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Etat de l’Environnement wallon
Etudes - Expertises
Le cycle de vie des matières :
les matériaux de construction et de
démolition
Dossier scientifique réalisé dans le cadre de l’élaboration du
Rapport analytique 2006 sur l’étatde l’environnementwallon
Ce Rapport est réalisé sous la responsabilité exclusive de son auteur et n'engage pas la Région wallonne
Prof. Luc COURARD
GeMMe – Matériaux de Construction
Département ArGEnCo
Faculté des Sciences Appliquées
Université de Liège
Juin 2006
Le
professeur Luc COURARD est chargé de cours à l’Université de Liège où il enseigne les
matériaux de construction, les techniques et produits de réparation ainsi que la valorisation des déchets
et sous-produits industriels dans le domaine du génie civil. Ingénieur des construction de formation, il
est responsable du groupe GeMMe – Matériaux de Construction et anime une équipe d’une dizaine de
chercheurs et techniciens spécialisés. Fort d’une équipe pluridisciplinaire constituée d’ingénieurs des
constructions, de géologues et de chimistes mais aussi d’équipements remarquables, le groupe est
particulièrement actif dans l’analyse des phénomènes mécaniques et physico-chimiques influençant les
propriétés des matériaux de construction. En particulier, l’équipe a développé une expertise dans la
formulation des bétons et l’analyse du comportement des bétons dégradés. La compréhension des causes
des pathologies est une aide indispensable à l’élaboration des techniques de réparation.
L’étude de la valorisation des déchets et sous-produits industriels est une activité menée en collaboration
avec les collègues du secteur GeMMe spécialisés dans le génie minéral et le développement de
techniques de tri, de séparation ou de concentration.
Les Rapports sur “l’état de l’environnement wallon” sont établis par la Direction générale des Ressources naturelles
et de l’Environnement (DGRNE) du Ministère de la Région wallonne, en étroite collaboration avec les universités et
les centres de recherche francophones de Wallonie et de Bruxelles (Art. 5 du Décret du 21 avril 1994 relatif à la
planification en matière d’environnement dans le cadre du développement durable).
Le 31 mai 2002, le Gouvernement wallon a adopté une convention -cadre pour financer la mise en place d’une
coordination inter-universitaire, fondée sur une équipe scientifique permanente et sur un réseau d’expertise. Cette
convention-cadre a été passée avec le Centre d’Etude du Développement Durable (CEDD) de l’Institut de Gestion de
l’Environnement et d’Aménagement du Territoire (IGEAT) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). L’équipe
scientifique est pluridisciplinaire et travaille avec la DGRNE qui assure la coordination générale. Les chercheurs
comme les experts scientifiques sont issus de différentes universités.
http://environnement.wallonie.be/eew/
2
Table des matières
TABLE DES MATIÈRES............................................................................................................................................ 3
1. MARCHÉ, HISTOIRE ET PRÉOCCUPATIONS ENVIRONNEMENTALES.................................................4
2. SITUATION GLOBALE DES GISEMENTS ET DU MARCHÉ.........................................................................6
3. IMPACT DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION ET DE DÉMOLITION SUR L’ENVIRONNEMENT
NATUREL ET HUMAIN............................................................................................................................................15
4. FACTEURS CONDITIONNANT LE CHOIX DES MATÉRIAUX ET LA GESTION DES DÉCHETS DE
CONSTRUCTION ET DE DÉMOLITION.............................................................................................................. 19
5. CONTRAINTES ET MESURES EN RELATION AVEC LA POLITIQUE DE GESTION DES DÉCHETS
DE CONSTRUCTION ET DE DÉMOLITION........................................................................................................23
6. CONCLUSIONS GÉNÉRALES ET PISTES POUR L’AVENIR...................................................................... 32
RÉFÉRENCES............................................................................................................................................................35
3
1. Marché, histoire et préoccupations environnementales
Le monde de la construction a toujours été, depuis la nuit des temps, un lieu propice au recyclage de ses propres déchets, mais
aussi des déchets de l’activité humaine en général : les temples romains ont été construits à partir des temples grecs, les
basiliques romaines sont devenues des églises chrétiennes, nombres d’édifices civils ont été bâtis à partir de matériaux
provenant d’édifices religieux détruits lors de la révolution française, … etc. Ce cycle de vie se perpétue aujourd’hui avec le
réemploi, la réutilisation, le recyclage et la valorisation des déchets de construction et de démolition.
Il est possible d’établir une évaluation relativement précise du gisement en matériaux de démolition en Europe en se fondant sur
la production de ciment depuis 1920 [B1] ; en supposant que 85% des quantités de ciment aient été introduites dans des bétons
titrant à 330 kg/m³, on obtient la courbe A décrite en fig. 1. Si on estime que la durée de vie moyenne des constructions en béton
est de 50 ans, la courbe B donne une estimation grossière des démolitions probables pour les années à venir.
1200
production de béton
structures en béton à démolir
Qunatités (millions de tonnes)
1000
800
600
400
200
0
1920
1930
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
2020
Figure 1 – Estimation de la production de béton (A) et prévision des démolitions (B) dans la C.E.E [B1].
D’un autre côté, les contraintes environnementales sont de plus en plus strictes : début des années 90, on ne se tracassait pas
de l’avenir des déchets et le tout était envoyé en « décharge ». Aujourd’hui, les politiques menées avec plus ou moins de succès
par les autorités visent à rencontrer les demandes du marché (de la construction) en tenant compte des différentes contraintes
suivantes [B2]:
• diminution des ressources naturelles disponibles ;
• augmentation des distances à parcourir (approvisionnement vs chantier) ;
• augmentation de la production de déchets ;
• augmentation des redevances à payer pour le stockage définitif des déchets.
Le lieu géographique dans lequel ces politiques sont menées n’est évidemment pas anodin : en Wallonie, le sous-sol est riche en
ressources minérales et donc en granulats, ce qui constitue un certain frein au recyclage et à la valorisation des produits
recyclés, dans la mesure où les distances à parcourir pour s’approvisionner en matériaux sont le plus souvent limitées.
Si le recyclage et la valorisation des déchets constituent un axe de développement majeur, l’intégration des concepts du
développement durable dans les méthodes de conception des bâtiments et des ouvrages d’art, l’utilisation de technologies et de
produits « propres » devraient permettre d’agir au niveau de la prévention qui représente, sans conteste, la voie du futur. Au
travers des différents arrêtés du gouvernement et du Plan Wallon des Déchets "Horizon 2010", la réglementation wallonne vise
en effet à donner la priorité à la prévention, afin de diminuer la production de déchets ; mais elle vise aussi à favoriser le
recyclage et la valorisation des déchets produits par une collecte sélective de ceux-ci [B12].
L’impact de l’activité « construction » sur l’environnement naturel et humain sera également étudié au travers des rejets gazeux,
liquides et solides et de la consommation d’énergie.
L'idée d'employer tous les produits issus d'un processus de fabrication - et donc y compris les sous-produits1, qui sont des
produits différents de celui que l'on veut produire en principal, le déchet étant le « sous-produit » ultime - n'est pas neuve pour
l'homme. C'est particulièrement vrai dans le domaine agricole, le phénomène étant plus récent dans l'industrie. Dans ce domaine
[B3], le développement de l'emploi de certains déchets s'est fait en parallèle avec le développement de l'industrie lourde, ce qui
semble normal dans la mesure où les déchets produits par les industries du charbon ou du fer étaient relativement facilement
assimilables à des granulats ou incorporables dans des liants (Tableau 1).
Tableau 1 – déchets valorisés en France dans le domaine de la construction
Type de déchet
Année
étude de l'emploi du laitier granulé en cimenterie
1880
acceptation en France en
1928
mais emploi pour le métro dès
1900
étude du laitier concassé en ballast
1885
6
1952
1,25 10 tonnes
laitier de haut)-fourneau expansé -brevet en
début des emplois du laitier granulé dans la route
laitier pré broyé dans la route
schistes houillers noirs ou rouges
cendres volantes de houilles (route)
cendres - ciment
graves - cendres
cendres - chaux - gypse
1900
1955
1970
Années 1950
Environ 1960
1960-65
1968
1968
Avec le temps, l'offre en déchets qui, au départ, était limitée qualitativement et très importante quantitativement, s'est diversifiée
de plus en plus, avec les industries du pétrole, des plastiques, des caoutchoucs, de la chimie,...
La rencontre avec l'industrie routière [B4] et le génie civil [B5] s'est faite progressivement après la seconde guerre mondiale et a
connu une accélération importante dans le début des années 90, de par la demande et l'exigence accrues de matériaux, tant en
quantité qu'en qualité : si, au départ, les déchets étaient utilisés principalement comme remblais ou agrégats, ce sont plus tard
des liants, des additifs,... qui se sont développés.
Dans le cadre de ce rapport, nous avons uniquement envisagé les matériaux qui interviennent dans le cycle de vie des
constructions et bâtiments ; d’autres matériaux, comme les phosphogypses ou encore les mâchefers d’incinération d’ordures
ménagères (MIOM), qui peuvent être valorisés dans le domaine de la construction, ne font pas partie de ce cycle et ne sont pas
repris dans cette étude.
La notion de sous-produit n’existe pas dans la législation wallonne. Même si le terme est employé dans le langage courant,
selon la législation, la production au cours d’un procédé industriel d’autres « produits » que ceux recherchés correspond à la
génération de déchets (et non de sous-produits), même si ces derniers sont valorisables. Ces « déchets » perdent leur caractère
de déchet une fois qu’ils ont été mis en œuvre.
1
5
2. Situation globale des gisements et du marché
2.1.
Secteur de la construction : VAB, structure et emplois du secteur
Le secteur englobe toutes les entreprises qui sont actives dans le secteur de la construction dans son ensemble, allant de la
préparation de sites, à la construction d’ouvrages de bâtiments ou de génie civil, aux travaux d’installation jusqu’aux travaux de
finition (Tableau 2). Au sein du secteur privé, le secteur de la construction occupe 186.433 travailleurs2 en Belgique.
Tableau 2 – répartition des entreprises selon la taille
Taille d’entreprise (nombre de travailleurs)
Entreprises
Nombre
1à9
3128
10 à 49
2398
50 à 99
263
100 et plus
184
TOTAL
5973
%
52,37
40,15
4,40
3,08
100
Le secteur de la construction est essentiellement constitué de Petites et Moyennes Entreprises (P.M.E.) : 30% des entreprises
belges de construction sont implantées en Région Wallonne3.
2.2.
