les possibilités de marquage au Fluor 18.

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Tomographie par Emission de Positons : les possibilités de marquage au Fluor 18
Tomographie par Emission de Positons :
les possibilités de marquage au Fluor 18.
CERMEP Imagerie du Vivant
- Lyon -
Didier Le Bars
Résumé
Par sa demi-vie et ses caractéristiques physico-chimiques, le fluor 18 permet de marquer
des molécules d’intérêt biologique et d’obtenir des radiopharmaceutiques pour la Tomographie
par Emission de Positons. Le [18F]FDG seul bénéficiaire d’une autorisation de mise sur le marché est le plus utilisé, mais d’autres traceurs existent : diverses réactions chimiques permettent
l’introduction de fluor 18 dans leur structure et de nombreuses molécules sont en développement.
Tomographie par Emission de Positons / Fluor 18 / Radiopharmaceutique / Marquage / Radiochimie
INTRODUCTION
!Le fluor 18 est souvent considéré
comme l’isotope émetteur de positons de choix en radiochimie, en raison de ses propriétés favorables:
- Demi-vie 109 minutes, permettant
synthèses et imagerie pendant des
temps relativement longs, et distribution locorégionale des traceurs fluorés.
- Faible parcours du β+ émis, permettant en théorie une imagerie à haute
résolution.
- Présence fréquente d’un atome de
fluor dans les molécules d’intérêt
biologique (environ 30 % des molécules utilisées en thérapeutique sont
fluorées).
- Possibilité d’introduire un atome de
fluor dans les molécules sans bouleverser la pharmacocinétique.
- Progrès des réactions de fluoration
et de radiosynthèse, automatisation.
Le [18F]fluorodésoxyglucose (FDG)
est le seul traceur émetteur de positon possédant une AMM à l’heure
actuelle, pour son utilisation en oncologie et en neurologie (épilepsie). Il
existe cependant de nombreuses
possibilités de marquage par le fluor
18 de molécules d’intérêt biologique.
PRODUCTION DU FLUOR 18
!A l’heure actuelle, les cyclotrons
médicaux classiques permettent de
produire le fluor sous deux formes
chimiques possédant une réactivité
très différente: le fluor dit "électrophile", [18F]F2 et le fluor "nucléophile",
en fait l’ion fluorure [18F]F- [1]. Les
principales réactions nucléaires qui
Correspondance : Didier Le Bars
CERMEP Imagerie du Vivant - 59 Bd Pinel - 69003 Lyon
Tél.: 04 72 68 86 00 - Fax: 04 72 68 86 10 - E-mail: [email protected]
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permettent de produire le fluor 18
sont de deux types, utilisant deutons
(noyau de deutérium, proton+ neutron) ou protons (noyau d’hydrogène).
20
Ne(d, α ) 18 F
!La réaction nucléaire 20Ne(d,α)18F
fournit du f luor [ 18 F]F 2 , forme
électrophile extrêmement réactive et
qui est obtenue avec addition de
fluor gazeux froid entraîneur dans la
cible (ce qui diminue l’activité spécifique). Une irradiation d’une heure
avec 20 µA de deutons de 8 MeV permet d’obtenir environ 7,5 GBq (200
mCi) de [18F]F2. Lors de la radiosynthèse, seulement 50 % de la radioactivité est disponible (un atome sur deux
de F2 est marqué) et l’on est souvent
conduit à modérer la réactivité de
[18F]F2 en le transformant en formes
moins agressives telles que Xe18F2 ou
AcO18F.
18
O(p,n)18F
!C’est la réaction la plus utilisée: la
cible est constituée d’eau enrichie en
oxygène 18, isotope stable mais rare
(abondance isotopique 0,1 %), et la
réaction produit l’ion fluorure [18F]Fen solution dans l’eau enrichie. Le
piégeage du fluor 18 sur une résine
échangeuse d’ions permet la séparation et la récupération de l’eau enrichie en vue de son recyclage. Une
irradiation d’une heure avec 20 µA
de protons de 16 MeV permet, selon
le volume de la cible d’eau enrichie,
une production d’au moins 40 GBq
(1 Ci) de 18F. En tirant parti des possibilités de double irradiation des cyclotrons médicaux récents sur des
cibles grand volume à haut courant,
une production de départ de 200 à
400 GBq sur deux cibles est parfaitement envisageable. Chimiquement, le
fluorure doit être activé par un catalyseur de type cryptand (Kryptofix),
qui va encager l’ion alcalin et dénuder le fluorure, le rendant alors disponible pour les réactions
radiochimiques.
