1) Quelle ambition pour la sociologie ? S`établir comme science

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Cours de Sociologie Politique
A. Zambiras
Plan : Le fait social
INTRO
On a un ensemble de textes cohérents, qui vont tous dans le sens d’une revendication d’une « puissance
contraignante » du fait social (Durkheim p.5) ou du « corps social » (M. Mead), et de sa capacité à modeler les
consciences individuelles.
Cette revendication coïncide historiquement au moment de la constitution d’une nouvelle discipline, la sociologie,
qui se veut « science » autonome de la société, avec un objet d’étude et une méthode qui lui sont propres.
Il faut noter d’emblée la naissance ambiguë de cette discipline dont le père fondateur Emile Durkheim présente SA
théorie comme fondation pour la discipline. Durkheim institutionnalise la sociologie en fonction de SA théorie.
► Nous ferons apparaître les présupposés sur lesquels se fonde la sociologie pour complexifier ce qui pourrait
apparaître comme une relation déterministe simple entre monde social et conscience personnelle.
→ Première partie pose la question de l’ambition de la sociologie
→ 2ème partie s’intéresse aux spécificités de l’objet de la sociologie
→ 3ème partie va s’intéresser aux invisibles de cette sociologie, pour complexifier l’idée de déterminisme que l’on
aura présentée dans les deux parties précédentes.
1) Quelle ambition pour la sociologie ? S’établir comme science autonome de la société
a) positionnement de la sociologie par rapport aux autres sciences
i) distinguer sociologie des autres sciences :
• une préoccupation qui anime Durkheim dès le 2ème paragraphe de son œuvre majeure: « si donc
ces faits étaient sociaux, la sociologie n’aurait pas d’objet qui lui fut propre, et son domaine se
confondrait avec celui de la biologie et de la psychologie » ;
ƒ ≠ biologie: car socio s’intéresse aux représentations et aux actions
ƒ ≠ psycho : car sociologie ne prend pas l’individu pour substrat mais la société (p5
Durkheim)
• préoccupation qui se retrouve 70 ans plus tard dans le texte de Lazarsfeld,
même souci de distinguer sciences sociales et sciences de la nature
[début 1er paragraphe] : « les sciences sociales et les sciences de la nature ont pour
objet commun de découvrir des régularités et de déterminer des critères de
signification. Mais il y a des différences essentielles entre les deux champs
d’investigation »
ii) Durkheim revendique toutefois une « scientificité » pour la sociologie, au même degré que celle des
sciences de la nature,
cf. vocab utilisé (« cristallise », « précipite »).
Ce que Lazarsfeld reprend à son compte quand il dit « les sciences sociales et les
sciences de la nature ont pour objet commun de découvrir des régularités ».
→ Scientificité fondée en premier lieu sur la méthode
b) Sociologie fonde son autonomie sur une méthodologie propre , en 2 volets
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i) L’importance de la statistique comme point de départ à toute démarche sociologique :
• dans le texte de Lazarsfeld : une méthode pour contrer la sociologie spontanée ;
la statistique rend visible l’objet de la sociologie,
Lazarsfeld : « puisque toute espèce de réaction humaine est concevable, il est d’une
grande importance de savoir quelles réactions se produisent en fait, le plus
fréquemment et dans quelles conditions. Alors seulement la science sociale pourra
aller plus loin »
→ [débat d’actualité : sur la statistique ethnique en France, besoin de statistique pour
mesurer les inégalités, voir où elles sévissent, comment les contrer]
•
c’est encore une des spécificité de la sociologie, son objet n’est pas donné d’emblée, il faut le
faire apparaître ; il faut le faire sortir du règne de l’évidence
Exemples du texte de Lazarsfeld, je ne développe pas
•
idem chez Durkeim p3: refuse qu’on qualifie de fait social « à peu près tous les phénomènes qui
se passent à l’intérieur de la société »
ii) autre méthode : empruntée à l’anthropologie : l’observation sur site
• Margaret Mead : l’observateur vit plusieurs années avec la population étudiée
• Se place au niveau des manifestations individuelles pour remonter aux mécanismes plus vastes
qui déterminent ces manifestations individuelles
ƒ Observe les caractères attribués à chaque sexe dans 3 groupes différents
ƒ But : remonter jusqu’aux mécanisme du « conditionnement social ».
