INTERVIEW
« Un salarié n'est pas obligé de dire
à son employeur qu'il est malade »
Quel est l'impact du cancer sur
la rémunération des cadres?
* Dominique Thirry. Les cadres
bénéficient d'une prévoyance
minimale obligatoire, d'un main-
tien de salaire ou d'un comple-
ment d'indemnités journalières
(U) en fonction de leur ancien-
neté des accords de branches ou
des conventions collectives Selon
les cas, les U pourront être com-
plétées pour atteindre 50 a 100 %
du salaire brut Souvent, celui-ci
est au-dessus du plafond de la
Securite sociale, qui ne rembourse
que SO % du salaire a concur-
rence de 42,38 euros par jour
Sans la protection du maintien
partiel ou total de leur salaire, cela
DOIvMNK
THIRRY, directrice
de Juris Santé,
association
qui conseille
les malades et
leurs proches.
ne représenterait souvent que
20 ou 40 % de ce qu'ils gagnent
Le temps partiel thérapeutique
est-il systématiquement accor-
dé en cas de demande?
* Conçu pour favoriser la reprise
du travail dans de bonnes condi-
tions, le temps partiel thérapeu-
tique intervient après un arrêt de
travail pour maladie ll est accorde
en général par période de deux a
trois mois, renouvelable, et pour
douze mois au maximum Les
horaires sont modulables ll est
prescrit par le medecin traitant,
maîs peut être refusé par le
médecin-conseil, le service
administratif de la CPAM et
l'employeur Le cas échéant, le
salarié reste en arrêt de travail
ou reprend a temps complet
Lors d'un entretien d'embauché
ou d'évaluation, est-on obligé
de répondre à la question:
êtes-vous en bonne santé?
* Le Code du travail établit qu'au-
cun salarie ne peut être sanc-
tionné, licencie ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire pour
avoir refusé de répondre à une
question sur son état de santé ou
son handicap L'employeur peut
demander un certificat ou un exa-
men afin de savoir si le salarie est
apte ou non au poste de travail,
maîs n'aura accès à aucun autre
détail, en raison du secret médi-
cal ©PROPOS RECUEILLIS PAR LH.
l'institut Curie de Saint-Cloud
(téléchargeable sur Curie fr), le
sujet est absent des réflexions
managériales. « Malgré la bonne
volonté, la prise de conscience
et les actions sont encore limi-
tées. Dans les représentations,
le cancer relève trop souvent
de la seule vie privée », recon-
naît Olivier .lecteur-Monrozier,
responsable diversité et vie
au travail d'Ehor Concessions
autoroutes.
Le «droit à l'oubli» pour
les personnes soignées
Changer l'échelle des actions en
entreprise au niveau national
est une urgence. Dans la société,
les lignes bougent, comme le
montre la récente signature
d'une convention pour le « droit
à l'oubli » afin de pouvoir em-
prunter et accéder à la propriété
sans avoir à mentionner son
ancienne maladie.
Le plan Cancer 3 annonce en
février 2014 par François Hol-
lande comporte un axe « main-
tien et retour dans l'emploi ».
Pilote de l'ensemble des actions,
l'Institut national du cancer s'est
rapproche de l'Anact sur ce
volet « D'ici à la fin de l'été, cinq
ou six régions seront en ordre
de marche afin d'accompagner
des PME et des TPE dans la
prise en compte du cancer dans
leur politique RH », explique
Thierry Breton, directeur géné-
ral de l'Inca.
« L'un des défis les plus impor-
tants est d'arriver à faire fonc-
tionner ensemble entreprises,
directions régionales du travail
et de l'emploi, médecins-inspec-
teurs et médecins du travail »,
ajoute Michael Goetz, à l'ori-
gine d'un programme pionnier
« La prise de conscience et les
actions sont encore limitées. Dans
les représentations, le cancer relève
trop souvent de la vie privée. »
Olivier Jocteur-Monrozier, Elior Concessions autoroutes.
9%
des malades interro-
ges disent que, dans
leur entourage, il leur
est déjà arrive d'être
l'objet d'attitudes de
rejet ou de discrimina-
tion liées directement
a leur maladie
Source « Le» cancers en
France en 2014 », Institut
national liu cancer
de l'Anact en Aquitaine. Un
« club » de grandes entreprises
et d'universitaires sera lancé en
septembre afin d'élargir la mobi-
lisation et d'échanger des bonnes
pratiques. Des assises nationales
pourraient avoir lieu fin 2016.
« Notre démarche vise à ce
que le salarié touche par une
maladie chronique soit le dé-
clencheur d'une démarche
d'amélioration collective des
conditions de travail », relève
Michael Goetz. Ainsi, dans une
entreprise d'agroalimentaire,
l'employée d'un atelier stérile
devait souvent prendre des ca-
chets avec beaucoup d'eau, et
donc quitter son poste, se chan-
ger, avaler ses comprimés, re-
mettre son uniforme... Une tren-
taine de minutes d'absence qui
créait des conflits avec ses col-
lègues, jaloux de sa « liberté »
Jusqu'au jour où une fontaine
a eau a été installée dans l'ate-
lier Les solutions sont parfois
toutes simples. Encore faut-il les
chercher.
®
ISABELLE HENNEBELLE