L’utilisation de cette même réaction
Médecine Nucléaire -
nucléaire (p,n) sur une cible d’oxygène 18 gazeux peut produire du
[18F]F2, mais là encore une addition
de fluor 19 froid entraineur va être
nécessaire pour permettre la récupération du 18F2 hors de la cible. Cette
méthode en cours de développement présente l’avantage, par rapport
à la réaction utilisant les deutons, de
posséder un bien meilleur rendement
et une production de l’ordre de 40
GBq (1 Ci) de [18F]F2 est possible.
Si la relative facilité de production du
[18F]F- par les centres cyclotrons académiques ou industriels ouvre une
possibilité de distribution vers les
centres de radiochimie (sous réserve
du respect des conditions légales de
cession de source et de transport),
l’utilisation de fluor électro-phile
reste limitée aux centres producteurs.
On notera également que par suite
de l’introduction de f luor stable
entraineur dans la cible de production de fluor F2, l’activité spécifique
de celui-ci est nécessairement beaucoup plus faible que celle obtenue
lors de la production de fluorure.
Cette basse activité spécifique est insuffisante pour l’exploitation biologique de ligands de récepteurs mais
peut être acceptable pour des traceurs
métaboliques.
REACTIONS DE MARQUAGE
!Les réactions de radiosynthèse au
fluor 18 se déroulent selon le schéma
général suivant :
-Production du fluor
-Réaction de marquage sur précurseur
-Hydrolyse (éventuelle)
-Pré-purification (Extraction Phase
Solide, (SPE))
-HPLC préparative
-Formulation
-Contrôle de qualité
La dualité de comportement F2/F- est
bien illustrée par les deux radiosynthèses actuelles de FluoroDOPA, traceur présynaptique de la dopamine
utilisée dans les études de dégénérescence cérébrale et d’oncologie :
Fluor électrophile :
production de FDOPA
!Le fluor "électrophile" va permettre les réactions d’addition sur doubles liaisons, sur noyaux aromatiques;
cependant ces dernières ne sont pas
toujours régio-sélectives et il est préférable d’utiliser des réactions de démétallation, comme dans le cas de la
synthèse de la FluoroDOPA
Figure 1
(Figure
1).
Cette méthode rapide [2] permet un
bon rendement mais est handicapée
par la production faible de la réaction
nucléaire 20Ne(d,α)18F.
Fluor nucléophile
!La [18F]FluoroDopa peut être obtenue par une synthèse nucléophile [3]:
le F- est alors introduit sur le cycle
aromatique en première étape par
substitution d’un bon groupe partant,
en ortho d’un aldéhyde activateur
Figure 2
(Figure
2). Cette méthode est d’intérêt général pour le marquage de molécules par le fluor sur un cycle aromatique, si un groupe activateur est
présent en ortho ou para. La
FluoroDopa dans sa bonne configuration est ensuite construite à partir
du cycle (catalyse par transfert de
phase).
Figure 1. Synthèse éléctrophile de [18F]FluoroDOPA
Electrophilic synthesis of [18F]FluoroDOPA
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Figure 2. Synthèse nucléophile de [18F]FluoroDOPA / Nucleophilic synthesis of [18F]FluoroDOPA
Autres réactions nucléophiles
!La réaction la plus utilisée est sans
doute la réaction de substitution nucléophile d’un bon groupe partant, ha-
logène, tosylate, triflate ou autre. Elle
est utilisée depuis maintenant 20 ans
pour la production de FDG et a été
récemment appliquée à la synthèse
de la [18F]Fluorothymidine (FLT) [4],
base nucléique dont le métabolisme
peut être suivi en oncologie
Figure 3
(Figure
3).
C’est également par cette voie de synthèse que l’on obtient le [18F]Fluoromisonidazole, marqueur d’hypoxie
utilisable dans l’imagerie oncologique (gliomes).
Figure 3. Synthèse de [18F]Fluorothymidine / [18F]Fluorothymidine synthesis.
Marquage en deux temps
!Dans certains cas, l’introduction directe de fluor 18 sur la molécule n’est
pas possible. Il faut alors faire appel à
192
une méthode en deux temps. Le fluor
est introduit sur une petite molécule
réactive, par substitution nucléophile
catalysée (FCH 2 Br, FCH 2 CH 2 Br,
FCH2CH2OTos) et ce synthon intermédiaire va dans un deuxième temps
Médecine Nucléaire -
alkyler le précurseur. Cette voie de
synthèse permet d’obtenir la
Figur
fluorocholine [5] (F
iguree 4
4), et a été
appliquée à la synthèse de diprénorphine fluorée [6], ligand antagoniste
Figure 5
des récepteurs opiacés (Figure
5).
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Figure 4. Synthèse de [18F]Fluorocholine / [18F]Fluorocholine synthesis.
Figure 5. Synthèse de [18F]Fluorodiprénorphine / [18F]Fluorodiprénorphine synthesis.
