées ; une périodicité acceptable nous
semble être tous les 3 ou 4 ans, avec une remise sous
eau la plus rapide possible.
Des contrôles périodiques peuvent être effectués par
des pêches aux nasses ou avec des balances , ou par
des observations nocturnes quand le site le permet.
Le projet de sauvegarde de l’écrevisse à pieds rouges de l’ATE*10
De 1982 à 1986, une première enquête fut menée
par M. Pierre Gérard (Centre de Recherches de la
Nature, des Forêts et du Bois de Gembloux), afin
d’évaluer l’état des populations d’écrevisses en
Belgique. Un second inventaire, plus exhaustif,
réalisé de 1990 à 1996, a fait état de la grande
faiblesse des populations d’écrevisses à pieds
rouges dans toute la région wallonne : 8513
pièces d’eau ont été répertoriées sur cartes, 4321
propriétaires ont été contactés, et 602 contrôles
de terrain ont été effectués. Les résultats, jugés
très alarmants, indiquèrent qu’à ce moment
(1996), seulement 9 ruisseaux et 103 sites (parfois
avec plusieurs étangs ou carrières) abritaient
encore des écrevisses à pieds rouges! Parmi ces
étangs ou carrières, à peine 45 sites présentaient
encore de bonnes populations...
Conscient de la gravité de la situation et de l’urgence
à agir, notre ASBL, l’Association Theutoise pour
l’Environnement (ATE), a entrepris une action de
sauvegarde de l’espèce. Depuis 1999, elle travaille à la
mise sur pied d’un projet de redéploiement de
populations dans l’ensemble de la région wallonne.
Reconnue et aidée financièrement par le Ministre de
l’Agriculture et de la Ruralité, notre asbl a commencé
ses travaux en janvier 2000, en étroit partenariat avec
la Direction Générale de l’Agriculture et la Direction
Générale des Ressources Naturelles et de
l’Environnement (le service de la Pêche, le service de
la Conservation de la Nature, le Centre de Recherches
de la Nature, des Forêts et du Bois de Gembloux et le
Centre d’Economie Rurale de Marloie).
Des écloseries ont ainsi été installées dans la
région de Theux: près de 200 m2 de bassins, situés
dans plusieurs sites extérieurs et intérieurs, sont
actuellement en fonction depuis début 2004. Ces
emplacements ont été choisis sur base de
nombreuses analyses d’eau de sources ou de
ruisseaux, obtenues grâce au Contrat de Rivière
“Hoëgne et Wayai” et au travers d’autres études
plus spécifiques menées par notre association. Le
choix de ces emplacements a été aussi influencé
par la “sécurité” (afin d’éviter le vandalisme).
La stratégie appliquée, étant donné la
problématique récurrente de la peste, est de
multiplier d’une part les pièces d’eau à
(ré)ensemencer (réparties dans toute la région
wallonne), et, d’autre part, les bassins et les sites
d’écloseries (chacun étant alimenté en eau de
manière indépendante; les visites se font toujours
de manière ponctuelle dans un seul bassin et sont
suivies systématiquement d’une désinfection)
Cette méthodologie implique donc nécessairement
la recherche de nombreuses collaborations auprès
de propriétaires privés intéressés et désireux de
participer à ce projet de sauvegarde.
Malheureusement, depuis 1996, les populations ont
encore fortement périclité: 26 sites sur les 103
répertoriés à cette époque ne possèdent actuellement
plus d’écrevisses! De surcroît, nos dernières
observations (en 2003) indiquaient que moins d’une
dizaine de pièces d’eau présentaient encore de
bonnes populations (plusieurs centaines d’individus)!
31
C’est pourquoi il nous a été très difficile de
trouver des femelles grainées les premières
années et que nous avons du nous résoudre à en
importer d’Allemagne.
