Tomographie par Emission de Positons : les possibilités de marquage au Fluor 18
190 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°4
Correspondance : Didier Le Bars
CERMEP Imagerie du Vivant - 59 Bd Pinel - 69003 Lyon
Tél.: 04 72 68 86 00 - Fax: 04 72 68 86 10 - E-mail: [email protected]
Tomographie par Emission de Positons :
les possibilités de marquage au Fluor 18.
Didier Le Bars CERMEP Imagerie du Vivant
- Lyon -
Résumé
Par sa demi-vie et ses caractéristiques physico-chimiques, le fluor 18 permet de marquer
des molécules d’intérêt biologique et d’obtenir des radiopharmaceutiques pour la Tomographie
par Emission de Positons. Le [18F]FDG seul bénéficiaire d’une autorisation de mise sur le mar-
ché est le plus utilisé, mais d’autres traceurs existent : diverses réactions chimiques permettent
l’introduction de fluor 18 dans leur structure et de nombreuses molécules sont en développement.
Tomographie par Emission de Positons / Fluor 18 / Radiopharmaceutique / Marquage / Radiochimie
INTRODUCTION
!Le fluor 18 est souvent considéré
comme l’isotope émetteur de posi-
tons de choix en radiochimie, en rai-
son de ses propriétés favorables:
- Demi-vie 109 minutes, permettant
synthèses et imagerie pendant des
temps relativement longs, et distribu-
tion locorégionale des traceurs fluo-
rés.
- Faible parcours du β+ émis, permet-
tant en théorie une imagerie à haute
résolution.
- Présence fréquente d’un atome de
fluor dans les molécules d’intérêt
biologique (environ 30 % des molé-
cules utilisées en thérapeutique sont
fluorées).
- Possibilité d’introduire un atome de
fluor dans les molécules sans boule-
verser la pharmacocinétique.
- Progrès des réactions de fluoration
et de radiosynthèse, automatisation.
Le [18F]fluorodésoxyglucose (FDG)
est le seul traceur émetteur de posi-
ton possédant une AMM à l’heure
actuelle, pour son utilisation en onco-
logie et en neurologie (épilepsie). Il
existe cependant de nombreuses
possibilités de marquage par le fluor
18 de molécules d’intérêt biologique.
PRODUCTION DU FLUOR 18
!A l’heure actuelle, les cyclotrons
médicaux classiques permettent de
produire le fluor sous deux formes
chimiques possédant une réactivité
très différente: le fluor dit "électro-
phile", [18F]F2 et le fluor "nucléophile",
en fait l’ion fluorure [18F]F- [1]. Les
principales réactions nucléaires qui
D. Le Bars
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permettent de produire le fluor 18
sont de deux types, utilisant deutons
(noyau de deutérium, proton+ neu-
tron) ou protons (noyau d’hydro-
gène).
20Ne(d,
αα
αα
α
)18F
!La réaction nucléaire 20Ne(d,α)18F
fournit du fluor [18F]F2, form e
électrophile extrêmement réactive et
qui est obtenue avec addition de
fluor gazeux froid entraîneur dans la
cible (ce qui diminue l’activité spé-
cifique). Une irradiation d’une heure
avec 20 µA de deutons de 8 MeV per-
met d’obtenir environ 7,5 GBq (200
mCi) de [18F]F2. Lors de la radiosyn-
thèse, seulement 50 % de la radioacti-
vité est disponible (un atome sur deux
de F2 est marqué) et l’on est souvent
conduit à modérer la réactivité de
[18F]F2 en le transformant en formes
moins agressives telles que Xe18F2 ou
AcO18F.
18O(p,n)18F
!C’est la réaction la plus utilisée: la
cible est constituée d’eau enrichie en
oxygène 18, isotope stable mais rare
(abondance isotopique 0,1 %), et la
réaction produit l’ion fluorure [18F]F-
en solution dans l’eau enrichie. Le
piégeage du fluor 18 sur une résine
échangeuse d’ions permet la sépara-
tion et la récupération de l’eau enri-
chie en vue de son recyclage. Une
irradiation d’une heure avec 20 µA
de protons de 16 MeV permet, selon
le volume de la cible d’eau enrichie,
une production d’au moins 40 GBq
(1 Ci) de 18F. En tirant parti des possi-
bilités de double irradiation des cy-
clotrons médicaux récents sur des
cibles grand volume à haut courant,
une production de départ de 200 à
400 GBq sur deux cibles est parfaite-
ment envisageable. Chimiquement, le
fluorure doit être activé par un cata-
lyseur de type cryptand (Kryptofix),
qui va encager l’ion alcalin et dénu-
der le fluorure, le rendant alors dis-
ponible pour les réactions
radiochimiques.
L’utilisation de cette même réaction
nucléaire (p,n) sur une cible d’oxy-
gène 18 gazeux peut produire du
[18F]F2, mais là encore une addition
de fluor 19 froid entraineur va être
nécessaire pour permettre la récupé-
ration du 18F2 hors de la cible. Cette
méthode en cours de développe-
ment présente l’avantage, par rapport
à la réaction utilisant les deutons, de
posséder un bien meilleur rendement
et une production de l’ordre de 40
GBq (1 Ci) de [18F]F2 est possible.