Flux et gestion des déchets: quantités, qualités, valorisation
2.2.1. Topologie des déchets
La gestion des déchets de construction et de démolition représente un enjeu économique important pour le secteur, avec de
l’ordre de 2,7 millions de tonnes produits en Région Wallonne en 2005 (hors terres de découverture qui sont estimées à 6
millions de tonnes). La quantité et la nature des déchets varient fortement suivant qu’il s’agit de travaux de construction, de
rénovation ou de démolition. Une étude réalisée en France [B7] par la Fédération Nationale du Bâtiment (FNB) et l’Agence de
l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) montre une répartition de 9,7% pour la construction neuve, 47,6% pour
la réhabilitation et 42,7% pour la démolition (Figure 2). Une estimation faite par la Région Wallonne dans le cadre du Plan
Wallon des Déchets Horizon 2010 [L1] répartit la provenance des déchets de construction et de démolition à concurrence de :
• 36% des travaux hydrauliques et routiers ;
• 6% des travaux de construction neuve de bâtiments ;
• 6% des travaux de rénovation ;
• 52% des travaux de démolition (dont 21% de démolitions résidentielles).
2
3
Source : données ONSS, 30 juin 2001.
Source : fichier des cotisations ONSS du quatrième trimestre 2001
6
Construction neuve: 2,309 millions de tonnes (9,7%)
2.5
7.3
8.8
déchets industriels spéciaux
déchets industriels banals
déchets inertes
emballages
81.4
Réhabilitation: 11,379 millions de tonnes (47,6%)
1.1
11.2
25.3
déchets industriels spéciaux
déchets industriels banals
déchets inertes
emballages
62.4
7
Démolition: 10,214 millions de tonnes (42,7%)
1.9
33.1
déchets industriels spéciaux
déchets industriels banals
déchets inertes
65
Figure 2 – répartition par type de déchets hors emballages (masse en %) [B7]
Leur composition dépend du type d'ouvrage démoli ainsi que des matières utilisées lors de sa construction. Les déchets produits
en construction sont généralement classés en 3 catégories [B8]:
• les inertes ou déchets de classe III ;
• les déchets industriels banals de classe II ;
• les déchets dangereux.
Au-delà de cette classification, on constate en fait que la classification peut se ramener à deux catégories principales de déchets
en provenance de:
• les travaux de voiries et génie civil;
• les travaux de bâtiments.
En ce qui concerne les déchets issus des travaux de voiries et de génie civil, leur état de propreté (quasi uniquement des
déchets inertes), mais surtout leur propension à être généré dans le cadre de démolition sélective, induit une certaine facilité à la
valorisation [B4, B9]. Par contre, les déchets de bâtiments sont variés quant à leur nature, leurs dimensions et leur état de
dangerosité (Figure 3).
8
1.59
12.93
9.78
37.3
6.1
6.17
ciment, mortier
béton armé
céramique, terre cuite
bois
métaux
produits associés à des isolants
produits associés à du plâtre
produits inertes mélangés
autres
1.48
10.85
13.8
Figure 3 – Composition des déchets dans le bâtiment (masse en %) [B7]
De plus, la gestion des emballages divers générés par l’activité dans le bâtiment constitue à lui seul un défi pour la gestion des
déchets (Figure 4).
Chantiers de construction : 169.000 tonnes
Chantiers de réhabilitation : 127.000 tonnes
TOTAL : 296.000 tonnes
9
3
2
24
42
bois (122.720 t)
cartons (65.080 t)
polypropylène (21.070 t)
métal (72.000 t)
polyéthylène (9.490 t)
autres (4.640 t)
7
22
Figure 4 – Déchets d’emballages provenant des chantiers du bâtiment (masse en %)[B7]
2.2.2.
Filières de traitement et de valorisation
Le traitement du déchet dépend essentiellement de sa nature et de son degré de propreté : moins il sera contaminé par d’autres
déchets, plus facile sera la technique de traitement. Aujourd'hui, les producteurs de déchets recyclés ont une politique de
sélection des matériaux de démolition à la réception en centre de recyclage. Tous les matériaux ne sont pas acceptés (Fig. 5);
les matériaux refusés sont mis en C.E.T. par les entreprises de démolition. Le coût de la réception est dégressif suivant la
qualité. Cette notion de qualité est fondée sur deux critères : la propreté et l'homogénéité.
10
Figure 5 – Filières de recyclage des déchets de construction et de démolition [B26]
D'une façon générale, les déchets inertes de démolition peuvent être traités dans des installations spécialement conçues à cet
effet. Elles peuvent être de trois types :
• mobiles : les installations sont montées sur remorque ou semi-remorques et peuvent être transportées aisément d'un
lieu d'intervention à un autre;
• semi-mobiles : les installations sont montées sur des structures métalliques et peuvent être déplacées sans problème
moyennant des engins de manutention appropriés;
• fixes : les installations sont montées sur des fondations
Le choix du type d'installation dépend essentiellement des quantités disponibles à un endroit donné. Il va de soi que les
installations semi-mobiles et fixes peuvent avoir des capacités limites plus importantes que les installations mobiles. Elles sont
aussi mieux équipées afin de produire un recyclé de qualité. Les éléments principaux d'une installation de recyclage de déchets
de démolition et de construction sont les suivants :
• réception des matériaux à traiter;
• concassage (primaire et éventuellement secondaire);
• extraction du fer par bande électromagnétique ;
• séparation des matériaux légers : papier, carton, caoutchouc, matières plastiques, …etc;
• criblage suivant la granulométrie désirée.
Généralement, les matériaux réceptionnés sont stockés selon leur qualité et leur facilité de traitement. Ils sont composés à 93 %
de matériaux propres et à 60 % de béton propre.
Il existe des modes de traitement spécifiques de certains déchets de voiries. Le retraitement au ciment des chaussées en place
est, par définition, une amélioration ou une remise en état de la fondation existante [B9] ; il présente l’avantage environnemental
considérable d’éviter complètement le transport en assurant le traitement complet sur le site. De nombreuses applications ont été
mises en œuvre en Région Wallonne, sous la houlette de la Division des Voiries Agricoles et de la FEBELCEM [S9].
11
Les enrobés bitumineux constituent également un cas particulier dans la mesure où les techniques de travail par fraisage du
revêtement routier permettent d’obtenir un produit recyclé facile à réintroduire dans le cycle de vie du produit [B2]. Moyennant
l’ajout d’additifs qui permettent au produit de retrouver des propriétés compatibles avec son emploi en technique routière, son
recyclage constitue un point positif au point de vue environnemental. Il convient toutefois qu’il ne contienne pas de goudron,
dangereux pour la santé humaine et l’environnement.
2.2.3.
Flux des déchets inertes
Il est particulièrement difficile d’avoir une idée précise du flux des déchets produits, en particulier pour ce qui concerne les
déchets non inertes. Les estimations pour les déchets inertes, basées sur des extrapolations de sites connus [source
Tradecowall], s’élèvent entre 2 millions et 2,5 millions de tonnes de déchets entrant dans les plate-forme de traitement et de
recyclage ; si on prend en compte les déchets inertes récoltés dans les parcs à conteneurs, le gisement total est évalué à 2,7
millions de tonnes [données Office Wallon des Déchets]. Ces déchets sont valorisés à hauteur de 90%, ce qui permet d’estimer
une quantité de granulats recyclés disponibles sur le marché wallon d’environ 2,25 millions de tonnes. Nos voisins flamands
citent des chiffres de production de 3,5 millions de tonnes en 2004 [B30]. Ces chiffres sont un peu en contradiction avec ceux
cités par l’Union Européenne des Producteurs de Granulats (UEPG) qui annonce une production totale de granulats recyclés de
3,1 millions de tonnes (Tableau 3) pour la Belgique4 [S11]. Les industries extractives produisent en Belgique environ 48 millions
de tonnes (source FEDIEX) de granulats, dont la destination se répartit comme suit:
• Exportation : 22.106 t,
• Vlaanderen : 12.106 t,
• Bruxelles : 2.106 t,
• Wallonie : 12.106 t.
Il est alors possible d’évaluer le pourcentage du marché des granulats occupé par les granulats recyclés, soit environ 20%.
Ces chiffres souffrent malheureusement d’imprécisions ; même si les autorités régionales ont en main les informations provenant
des déclarations et demandes d’autorisations des sociétés qui exploitent, stockent ou transportent ces déchets, des déclarations
des entreprises relativement à ce qui se passe sur les chantiers ou encore des quantités réellement disposées en C.E.T. de
classe III (sur base de la taxe régionale par exemple), il faut interpréter ces données avec prudence dans la mesure le système
commence seulement à se mettre en place.
Pays
Autriche
Belgique
République
tchèque
Danemark
Finlande
France
Allemagne
Irlande
Italie
Pays-Bas
Norvège
Portugal
Slovaquie
Espagne
Suède
Suisse
Royaume-Uni
Tableau 3 – Industrie de la production de granulats en Europe [S11]
Nombre
Sites
Production (millions de tonnes)
Part du marché des
d’entreprises
granulats recyclés (%)
Sables et
Granulats
Granulats
graviers
concassés
recyclés
900
1250
66
27
3
3.13
90
72
8,7
46,6
3,1 (5,3)4
8.75
300
520
30
32
5
7.46
40
300
1800
1854
250
1800
3600
5920
2480
43,5
52
168
297
35
210
5,2
0,4
39
215
165,7
45
140
16,8
793
331
128
1550
170
280
350
4500
357
181
1935
1940
607
1600
14,7
7,5
6
150
26
49,1
82,7
35,7
93,4
14
270
41
126,6
1
18
90
4,5
0,5 (béton
seulement)
0,9
1
8,2
62,5
1.11
4.49
16.28
1.27
2.225 (béton seulement)
1.75
0.24
11.20
23
Ces chiffres correspondent en fait uniquement à la Flandre et les chiffres pour la Belgique sont plus proches de 5,3 millions de
tonnes de recyclés produits, ce qui correspond, par rapport aux 55,3 millions de tonnes de granulats et sables naturels, à une
part de marché de l’ordre de 9%.
5
Ce chiffre est bien entendu sous-estimé car il ne comprend pas les déchets routiers (bitumes) ou les déchets de maçonnerie.
4
12
TOTAL
2.2.4.
11296
24962
1251,4
1308,2
197,7
7.17
Flux des déchets « non inertes »
A côté des filières « déchets inertes » et « construction routière », les filières relatives à la valorisation des déchets non inertes,
dangereux ou non, est plutôt problématique: tantôt quasi inexistante malgré les besoins, tantôt embryonnaire, parfois en voie de
se mettre lentement en place, parfois existante mais assez peu transparente [B33]. Les déchets produits concernent
pratiquement tous les métiers (menuisier, couvreur, charpentier, électricien, …) et reprennent notamment, mais de façon non
exhaustive :
• déchets de plastiques (durs ou souples) ;
• déchets de verre ;
• déchets de châssis de fenêtre ;
• déchets de toiture plate (membranes asphaltiques) ;
• résidus de peinture ;
• déchets de bois de construction.
