FONCTIONS À CROISSANCE RÉGULIÈRE ET ITÉRATION D

P.
LEVY
(Paris - Francia)
FONCTIONS
À
CROISSANCE RÉGULIÈRE
ET ITÉRATION D'ORDRE FRACTIONNAIRE
1.
- Une
fonction teUe
que
^c+e~x
sin log
x,
malgré
la
lenteur
et la
petitesse
de
ses
osciUations,
nous apparaît comme irréguUère, parce qu'eUe osciUe entre deux
fonctions,
2
ch
x et 2 sh x, qui
sont plus
réguhères
qu'eUe; d'exemples
de
cette
nature résulte
la
notion intuitive, mais jusqu'ici
peu
précise,
de
fonction
parfaite-
ment régulière,
ou
plus simplement régulière, d'une variable
x
indéfiniment
croissante.
Je me
propose d'exposer
le
résultat
de
recherches que j'ai entreprises
pour préciser cette notion
(l)
;
je me
suis laissé guider dans
ces
recherches
par
des considérations intuitives. Aussi,
à
côté
de
résultats précis
et
démontrés,
il
m'arriverà
d'énoncer
des
résultats plus généraux,
que je ne
peux donner
que
comme probables; mais précisément
à
cause
de
cela
mes
recherches posent
de
nouveaux problèmes,
sur
lesquels
je
désire appeler l'attention.
Les considérations intuitives dont
je
viens
de
parler m'ont d'abord conduit
à cette idée
qu'U
était possible
de
donner
une
définition
de la
régularité vérifiant
les
conditions suivantes:
)
Les
fonctions réguhères constituent
une
échelle complète
de
crois-
sance,
c'est-à-dire
que
d'une part,
si
deux fonctions sont réguhères, leur diffé-
rence
est
différente
de
zéro
et d'un
signe bien déterminé pour
x
assez grand;
d'autre part,
si une
fonction
g(x)
n'est
pas
réguhère,
on
peut trouver
une
fonction réguhère
f(x)
teUe
que la
différence
f(x)—g(x)
change
de
signe
une
infinité
de
fois.
)
Les
fonctions réguhères sont continues
et
monotones pour
x
assez
grand ;
h en est de
même
de
toutes leurs dérivées ;
U est à
noter qu'une fonction
comme
e"®2
est
réguhère, bien
que la
valeur
à
partir
de
laqueUe
sa
nième
dérivée
est
monotone augmente indéfiniment avec
n.
) Certaines opérations analytiques,
que
nous appeUerons opérations
régulières,
ne
peuvent donner
que des
fonctions réguhères
si on les
effectue
sur
des
fonctions réguUères.
Ces
opérations comprennent
au
moins
la
dérivation,
l'intégration,
les
opérations élémentaires
de
l'algèbre,
et,
dans
le cas
d'une fonction
O
Quelques indications
sur ces
recherches
ont
déjà paru dans
des
notes présentées
à
l'Académie
des
Sciences
de
l'Institut
de
France
en 1926 et 1927.
278
COMUNICAZIONI
réguUère f(x) indéfiniment croissante, la formation de la fonction inverse et
ceUe des fonctions réguUères de f(x).
Par ces opérations réguhères, on peut former des ensembles étendus de
fonctions réguhères; ainsi toute détermination, réeUe pour x assez grand, d'une
fonction algébrique de x,
eF,
ou log x, est réguUère. Mais on ne peut arriver
ainsi à former une écheUe complète de croissance. Il faut introduire une opération
d'une nature essentieUement différente:
l'itération
régulière.
2.
- Considérons une fonction f(x) continue, croissante, et supérieure à x
pour x> a. Le problème de l'itération consiste dans la recherche d'une fonction
fa(x),
continue et croissante aussi bien par rapport à a que par rapport à x, teUe
que fi(x)=f(x) et
(i)
f*A*)-ffim\\
cette fonction doit être bien définie, d'abord pour a>0 et x>a, ensuite pour
o!=—a
et
x>fa(a).
Les itérées d'ordre entier se déduisent sans difficulté de la formule de
récurrence
f
/„\
/r/*
/„AI
cas particuUer de (1). Pour définir
/"«(#),
nous choisirons d'abord une valeur
|
de x,
et prendrons pour
fa(è)=<p(a),
a variant de 0 à 1, une fonction croissant d'une
manière continue de
<p(0)
=
|
à
cp(l)=f(è),
à cela près quelconque. La fonction 99(a) est alors bien définie, pour a quelconque,
par la formule
. v
. v
r . fV_
(f(a) =fn+aiZo) =fn[<p(a
)],
n étant la partie entière de a, de sorte que
a'=a—n
est compris entre 0 et 1.