→ les faits sociaux constituent un domaine spécifique dans ce qui nous entoure (ce sont des faits « sui generis »
Durkheim p.9) ;
2) Les spécificités de l’ objet de la sociologie: le fait social:
Une des conditions nécessaires à l’établissement d’une science autonome, c’est que l’objet de cette science soit
spécifique. En quoi le fait social est un objet spécifique ?
a) Les caractéristiques du fait social :
•
externalité à la conscience individuelle (on ne choisit pas d’aimer ses parents) :
p.6 Durkheim « la plupart de nos idées nous viennent du dehors, elles ne peuvent pénétrer en
nous qu’en s’imposant » ;
p. 4 « s’ [ils] existaient avant lui, c’est qu’ [ils] existent en dehors de lui »
•
coercitif ; s’éprouve dans la résistance (Durkheim p.4) « la preuve c’est qu’[la contrainte] s’affirme
dès que je tente de résister » ; sanction qui nous fait adhérer aux pratiques = du moins
institutionnalisé comme le rire, l’éloignement ; jusqu’au plus pris en charge par la collectivité et
codifiées dans le droit
•
« dualité de nature » du fait social (Durkheim p.8) : distinguer la généralité du fait social de son
incarnation individuelle qui en est le reflet; le moyen pour l’observer à l’état pur = par des « artifices
de méthode » p.9. i.e. observation statistique, qui permet d’agréger les cas individuels ; Durkheim
nous donne un exemple de cette méthode dans son ouvrage Le suicide, comparant le taux de suicide
dans plusieurs sociétés.
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•
effet de foule, effervescence, groupe ≠ somme des parties
b) ce que la compréhension du fait social nous révèle sur le fonctionnement de la société
•
Mécanismes d’intégration à la société :
L’intégration à la société se fait par un apprentissage contraignant : processus de socialisation, dont
l’éducation est une étape centrale
ƒ Mead souligne l’importance des 1ères années : « c’est la société qui décide de la
nature de ce conditionnement … particulièrement au cours des premières années »
•
l’éducation nous fait, nous conditionne, elle est l’un des mécanismes de transmission des pratiques
sociales ;
ƒ Durkheim p.7 éducation « consiste en un effort continu pour imposer à l’enfant des
manières de voir , de sentir et d’agir … l’éducation a justement pour objet de faire
l’être social» ;
•
ƒ
exemple les tâches de frère, d’époux : « elles ne laissent pas d’être objectives, car ce
n’est pas moi qui les ai faits, mais je les reçus par l’éducation » ;
ƒ
Texte de M. Mead se comprend ainsi comme un exemple d’étude du processus de
transmission sociale ; elle emploie même l’expression très forte de
« conditionnement social » p.252 : chez 3 peuples, à partir de caractéristiques
arbitrairement choisies (homme / femme), des dispositions sont assignées par la
socialisation et l’éducation (dispositions = solidarité, agressivité etc.) qui rendent
ensuite aptes ceux qui les possèdent à devenir ce qu’ils « sont », i.e. ce à quoi ils sont
destinés
ƒ
éducation ≠ socialisation : l’éducation est un moment dans ce processus
d’apprentissage des rôles sociaux qu’est la socialisation, c’est le moment socialement
pris en charge, théorisé et justifié de cet apprentissage (on apprend pas seulement des
connaissances, on apprend des comportements, des rôles sociaux ≠ socialisation :
c’est ce qui est inaperçu, non conceptualisé dans la transmission, opère de manière
diffuse ;
ce que ces processus nous révèlent : on n’est pas aussi libres qu’on pourrait le croire :
ƒ le choix du prénom : montre bien qu’un choix qui paraît aussi personnel et intime
que le choix du prénom de son bébé répond à une logique qui dépasse largement le
cadre de la famille nucléaire ;
ƒ
p.5 : suivre « Françoise » et « Michel » ; p.4 : non seulement il y a diffusion et effet
de mode de certains prénoms ; mais cette diffusion se fait toujours des catégories les
plus favorisées vers celles les moins favorisées :
ƒ
cf. graphiques des pyramides : courbe des « Cadres » est toujours la première ;
courbe des « agriculteurs » est toujours la dernière ;
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ƒ
→ les goûts des personnes ne sont pas aussi « libres » qu’on pourrait le croire, et ils
sont en large part déterminés par le milieu social d’origine des personnes.