Il faut noter que, la plupart du temps, il existe des solutions techniques ou, à tout le moins, des possibilités de valorisation
énergétique. Malheureusement, faute d’intérêt économique, nombre de ces déchets prennent encore souvent le chemin du
Centre d’Enfouissement Technique.
2.2.5. Filières pour déchets non inertes
2.2.5.1. Filière « Matières plastiques »
Il faut faire la distinction en trois types principaux de « matières plastiques » : les polymères à chaînes libres (thermoplastiques),
les élastomères (matériaux « élastiques ») et les polymères à chaînes pontées (thermodurcissables). Les deux premières
catégories sont facilement recyclables car ces matériaux peuvent être réchauffés pour être à nouveau mis à forme. La troisième
catégorie est caractérisée par une structure interne rigide, qui les empêche de se ramollir quand on les chauffe : la seule voie de
recyclage est le broyage et l’utilisation comme charge inerte.
Le problème majeur est que l’on dénombre entre mille et deux milles plastiques différents. Il existe en Belgique un certain
nombre de filières (PVC, PET) mais qui nécessitent un tri rigoureux, sur le chantier ou en centre de recyclage [S1]. Des
expériences originales [B2], basées sur la compression de bouteilles en matières plastiques, en vue de réaliser des matelas
routiers drainants et légers, n’ont malheureusement pas abouti.
2.2.5.2. Filière « verres »
Le verre a les caractéristiques d’un déchet inerte. Le problème principal vient à nouveau de son association à d’autres produits
qui ne le sont pas : colles, mastics, matières plastiques, caoutchoucs, …etc. Il est parfois difficile, voire dangereux, de le séparer
de son châssis. Il existe une expérience de collecte et de séparation des éléments du châssis de fenêtre en Belgique [S15]. Une
autre solution est la reprise du châssis par le fabricant, comme en Allemagne. A l’heure actuelle, le C.E.T. semble être la
solution le plus couramment adoptée.
2.2.5.3. Filière « membranes bitumineuses »
Ce produit est particulièrement contaminé par les autres produits auquel il est habituellement associé : bois, isolants (minéraux
ou organiques), colles, profilés métalliques, … etc. Actuellement, la grande majorité de ces déchets part en C.E.T. Il existe
quelques expériences mais toujours à l’état embryonnaire.
2.2.5.4. Filière « bois »
Les déchets de bois sont généralement répartis en trois classes (Tableau 4), en fonction de leur degré de dangerosité, lié
principalement au traitement de conservation qu’ils sont subis :
• Classe A : bois non traités, non dangereux ;
• Classe B : bois traité, non dangereux ;
• Bois dangereux, imprégnés notamment de produits à base créosotes, de produits riches en plomb, …etc.
Les principales voies de valorisation restent donc, pour les bois contaminés, la combustion contrôlée ou la
thermolyse. Pour les autres déchets de bois, ils retournent vers les fabricants de panneaux de particules.
13
En Région Wallonne, seule RECYMO [S12] accepte, trie et broie des déchets de bois, souvent dirigés
ensuite vers … les C.E.T. [B33].
Classes
Classe A
Tableau 4 – classes de déchets de bois [B33]
Description
Débouchés
Bois massif
Sciures 4-8mm
Palettes, planches et poutres propres non contaminées
Industrie du panneau
Emballages en bois
Sciures 0-3mm
Fours de cimenterie
Classe B
Multiplex
Panneaux avec ou sans mélamine
Panneaux de fibres
Bois de démolition
Portes et fenêtres sans verre
Tables et chaises, fauteuils, armoires sans recouvrement, ni
remplissage, ni rotin
Auparavant : mise en décharge
Actuellement : recyclage comme cidessus, unités de chauffe industrielles
Classe C
Panneaux durs de fibres de bois
Panneaux tendres de fibres de bois
Panneaux MDF (Medium Density Fireboards)
Sources d’énergie pour l’industrie des
panneaux de particules (Italie)
14
3. Impact des matériaux de construction et de démolition sur
l’environnement naturel et humain
3.1.
Notions de cycle de vie et d’énergie grise
Une analyse du cycle de vie des matériaux intègre les différentes étapes de la vie d’un produit (Fig. 6). Elle vise à comptabiliser
les intrants (matières premières, énergie, …etc) et les sortants (déchets solides, liquides, gazeux) de sorte à pouvoir, à chaque
étape de vie d’un matériau ou d’une construction, établir un bilan « matière », et son impact sur l’environnement.
Les chantiers de construction génère des nuisances (aspects « négatifs »), mais sont aussi capables d’absorber des déchets, au
travers du recyclage (aspects positifs).
L’air, l’eau, le sol, le bruit et les vibrations sont les principaux vecteurs des pollutions [B27].
Extraction
des matières
premières
Production
Dépôt final
(C.E.T.)
Distribution
Recyclage
Utilisation
Figure 6 – Principes de l’Analyse du Cycle de Vie.
Le recyclage n’est donc pas l’étape unique du cycle de vie des matériaux de construction : l’énergie dépensée pour l’extraction,
la transformation, le transport ou encore la mise en œuvre constituent des postes importants dans l’évaluation de l’impact que
peut avoir le choix d’un matériau sur son environnement.
La notion d’Énergie grise (Tableau 5), c’est-à-dire l’énergie, calculée en kWh/m³ ou T, associée à un matériau, permet de
prendre en compte les aspects suivants :
• machines d’extraction,
• carburant pour le transport,
• consommation d’électricité pour la transformation,
• pétrole utilisé pour la production.
15
Tableau 5 - énergie grise de matériaux de construction [B15]
Matériau
Energie grise (kWh/m³)
Brique perforée
700
Brique silico-calcaire
350
Enduit synthétique
3300
Enduit au ciment
1100
Profilés en acier
57000
Bois d’œuvre
180
Panneaux d’agglomérés (liés avec résine formaldéhyde)
2000
Panneaux de fibres de bois (tendre)
Polystyrène expansé (isolant)
Isolant à base de cellulose de bois
1400
450
50
Une étude intéressante a été réalisée relativement à l’emploi de béton armé [B34] : les postes les plus significatifs du point de
vue de la consommation d’énergie pour un cycle complet de « 1 m³ de béton normal lourd armé coulé in situ en Belgique »
sont (Tableau 6):
Tableau 6 – consommation d’énergie pour la fabrication du béton [B34]
Matériau/opération
Energie (GJ)
Ciment
1.58
Sable et granulats
0.27
Armatures
2.25
Coffrage
0.43
Transport et mise en œuvre
0.34
Démolition et traitement des déchets
0.27
TOTAL
5.14
Il est à noter que l’acier utilisé pour la fabrication des armatures a un impact environnemental élevé ; d’autre part, le poste
« démolition et traitement des déchets » inclut le transport, le tri, le broyage et le criblage.
3.2.
Matériaux et constructions « respectueuses » de l’environnement
Il est fort difficile de définir des règles précises de choix de matériaux plus respectueux de l’environnement que d’autres : il existe
bien entendu des labels de qualité comme le F.S.C. (Forest Stewardship Council) qui est relatif à un mode d’exploitation du bois
d’œuvre respectueux de la forêt et qui participe par là même au problème global de conservation des forêts. Il résulte d’une
collaboration avec les différents maillons de la filière du bois.
Mais bien souvent, ces différents labels présentent le désavantage de ne concerner qu’une phase spécifique du cycle de vie du
produit.
Il importe donc d’envisager non seulement le cycle de vie complet du produit, mais aussi celui de la construction ou du bâtiment
dont il va faire partie, dans la mesure où il va interagir, être lié voire être mélangé avec d’autres matériaux. Une analyse de cycle
de vie sur la construction elle-même est donc requise : quelques travaux expérimentaux ont été réalisés à ce sujet [B17, B20]. Ils
ne sont tout à fait complets car il est très difficile de rassembler de façon exhaustive les informations nécessaires. Un exemple
donné ci-après concerne la comparaison entre 3 méthodes de fabrication (Fig. 7) d’un hall industriel (i) colonnes et poutres en
acier, (ii) colonnes et poutres en béton et (iii) colonnes en béton et poutres en bois lamellé-collé.
16
3.5E+07
3.0E+07
Hall acier
Hall béton
2.5E+07
Ecopoints
Hall béton-bois
2.0E+07
1.5E+07
1.0E+07
5.0E+06
0.0E+00
Fabrication
matériaux
Transport
matériaux
Montage
structure
Démontagedémolition
Transport
déchets
Traitement
déchets
TOTAL
Figure 7 – Bilan environnemental d’un hall industriel (écopoints) [B17]
Ces techniques d’approche devraient permettre à moyen terme de mettre au point des analyses objectives permettant de
comparer divers produits, modes de fabrication et de construction, et d’arriver à minimiser l’impact des activités du secteur sur
l’environnement.
3.3.
Impact sur la santé et l’environnement
L’activité de construction et de démolition génère des déchets sous formes gazeuse, liquide et solide. Une liste exhaustive de
ces déchets est donnée dans le Cahier 2 du Guide MARCO [B26] : ils concernent tous les corps de métier sans exception. Ces
déchets, dangereux ou non, constituent une menace potentielle pour l’environnement naturel dans la mesure où ils peuvent
contaminer les sols, les nappes phréatiques ou les rivières et polluer l’air par des rejets dans l’atmosphère.
3.3.1. Cas particulier de l’amiante
L’amiante se rencontre à l’occasion de travaux de démolition, entretien ou rénovation : son emploi dans des
constructions nouvelles est en effet interdit. L’amiante se retrouve au niveau des systèmes d’isolation
thermique, sous forme libre ou floquée, ou dans les éléments en asbeste-ciment, auquel cas elle est
enveloppée dans une gangue de ciment. Les fines particules d’amiante qui se retrouvent dans l’air et sont
inhalées par les habitants ou les travailleurs peuvent provoquer des lésions irréversibles au niveau des
poumons.
Il convient donc de prendre des précautions particulières pour l’enlèvement et le traitement de ces produits
qui sont classés comme déchets dangereux.
17
3.3.2. Cas particulier des goudrons
Les goudrons ont été utilisés pendant des décennies en mélange avec du bitume dans les revêtements routiers. Les goudrons de
houille, au contraire du bitume, contiennent des quantités importantes de substances toxiques, principalement des hydrocarbures
aromatiques polycycliques (HAP) et des phénols. Les effets génotoxiques des HAP présents dans les goudrons ont été
largement étudiés. Les premières observations de toxicité [B35] ont été rapportées par Pott en 1775 à propos de cancers de la
peau des ramoneurs de cheminées. Le pouvoir cancérigène des produits de pyrolyse (goudrons, suies) a été reconnu, suite au
développement de l’utilisation du charbon.