De plus, en 2002, un simple rempoissonnement en
truitelles fario dans un de nos deux réservoirs de
géniteurs, a provoqué la mortalité fulgurante et
quasi totale de 600 individus et de près de 17.000
juvéniles dans nos bassins (situés en aval de cet
étang). Il est probable que la peste ait été amenée
par l’eau de transport de ces poissons (provenant
d’une pisciculture où l’écrevisse de Californie est
présente). Nous avons cependant pu sauver 3000
jeunes grâce à notre système de bassins
indépendants.
rendements d’élevage atteignent environ 20
juvéniles par femelle et 1500 jeunes par bassin
(150 par m2); mais les moyennes obtenues
tournent autour de 13-15 jeunes produits par
femelle. Il faut cependant savoir que nous ne
chauffons pas l’eau des bassins et que nous ne
nourrissons que très peu (élevage extensif). Les
jeunes écrevisses trouvent elles-mêmes leur
nourriture dans les milieux semi-naturels
reconstitués dans nos bassins: algues
filamenteuses, élodées, myriophylles (en ce qui
concerne la végétation), et nombreux chironomes
(diptères), aselles, gammares (crustacés), et
éphémères (en ce qui concerne la macro-faune).
Nous espérons augmenter progressivement les
productions annuelles de juvéniles en bassins.
Malgré ces déboires, en trois années de travail
(de 2001 à 2003), nous avons tout de même pu
produire 14.000 juvéniles dans nos bassins et
réensemencer une trentaine de pièces d’eau en
région wallonne. Jusqu’à présent, nos meilleurs
Pour 2010, nous espérons réensemencer une
centaine de sites en région wallonne et y
développer de bonnes populations. Toutes ces
pièces d’eau réensemencées feront l’objet d’un suivi
scientifique au cours des années à venir.
En conclusion, nous estimons qu’un véritable projet
de sauvegarde de l’écrevisse à pieds rouges doit être
poursuivi en région wallonne. En effet, cette
écrevisse fait partie intégrante de notre patrimoine
naturel. Comme le saumon atlantique, elle est un
excellent bioindicateur, et donc un symbole de la
bonne qualité des eaux A ce titre, elle mérite,
comme beaucoup d’autres espèces animales ou
végétales, un effort particulier de protection. Elle
occupe une place importante dans les chaînes
trophiques des milieux aquatiques; apparue bien
avant l’homme sur notre planète, l’écrevisse est un
sujet d’étude particulièrement intéressant. Elle fait
partie aussi de notre patrimoine culturel. Elle peut
permettre une valorisation des étangs ou des lacs
par la production d’individus consommables, mais
également par une gestion des sites profitant à
toute une série d’organismes vivants aquatiques.
L’écrevisse est de plus un outil pédagogique
particulièrement intéressant, permettant de
sensibiliser le grand public (et en particulier les
jeunes générations) à plusieurs problèmes
écologiques majeurs, tels que:
32
la qualité et la protection des eaux douces,
indispensables à toute vie sur Terre,
l la problématique de la réduction drastique de la
biodiversité,
causée
notamment
par
d’innombrables invasions d’espèces non
indigènes
colonisatrices,
éliminant
progressivement la faune et la flore indigènes,
l la problématique de gestion durable,...
l
A titre d’exemple, en 2003, nous avons fait visiter les
écloseries à 330 enfants et 100 adultes. En plus de
cela, nous avons réalisé des animations “écrevisses”
lors de diverses manifestations : Journée Natura
2000, Journées des enfants à La Gleize (1500
personnes), Foire médiévale à Theux (15.000
personnes), Foire St Hubert à Theux (plusieurs
centaines de personnes), etc… Nous menons aussi
des actions dans le cadre des Contrats de rivière
Vesdre, Semois, Amblève, et Ourthe.
Depuis mars 2004, à l’initiative de l’Echevin de
l’Environnement et du Tourisme, M. KEVER, et en
étroit partenariat avec l’Association Theutoise pour
l’Environnement, la commune de Theux est
devenue la Capitale wallonne de l’écrevisse à pieds
rouges. Ce projet comprend les 4 axes principaux
suivants: un axe environnemental constitué par le
projet de sauvegarde de notre écrevisse, un axe
touristique à développer sur la commune (tourisme
vert "diffus"), un axe économique (secteur
HORECA), et un axe didactique au travers d’une
large sensibilisation de la population.
Ce projet de sauvegarde de notre écrevisse à pieds
rouges est donc une entreprise difficile et
laborieuse, à cause notamment de la menace
perpétuelle d’apparition de la peste de l’écrevisse
et de l’extension très rapide des écrevisses
américaines (vecteurs de propagation de la peste),
introduites de manière inconsidérée par l’homme.