Transition I→II : Ms cet exemple nous invite aussi à revenir sur la conception Durkheimienne de la société et à la
complexifier, notamment pcq la vision de Durkheim permet difficilement de penser la notion de conflits entre ces
différents groupes sociaux
3) Les invisibles de la sociologie Durkheimienne
Dans l’ensemble du dossier se déploie la proposition que nous sommes façonnés par la société, par le groupe dont
nous faisons partie. Dans cette partie, on va se demander ce que cette proposition exclut.
a) Une société non homogène
i) Complexifier l’hypothèse de Durkheim grâce au doc sur les prénoms dans différentes classes sociales :
montre l’existence de groupes sociaux ;
• on peut même parler d’une cartographie du monde social : exemple du graphique VI : tracer
ligne au niveau du taux de diffusion du prénom « Sylvie » en 1950 chez les cadres, les autres
catégories s’en éloignent comme des « zones » géographiques, et finissent par rattraper leur
retard
→ il faut prendre en compte les différentes composantes de la société ; Durkheim raisonne à partir
de la notion de « société » au sens large, il faut complexifier et prendre en compte les différents groupes
sociaux.
ii) Durkheim postule une société homogène et cohérente, avec des comportements humains entièrement et
identiquement façonnés par le corps social
• L’invisible = possibilité de conflit social : comment penser le conflit social ? Vision d’une
société sans conflit (Aron 390) où règnerait accord sur le bien/mal (dans texte de Durkheim,
idée que tout le monde est d’accord sur le droit etc.) ; une réalité lissée
•
Même remarque à Mead p.252: « la nature humaine est éminemment malléable, obéit
fidèlement aux impulsions que lui communique le corps social » : comment penser la
diversité du corps social (en France, tous les hommes ne sont pas agressifs et toutes les
femmes soumises).
b) Le libre-arbitre est-il possible ?
•
L’idée qu’on est entièrement façonnés par la société supprime toute subjectivité Durkheim p6 :
« quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux, ou de citoyen […] je remplis des devoirs
qui sont définis, en dehors de moi »
ƒ → on n’aime son frère parce que c’est un devoir, pas par choix, mais cette idée
supprime aussi l’idée qu’on puisse ne pas aimer son frère ;
ƒ autre formule qui montre la suppression du libre arbritre p.6 « la plupart de nos
idées et de nos tendances ne sont pas élaborées par nous » ;
ƒ ou encore : 1ère page : « [à propos des devoirs de frère] Alors même qu’ils sont
d’accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité,
celle-ci ne laisse pas d’être objective ; car ce n’est pas moi qui les ai faits »
ƒ Si ces normes de conduites ne sont pas dans les consciences individuelles, où
sont elles ? Durkheim supprime l’individu mais c’est lui qui porte ces manières
d’être et de faire
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ƒ
= toute appréhension des faits sociaux passe par la conscience personnelle, on n’a
pas de conscience qui soit collective
•
→ Durkheim explique tout par l’habitude, ce qui exclut que les individus agissent pour des
raisons fondées (pourrait-on faire croire n’importe quoi à l’individu ?)
•
D’autre part, si on postule que les gens croient parce qu’on leur dit de croire (par l’éducation, la
socialisation…) comment penser le changement ? comment penser l’évolution des sociétés ?
