1) Quelle ambition pour la sociologie ? S`établir comme science

Cours de Sociologie Politique
A. Zambiras
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Plan : Le fait social
INTRO
On a un ensemble de textes cohérents, qui vont tous dans le sens d’une revendication d’une « puissance
contraignante » du fait social (Durkheim p.5) ou du « corps social » (M. Mead), et de sa capacité à modeler les
consciences individuelles.
Cette revendication coïncide historiquement au moment de la constitution d’une nouvelle discipline, la sociologie,
qui se veut « science » autonome de la société, avec un objet d’étude et une méthode qui lui sont propres.
Il faut noter d’emblée la naissance ambiguë de cette discipline dont le père fondateur Emile Durkheim présente SA
théorie comme fondation pour la discipline. Durkheim institutionnalise la sociologie en fonction de SA théorie.
Nous ferons apparaître les présupposés sur lesquels se fonde la sociologie pour complexifier ce qui pourrait
apparaître comme une relation déterministe simple entre monde social et conscience personnelle.
Première partie pose la question de l’ambition de la sociologie
2ème partie s’intéresse aux spécificités de l’objet de la sociologie
3ème partie va s’intéresser aux invisibles de cette sociologie, pour complexifier l’idée de déterminisme que l’on
aura présentée dans les deux parties précédentes.
1) Quelle ambition pour la sociologie ? S’établir comme science autonome de la société
a) positionnement de la sociologie par rapport aux autres sciences
i) distinguer sociologie des autres sciences :
une préoccupation qui anime Durkheim dès le 2ème paragraphe de son œuvre majeure: « si donc
ces faits étaient sociaux, la sociologie n’aurait pas d’objet qui lui fut propre, et son domaine se
confondrait avec celui de la biologie et de la psychologie » ;
biologie: car socio s’intéresse aux représentations et aux actions
psycho : car sociologie ne prend pas l’individu pour substrat mais la société (p5
Durkheim)
préoccupation qui se retrouve 70 ans plus tard dans le texte de Lazarsfeld,
même souci de distinguer sciences sociales et sciences de la nature
[début 1er paragraphe] : « les sciences sociales et les sciences de la nature ont pour
objet commun de découvrir des régularités et de déterminer des critères de
signification. Mais il y a des différences essentielles entre les deux champs
d’investigation »
ii) Durkheim revendique toutefois une « scientificité » pour la sociologie, au même degré que celle des
sciences de la nature,
cf. vocab utilisé (« cristallise », « précipite »).
Ce que Lazarsfeld reprend à son compte quand il dit « les sciences sociales et les
sciences de la nature ont pour objet commun de découvrir des régularités ».
Scientificité fondée en premier lieu sur la méthode
b) Sociologie fonde son autonomie sur une méthodologie propre , en 2 volets
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i) L’importance de la statistique comme point de départ à toute démarche sociologique :
dans le texte de Lazarsfeld : une méthode pour contrer la sociologie spontanée ;
la statistique rend visible l’objet de la sociologie,
Lazarsfeld : « puisque toute espèce de réaction humaine est concevable, il est d’une
grande importance de savoir quelles réactions se produisent en fait, le plus
fréquemment et dans quelles conditions. Alors seulement la science sociale pourra
aller plus loin »
[débat d’actualité : sur la statistique ethnique en France, besoin de statistique pour
mesurer les inégalités, voir où elles sévissent, comment les contrer]
c’est encore une des spécificité de la sociologie, son objet n’est pas donné d’emblée, il faut le
faire apparaître ; il faut le faire sortir du règne de l’évidence
Exemples du texte de Lazarsfeld, je ne développe pas
idem chez Durkeim p3: refuse qu’on qualifie de fait social « à peu près tous les phénomènes qui
se passent à l’intérieur de la société »
ii) autre méthode : empruntée à l’anthropologie : l’observation sur site
Margaret Mead : l’observateur vit plusieurs années avec la population étudiée
Se place au niveau des manifestations individuelles pour remonter aux mécanismes plus vastes
qui déterminent ces manifestations individuelles
Observe les caractères attribués à chaque sexe dans 3 groupes différents
But : remonter jusqu’aux mécanisme du « conditionnement social ».
les faits sociaux constituent un domaine spécifique dans ce qui nous entoure (ce sont des faits « sui generis »
Durkheim p.9) ;
2) Les spécificités de l’ objet de la sociologie: le fait social:
Une des conditions nécessaires à l’établissement d’une science autonome, c’est que l’objet de cette science soit
spécifique. En quoi le fait social est un objet spécifique ?