Enfin, pour les macromolécules (protéines, oligodéoxynucléotides), une
introduction directe de fluor étant impossible, on utilise une réactif de marquage intermédiaire, d’une manière
très similaire à la réaction de BoltonHunter utilisée pour le marquage à
l’iode. Le N-succinimidyl fluorobenzoate peut être par exemple utilisé
pour marquer les protéines [7]. Cette
approche intéressante (Figure
6)
Figure 6
reste plus complexe à maîtriser, du
fait du nombre d’étapes de purification intermédiaires (SPE, HPLC):
Figure 6. Marquage de protéines par groupe prosthétique / Protein labelling with prosthetic group.
PURIFICATION, FORMULATION,
CONTRÔLE
!Dans la plus grande partie des cas,
les synthèses vont nécessiter une
étape de chromatographie liquide
haute performance (HPLC) pour séparer la molécule marquée du mélange réactionnel. Il est souvent possible de procéder à une première purification par SPE, petites cartouches
de chromatographie liquide à usage
unique, avant la séparation chromatographique proprement dite: on fait le
plus souvent appel à des colonnes
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C18, en phases isocratiques, permettant une séparation en moins de 30
minutes. Le pic d’intérêt est collecté
et le radiophar-maceutique doit être
formulé dans un solvant biologiquement compatible, soit par fixation/
extraction sur une cartouche SPE
phase solide, soit plus rarement par
évaporation/resolubilisation. Une stérilisation par filtration (0,22 µm) permettra d’obtenir le radiopharmaceutique dans son flacon final.
Le contrôle de qualité par radioHPLC
s’assurera de la pureté chimique, ra-
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diochimique; des tests complémentaires pourront rechercher les solvants résiduels en chromatographie
en phase gazeuse (CPG), avant une
vérification de la stérilité et des pyrogènes.
RADIOPROTECTION,
AUTOMATISATION ET STATUT
!Si le problème de la disponibilité
du fluor radioactif est résolu (cyclotron sur site, possibilité de distribu-
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Tomographie par Emission de Positons : les possibilités de marquage au Fluor 18
tion), les quantités de radioactivité
importantes nécessaires pour compenser la décroissance et les rendements de marquage des radiosynthèses imposent la réalisation des étapes
de synthèse par des automates, dans
des enceintes blindées, dans des laboratoires adaptés (zone contrôlée).L’investissement pour un laboratoire de radiochimie fluor 18 est
donc très important, en comprenant
cellule blindée (en atmosphère contrôlée), automate, dosimètres, lecteur
de plaque CCM, chaîne radioHPLC de
synthèse et de contrôle de qualité. Le
marché actuel des automates de synthèse est dominé par General Electric
qui propose le TracerLab Fx, présenté
comme automate multifonction et le
TracerLab Mx, à base de kits, à l’origine conçu pour une production
maximale de FDG mais facilement
reprogrammable pour d’autres utilisations. Raytest propose le Synchrom,
un automate du type du TracerLab
Fx, également multisynthèse. La dis-
ponibilité de ces automates ne doit
cependant pas conduire à négliger le
rôle du radiochimiste, qui restera toujours indispensable. L’obtention du
précurseur de synthèse, molécule
souvent complexe à synthétiser
(groupes protecteurs, groupe partant)
n’est pas toujours facile, et son statut
pharmaceutique peut poser problème. En dehors du domaine industriel qui possède ses propres contraintes de production, réservant la
disponibilité des traceurs f luorés
sous autorisation de mise sur le marché (AMM) au seul FDG, la radiosynthèse de ces traceurs fluorés pour
l’utilisation chez l’homme relève
d’une préparation magistrale de médicament, voire d’une préparation
hospitalière (pour plusieurs patients)
sous le contrôle d’un radiopharmacien exerçant dans des locaux adaptés et équipés d’une radiopharmacie
de Pharmacie à Usage Intérieur. Enfin, on notera la présence à la pharmacopée de quelques monographies
concernant le FDG, le fluorure de
sodium (NaF) et la Fluorodopa (en
préparation); il est important que les
autres molécules cliniques puissent
également bénéficier rapidement
d’une monographie.
En conclusion , l’introduction d’un
atome de fluor 18 dans les molécules est possible dans un grand nombre de cas, par des réactions de
radiosynthèse maintenant bien maîtrisées. L’investissement nécessaire
est cependant très important, et la
source de fluor radioactif peut représenter bien sûr un paramètre limitant
pour les chercheurs. Quelques traceurs en développement ont un
grand potentiel clinique, en oncologie
(FLT, fluorocholine (FCH)) comme en
neurologie (marqueurs de maladie
d’Alzheimer).
Positron Emission Tomography : labelling with fluorine 18
Fluorine 18 labelling of biological molecules leads to radiopharmaceuticals for positron
Emission Tomography. Besides [18F]FDG, various chemical reactions enable development of
new tracers.
PET, Fluorine 18 / Radiopharmaceuticals / Labelling / Radiochemistry
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