CONCLUSION:
Pour résumer brièvement, je reprendrais les présupposés sur lesquels s’est établie la sociologie :
_elle est une science qui se présuppose comme objective, conforme au modèle des autres sciences,
_ac une méthode qui lui est propre (la statistique qui se veut elle aussi une méthode d’investigation objective,
AUSSI avec emprunts du côté des anthropologues)
_ac un objet spécifique : le fait social
Ces présupposés font naître plusieurs difficultés :
_comment penser le conflit, le changement social
Je conclurai de manière plus large, sur la conception de l’homme qui est postulée ici : une conception hobbesienne,
d’un homme dominé par un égoïsme naturel qui a besoin d’être discipliné
Plan : Le fait politique
Fait est politique quand il appartient au champ politique
Les textes nous invitent à nous interroger sur l’existence même du champ politique
1. Existence problématique du champ politique
a. Un champ politique qui n’est pas donné d’emblée
I.e. il faut s’interroger sur les conditions de la genèse du champ politique
•
•
•
•
•
•
Résultat d’un processus historique de différenciation / complexification (Durkheim)
Le champ politique est une région autonome du monde social (Bourdieu Penser la politique et Durkheim) ;
définition champ : un ensemble de rapports de force entre des agents engagés dans une activité commune,
et s’efforçant d’acquérir les biens qu’elle procure (l’obtention de titres, de rang, de capital symbolique)
Après processus historique de division du travail social, champ politique émerge et remplit une fonction
(définition organiciste de la société : i.e. la société est pensée sur le modèle d’un organisme) + définition
fonctionnaliste de la société (Durkheim)
Exemple chez les cosaques, dans paragraphe sur les « Fonctions » de l’assemblée = elle détient la totalité
du pouvoir
Un champ politique qui se transforme : en accueillant de nouveaux agents : les journalistes
La naissance du champ politique est problématique, tout comme l’est son maintien
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b. Champ politique comme espace de luttes :
i. Lutte au sens propre : Cosaques
loi du plus fort, atteindre consensus en criant + bagarre (menaces d’être noyé ou massacré si
on est en désaccord)
ii. Lutte au sens symbolique : Bourdieu
_plus le champ s’autonomise, plus la frontière symbolique entre les inclus et les
exclus devient étanche;
_le champ repose sur la notion de distinction entre les profanes et les professionnels
(distinction marquée dans les corps, la parole…) ; les différentes fonctions ne s’inscrivent pas
dans les corps
_lutte qui prend la forme de dépossession : « il est important de savoir que l’univers politique
repose sur une exclusion, sur une dépossession »
_les agents se maintiennent dans le champ grâce à des attributs symboliques : « capital
symbolique lié à la manière d’être perçu » ; Idem cosaques : viennent déposer les attributs de
leur fonction ; l’idée que le pouvoir politique est inséparable d’un cérémonial (chez les
Cosaques et aujourd’hui)
→ champ politique comme espace de luttes symboliques et bagarre
Nous invite à nous interroger sur les manière de faire de la politique, et donc à nous interroger sur ce qui constitue
un fait politique
2. Définition problématique d’un fait politique
a. qu’est-ce qu’un fait politique légitime
•
•
Darras : nous invite à réfléchir sur ce qui constitue un fait politique
Critique de Bourdieu : il faut prendre en compte d’autres faits politiques, d’autres agents politiques que
ceux qui ont « le monopole de la manipulation légitime des biens politiques » ; idem Arnaud Guionnet
• Nous invite à élargir la frontière du champ politique « tout fait culturel a une dimension politique » ;
Champ pas autonome (Arnaud Guionnet)
Qui décide de ce qui constitue un fait politique légitime ?
b. l’observation problématique du fait politique
•
•
•
•
C’est le travail du politiste : objectiver le fait politique, s’interroger sur ce qui est considéré comme légitime
ou non, et pourquoi on opère ce classement (DARRAS) : « carrière sociale d’une cause »
Position de l’observateur du politique, qui a du mal à se détacher des lieux traditionnels de la politique
(Arnaud + Guionnet)
Il existe un parallèle entre la position de l’observateur dans son propre champ et ses choix
d’observation (cf. notion de réflexivité chez Bourdieu);
= parallèle entre les conditions de production de la recherche et le choix de l’objet (observateurs en marge
du champ académique vont choisir d’étudier des formes politiques marginales)
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3. la position particulière du champ politique dans le monde social
le champ politique est inscrit dans le monde social,
particulier : c’est aussi lui qui le structure, qui structure notre perception du monde social
a. accès au champ politique
•
•
Bourdieu : accès fermé, « exclusif » ; Cosaques : exclusion des femmes et du clergé
Darras : il faut prendre en compte les agents non traditionnels du champ politique : émeutiers, grève de la
faim
NB : ne pas aller jusqu’à dire que ceux qui sont à la marge ont le même pouvoir que ceux qui sont au centre, l’idée
c’est qu’il faut les considérer
b. la classification comme pouvoir politique
Guionnet + Arnaud : « labellisation »
•
•
•
•
pouvoir de l’assemblée = distribution des ressources chez les cosaques
les classifications font les classes, et on peut mobiliser les classes pour luttes politique (exemple
« prolétaires de tous les pays ») ; exemple : riche/pauvre vs. français/étranger
les auteurs des classifications ont intérêt à les faire passer pour vraies et objectives, pour s’assurer de la
perpétuation du champ (Bourdieu) : « si mon nomos devient le nomos universel; et même à faire oublier la
question du fondement du champ
La fluidité des processus de politisation et dépol est une limite à l’émergence de nouveaux acteurs
Plan : La domination
Problématique : Le phénomène politique est-il autre chose qu’un rapport de domination ?