Si la relative facilité de production du
[18F]F- par les centres cyclotrons aca-
démiques ou industriels ouvre une
possibilité de distribution vers les
centres de radiochimie (sous réserve
du respect des conditions légales de
cession de source et de transport),
l’utilisation de fluor électro-phile
reste limitée aux centres producteurs.
On notera également que par suite
de l’introduction de fluor stable
entraineur dans la cible de produc-
tion de fluor F2, l’activité spécifique
de celui-ci est nécessairement beau-
coup plus faible que celle obtenue
lors de la production de fluorure.
Cette basse activité spécifique est in-
suffisante pour l’exploitation biolo-
gique de ligands de récepteurs mais
peut être acceptable pour des traceurs
métaboliques.
REACTIONS DE MARQUAGE
!Les réactions de radiosynthèse au
fluor 18 se déroulent selon le schéma
général suivant :
-Production du fluor
-Réaction de marquage sur précurseur
-Hydrolyse (éventuelle)
-Pré-purification (Extraction Phase
Solide, (SPE))
-HPLC préparative
-Formulation
-Contrôle de qualité
La dualité de comportement F2/F- est
bien illustrée par les deux radiosyn-
thèses actuelles de FluoroDOPA, tra-
ceur présynaptique de la dopamine
utilisée dans les études de dégéné-
rescence cérébrale et d’oncologie :
Fluor électrophile :
production de FDOPA
!Le fluor "électrophile" va permet-
tre les réactions d’addition sur dou-
bles liaisons, sur noyaux aromatiques;
cependant ces dernières ne sont pas
toujours régio-sélectives et il est préfé-
rable d’utiliser des réactions de dé-
métallation, comme dans le cas de la
synthèse de la FluoroDOPA
(Figure 1Figure 1
Figure 1Figure 1
Figure 1).
Figure 1. Synthèse éléctrophile de [18F]FluoroDOPA
Electrophilic synthesis of [18F]FluoroDOPA
Cette méthode rapide [2] permet un
bon rendement mais est handicapée
par la production faible de la réaction
nucléaire 20Ne(d,α)18F.
Fluor nucléophile
!La [18F]FluoroDopa peut être obte-
nue par une synthèse nucléophile [3]:
le F- est alors introduit sur le cycle
aromatique en première étape par
substitution d’un bon groupe partant,
en ortho d’un aldéhyde activateur
(Figure 2Figure 2
Figure 2Figure 2
Figure 2). Cette méthode est d’inté-
rêt général pour le marquage de mo-
lécules par le fluor sur un cycle aro-
matique, si un groupe activateur est
présent en ortho ou para. La
FluoroDopa dans sa bonne configu-
ration est ensuite construite à partir
du cycle (catalyse par transfert de
phase).
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Figure 2. Synthèse nucléophile de [18F]FluoroDOPA / Nucleophilic synthesis of [18F]FluoroDOPA
Autres réactions nucléophiles
!La réaction la plus utilisée est sans
doute la réaction de substitution nu-
cléophile d’un bon groupe partant, ha-
logène, tosylate, triflate ou autre. Elle
est utilisée depuis maintenant 20 ans
pour la production de FDG et a été
récemment appliquée à la synthèse
de la [18F]Fluorothymidine (FLT) [4],
base nucléique dont le métabolisme
peut être suivi en oncologie
(Figure 3Figure 3
Figure 3Figure 3
Figure 3).
C’est également par cette voie de syn-
thèse que l’on obtient le [18F]Fluoro-
misonidazole, marqueur d’hypoxie
utilisable dans l’imagerie oncolo-
gique (gliomes).
Figure 3. Synthèse de [18F]Fluorothymidine / [18F]Fluorothymidine synthesis.
Marquage en deux temps
!Dans certains cas, l’introduction di-
recte de fluor 18 sur la molécule n’est
pas possible. Il faut alors faire appel à
une méthode en deux temps. Le fluor
est introduit sur une petite molécule
réactive, par substitution nucléophile
catalysée (FCH2Br, FCH2CH2Br,
FCH2CH2OTos) et ce synthon intermé-
diaire va dans un deuxième temps
alkyler le précurseur. Cette voie de
synthèse permet d’obtenir la
fluorocholine [5] (FF
FF
Figurigur
igurigur
igure 4e 4
e 4e 4
e 4), et a été
appliquée à la synthèse de diprénor-
phine fluorée [6], ligand antagoniste
des récepteurs opiacés (Figure 5Figure 5
Figure 5Figure 5
Figure 5).
D. Le Bars
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Figure 4. Synthèse de [18F]Fluorocholine / [18F]Fluorocholine synthesis.
Figure 5. Synthèse de [18F]Fluorodiprénorphine / [18F]Fluorodiprénorphine synthesis.