Six HAP sont classés par le Centre International de Recherche sur le Cancer [B36] comme des cancérigènes probables pour
l'homme (groupe 2A : Benzo(a)pyrène, Benzo(a)anthracène, Dibenzo(a,h)anthracène) ou comme des cancérigènes possibles
pour l'homme (groupe 2B : Benzo(b)fluoranthène, Benzo(k)fluoranthène, Indéno(c,d)pyrène).
De plus, le devenir des HAP dans l’environnement est influencé par leur:
• volatilisation et leur transformation en dérivés dans l’atmosphère ;
• transport, tributaire des facteurs de ségrégation tels que des mobilités différentes liées aux solubilités variables de ces
composés, et des caractéristiques intrinsèques du sol ;
• adsorption sur des particules de matière organique ou par des plantes ;
• bio-accumulation ;
• dégradation microbiologique ;
Ces matériaux sont proscrits mais peuvent encore se retrouver dans d’anciennes infrastructures routières.
3.3.3. Cas particulier des bois traités
Les produits de préservation du bois contiennent habituellement trois éléments fondamentaux [B33] : matières actives, solvant et
agent de fixation. Les matières actives sont des pesticides qui doivent posséder une action fongicide et/ou insecticide vis-à-vis
des agents d’altération concernés ; on retrouve des substances minérales ou métalliques (Cu, F, Bo, As) et des substances de
synthèse telles que les dérivés d’étain, les azoles, les pyrétoïdes, les ammoniums quaternaires et les carbamates. Certains
produits sont interdits pour des raisons de toxicité mais encore présents dans les bâtiments. Les solvants visent à transporter les
matières actives à l’intérieur du bois et à les y déposer : ce sont soit l’eau, soit des dérivés pétroliers. Les agents de fixation
travaillent par réaction chimique, notamment avec les sels métalliques, ou par collage avec des résines.
Le recyclage de tels déchets pose un réel problème, dans la mesure où ils peuvent contenir des substances dangereuses et
toxiques pour la santé humaine et l’environnement ; hormis le stockage éventuel, la combustion ou la thermolyse restent les
seules solutions envisageables actuellement.
18
4. Facteurs conditionnant le choix des matériaux et la gestion des
déchets de construction et de démolition
4.1.
Caractéristiques générales des déchets inertes recyclés
Les caractéristiques requises pour les granulats sont définies dans les normes européennes et les
prescriptions nationales: elles ne sont pas différentes pour les granulats naturels, artificiels ou recyclés.
Elles concernent principalement la propreté, la granularité et la forme, la teneur en matières indésirables
(sels, matières organiques, …) et les caractéristiques mécaniques. D’une façon générale, les granulats
recyclés à partir de déchets de béton et de maçonnerie présentent des caractéristiques mécaniques
moindres que les granulats naturels (Fig. 8).
50
45
40
coefficient LA
35
30
25
20
15
10
5
0
0
50
100
Quantité de déchets de maçonnerie (%)
Figure 8 - Essai Los Angeles [B30]
Selon les études réalisées et les constatations faites sur le terrain, il semble que c'est le mortier du produit source qui joue un rôle
prépondérant dans la qualité des constituants élaborés et dans le comportement des mélanges. Le second paramètre qui
intervient est alors le dosage en ciment et le troisième la quantité d'eau.
Cet ordonnancement se retrouve tout à fait en observant l'évolution du coefficient Los Angeles des grains récupérés : le Los
Angeles6 d'une classe granulaire issue d'un mortier est voisin de 45. Pour un agrégat issu d'un béton de bâtiment (forte quantité
d'eau), le coefficient est voisin de 37. Enfin, pour un agrégat issu d'un béton de route, le coefficient est voisin de 31[B31].
Ces granulats peuvent être également utilisés dans la fabrication de certains bétons hydrauliques de chaussées (sousfondations). En termes statistiques, la consommation de ces matériaux dans la construction de bâtiments n'est pas significative
(radiers, bétons de fondation,...). Les bétons fabriqués avec ces agrégats ont une tendance à "raidir" plus vite. On explique ce
raidissement par l'absorption de l'eau de gâchage par le mortier "poreux" sur les granulats d'origine. Il n'a pas hélas été fait de
comparaisons suffisamment précises pour établir une échelle d'absorption de ces différents bétons.
On a observé que les broyeurs avaient une influence sur la quantité de pâte restante. Les concasseurs à mâchoires, du fait de
leur action combinée frottement-écrasement ont tendance à "nettoyer" les granulats d'origine. L'action dans ce sens d'un broyeur
à boulets est encore plus spectaculaire. Par contre, le concasseur à percussion a tendance, du fait des chocs, à casser les
grains, laissant en place la gangue du mortier.
Le coefficient Los Angeles exprime la résistance à l’usure du matériau : plus la valeur du coefficient est faible, plus le matériau
est dur et moins vite il s’usera.
6
19
La résistance en compression du béton contenant des granulats recyclés est de 4 à 14 % plus faible que celle du béton
conventionnel, de même composition. Pour ce qui concerne le module d'élasticité, la différence est nettement plus importante et
on atteint des diminutions de l'ordre de 40 %. La consistance, quant à elle, semble inchangée (Fig. 9), si les granulats recyclés
sont pré-saturés.
Figure 9 – Comparaisons entre bétons fabriqués à partir de granulats naturels et recyclés [B32]
(1 psi = 6,90. 10³ N/m² et 1 in = 2,54 cm)
Ces faits expliquent que les produits recyclés ne sont pas utilisés pour la fabrication du béton armé et du béton précontraint mais
plutôt comme granulats « tout-venant », dont la granulométrie est très étalée, et pour des fondations, liées ou non.
4.2.
Critères définissant l’opportunité du recyclage
Au cours des dernières années, les besoins croissants en matériaux de construction ont amené une certaine diminution des
ressources de matériaux traditionnellement utilisés dans le secteur. La distance de transport entre le lieu de production et le site
de construction ne cesse donc d'augmenter, encore que ce facteur soit moins critique en Région Wallonne que dans les autres
régions du pays. Outre leur demande en matériaux de construction, les mêmes zones se caractérisent aussi par une importante
production de déchets de construction et de démolition, dont l'évacuation est peu compatible avec l'environnement. On doit donc
les verser en Centres d’Enfouissement Techniques (C.E.T) de classe II ou III, et payer une redevance.
A titre d’exemple, pour une démolition et une reconstruction routière, dans le cas d'école où la nouvelle construction suit
immédiatement la démolition et si le recyclage est possible sur site, l'économie totale sur le projet, d'après une étude du Centre
de Recherches Routières [B4], peut atteindre 50 % qui se répartissent comme suit :
• 70 % dans la réduction des frais de transport;
• 20 % dans le coût moins élevé des matériaux;
• 10 % en évitant les frais de mise en C.E.T.
On voit donc l'intérêt économique qu'il y a d'aborder les opérations de démolition et de reconstruction de façon coordonnée. Mais
c'est le transport même qui peut être le facteur limitatif majeur à la réutilisation des déchets.
20
Son prix est fonction de la quantité transportée et de la distance, indépendamment de la valeur marchande du produit transporté.
Le recyclage sera donc d'autant plus intéressant que :
• la zone de C.E.T. est plus éloignée;
• le coût du versage est élevé;
• les matières premières qui pourraient être remplacées par des déchets sont d'un approvisionnement difficile et/ou
coûteux.
Un autre facteur limitant la réutilisation est, ce que l'on pourrait appeler de façon péjorative, le règlementarisme : pour qu'un
matériau puisse être utilisé dans le génie civil ou le bâtiment, il doit rencontrer certaines "spécifications". Cela entraîne, dans le
cas envisagé de la réutilisation de déchets, à se retrouver dans la situation où un matériau n'a pas de spécifications car il est
nouveau et peu utilisé, et il n'est pas ou peu utilisé car il n'est pas couvert par des spécifications ! Ces considérations ont pour
avantages de montrer que, dans tous les cas, il convient d'évaluer l'opportunité de la réutilisation des déchets à plusieurs niveaux
:
1. évaluation technique :
• caractérisation des déchets : propriétés physiques, mécaniques et chimiques;
• durabilité et évolution dans le temps;
• constance des performances du déchet;
2. évaluation logistique et économique :
• endroit de production des déchets et transports;
• conditionnement;
• quantité produite et constance de production;
3. évaluation écologique et économique :
• diminution des quantités mises en C.E.T.;
• obligation d'élimination d'un déchet.
Ce dernier aspect constitue un frein important dans le secteur de la construction, formé en grande partie de P.M.E., et où la
rentabilité du recyclage est rarement atteinte. De plus, la petitesse des entreprises fait qu’il existe peu souvent quelqu‘un qui a le
temps de connaître et de suivre la législation en matière de déchets.
Mais le frein le plus important à l’utilisation des matériaux recyclés reste le facteur psychologique : le changement est toujours
source d’angoisse ….
4.3. Conditions géographiques et socio-économiques d’installation et de viabilité des
centres de recyclage
L'installation d'une centrale de traitement de produits de démolition et la garantie ultérieure quant à la pérennité de son
exploitation, sont liées à plusieurs conditions :
• une telle installation ne peut être envisagée - condition nécessaire - que si elle est assurée, d'une part, d'un
approvisionnement suffisant en produits de démolition, d'autre part, d'un marché local laissant une marge de
manoeuvre pour la revente de granulats recyclés;
• pour assurer la pérennité de l'exploitation, la condition ci-dessus n'est pas suffisante; une deuxième condition est
nécessaire, que l'on peut mettre sous la forme de deux équations :
(a) une première équation qui garantit l'approvisionnement de la centrale en produits de démolition :
(coût du transport des démolitions à la centrale + redevance d'entrée)
< (coût de transport des démolitions en C.E.T. + "droit" de C.E.T.)
(b) une deuxième équation qui garantit la revente des matériaux recyclés
(coût de traitement des déchets + coût de transport à pied d'oeuvre7)
< (coût de production des granulats traditionnels + coût de transport à pied d'oeuvre).
Ces coûts sont en général nuls dans la mesure où la centrale à béton est souvent située au même endroit que le centre de
recyclage.