Cette fonction 99(a) varie en croissant de
f
à l'infini, de sorte que, si
z>£9
1>é<luation
fa(Ç)
=
<p(a)=x
a une racine positive a=X(x) bien déterminée. La formule
<p{a
+ ß)
-fß[fM\
-/>(*)
définit alors la fonction itérée pour des valeurs quelconques de ß et x. En
particuher la fonction initiale f(x) peut, par cette formule, se retrouver en partant
de
cp(d)
;
ü y a Ueu de remarquer que, si on ne connaît pas
f(x),
on peut prendre
pour 99(a) une fonction croissant d'une manière continue de
f
à l'infini quand
a varie de zéro à l'infini, à cela près quelconque.
Il est commode d'introduire l'indice d'itération ou logarithme d'itération
a=la.(y),
racine de l'équation
fa(x)=y;
avec cette notation la relation fonction-
neUe (1) prend la forme
(2)
Xx(y)=X(y)-X{x),
P.
LEVY:
Fonctions à croissance régulière 279
X(x)
désignant, comme ci-dessus, la fonction inverse de
#=99(a)
=/a(f),
c'est-à-dire
le logarithme d'itération par rapport à f. Au heu de choisir arbitrairement 99(a)
de 0 à 1, on peut choisir X(x) de f à
/(!).
La détermination de la fonction itérée introduit donc une fonction arbitraire;
deux déterminations différentes
fa(x)
et
e?a(#)
étant égales pour toutes les valeurs
entières de a, l'une au plus de ces fonctions est réguhère, et les autres ont
par rapport à eUe des osciUations périodiques, la différence
étant une fonction périodique de a. Précisons bien que, si l'on peut choisir pour
99(a)=/«(£)
une fonction réguhère de a, la détermination de
fa(x)
qui en résulte
par les formules indiquées ci-dessus est réguhère, aussi bien par rapport à a
pour x quelconque que par rapport à x
;
on l'étabht en n'utilisant qu'une partie des
conditions imposées au N° 1 à la définition de la régularité, à savoir qu'eUe se
conserve par l'addition d'une constante, la formation des fonctions inverses, et
ceUe des fonctions de fonctions. En particuUer, pour a=l, on voit que f(x) est
une fonction réguUère. La condition nécessaire pour l'existence d'une fonction
itérée réguhère est donc la régularité de f(x). Cette condition semble aussi
suffisante; si je n'ai pu
étabhr
ce résultat rigoureusement, des considérations
intuitives sur lesqueUes je ne peux insister ici font que je ne peux guère douter de
son exactitude.
C'est la formation de cette itérée réguUère qui constitue ce que j'appeUe
l'itération
régulière.
Il reste à la définir, en partant de f(x), par des formules
permettant un calcul précis et ne supposant pas acquise une définition préalable de
la régularité; c'est que nous aUons faire maintenant, ces formules étant
appU-
cables, non seulement aux fonctions parfaitement régulières, mais aussi à des
fonctions vérifiant des conditions de régularité beaucoup moins restrictives. Ces
formules reposent sur le fait que l'on a nécessairement
(3)
Xx(y)=X(y)
-X(x)=X(yn)
~X(xn),
xn
et
yn
désignant les nombres itérés
xn=fn(x)
et
yn=fn(y)-
3.
- Supposons d'abord que f(x) soit, pour x infini, équivalent à x. On
démontre aisément dans ces conditions, si cette fonction est régulière, que l'itérée
réguUère
est caractérisée par la condition
(4)
fa(x)~-x^a[f(x)-x],
de sorte que l'on peut déterminer
a=Xx(y)
par la formule
(5)
a=
Um
*«"*"
;
n-~*00
xn+i ^n
on
connaît,
ainsi l'indice d'itération, et par suite l'itérée réguUère
fa(x).
D'aiUeurs
280 COMUNICAZIONI
la formule (5) converge, et conduit à une définition de la fonction itérée
fa(x)
vérifiant la relation asymptotique (4), toutes les fois que l'on prend pour f(x)
une fonction continue à dérivée monotone tendant vers l'unité; l'itération régulière
est •bien définie pour ces fonctions. Pour toute autre itérée
$ra(x),
le rapport
$ra(x)
x
f(x) x
ne tendra pas vers a, mais
osculerà
indéfiniment entre deux valeurs distinctes;
d'une manière précise, il sera de la forme
P[l(x)]
+
e,
P[....]
désignant une fonction périodique et s tendant vers zéro.
Le problème de l'itération n'est pas changé si l'on effectue un même chan-
gement sur x et f(x). Il en résulte que le problème de l'itération réguhère se
ramène au précédent pour les fonctions croissant plus vite que x mais moins
vite qu'une certaine puissance de
x;
en effet dans ces cas
log y
ou
log log y
log x log log
X
tendent vers l'unité. L'itération régulière est alors résolue par des formules
élémentaires.
