Les tenants de l'universalité constatent avec raison que tous les individus ont des
besoins, des aspirations fondamentales qu'ils veulent voir satisfaits. Historiquement,
l'intégration dans une société a obligé les hommes à régler et déterminer les droits et
devoirs de chacun, ce qui permet de prétendre que toutes les civilisations ou cultures
‘in one way or another have defined rights and duties of man in society on the
basis of certain elementary notions of equality, justice, dignity, and worth of the
individual (or of the group)’.2
Dans cette acception, les droits de l'homme ne sauraient représenter un ultime forme
d'impérialisme puisqu'ils expriment des aspirations communes à tous les hommes.3
Cependant, il est clair que les droits civils et politiques, tels que nous les connaissons
sont un héritage direct de certains textes du XVIIIè siècle comme la Declaration of
Independence du 4 juillet 1776 ou la Déclaration française de 1789. Ces textes, et
d'autres plus récents tels la Déclaration Universelle des droits de l'homme de 1948 et les
Pactes onusiens de 1966, sont empreints de la philosophie libérale et individuelle qui
caractérise encore les sociétés occidentales. Même s'il ne s'agit que d'une influence
prédominante, les droits individuels du Pacte relatif aux droits civils et politiques
(second Pacte) sont les héritiers directs de la tradition occidentale.4 Toutes les sociétés
ne sont cependant pas formées sur ce modèle et cela a entraîné le rejet par un partie des
pays africains et asiatiques d'une notion à leurs yeux trop liée au colonialisme qui ne
fait pas suffisamment place aux aspirations des peuples du Sud et à la conception
communautaire des droits qui prévaut dans de nombreuses sociétés.5 L'élaboration de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte africaine) est en partie
une réponse à ces problèmes. Ses auteurs ont en effet incorporé certains droits collectifs
qui tiennent une place fondamentale dans l'organisation sociale de ces différents pays et
n'avaient pas été pris en compte pas les instruments rédigés dans des fora dominés par
les puissances occidentales.6
Ces considérations nous montrent d'une part que la ‘sur-représentation’ des
préoccupations occidentales dans les textes fondamentaux de droits de l'homme tient en
grande partie à la prédominance politique des pays du Nord jusque dans les années 60
2 MARKS: 1981, p.437.
3 HÖFFE: 1984, p.95: ‘Le concept même des droits de l'homme affirme qu'il s'agit de principes
universels d'humanité. Car seuls méritent le nom de droits de l'homme ces droits qui sont valables
pour tout homme indépendamment du sexe...’.
4 Rappelons que la plupart des pays du Sud n'ont pas participé à l'élaboration de la Déclaration
Universelle et n'ont pas suivi tout le processus de négociation des Pactes puisqu'ils étaient encore
sous domination coloniale.
5 En particulier en Asie et en Afrique. On a ainsi pu prétendre qu'en Inde, les individus n'ont de sens
social que dans le cadre d'un groupe défini par la naissance.
6 Notons également que cet instrument a reconnu un autre élément méconnu des droits de l'homme
dans la tradition occidentale en incorporant les devoirs de l'homme qui représentent le nécessaire
pendant de l'octroi de droits.