a) Les caractéristiques du fait social :
externalité à la conscience individuelle (on ne choisit pas d’aimer ses parents) :
p.6 Durkheim « la plupart de nos idées nous viennent du dehors, elles ne peuvent pénétrer en
nous qu’en s’imposant » ;
p. 4 « s’ [ils] existaient avant lui, c’est qu’ [ils] existent en dehors de lui »
coercitif ; s’éprouve dans la résistance (Durkheim p.4) « la preuve c’est qu’[la contrainte] s’affirme
dès que je tente de résister » ; sanction qui nous fait adhérer aux pratiques = du moins
institutionnalisé comme le rire, l’éloignement ; jusqu’au plus pris en charge par la collectivité et
codifiées dans le droit
« dualité de nature » du fait social (Durkheim p.8) : distinguer la généralité du fait social de son
incarnation individuelle qui en est le reflet; le moyen pour l’observer à l’état pur = par des « artifices
de méthode » p.9. i.e. observation statistique, qui permet d’agréger les cas individuels ; Durkheim
nous donne un exemple de cette méthode dans son ouvrage Le suicide, comparant le taux de suicide
dans plusieurs sociétés.
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effet de foule, effervescence, groupe somme des parties
b) ce que la compréhension du fait social nous révèle sur le fonctionnement de la société
Mécanismes d’intégration à la société :
L’intégration à la société se fait par un apprentissage contraignant : processus de socialisation, dont
l’éducation est une étape centrale
Mead souligne l’importance des 1ères années : « c’est la société qui décide de la
nature de ce conditionnement … particulièrement au cours des premières années »
l’éducation nous fait, nous conditionne, elle est l’un des mécanismes de transmission des pratiques
sociales ;
Durkheim p.7 éducation « consiste en un effort continu pour imposer à l’enfant des
manières de voir , de sentir et d’agir l’éducation a justement pour objet de faire
l’être social» ;
exemple les tâches de frère, d’époux : « elles ne laissent pas d’être objectives, car ce
n’est pas moi qui les ai faits, mais je les reçus par l’éducation » ;
Texte de M. Mead se comprend ainsi comme un exemple d’étude du processus de
transmission sociale ; elle emploie même l’expression très forte de
« conditionnement social » p.252 : chez 3 peuples, à partir de caractéristiques
arbitrairement choisies (homme / femme), des dispositions sont assignées par la
socialisation et l’éducation (dispositions = solidarité, agressivité etc.) qui rendent
ensuite aptes ceux qui les possèdent à devenir ce qu’ils « sont », i.e. ce à quoi ils sont
destinés
éducation socialisation : l’éducation est un moment dans ce processus
d’apprentissage des rôles sociaux qu’est la socialisation, c’est le moment socialement
pris en charge, théorisé et justifié de cet apprentissage (on apprend pas seulement des
connaissances, on apprend des comportements, des rôles sociaux socialisation :
c’est ce qui est inaperçu, non conceptualisé dans la transmission, opère de manière
diffuse ;
ce que ces processus nous révèlent : on n’est pas aussi libres qu’on pourrait le croire :
le choix du prénom : montre bien qu’un choix qui paraît aussi personnel et intime
que le choix du prénom de son bébé répond à une logique qui dépasse largement le
cadre de la famille nucléaire ;
p.5 : suivre « Françoise » et « Michel » ; p.4 : non seulement il y a diffusion et effet
de mode de certains prénoms ; mais cette diffusion se fait toujours des catégories les
plus favorisées vers celles les moins favorisées :
cf. graphiques des pyramides : courbe des « Cadres » est toujours la première ;
courbe des « agriculteurs » est toujours la dernière ;
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les goûts des personnes ne sont pas aussi « libres » qu’on pourrait le croire, et ils
sont en large part déterminés par le milieu social d’origine des personnes.