Pour les fonctions croissant plus rapidement,
e?
par exemple, des formules
de cette nature ne s'apphquent pas. Il faut alors introduire la notion de
fonc-
tions équivalentes au point de vue de l'itération. Considérons deux fonctions
f(x) et g(x), continues, monotones, et teUes que g(x)>f(x)>x. EUes sont équiva-
lentes au point de vue de l'itération si g(x) est de la forme
fi+e(x),
s tendant
vers zéro; cela revient à dire que
X[g(x)]-X]f(x)]
tend vers zéro; contrairement à ce qu'on pourrait penser, c'est là une propriété
indépendante du choix de la fonction itérée
fa(x).
D'aiUeurs, indépendamment
de toute détermination de cette fonction, on peut former une condition néces-
saire,
qui est aussi suffisante sauf pour certaines fonctions manifestement irré-
guhères, pour que les fonctions f(x) et g(x) soient équivalentes au point de vue
de l'itération. C'est que g(x) soit de la forme
y>[f(x)\
<p(x)
désignant une fonction
dont toutes les itérées d'ordre entier croissent moins vite que f(x): au heu de
<p[f(x)]
on peut aussi écrire f[<p(x)].
Cette condition étant réalisée, il existe entre les fonctions itérées
fa(x)
et
ga(z)
une relation teUe qu'à toute détermination d'une de ces fonctions,
fa(x)
par
exemple, corresponde une détermination de l'autre, et une seule, de la forme
ga(z)=fa+e(z)j
e tendant vers zéro pour x infini. L'itération régulière d'une de
ces fonctions entraîne alors ceUe de l'autre. La formule étabUssant cette relation et
P.
LEVY:
Fonctions à croissance régulière 281
permettant de déterminer en fonction de X(x) le logarithme d'itération
fi(x)
relatif à
la fonction g(x) est
(6)
ju(y)-ju(x)
hm
\X[gn(y)\-X[gn(x)]\.
Cette formule converge bien, et donne une détermination acceptable de
/*(#),
non seulement pour les fonctions parfaitement régulières, mais toutes les fois
que,
f(x) et g(x) étant continus, monotones, et supérieurs à
x,
X[g(x)]—X[f(x)]
tend vers zéro d'une manière monotone.
Le cas des fonctions f(x) dont la dérivée reste finie étant déjà résolu, nous
supposerons
ff(x)
monotone et augmentant indéfiniment; nous pouvons alors
faire
n'importe quel changement linéaire, soit sur la variable, soit sur la
fonction
;
toutes les fonctions obtenues sont équivalentes à f(x) au point de vue de l'ité-
ration. Nous prendrons en particuher
t étant au moins égal à la plus grande racine de
f"(x).
Alors les fonctions
itérées de
g(f)
d'ordres négatifs très grands tendent vers zéro, et en posant
xn'=g_n(x),
yn=g-n(y)j
on obtient une itérée bien déterminée de g(x), définie par la formule
(7)
My)-M*)-mii
J;,"3;,
W-*-00
yv*« / *n
analogue à la formule (5).
Pour des raisons intuitives, on peut penser, si f(x) et par suite g(x) sont
des fonctions parfaitement réguhères, que l'itérée réguhère
ga(x)
de g(x) est
réguhère de zéro à l'infini; la formule (7), qui définit la fonction itérée régulière
à l'origine, définit alors aussi ceUe
qu'U
faut considérer comme réguUère à l'infini ;
on en déduit X(x), et par suite
fa(x),
par la formule
X(y)-X(x)
= lim
lf4fn(lf)]—/4.fn{x)]l,
déduite de (6) en intervertissant les rôles de f(x) et g(x).
L'itération réguhère est ainsi définie dans tous les cas, et cela donne de
nouveaux procédés pour former des fonctions réguhères.
Mais ce qui précède nous donne tout autre chose qu'un procédé qui, indé-
finiment répété, ferait connaître des ensembles de plus en plus étendus de
fonctions réguhères. Nous avons obtenu une fonction
X(x,
t) dont la définition
dépend du paramètre
t,
et ü est essentiel dans la théorie qui précède d'admettre
qu'en réahté, si la fonction f(x) est parfaitement réguhère, X(x, t) ne dépend pas
de t. Il est facile démontrer
qu'U
en est bien ainsi dans le cas de fonctions f(x)
simples comme
e35
ou
ax2
+ bx + c. D'autre part l'étude générale des diverses
circonstances possibles montre que, si la fonction
X(x,
t) dépend effectivement
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