7
21
En ce qui concerne la "production" de déchets de démolition, diverses études menées notamment aux U.S.A., en GrandeBretagne et aux Pays-Bas [B2] montrent que les ratios de production vont de 0.25 à 0.73 tonnes par habitant et par an. En
admettant qu'il faille un rendement de 100 à 250 t/h de matériaux recyclés pour rentabiliser une centrale de traitement - soit de
l'ordre de 200.000 t/an - on aboutit à la constatation que ce type d'installation ne peut s'implanter que dans des zones urbaines
d'au moins un million d'habitants pour être assuré d'un approvisionnement suffisant. Les chiffres récents [B11] montrent une
production moyenne en Belgique de l’ordre de 1000kg de déchets de construction et de démolition par an et par habitant, ce qui,
en parallèle avec le développement de techniques de « déconstruction », devrait assurer un gisement suffisant pour assurer la
rentabilité de telles opérations. Le chiffre de 200.000 tonnes est toutefois probablement exagéré et le seuil de rentabilité semble
plutôt se situer autour de 60.000 à 70.000 tonnes par an. Mais il faut également noter ici le caractère régulateur et facilitateur
des législations mises en place par les pouvoirs publics : la récente interdiction de mise en décharge des déchets inertes non
ultimes contribue à l’augmentation du gisement et à la recherche de voies nouvelles de valorisation : les terres améliorées à la
chaux constituent de ce point de vue un bel exemple qui a permis à des déchets peu nobles de retrouver une valeur ajoutée et
donc un intérêt économique pour son propriétaire [S1].
En ce qui concerne l'aspect revente des matériaux recyclés, l'installation de la centrale sera d'autant plus "assurée" qu'on se
trouvera face à :
• des conditions d'approvisionnement en matériaux traditionnels difficiles;
• un besoin important de matériaux indispensables à caractéristiques techniques réduites, ce qui permet d'élargir le
champ d'utilisation de déchets de démolition en favorisant le traitement et le réemploi des déchets de moindre qualité.
C'est le cas notamment des zones urbaines en pleine évolution à forte densité de voiries secondaires.
Sur cet aspect, on retiendra donc que l'élément fondamental est le choix du site d'implantation de la centrale, au plus près de la
zone urbaine pour minimiser le transport des produits de démolition, la perception d'un droit d'entrée étant fonction de la capacité
de l'installation à traiter et à éliminer la totalité ou une partie seulement de ces produits. La garantie de revente des recyclés pose
essentiellement le problème du coût du traitement des matériaux de démolition, qui est en général supérieur au coût de
production des matériaux naturels équivalents.
4.4.
Conclusions
La gestion des déchets est assez complexe dans le domaine de la construction, par rapport à d’autres domaines d’activités, pour
une série de raisons [B14] :
• le secteur n’est pas toujours directement concerné car c’est le client qui choisit les matériaux ;
• il est difficile d’évaluer correctement la quantité de déchets produits au stade du projet ;
• l’entrepreneur a souvent l’entièreté de la responsabilité de la gestion des déchets, sans pour autant avoir la
rémunération appropriée (et prévue) ;
• le secteur n’a pas de lien direct (et donc pas d’intérêt) avec le secteur de la gestion des déchets ;
• les solutions existantes ne sont pas toujours connues ;
• les distances sont un frein au recyclage ;
• la législation n’est pas toujours simple entre les niveaux de pouvoir régionaux, nationaux et européens.
22
5. Contraintes et mesures en relation avec la politique de gestion des
déchets de construction et de démolition
5.1.
Cadre légal aux niveaux européen, fédéral et régional
5.1.1.
Normalisation européenne. Directive Produits de Construction. Marquage CE
5.1.1.1.
Directive Produits de Construction
La directive 89/106/CEE du Conseil [L2], relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des états-membres concernant les produits de construction a été approuvée le 21 décembre 1988. Elle a été
modifiée par la directive 93/68/CEE du Conseil du 22 juillet 1993 [L3]. L'objectif de cette directive est d'assurer la libre circulation
de l'ensemble des produits de construction, c'est-à-dire les produits destinés à être incorporés de façon durable dans les
ouvrages de construction, dans l'Union Européenne, par l'harmonisation des législations nationales concernant les exigences
essentielles de ces produits.
Six exigences essentielles constituent l'enveloppe des réglementations techniques en vigueur dans les états européens dans le
domaine de la construction. Elles visent essentiellement à s’assurer « du bien-être » des citoyens européens dans l’utilisation
des produits de construction ; elle agit donc clairement au niveau de la prévention des déchets, du gaspillage d'énergie et de
l'effet de l'activité humaine liée à la construction sur l'environnement.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les aspects environnementaux, le document interprétatif concernant l'exigence
essentielle n°3 "Hygiène, Santé et Environnement" traite expressément des exigences nécessaires pour un environnement
intérieur sain pour ses occupants. La conception et l'exécution des travaux doivent tenir compte de:
• l'environnement thermique ;
• l'éclairage ;
• la qualité de l'air ;
• l'humidité ;
• le bruit.
L'environnement thermique, l'éclairage et le bruit, ne sont pas traités directement dans le document interprétatif n°3. Certains
aspects des deux premiers éléments sont traités dans les documents interprétatifs "Sécurité d'utilisation" et "Economie d'énergie
et isolation thermique". La protection contre le bruit est développée dans le document interprétatif "Protection contre le bruit".
La DPC prévoit que : "l'ouvrage doit être conçu et construit de manière à ne pas constituer une menace pour l'hygiène, ou la
santé des occupants ou voisins du fait notamment de:
• dégagement de gaz toxique ;
• la présence dans l'air de particules ou de gaz dangereux ;
• l'émission de radiations dangereuses ;
• la pollution ou de la contamination de l'eau ou du sol ;
• défauts d'évacuation des eaux, des fumées ou des déchets solides ou liquides ;
• la présence d'humidité dans les parties de l'ouvrage ou sur les parties de l'ouvrage".
Le document interprétatif expose alors la nature des différents aspects spécifiques de l'exigence essentielle n°3 ainsi que les
méthodes de contrôle correspondantes, décrit les éventuelles spécifications techniques applicables à l'ouvrage et définit les
caractéristiques des produits.
Les produits de construction doivent donc être conçus, fabriqués, utilisés, recyclés et, finalement, éliminés dans le respect de
l’environnement humain et naturel dans lesquels ils se trouvent.
5.1.1.2.
Marquage CE des produits de construction
La conformité des produits à la partie harmonisée des normes est manifestée par l'apposition du marquage CE. Depuis le 1er juin
2004, le marquage CE est devenu obligatoire pour tout type de granulat mis sur le marché européen [B10]. Ce marquage,
introduit en application de la directive européenne 89/106/CEE « Produits de construction », atteste de la conformité du produit
aux exigences essentielles formulées par rapport aux applications prévues. Il confirme que les caractéristiques du produit
correspondent à celles formulées dans les normes européennes harmonisées.
En ce qui concerne les granulats, l’approche adoptée dans les nouvelles normes européennes se distingue sous différents points
de vue des coutumes nationales en vigueur jusqu’à présent. Le premier grand changement concerne le champ d’application des
23
nouvelles normes : si les normes nationales traitaient les différents granulats par types de produit, les nouvelles normes se
réfèrent aux domaines d’application. Ceci signifie par exemple que la norme EN 12620 « Granulats pour bétons » couvre aussi
bien les graviers que les sables destinés à être utilisés dans la confection du béton.
Ensuite, il faut noter que les nouvelles normes s’appliquent non seulement aux granulats naturels, mais aussi aux granulats
artificiels ou recyclés. Ces deux derniers types sont donc mis sur un niveau d’égalité avec les granulats naturels, ce qui devrait
avoir un impact positif sur leur emploi dans le domaine de la construction. Cependant, les normes précisent également que le
manque d’expérience avec ce type de granulats impose la prudence lors de leur mise en œuvre. Cette mise en garde des
prescripteurs vis-à-vis de ce matériau ne peut que renforcer les réticences auxquelles les granulats recyclés se voient déjà
confrontés.
D’autres difficultés relatives à l’application du marquage CE aux granulats recyclés trouvent leur origine dans les nouvelles
normes européennes elles-mêmes. Ainsi, les méthodes d’essai proposées par le Comité Européen de Normalisation (CEN) sont
essentiellement inspirées par les méthodes « classiques » relatives aux granulats naturels et ne conviennent pas toujours aux
granulats recyclés. De même, certaines caractéristiques de ces derniers ne sont pas prises en compte correctement ou, pire, pas
du tout prises en compte. Ainsi, jusqu’à présent, aucune norme ne se préoccupe de la classification des granulats de débris
selon leur composition, qui, pourtant, influence considérablement les caractéristiques de ces granulats.
Outre ces changements qui modifient l’approche des producteurs et des prescripteurs dans ce domaine, un autre aspect devient
essentiel au niveau des producteurs : l’apposition du marquage CE s’accompagne obligatoirement de la mise en place d’un
système de contrôle de la qualité. Cette démarche amène un nombre important d’entreprises du secteur à changer les habitudes,
à réviser et à adapter le processus de fabrication de leurs produits. L’introduction d’un tel système ne peut se réaliser sans
investissements financiers, mais elle exige également une évolution des mentalités.
Cependant, certaines particularités relatives aux granulats recyclés rendent l’instauration du système qualité difficile au niveau
des centres de recyclage. Le frein le plus important à ce niveau est certainement la variabilité de la matière première.
5.1.2.
Normalisation belge. Prescriptions techniques sur les produits de construction.
Les normes européennes sont transcrites en droit belge via l’Institut Belge de Normalisation [S8]: les normes européennes ont
donc un numéro « belge » de classification. De plus, un système de certification BENOR8 permet l’obtention d’un label
garantissant la qualité des matières secondaires : adopté en Flandre [B11], il fait actuellement l’objet de discussions entre les
pouvoirs publics wallons et COPRO9.
5.1.3.
Règlementation régionale. Permis. Cahiers des charges
La gestion des déchets relève de compétences régionales exercées notamment par l'Office Wallon des Déchets (Direction des
Ressources Naturelles et de l'Environnement du Ministère de la Région Wallonne). Au travers des différents arrêtés du
gouvernement et du Plan Wallon des Déchets "Horizon 2010", la réglementation wallonne vise à donner la priorité à la
prévention, afin de diminuer la production de déchets (par exemple, exiger l’emploi de technologies propres pour l’octroi d’un
permis). Le plan vise aussi à favoriser le recyclage et la valorisation des déchets produits par une collecte sélective de ceux-ci
[B12]. Les principaux décrets relatifs aux déchets sont (Tableau 7):
8
9
BENOR : marque déposée, propriété de l’I.B.N. (www.ibn.be)
COPRO : Organisme impartial de Contrôle de Produits pour la Construction (www.copro.info).
24
Tableau 7 – Principaux règlements, décrets et arrêtés du gouvernement wallon (AGW) en matière de gestion des déchets de
construction et de démolition
Intitulé
Objet
AGW du 23.02.1995
Circulaire relative à l'organisation de l'évacuation des déchets dans le cadre des travaux publics
en Région Wallonne.
