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Le retour de l’inflation …. ou de la stagflation ?
Xerfi Previsis
Alexandre Mirlicourtois, Directeur des études - Xerfi
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« Le retour de
l’inflation ….
Ou de la
stagflation ?»
Il ne faut pas se voiler la face, l’inflation est de retour. Mais cette inflation est
accompagnée d’une croissance faible. Stagnation et inflation, cela n’est pas sans
rappeler une situation que les jeunes générations ne connaissent pas : la stagflation.
Certes, c’est l’envolée des prix de l’énergie qui pousse actuellement l’inflation vers le
haut. Cela se voit parfaitement quand on superpose l’évolution des prix des produits
pétroliers au reste, reste représenté ici sur le graphique par l’indice sous-jacent. Le
sous-jacent c’est le vrai marqueur des pressions internes sur les prix. Cette
configuration ne parait finalement pas si extraordinaire. Elle s’est déjà produite en
2008, comme vous pouvez le constater. Cela n’a pas pour autant débouché sur une
hausse générale des prix. Pourquoi alors sommes-nous si inquiets à Xerfi sur le
risque inflationniste ? Pourquoi anticiper une hausse générale des prix alors que rien
de tel ne s’est produit lors de la dernière envolée du cours du baril ?
D’abord, parce que la flambée actuelle des prix des matières premières ne se limite
pas seulement au pétrole ou à quelques commodités isolées. Au contraire, sa base
est exceptionnellement large. L’ensemble des produits agricoles, les fibres naturelles
comme le coton ou la laine, les minerais et les métaux en passant par les produits
agro-industriels comme la pâte à papier ou le caoutchouc, tous les cours de toutes
les matières premières s’envolent. Autrement dit, l’embrasement est général. La
meilleure illustration possible en est donnée par l’évolution des cours d’un panier de
biens sans l’énergie. Les records de 2008 sont effacés. Mieux, alors que l’indice
s’était péniblement hissé au-dessus de la barre des 450 début 2008, il a presque
continuellement été supérieur à 500 en avril dernier.
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La flambée est aussi exceptionnelle parce qu’elle s’inscrit dans la durée, mais aussi
dans l’espace mondial. L’impact le plus immédiat est bien entendu, du côté des
émergents. L'inflation atteindrait ainsi déjà 5,4% en Chine, son plus haut niveau
depuis 2 ans. C'est ce que disent les chiffres officiels. C'est déjà beaucoup. C’est
probablement sous-estimé. Face à cette situation, le gouvernement chinois n’a guère
de choix. Il doit céder sur les salaires pour étouffer la grogne sociale. Le but. Eviter
que cela dégénère en conflits voire en émeutes. Les exemples tunisiens, égyptiens
et syriens maintenant montrent bien qu’il ne s’agit pas de simples fantasmes. Le
salaire minimum augmentera donc de 20% en moyenne en Chine cette année et
cela ne sera pas forcément suffisant. Entre la flambée des prix des matières
premières et l’envolée des salaires, il n’est donc pas étonnant que les prix départ
usine des produits made in China progressent désormais sur une base de 7.
Et c'est bien le principal canal de transmission de l’inflation vers les pays
développés. Deux exemples. Dans l'habillement d’abord. 63% des
approvisionnements européens proviennent de Chine. Un taux qui grimpe dans
l'électronique à 80% pour les composants de base. En bref : la Chine ne va plus
uniquement exporter ses produits, elle va aussi exporter son inflation. Et, aucun pays
dans le monde ne dispose du réservoir de main d’œuvre qualifiée pour la remplacer.
En outre, au-delà de la Chine, c’est bien l’ensemble des pays émergents qui est pris
dans la spirale des coûts. En Occident, les premières répercussions pour le
consommateur sont d’ores et déjà perceptibles. Au Royaume-Uni, dans l’habillement,
la hausse des prix s’est installée au-dessus de 3% depuis février dernier. C’est tout
simplement du jamais vu depuis 1997, date du début de la série.
Au sein de la zone Euro, la protection de la monnaie unique nous met un peu à l’abri
d’un tel retournement, mais un peu seulement. Car, proche de 3%, l’inflation en mars
explose la cible de 2%, de quoi affoler la BCE. Quant à la France, la direction est
aussi clairement indiquée, et c’est celle d’une hausse globale. En mars, l’inflation
générale a atteint 2%. Un chiffre qui va avoir un impact très concret pour les
entreprises. Le Code du travail prévoit en effet une hausse automatique du SMIC
quand l'inflation atteint 2% par rapport à la dernière revalorisation, en l'occurrence
+1,6% le 1er janvier dernier. Cela concerne directement 2,3 millions de salariés du
privé, soit près de 10% des emplois à temps plein. Pour certains secteurs l’addition
sera particulièrement indigeste. Les plus concernés seront l’hôtellerie, la restauration
mais aussi le tourisme plus du tiers des salariés est paau SMIC. À l’inverse,
cela touchera moins de 2% des employés de la finance ou des professions
rattachées à l’énergie.
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Mais on aurait tort de limiter l’analyse aux seules conséquences directes de la
hausse du SMIC. Il faut s’attendre à des effets en chaîne sur l’ensemble de la grille
des salaires. Les économistes appellent cela les effets de second tour, ou la spirale
prix-salaire. Mais attention, il ne faut pas non plus s’attendre à un emballement des
rémunérations. La menace du chômage est suffisamment pressante pour éviter tout
dérapage salarial. On arrive alors à une situation paradoxale. Côté ménages, la
revalorisation des salaires n’est pas suffisante pour contrebalancer la hausse des
prix importée et le pouvoir d’achat est attaqué. Ce n’est pas bon pour la
consommation. Côté entreprise, la situation économique rend difficile la répercussion
de la hausse des charges sur les prix de vente. Ce sont donc les marges qui vont
être entamées dans un premier temps, puis cela sera au tour de l’emploi. Ce n’est
pas bon pour l’investissement. Ce n’est pas bon pour la croissance.
Inflation et stagnation, un tandem infernal qui nous rappelle les mauvais souvenirs
des années 70 après le 1er choc trolier. Mais attention, le monde a changé. Cette
fois-ci l’inflation a une double origine : d’un côté, il y a les conséquences des excès
de liquidités mondiales provoqués par la politique monétaire de la Fed sur les cours
des matières premières. Et de l’autre, les répercussions des tensions inflationnistes
chez les émergents sur les biens que nous consommons. Et maintenant, que va-t-il
se passer ? La dernière fois, il y a 40 ans, Paul Volcker alors à la tête de la Réserve
fédérale décida d'augmenter fortement les taux directeurs pour briser l'inflation. La
suite on la connait. L’inflation a évaincue mais au prix d’une longue période sans
croissance, jusqu’à la fin de 1983. A la veille des élections présidentielles, il est très
peu probable que la Fed s’engage dans la même stratégie. C’est la BCE qui va être
la plus réactive. Politique laxiste de la Fed, tensions inflationnistes du côté des
émergents et tours de vis infligés par la Banque centrale européenne, tout ça n’est
pas bon pour la croissance.
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