Mais c’est un projet passionnant, nécessitant la
collaboration de nombreux partenaires motivés,
s’intégrant parfaitement dans la politique de
"développement durable" et permettant une
sensibilisation de la population à une importante
problématique environnementale.
D. HERMAN
Biologiste, chargé de mission
à l’*Association Theutoise pour l’Environnement
Vous pouvez nous aider dans ce projet et/ou
soutenir nos (autres) actions en faveur de la
protection de notre environnement:
Il vous suffit pour cela soit :
l de verser un don ou de devenir membres
d’honneur de notre ASBL (15 e par an) (compte n°
068-2291071-55)
l de nous acheter un des deux jeux créés par notre
association: n “Eaux vives”: jeu de stratégie de
découverte de la vie aquatique de nos ruisseaux.
n “Sauvons les pieds rouges“: jeu de
stratégie, coopératif, décrivant la problématique
des écrevisses en Europe.
l ou, si vous possédez un étang suffisamment
grand et adéquat (au moins 1000 m2) d’accepter
d’y réintroduire des écrevisses et de nous
permettre d’y gérer
les populations
réensemencées.
Publications et ouvrages consultés
l ACKEFORS H., GYDEMOR. R. and KEYSER P.,
1995. Growth and moulting in confined juvenile
noble crayfish Astacus astacus. Freshwater
Crayfish, n° 10 : p.396-409.
l ACKEFORS H., 1996. "The development of
crayfish culture in Sweden during the last
decade." Freshwater crayfish n° 11, 627-654.
ACKEFORS H., 2000. Freshwater crayfish farming
technology in the 1990s : a European and global
perspective. Fish and fisheries, n° 1, 337-359.
l
ANDRE M., 1960. Les écrevisses françaises.
Editions P.Lechevalier, Paris, 293 p.
CONSEIL SUPERIEUR de la PECHE, Ministère de
l’Environnement, 1993. Atlas préliminaire des
crustacés décapodes d’eau douce de France.
Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, 56 p.
l
CUKERZIS J., 1984. La biologie de l’écrevisse
(Astacus astacus). Institut National de la
Recherche Agronomique Publications, Paris, 313 p.
l
FRANCKHAUSER R., 2000. L’écrevisse; petit
guide pratique et gastronomique à l’usage des
amateurs d’écrevisses.
Association
des
Astaciculteurs de France, 23 p.
l
l
ARRIGNON J., 1991. L’écrevisse et son élevage.
Editions Lavoisier, Technique et Documentation,
2ème édition, Paris, 208 p.
l
ARRIGNON J., 1996. Produire et vendre de
l’écrevisse. La piciculture française d’eau vive et
d’étang, n° 123, 36 p.
l
AUVERGNE A., 1979. L’élevage des écrevisses. Le
point Vétérinaire, Paris, 87 p.
l
BOHL E., KELLER M. et OITDMANN B., 2001.
"Flusskrebse in Bayern". LFV Bayern, Bayerisches
Landesamt fûr Wasserwirstschaft, 35 p.
lGUET D., CASSAN Y., MARIOJOULS C., PALET F.,
THOMAS B.-M., 1995. Ecrevisses : les clés de la
rentabilité. Aqua-revue, n° 59, 39 p.
l GERARD P., 1986. Les différentes espèces
d’écrevisses en Belgique et leur répartition
géographique. Station de Recherches Forestières et
Hydrobiologiques, Groenendaal, Trav . n°54, 25 p.
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Europe and Australia. Families Astacidae,
Cambaridae and Parastacidae. Freshwater
Crayfish, Ed. Food Products Press, 291 p.
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enseignements à tirer. Astaciculteur de France,
n°51, 34-58.
l
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années" INRA, Rennes. Bull. Fr. Pêche et
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of European native crayfishes. Connaissance et
gestion du patrimoine aquatique. Bulletin français
de la pêche et de la protection des milieux
aquatiques (IAA European meeting, Poitiers,
France, septembre 2001, vol.4), n° 367, 593-982.
Association Theutoise pour l’Environnement asbl
Jevoumont 2B - 4910 THEUX
Tél/fax : 087/54.22.15
GSM : 0497/531.341
E-mail : [email protected]
site internet : www.ate.be.tf
Avec le soutien des Ministres de l’Agriculture et de la Ruralité,
de l’Emploi et de la Formation de la Région wallonne
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