Transition III : Ms cet exemple nous invite aussi à revenir sur la conception Durkheimienne de la société et à la
complexifier, notamment pcq la vision de Durkheim permet difficilement de penser la notion de conflits entre ces
différents groupes sociaux
3) Les invisibles de la sociologie Durkheimienne
Dans l’ensemble du dossier se déploie la proposition que nous sommes façonnés par la société, par le groupe dont
nous faisons partie. Dans cette partie, on va se demander ce que cette proposition exclut.
a) Une société non homogène
i) Complexifier l’hypothèse de Durkheim grâce au doc sur les prénoms dans différentes classes sociales :
montre l’existence de groupes sociaux ;
on peut même parler d’une cartographie du monde social : exemple du graphique VI : tracer
ligne au niveau du taux de diffusion du prénom « Sylvie » en 1950 chez les cadres, les autres
catégories s’en éloignent comme des « zones » géographiques, et finissent par rattraper leur
retard
il faut prendre en compte les différentes composantes de la société ; Durkheim raisonne à partir
de la notion de « société » au sens large, il faut complexifier et prendre en compte les différents groupes
sociaux.
ii) Durkheim postule une société homogène et cohérente, avec des comportements humains entièrement et
identiquement façonnés par le corps social
L’invisible = possibilité de conflit social : comment penser le conflit social ? Vision d’une
société sans conflit (Aron 390) où règnerait accord sur le bien/mal (dans texte de Durkheim,
idée que tout le monde est d’accord sur le droit etc.) ; une réalité lissée
Même remarque à Mead p.252: « la nature humaine est éminemment malléable, obéit
fidèlement aux impulsions que lui communique le corps social » : comment penser la
diversité du corps social (en France, tous les hommes ne sont pas agressifs et toutes les
femmes soumises).
b) Le libre-arbitre est-il possible ?
L’idée qu’on est entièrement façonnés par la société supprime toute subjectivité Durkheim p6 :
« quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux, ou de citoyen […] je remplis des devoirs
qui sont définis, en dehors de moi »
on n’aime son frère parce que c’est un devoir, pas par choix, mais cette idée
supprime aussi l’idée qu’on puisse ne pas aimer son frère ;
autre formule qui montre la suppression du libre arbritre p.6 « la plupart de nos
idées et de nos tendances ne sont pas élaborées par nous » ;
ou encore : 1ère page : « [à propos des devoirs de frère] Alors même qu’ils sont
d’accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité,
celle-ci ne laisse pas d’être objective ; car ce n’est pas moi qui les ai faits »
Si ces normes de conduites ne sont pas dans les consciences individuelles, où
sont elles ? Durkheim supprime l’individu mais c’est lui qui porte ces manières
d’être et de faire
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= toute appréhension des faits sociaux passe par la conscience personnelle, on n’a
pas de conscience qui soit collective
Durkheim explique tout par l’habitude, ce qui exclut que les individus agissent pour des
raisons fondées (pourrait-on faire croire n’importe quoi à l’individu ?)
D’autre part, si on postule que les gens croient parce qu’on leur dit de croire (par l’éducation, la
socialisation…) comment penser le changement ? comment penser l’évolution des sociétés ?
CONCLUSION:
Pour résumer brièvement, je reprendrais les présupposés sur lesquels s’est établie la sociologie :
_elle est une science qui se présuppose comme objective, conforme au modèle des autres sciences,
_ac une méthode qui lui est propre (la statistique qui se veut elle aussi une méthode d’investigation objective,
AUSSI avec emprunts du côté des anthropologues)
_ac un objet spécifique : le fait social
Ces présupposés font naître plusieurs difficultés :
_comment penser le conflit, le changement social
Je conclurai de manière plus large, sur la conception de l’homme qui est postulée ici : une conception hobbesienne,
d’un homme dominé par un égoïsme naturel qui a besoin d’être discipliné
Plan : Le fait politique
Fait est politique quand il appartient au champ politique
Les textes nous invitent à nous interroger sur l’existence même du champ politique
1. Existence problématique du champ politique
a. Un champ politique qui n’est pas donné d’emblée
I.e. il faut s’interroger sur les conditions de la genèse du champ politique
Résultat d’un processus historique de différenciation / complexification (Durkheim)
Le champ politique est une région autonome du monde social (Bourdieu Penser la politique et Durkheim) ;
définition champ : un ensemble de rapports de force entre des agents engagés dans une activité commune,
et s’efforçant d’acquérir les biens qu’elle procure (l’obtention de titres, de rang, de capital symbolique)
Après processus historique de division du travail social, champ politique émerge et remplit une fonction
(définition organiciste de la société : i.e. la société est pensée sur le modèle d’un organisme) + définition
fonctionnaliste de la société (Durkheim)
Exemple chez les cosaques, dans paragraphe sur les « Fonctions » de l’assemblée = elle détient la totalité
du pouvoir
Un champ politique qui se transforme : en accueillant de nouveaux agents : les journalistes
La naissance du champ politique est problématique, tout comme l’est son maintien
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