Enfin, pour les macromolécules (pro-
téines, oligodéoxynucléotides), une
introduction directe de fluor étant im-
possible, on utilise une réactif de mar-
quage intermédiaire, d’une manière
très similaire à la réaction de Bolton-
Hunter utilisée pour le marquage à
l’iode. Le N-succinimidyl fluoroben-
zoate peut être par exemple utilisé
pour marquer les protéines [7]. Cette
approche intéressante (Figure 6Figure 6
Figure 6Figure 6
Figure 6)
reste plus complexe à maîtriser, du
fait du nombre d’étapes de purifica-
tion intermédiaires (SPE, HPLC):
Figure 6. Marquage de protéines par groupe prosthétique / Protein labelling with prosthetic group.
PURIFICATION, FORMULATION,
CONTRÔLE
!Dans la plus grande partie des cas,
les synthèses vont nécessiter une
étape de chromatographie liquide
haute performance (HPLC) pour sé-
parer la molécule marquée du mé-
lange réactionnel. Il est souvent pos-
sible de procéder à une première pu-
rification par SPE, petites cartouches
de chromatographie liquide à usage
unique, avant la séparation chromato-
graphique proprement dite: on fait le
plus souvent appel à des colonnes
C18, en phases isocratiques, permet-
tant une séparation en moins de 30
minutes. Le pic d’intérêt est collecté
et le radiophar-maceutique doit être
formulé dans un solvant biologique-
ment compatible, soit par fixation/
extraction sur une cartouche SPE
phase solide, soit plus rarement par
évaporation/resolubilisation. Une sté-
rilisation par filtration (0,22 µm) per-
mettra d’obtenir le radiopharma-
ceutique dans son flacon final.
Le contrôle de qualité par radioHPLC
s’assurera de la pureté chimique, ra-
diochimique; des tests complémen-
taires pourront rechercher les sol-
vants résiduels en chromatographie
en phase gazeuse (CPG), avant une
vérification de la stérilité et des pyro-
gènes.
RADIOPROTECTION,
AUTOMATISATION ET STATUT
!Si le problème de la disponibilité
du fluor radioactif est résolu (cyclo-
tron sur site, possibilité de distribu-
Tomographie par Emission de Positons : les possibilités de marquage au Fluor 18
194 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°4
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Positron Emission Tomography : labelling with fluorine 18
Fluorine 18 labelling of biological molecules leads to radiopharmaceuticals for positron
Emission Tomography. Besides [18F]FDG, various chemical reactions enable development of
new tracers.
PET, Fluorine 18 / Radiopharmaceuticals / Labelling / Radiochemistry
tion), les quantités de radioactivité
importantes nécessaires pour com-
penser la décroissance et les rende-
ments de marquage des radiosynthè-
ses imposent la réalisation des étapes
de synthèse par des automates, dans
des enceintes blindées, dans des la-
boratoires adaptés (zone contrô-
lée).L’investissement pour un labora-
toire de radiochimie fluor 18 est
donc très important, en comprenant
cellule blindée (en atmosphère con-
trôlée), automate, dosimètres, lecteur
de plaque CCM, chaîne radioHPLC de
synthèse et de contrôle de qualité. Le
marché actuel des automates de syn-
thèse est dominé par General Electric
qui propose le TracerLab Fx, présenté
comme automate multifonction et le
TracerLab Mx, à base de kits, à l’ori-
gine conçu pour une production
maximale de FDG mais facilement
reprogrammable pour d’autres utili-
sations. Raytest propose le Synchrom,
un automate du type du TracerLab
Fx, également multisynthèse. La dis-
ponibilité de ces automates ne doit
cependant pas conduire à négliger le
rôle du radiochimiste, qui restera tou-
jours indispensable. L’obtention du
précurseur de synthèse, molécule
souvent complexe à synthétiser
(groupes protecteurs, groupe partant)
n’est pas toujours facile, et son statut
pharmaceutique peut poser pro-
blème. En dehors du domaine indus-
triel qui possède ses propres con-
traintes de production, réservant la
disponibilité des traceurs fluorés
sous autorisation de mise sur le mar-
ché (AMM) au seul FDG, la radiosyn-
thèse de ces traceurs fluorés pour
l’utilisation chez l’homme relève
d’une préparation magistrale de mé-
dicament, voire d’une préparation
hospitalière (pour plusieurs patients)
sous le contrôle d’un radiopharma-
cien exerçant dans des locaux adap-
tés et équipés d’une radiopharmacie
de Pharmacie à Usage Intérieur. En-
fin, on notera la présence à la phar-
macopée de quelques monographies
concernant le FDG, le fluorure de
sodium (NaF) et la Fluorodopa (en
préparation); il est important que les
autres molécules cliniques puissent
également bénéficier rapidement
d’une monographie.
En conclusion
, l’introduction d’un
atome de fluor 18 dans les molécu-
les est possible dans un grand nom-
bre de cas, par des réactions de
radiosynthèse maintenant bien maî-
trisées. L’investissement nécessaire
est cependant très important, et la
source de fluor radioactif peut repré-
senter bien sûr un paramètre limitant
pour les chercheurs. Quelques tra-
ceurs en développement ont un
grand potentiel clinique, en oncologie
(FLT, fluorocholine (FCH)) comme en
neurologie (marqueurs de maladie
d’Alzheimer).
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