AGW du 14.06.2001
Favorisant la valorisation de certains déchets
AGW du 25.01.2002
Catalogue wallon des déchets
RW 99
Cahier des Charges type du Ministère de l’Equipement et des Transports
AGW du 14.06.2001
Formulaires de demande d’enregistrement
AGW du 27.05.2004
fixant les conditions intégrales relatives aux cribles et concasseurs sur chantier visés à la
rubrique 45.91.02. et fixant les conditions intégrales d'exploitation relatives aux stockages
temporaires sur chantier de construction ou de démolition de déchets non triés visés à la
rubrique 45.
RW 99 (nouvelle version Cahier des Charges type du Ministère de l’Equipement et des Transports
2004)
5.1.3.1.
Classement et gestion des déchets de construction et de démolition
La production, le stockage (même momentané), le transport ou l’utilisation de déchets sont soumis à permis et autorisations. Le
permis - permis unique (urbanisme et/ou environnement) - ou la déclaration s’imposent pour implanter, exploiter ou déplacer les
installations ou exercer une série d’activités [B25, pp. 5 et 6] dans les cas suivants (Fig. 10):
Permis ou
déclaration
Nouvelle
activité ou
installation
Extension ou
transformation
Déplacement et
transport
Figure 10 – organigramme définissant les cas nécessitant permis ou déclaration [B25].
Le cas particulier des chantiers de construction est visé à la rubrique 45 de l’Arrêté du Gouvernement Wallon établissant la liste
des installations et activités classées. Les déchets produits sur chantier doivent faire l’objet d’une valorisation ou d’un stockage
en C.E.T.10 en rapport avec leur nature [B26, pp. 25 à 29]: les déchets de construction et de démolition sont classés en déchets
dangereux, déchets non dangereux et déchets inertes [B26, pp. 13-14]. Un système de traçabilité des déchets est instauré. Il se
traduit par des formulaires de transport, des registres de déchets et des déclarations de détention [S10].
Depuis le 1 janvier 2006, il est interdit de mettre en C.E.T. des déchets inertes ; ne peuvent être stockés en C.E.T. de classe III
que les déchets considérés comme « ultimes ». Passée la période de changement et d’adaptation à la nouvelle réglementation,
il semble que la mesure commence à être intégrée par le secteur.
5.1.3.2.
Responsabilités
En ce qui concerne les responsabilités, il faut faire la distinction entre responsabilité légale et responsabilité contractuelle : selon
la réglementation relative aux déchets, c'est celui qui produit les déchets (l'entrepreneur) ou qui les détient (le maître d'ouvrage)
qui doit les gérer conformément à la réglementation, indépendamment de savoir qui va en supporter les coûts. Mais il existe
toujours la possibilité de confier la gestion des déchets à des tiers, pourvu que cela soit fait correctement et dans la légalité. De
plus, la clause très fréquente dans les cahiers des charges des travaux publics et privés selon laquelle les déchets de démolition
10
Pour rappel, à partir du 1er janvier 2006, les C.E.T. de classe III ne peuvent plus recevoir que des déchets ultimes.
25
appartiennent à l'entrepreneur ne dispense cependant pas le maître de l'ouvrage de l'obligation légale et de la responsabilité
légale qui en découle.
Ceci n’est pas sans incidence sur l’environnement dans la mesure où la gestion des déchets constitue un poste à part entière
dans le cahier spécial des charges et doit être prise en compte dans la passation du marché.
5.1.3.3.
Permis d’urbanisme, permis d’environnement
Une première approche de l'appréciation de l'impact d'une activité de construction sur l'environnement se retrouve dans le
permis d'environnement, qui force l’architecte/l'entrepreneur à une réflexion assez large sur l'analyse des conséquences de son
activité sur l'air, le sol, l'eau, le matériel, le bruit ou encore la production de déchets [B13]. Il est notamment interdit d'abandonner
les déchets ou de les manipuler n'importe comment, sans respecter les dispositions légales et réglementaires en la matière. Les
déchets doivent être gérés dans les conditions nécessaires pour en limiter les effets négatifs sur l'air, le sol, la flore, la faune,
éviter les incommodités par le bruit et les odeurs et, d'une façon générale, sans porter atteinte ni à l'environnement ni à la santé
de l'homme. La gestion des déchets doit être effectuée prioritairement par la voie de la valorisation, ou, à défaut, par la voie de
l'élimination.
5.1.3.4. Cahiers des charges types
Le cahier des charges type RW99 du Ministère de l’Equipement et des Transports (MET) intègre un certain nombre de produits
recyclés en provenance des chantiers de construction et de démolition, en remplacement de matériaux naturels. Il est utilisé
également par le Ministère de la Région Wallonne, en charge des pouvoirs locaux (Fig. 11)11.
1 (A)
2 (B)
3 (C)
4 (D)
5 (E)
6 (F)
7 (G)
Tableau 8 – granulats de débris de construction et/ou de démolition (RW99)
C.4.3.5.
C.4.3.6.
C.4.3.7.
C.4.3.8.
Granulats et Granulats de
Granulats de
Granulats de
débris de
débris mixtes
débris de
débris
béton
maçonnerie
hydrocarbonés
Concassés de béton et matériaux
> 90
> 40
< 40
< 30
pierreux naturels (débris de béton,
granulats avec gangue de mortier,
pierres naturelles, gravier, …)
Matériaux type maçonnerie (briques,
<10
> 10
> 60
mortier, tuile en terre cuite, …)
Autres matériaux pierreux artificiels
<5
<5
<5
(carrelages, ardoises, plinthes
carrelages, scories, béton cellulaire,
argile expansée, …)
Matériaux hydrocarbonés (enrobés
<5
<5
<5
> 70
hydrocarbonés, bitume, goudron,
roofing, …)
Matériaux non pierreux (gypse,
< 0,5
<1
<1
<1
caoutchouc, plastique, isolation,
verre, métaux, chaux, plâtre, …)
Matériaux organiques (bois, déchets
< 0,5
< 0,5
< 0,5
< 0,5
de plantes, papier aggloméré, …)
Matériaux spéciaux à décrire (p.e.
asbeste-ciment, …)
Masse volumique sèche (kg/m³)
> 2200
> 1900
> 1600
>2200
Absorption d’eau après 24h (%)
< 10
< 15
< 20
< 10
C.4.3.9.
Granulats de
débris
bitumineux
<5
-
> 95 (1)
<1
< 0,5
> 2200
<5
(1) ne peuvent contenir du goudron
Ce type de cahier général des charges n’existe cependant pas dans les autres domaines de la construction (bâtiments publics,
sociétés régionales du logement, … etc).
Le cahier des charges précise, pour chaque catégorie de granulat – colonne – la quantité minimale ou maximale de déchets :
les granulats de débris de béton (C.4.3.5.) doivent contenir plus de 90% de concassés de béton et matériaux pierreux naturels
(1(A)), moins de 10% de matériaux type maçonnerie (2(B)), … etc.
11
26
Concernant le cas particuliers des débris d’asphalte, des taux maximum de 50% sont admis dans la fabrication de nouveaux
enrobés.
5.1.3.5.
Cas particuliers des terres
Dans les filières de valorisation des déchets de construction et de démolition, les terres constituent un cas à part : en effet,
suivant l’arrêté du gouvernement wallon du 14 juin 2001, ces terres peuvent être employées pour le « remblayage et
l’aménagement de décharges, … » ; si elles sont conformes, elle nécessitent le permis classique d’urbanisme en cas de
modification du relief du sol et un enregistrement de la part de l’entrepreneur. Si la provenance ou la « qualité » des terres n’est
pas connue avec certitude et si elles doivent être stockées de façon temporaire – rappelons qu’un déchet ne devient « produit »
que lorsqu’il a été réellement utilisé - , l’octroi d’un permis d’environnement et d’un permis d’urbanisme (permis unique) est
nécessaire. Un système de certification des terres devrait permettre une « dé-responsabilisation » des entrepreneurs ou
donneurs d’ordre sur les conséquences civiles et/ou pénales d’une pollution inattendue.
D’autre part, l’arrêté du Gouvernement Wallon du 18 mars 2004 portant sur la liste des matériaux qu’il est interdit de mettre en
décharge, concerne notamment les déchets répertoriés « 17.07.95 », à savoir les déchets de démolition des bâtiments, non
mélangés à des matières putrescibles ou combustibles. Ces déchets constituent un mélange de toute une série de déchets
inertes, qu’il est techniquement difficile de valoriser tels quels : il est donc nécessaire de procéder à une ou plusieurs opérations
de séparation et de criblage, de façon à séparer les débris de béton, maçonnerie, … de la fraction terreuse.
Cela constitue une opération actuellement coûteuse, qui nécessite encore quelques mises au point afin d’améliorer ou de
changer les process mais qui apparaît de plus en plus comme une réelle solution pour ce genre de déchets.
5.1.3.6.
Coût de la gestion des déchets
Sauf en ce qui concerne spécifiquement les déchets d’emballage et la gestion des déchets dans le cadre des travaux publics
(RW99 pour les travaux de voirie), la réglementation ne répond pas à la question de savoir à qui revient la charge du coût de la
gestion des déchets. Le contrat doit donc être clair à ce sujet ; un principe général instauré en matière d’environnement voudrait
également que le véritable pollueur soit le payeur.
Le coût du tri sur chantier est variable mais devra inclure nécessairement la location du container (environ 137€, [B11, 2005]).
En fonction de ce que le container contient, les tarifs seront alors très différents : pour les déchets inertes, aucun supplément
n’est généralement réclamé. Pour les déchets à destination d’un C.E.T. de classe II, un supplément de 0,124€/kg (2005) est
souvent demandé.
En ce qui concerne la mise en décharge dans un C.E.T. de classe III, on peut compter sur un coût de versage compris entre 10
et 15€ la tonne (2005).
Les pouvoirs publics possèdent dans la taxation relative à la mise en décharge un bras de levier important pour leur politique de
gestion des déchets de construction et de démolition : une augmentation de la taxe permet en effet de favoriser le recyclage et la
valorisation. L’interdiction de stockage de déchets inertes non ultimes en C.E.T. de classe III en est une autre. Mais ces
mesures ne sont efficaces que s’il existe un marché pour les produits recyclés, à un coût raisonnable et économiquement
rentable.
5.1.3.6.
Incitants financiers
Outre les aspects juridiques sur lesquels le Gouvernement Wallon peut agir aux travers des lois et arrêtés
qu’il prend en matière de prévention et gestion des déchets, des incitants financiers ont été mis en place
afin d’encourager les particuliers et les entreprises à prendre en compte la gestion de l’environnement :
primes, exonérations, déductions fiscales, avances récupérables, prise de participation, … etc [B28].
27
5.2.
Management environnemental
Une étape importante dans la prise en compte de l’impact de l’activité sur l’environnement réside dans le développement du
« Management environnemental et construction » (Fig. 11), qui s’efforce de prévenir, limiter, remédier à la pollution liée aux
activités humaines et touchant l’eau, l’air, le sol, le bruit, les déchets, le paysage.