1. La domination permet l’exercice effectif du pouvoir politique
a. Typologie des formes de domination par Weber (non exclusives les unes des autres)
i. Domination rationnelle (exemple : ordre du supérieur hiérarchique)
ii. Domination traditionnelle (exemple : l’injonction morale d’un religieux)
iii. Domination charismatique (exemple : Hitler : « des liens de fidélité personnelle de nature
archaïque et quasi féodale découlant de leur reconnaissance de sa ‘mission’ et de ses
‘exploits’ » colonne 12)
b. La domination s’appuie sur des structures intermédiaires entre le dominant et les dominés
i. Weber : « une direction administrative »
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ii. Hitler et son entourage (« en dehors du petit groupe de dirigeants nazis, les principaux
apôtres du ‘charisme’ de Hitler, les messagers de ses ‘hauts faits’ étaient les militants du
mouvement » colonne 12)
iii. L’école comme institution qui légitime la culture des dominants (Weber p.288 et Bourdieu)
c. Dimension symbolique de la domination
i. Les « différentiels de pouvoir » ne s’expliquent pas par la « possession monopolistique
d’artefacts », mais par la « sociodynamique de la stigmatisation des « intrus » par les
« anciens » selon une « distorsion pars pro toto » (Elias) ; inculcation au groupe le moins
puissant d’une image dévalorisée (Elias)
ii. La remise des clés aux rois symbolise l’obéissance et la souveraineté (Louis XV, colonne 7)
iii. La domination masculine génère une cartographie inégalitaire de l’espace social qui est
internalisée par les hommes et les femmes (Bourdieu)
2. La situation de domination, une situation construite ?
a. La domination est une relation (et n’est pas réductible aux attributs du chef)
i. La domination d’Hitler n’est pas due à ses attributs propres (« ses origines sociales, son
éducation, sa formation, son milieu, tout militait contre lui ») mais à la rencontre entre son
pouvoir charismatique et l’acceptation de ce pouvoir par son entourage
ii. Le pouvoir de Louis XV s’exerce par le cérémonial, et le cérémonial construit en même
temps le pouvoir du roi (idée d’un cérémonial performatif)
iii. La structure des préjugés sociaux est à trouver dans la relation « d’interdépendance »
b. Peut-on librement se soumettre à la domination ?
i. Pour Weber, domination est indissociable d’une volonté d’obéir de la part des dominés
ii. Exemple Hitler : volonté d’une partie du peuple allemand de se soumettre à leader
charismatique car souhaite retrouver la grandeur du Reich (colonne 12)
iii. Louis 15 : les villes qui reçoivent le roi ont un intérêt à se faire bien voir (colonne 6)
c. La domination ne peut pas être consentie, elle est subie
i. La domination masculine opère insidieusement, les hommes et les femmes n’ont pas
conscience de ce rapport de domination ; la domination apparaît comme « naturelle » ;
logique de la « vocation » : rencontres entre des dispositions et des positions (Bourdieu)
ii. La stigmatisation des exclus (intouchables, esclaves) est le signe d’un rapport de pouvoir
inégal qui affaiblit encore plus le groupe marginal (Elias)
3. La domination dans le temps
a. Problème spécifique de la domination charismatique
i. texte sur Hitler : « la ‘domination charismatique’ est par nature instable … elle se ‘routinise’
dans un système incapable de se perpétuer autrement qu’en perdant ou en subordonnant son
essence ‘charismatique’ » colonne 10)
ii. Le problème de la pérennité de la domination charismatique puisqu’elle repose sur la
personne du chef (Hitler :
iii. Les rituels permettent l’invention de la tradition, et renforcent l’autorité charismatique de
Louis XV en associant culte du chef et ritualisation
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b. L’inversion du rapport : dépendance du dominant envers le dominé
i. « un minimum de pouvoir de décision » doit être délégué à la direction administrative
(Weber p.289)
ii. Le dominant s’appauvrit pour pérenniser sa domination (le roi doit distribuer des privilèges)
iii. Hitler dépendait de son entourage : « dépendant directement de leur soutien, Hitler leur
manifestait la même fidélité » (colonne 12)
c. Sortir de la domination
i. Bourdieu : la domination masculine pourra être renversée lorsque la situation de domination
aura été « révélée » aux acteurs qui n’en ont pas conscience
ii. Elias : les campagnes de contre-stigmatisation
iii. Emergence de contre-pouvoirs avec la société civile, cafés, salons (Louis XV, colonne 7)
Notions à retenir
-
•
Socialisation (Dictionnaire de J. Etienne) : « La socialisation désigne les processus par lesquels les individus
s’approprient les normes, valeurs, rôles qui régissent le fonctionnement de la vie en société. Elle a deux fonctions
essentielles : favoriser l’adaptation de chaque individu à al vie sociale et maintenir un certain degré de cohésion entre
les membres de la société. »
•
Culture (définition sociologique) : « l’ensemble des activités, des croyances, et des pratiques communes à une
société ou à un groupe social particulier »
•
Sexe vs. genre : le sexe est utilisé pour faire référence aux différences physiques distinguant les hommes et les
femmes, le genre aux différences non anatomiques (psychologiques, mentales, sociales, économiques,
démographiques, politiques…). « Le sexe, c'est ce que l'on voit, le genre, c'est ce que l'on ressent », Dr Harry
Benjamin. « Le genre, c'est ce que l'on pourrait appeler le ‘sexe social’ », Christine Delphy [Wikipedia].
• Pour les culturalistes (Mead) : un groupe social possède une culture spécifique quand trois conditions sont réunies :
on peut identifier un certain nombre de traits culturels communs aux membres d’un groupe suffisamment spécifiques
pour permettre de le différencier des autres groupes
cet ensemble de traits culturels forme un système unifié de telle sorte que chaque trait culturel ne peut s’expliquer qu’à
partir des relations qu’il entretient avec les autres éléments de la culture
ces traits culturels se transmettent de génération en génération, sans subir de modification sensible
•
fonctionnalisme (Durkheim) : théorie sociologique qui tend à expliquer tous les faits par leurs fonctions en
assimilant la société à un organisme vivant.
•
Solidarité organique (Durkheim) : une solidarité fondée sur la différenciation des individus par analogie avec les
organes de l’e vivant, qui remplissant chacun une fonction propre et, ne se ressemblant pas, sont tous cependant
également indispensables à la vie. (Raymond Aron, Les Etapes de la pensée sociologique, p.320).
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•
Champ (Bourdieu) : Espace de compétition sociale fondamental. La différenciation des activités sociales a conduit à
la constitution de sous-espaces sociaux spécialisés dans l'accomplissement d'une activité spécifique et dotés d'une
autonomie relative envers la société prise dans son ensemble – les champs. Le champ repose sur la notion de
distinction entre les professionnels et profanes.
•
Violence symbolique (Bourdieu): mécanisme premier d'imposition des rapports de domination.
•
Max Weber (1964 – 1920) sur l’Etat: L’Etat détient le monopole de la violence physique légitime : « il faut
concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé - la
notion de territoire étant une de ses caractéristiques - revendique avec succès pour son propre compte le monopole de
la violence physique légitime. [… L’Etat est] l'unique source du « droit » à la violence. Par conséquent, nous
entendrons par politique l'ensemble des efforts que l'on fait en vue de participer au pouvoir ou d'influencer la
répartition du pouvoir, soit entre les États, soit entre les divers groupes à l'intérieur d'un même État. » (Le savant et le
politique)
•
Capital symbolique (Bourdieu) : prestige, honneur, capacité à être écouté ; source de pouvoir
•
Violence symbolique (Bourdieu) : imposition de catégories de pensée et de perception à des agents dominés, qui en
viennent à désirer l’ordre social qu’on leur impose. Cette violence est plus forte que la violence physique puisqu’elle
s’impose aux structures cognitives de l’individu, elle impose une légitimité à la hiérarchie sociale.
•
Une sociologie réflexive (Bourdieu): le sociologue doit faire un retour sur lui-même, sur sa propre position sociale,
position dans le champ académique, qu’il doit expliciter.
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