Projet de
construction
Maîtrise des risques
environnementaux
remise de prix
préparation du chantier
exécution des travaux
comptes et facturation
Enjeux sociaux,
économiques,
juridiques
Agir et prévenir à
chaque stade
Figure 11 – principes du management environnemental dans la construction [B28].
Afin d’aider les entreprises dans leur démarche de gestion de l’environnement, le Centre Scientifique et Technique de la
Construction a publié un document [B29] qui explique l’implantation du système de Management Environnemental ISO 14000.
5.3.
Centres de traitement et de recyclage
Dans le cadre d'un Arrêté du Gouvernement Wallon, du 7 juillet 1994, la Région Wallonne, au travers de la
SPAQuE, a décidé de participer à la création d’un réseau de centres de recyclage de déchets inertes. La
société TRADECOWALL [S1], pour TRAitement des DEchets de COnstruction en WALLonie a été fondée
en février 1991 sous la forme d’une société commerciale coopérative, dans le but de mettre en œuvre :
- des politiques de gestion des déchets de construction et de démolition produits en Région
Wallonne,
- des solutions pratiques et fiables relatives à l’élimination des déchets inertes et des terres de déblai
excédentaires provenant des chantiers de construction et de démolition,
- des procédés et filières de valorisation de ces mêmes déchets.
28
Tradecowall est le fruit d’un partenariat entre la Confédération Construction Wallonne (CCW), la Région
Wallonne (via la SPAQuE [S5]), le CSTC, le CRR et plus de 230 entreprises du secteur. Elle a été chargée
de constituer des sociétés d'exploitation dans lesquelles la Région Wallonne a pris une participation
minoritaire aux côtés des Intercommunales et des acteurs du secteur privé concernés. Les déchets inertes
de démolition de bâtiments et de voiries y sont acceptés ainsi que les déchets inertes provenant des parcs
à conteneurs publics. Les tarifs sont plus économiques que la mise en C.E.T. (absence de taxation) et
varient suivant la qualité des déchets. Ces installations permettent de produire des granulats recyclés de
calibres différents, de qualité constante et à des tarifs compétitifs car inférieurs aux prix pratiqués par les
carrières.
Cinq sociétés (2006) gèrent actuellement 9 centres de recyclage:
• Recymex Châtelet en province de Hainaut (est)
• Recymex Saint-Ghislain en province Hainaut (centre)
• Recynam Lives-sur-Meuse en province de Namur (nord)
• Recynam Wellin en province de Namur (sud)
• Valorem Mont-saint-Guibert en province de Brabant Wallon
• Valorem Chaumont-Gistoux
• Recyliège île Monsin en province de Liège.
• Recyliège Terril de la Chatqueue
• Recyhoc Vaulx en province de Hainaut Occidental.
Figure 12 - répartition géographique des centres de recyclage pour déchets de construction
Ces centres [B22] traitent 750.000 tonnes/an [B12, 2005], ce qui représente entre 25 et 30% du marché wallon et 100% de ces
déchets sont valorisés, principalement dans les remblais, sous-fondations, bétons maigres, … etc.
En date du 21 novembre 1991, le Ministère de l'Environnement a également octroyé à TRADECOWALL l'agrément en qualité
d'exploitant de Centres d'Enfouissement Technique de classe III. Dans le but d'étendre les activités de la société à tout le
territoire, deux filiales provinciales ont été fondées : TRADECOLIEGE et TRADECOHAINAUT. En collaboration avec les
Intercommunales de gestion des déchets de leur région, ces filiales ont créé chacune une société d'exploitation de C.E.T. de
classe III ; SOVADECO, en collaboration avec l'IDEA pour Tradecohainaut et SIDECO, en collaboration avec INTRADEL pour
Tradecoliège. Depuis son siège de Namur, TRADECOWALL gère quant à elle les autres provinces ainsi que deux C.E.T. de
classe III : Aisemont à Fosses-la-Ville en province de Namur et Marouset à Braine-le-Comte en province de Hainaut.
29
Dans le but de réserver la solution d’enfouissement technique à des déchets réellement ultimes, TRADECOWALL a réalisé une
première en Wallonie, en obtenant la possibilité d’exploiter des centres de recyclage sur les lieux même des C.E.T.
Enfin, elle mène des expériences pilotes de récolte des déchets de plastique rigide de la construction et de valorisation des terres
saines de déblai (code 170504) via de véritables projets d’aménagement du territoire (par exemple : réhabilitation de sites
industriels désaffectés (Carrières de Silex à Maisières et Briqueterie de Gembloux ).
D’autre part, la FEdération des REcycleurs de DEchets de COnstruction en Région Wallonne est une
association qui regroupe des entreprises qui travaillent dans le domaine du recyclage de déchets inertes, et
disposant d’une ou plusieurs installations de traitement. Elle complète, avec Tradecowall, et en
collaboration avec des entrepreneurs privés, la couverture du territoire wallon (Fig. 12).
5.4.
Actions des centres et fédérations en termes de formation et d’information
5.4.1. MARCO
Des campagnes de sensibilisation ont été mises sur pied et visaient non seulement à gérer la production de
déchets sur chantier mais aussi, dans la mesure du possible, à en limiter la production.
Ces travaux (MARCO [S4], Management des risques environnementaux dans les métiers de la
construction) ont débouché sur l’édition d’un Guide Pratique, d’un Outil Didactique, d’une brochure « Pour
commencer » et d’un Guide des Déchets, complétés de formations de formateurs (Enseignement, FOREM,
IFPME) et de séances d’information à l’attention des entreprises. Par la suite, la gamme des outils
proposés a été élargie à une Cassette Vidéo, un Aide-mémoire, une Plaquette, un Cd-rom et un Site
internet.
Ces documents et formations sont destinés non seulement aux chefs d’entreprises, pour les informer
d’abord sur l’aspect règlementaire et les filières de valorisation des déchets, mais aussi aux ouvriers et
chefs d’équipe qui, sur le terrain, doivent prévenir la production et/ou gérer les déchets.
5.4.2.
MEDECO (MEtré des DEchets de Construction)
Réalisé par le Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC) en collaboration avec la
Confédération Construction Wallonne (CCW) et Tradecowall , et financé par la Région wallonne, l’outil a été
réalisé sous le pilotage d’un comité associant également des représentants des architectes, des maîtres
d’ouvrages publics ainsi que de l’Office wallon des déchets.
Le logiciel MEDECO [S2] a pour but de faciliter et améliorer la gestion des déchets de démolition et de
rénovation de bâtiments dans le cadre des travaux publics et privés, tant dans le chef des auteurs de
projets que dans le chef des entrepreneurs. Il vise à aider les acteurs de la construction à réaliser un
diagnostic complet, rapide et fiable avant de procéder à la démolition sélective (ou la rénovation) d’un
bâtiment, en établissant un métré aussi précis que possible des quantités de matériaux à recycler ou
valoriser. Basé sur les concepts de « dé-construction » et de démolition sélective, c’est un outil destiné en
priorité aux maîtres d’ouvrages publics et privés, aux architectes et aux bureaux d’études mais il est
également utile aux entreprises de construction, particulièrement les entreprises générales ou spécialisées
dans la démolition ou la rénovation de bâtiments.
Il est, à l’heure actuelle, relativement peu utilisé, en raison essentiellement du frein psychologique lié à tout
changement.
5.4.3. Qualité & Construction
Ce site WEB [S3] est géré par l’équipe « Qualité » du Ministère de l’Equipement et des Transports (IG 42)
et a pour objet de diffuser l’information relative à la normalisation dans le domaine de la construction.
30
5.4.4. Formation continuée
La CCW organise, à travers sa Cellule « Environnement », qui est composée de trois personnes (2
équivalents temps plein formés en Eco-Conseil) des formations en prévention et gestion des déchets de
construction et de démolition. Elle apporte de plus un appui technique (et notamment en termes
d’interprétations des lois, arrêtés et règlements) à ses membres. D’autres part, certaines fédérations,
membres de la CCW, effectuent elles-mêmes un travail de formation [B24] : mais la majorité des
fédérations membres de la CCW n’ont pas de structure telle qu’elles puissent faire le travail.
D’autre part, Tradecowall, outre la gestion des centres de recyclage et d’enfouissement technique de classe
III, met sur pied une série d’actions spécifiques de formation dans les domaines de [S1]:
• La gestion des déchets en Wallonie (filières et possibilités de valorisation) ;
• Cadre juridique wallon ;
• RW99 – La valorisation des déchets ;
• RW99 – Modifications en projet dans la version 2003 ;
• Emplois des granulats recyclés et PTV406.;
• Permis d’environnement – les implications
5.5.
Recherche et développement
La recherche et le développement dans le domaine du recyclage des déchets de construction et de
démolition ont été organisés depuis quelques années sous l’égide de RECYWALL, qui regroupe les centres
de recherche collectifs fédéraux, actifs dans les domaines de la construction en général (CSTC, [L6]), la
construction routière (CRR, [L7]), la céramique (CRIBC, [L17]), le bois (CTIB, [L18]) le textile
(Centexbel,[L19]), les fabrications métalliques et plastiques (CRIF, [L16]) et les vernis et les peintures
(CoRI, [L15]).
Une expérience originale réside en la maison témoin Recyhouse, à Limelette, qui intègre une large part de
matériaux recyclés : elle constitue un exemple intéressant de valorisation de toute une série de déchets
dans le bâtiment.
D’autre part, des recherches et travaux ont lieu dans les universités et hautes-écoles sur le sujet, en
particulier dans les sections d’architecture et de génie civil. Des enseignements spécifiques sont
également proposés aux étudiants dans une série de Masters pour futurs ingénieurs et gestionnaires de
l’environnement.
Enfin, il existe des réseaux thématiques européens dans lesquels les centres de recherche sont bien
présents : on peut citer notamment ETNRECY (European Thematic Network Use of Recycled Materials as
Aggregates in Construction Industry).
5.6.
Concours « Environnement »
Organisé depuis 2000 par la Confédération Construction Wallonne, en collaboration avec le Ministère de la
Région Wallonne, un concours destiné à une ou plusieurs entreprises ayant entamé une démarche
environnementale permet d’attribuer un « Prix wallon de l’environnement dans la construction ». Il a un
succès limité, sinon confidentiel. C’est aussi un outil qui devrait être développé car, au-delà de l’aspect
« Prix », il constitue un canal important pour diffuser le message « environnementaliste ».
31
6. Conclusions générales et pistes pour l’avenir
Comme déjà mentionné précédemment, la politique de gestion des déchets repose sur trois piliers : prévention, recyclage et
élimination. Les différentes actions réalisées en Région Wallonne depuis une quinzaine d’années ont été orientées vers ces
différents objectifs, en commençant par le dernier : le stockage et l’élimination des déchets, quels qu’ils soient, sont régis par des
lois qui ont permis de transformer complètement ces concepts en passant de la « décharge » au « Centre d’Enfouissement
Technique », ouvrage conçu, réalisé et géré sur base des techniques les plus modernes.
Il a été montré que de nombreux décrets et arrêtés ont ensuite été pris afin de s’assurer de la valorisation potentielle maximale
des déchets avant élimination : la notion de déchet « ultime », peu claire et non « règlementaire », concerne un produit de moins
en moins valorisable ou recyclable. Cette notion est particulièrement vraie dans le domaine des déchets de construction et de
démolition.
L’objet de toutes les préoccupations, en termes d’innovation et de recherche, devrait donc être tourné vers la prévention.
6.1.
Prévention des déchets
Le premier axe de la politique de gestion des déchets est la prévention. Il est impératif de favoriser l’utilisation des technologies
« propres », moins consommatrices d’énergie et plus respectueuses de l’environnement. Quelques pistes sont déjà évoquées
dans MARCO [B26, p.41] ; si certaines sont faciles à mettre en œuvre, d’autres nécessitent un changement de mentalité.
A titre d’exemple, utiliser la préfabrication plutôt que la fabrication directe sur chantier implique de repenser fondamentalement la
gestion et la logistique d’un projet, et donc la formation adéquate du concepteur qui doit être sensibilisé à l’impact
environnemental de ses choix techniques. Il semble en effet qu’employer des éléments en béton préfabriqué évite les nuisances
par vibration ou bruit dues à la mise en place du béton, limite le trafic du charroi qui transporte le béton frais et réduit à néant les
déchets de béton non utilisés. Mais elle implique aussi une large réflexion sur la conception des ouvrages et des bâtiments [B17].
Plus avancée toutefois dans le domaine de l’habitat individuel (maisons « passives ») [B18, B19, B20], la démarche consistant à
intégrer dans le processus de conception la réflexion sur le cycle de vie de l’ouvrage est encore peu développée.
La « Haute Qualité Environnementale » des bâtiments [B21] prend en compte de nombreux aspects de la construction, ce qui
permet de remettre à plat la question de la qualité globale pour pouvoir hiérarchiser, dynamiser, provoquer des innovations afin
de maîtriser avec de nouveaux moyens la qualité globale des bâtiments. Celle-ci a été appréhendée jusqu'à maintenant de
manière assez technique car, en toute logique, les produits, systèmes et procédés, et le résultat de tous ces éléments qui
constituent le bâtiment, étaient principalement calculés par des ingénieurs. Mais certains aspects ne peuvent être que qualitatifs.
Ainsi, les environnementalistes ont développé des approches parce qu'elles leur étaient nécessaires.
La norme NF EN ISO 8402 définit la qualité d'une entité par : "l'ensemble des caractéristiques qui lui confèrent l'aptitude à
respecter des besoins". Une définition incontournable mais qui ne définit pas la qualité environnementale d'un bâtiment. En
restant conforme à cette norme, l'ATEQUE (atelier d'évaluation de la qualité environnementale des bâtiments [B21]) a travaillé à
une condition formelle de la qualité environnementale d'un bâtiment. "La qualité environnementale d'un bâtiment correspond aux
caractéristiques du bâtiment (le bâti et les équipements) et du reste de la parcelle de l'opération de construction ou d'adaptation
du bâtiment qui lui confèrent l'aptitude à satisfaire les besoins des maîtrises des impacts sur l'environnement extérieur et de
création d'un environnement intérieur sain et confortable". En effet, vu que des personnes vont vivre dans ce bâtiment, des
exigences vis-à-vis de l'environnement intérieur doivent aussi être définies et respectées.
N'étant pas encore capable de définir les caractéristiques de la qualité environnementale des bâtiments, les exigences et les
moyens, qui permettent de les satisfaire, ont été définis, sur base de 14 cibles (Tableau 9).
Il n'est évidemment pas aisé de tenir compte de ces facteurs qui n'en sont pas moins pour la cause très importants. Il existe des
méthodes qui permettent d'évaluer et de pondérer ces différents impacts de façon à fournir une analyse la plus objective possible
de l'effet de l'ensemble des facteurs analysés : ce sont les Analyses de Cycle de Vie.
32
Tableau 9 – cibles fondamentales pour la définition de la Haute Qualité Environnementale des bâtiments
I - Maîtriser les impacts sur l'environnement extérieur
Eco-construction = maîtriser les impacts dus au fait que l'on construit un bâtiment
1 - relation harmonieuse des bâtiments avec leur
environnement immédiat
2 - choix intégré des produits et procédés de construction
3 - chantier à faibles nuisances
Eco-gestion = maîtriser les impacts dus au fait que l'on exploite un bâtiment
4 - gestion de l'énergie
5 - gestion de l'eau
6 - gestion des déchets d'activité
7 - gestion de l'entretien et de la maintenance
II - Créer un environnement intérieur satisfaisant
Confort
8 - confort hygrométrique
9 - confort acoustique
10 - confort visuel
11 - confort olfactif
Santé
12 - conditions sanitaires des espaces
13 - qualité de l'air
14 - qualité de l'eau
6.2.
Gestion des déchets
Le développement de la réutilisation du matériau de démolition repose, aujourd'hui, sur la rentabilité économique de l'opération :
il faut que celle-ci ne soit pas plus coûteuse que l'utilisation de matériaux naturels. Différentes mesures peuvent être envisagées
:
• une réception des matériaux de démolition à titre onéreux améliorerait incontestablement la compétitivité des granulats
de recyclage par rapport aux granulats naturels. Mais celle-ci aurait un effet pervers : l'amélioration de la compétitivité
de la mise en C.E.T.; par contre, l'augmentation sensible du coût de mise en C.E.T. est susceptible de favoriser la
pratique du tri systématique des matériaux de démolition, et ainsi faciliter l'approvisionnement des installations de
recyclage. Alors seulement, une réception à titre onéreux serait envisageable, pour une commercialisation plus aisée
des granulats de recyclage. Cependant, l'augmentation du coût de mise en C.E.T. et l'approvisionnement des
installations à titre onéreux pourraient s'avérer contraires à l'objectif général et conduire à la multiplication des dépôts
sauvages. De plus, au 1er janvier 2006, ne peuvent plus être enfouis en C.E.T. de classe III que les déchets considérés
comme « ultimes ». Le problème est que cette définition est très large et nécessiterait de la part du législateur une
clarification, car elle est sujette à de nombreuses interprétations.
Pour les producteurs de granulats de recyclage, l'augmentation sensible du coût de la mise en C.E.T. est davantage
une mesure de dissuasion pour la mise en C.E.T. qu'une mesure propre à améliorer la rentabilité du recyclage. Au contraire,
elle risque de provoquer un afflux de matériaux hétérogènes dans les installations de recyclage. La conséquence immédiate
d'un
renforcement du dispositif de tri dans ces installations, afin de maintenir la qualité des produits, sera
alors
le
renchérissement des coûts de fabrication; pour conserver son utilité.
• la répercussion du coût des opérations de tri sur les prix de vente engendre une perte de compétitivité par rapport aux
granulats naturels. Le rétablissement des conditions de la concurrence devrait conduire à augmenter les coûts de
réception en centre de recyclage, ce qui permettrait de diminuer le prix de vente tout en maintenant le prix de revient.
Le développement du recyclage des matériaux de démolition ne peut pas s'envisager uniquement sur un système d'incitations,
lequel est, par ailleurs, toujours difficile à maîtriser. Il faut également qu'il puisse bénéficier de circonstances favorables,
entraînant une évolution positive de la compétitivité de la filière. A moyen terme, deux facteurs devraient largement contribuer à
cette évolution :
• l'augmentation plus rapide du coût rendu des granulats naturels. Cette tendance se dessine; elle sera le résultat de la
prise en compte d'un plus grand nombre de données de l'environnement (en cours et en fin d'exploitation), et de
l'application de nouvelles sujétions liées à l'aménagement du territoire (refus du "mitage", politique de préservation de
sites,...);
33
•
la diffusion de nouvelles pratiques dans la démolition. Avec l'accroissement du nombre des filières de recyclage, l'acte
de démolir (abattre) évolue peu à peu. Il devrait s'orienter, de plus en plus, vers une technique de déconstruction
adaptée à la récupération sélective des matériaux potentiellement valorisables. Cette option pourrait être prévue dans
les appels d'offre de démolition. Cette technique apparaît comme un des grands facteurs susceptibles d'aider au
développement du recyclage. Dans ce contexte, le tri sera plus performant, et nécessairement effectué par le
démolisseur, en amont de l'installation de production de granulats recyclés. Cela ne pourra que concourir à améliorer
l'efficience du matériel, et faciliter le suivi de la qualité de la fabrication.
Une autre piste, afin d’améliorer l’emploi de matériaux recyclés, serait d’imposer ou de favoriser financièrement l’utilisation d’un
pourcentage minimum de matériaux recyclés dans une série d’applications, en particulier en technique routière. Ce genre
d’incitant est déjà utilisé dans certains pays, dont les Pays-Bas, qui imposent 20% de recyclés dans les bétons de structure ; il
faut toutefois noter que, si ce pays est plus ouvert que la Wallonie à ce genre de mesure, c’est d’abord parce qu’il ne possède
pratiquement aucune ressource minérale naturelle. Cela veut dire que les distances de transport et d’approvisionnement en
matériaux naturels - venant pour une bonne part des carrières wallonnes - sont importantes et augmentent le coût d’achat de
façon conséquente.
Une politique efficace de valorisation nécessite aussi une « qualification » ou « certification » des produits, provenant de centres
agréés, et qui ont prouvé leur savoir faire en la matière. Toutefois, dans la mesure où les produits recyclés sont principalement
utilisés dans des applications ne requérant pas des performances exceptionnelles, il est probablement raisonnable de la part des
autorités de ne pas exiger de systèmes de certification trop contraignants.
La mise sur pied d’une Banque d’échange de produits recyclés permettrait peut être aussi de favoriser l’emploi de recyclés. A
l’instar de ce qui se fait en France (site web OFRIR [S13] pour Observatoire Français du Recyclage dans les Infrastructures
Routières), il devrait être possible, sur base des réseaux existants, de créer, par régions, une banque de données à destination
des concepteurs, des donneurs d’ordre, des maîtres d’ouvrages et des entrepreneurs, qui pourraient avoir en continu l’offre du
marché en termes de recyclés et toutes les informations légales, administratives et techniques relatives à ces produits.
En une dizaine d’années, la prise de conscience de la valeur des déchets de construction et de démolition a favorablement
évolué. Ce type de déchet a gagné en qualité technique et en valeur économique : il est devenu un produit.
34
Références
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