Département fédéral de l’économie,
de la formation et de la recherche DEFR
731.5/2013/00728 \ COO.2101.104.4.721753
Principes pour une nouvelle politique de
croissance
Analyse rétrospective et perspective sur la stra-
tégie future
Rapport donnant suite au postulat Leutenegger
Oberholzer du 27 novembre 2013 (13.3907)
Réexamen de la politique de croissance
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Conden
Présentation du rapport
Bien quelle ne dispose pas de matières premières, la Suisse est lun des pays les plus riches
de la planète. Cela tient certes à de multiples facteurs, mais les conditions-cadre que lEtat
impose aux acteurs économiques ont une importance cruciale. En particulier la concurrence
entre les entreprises garantit que léconomie puisse sépanouir et la prospéride la population
croître.
Le Conseil fédéral attribue donc beaucoup dimportance à une politique de croissance orientée
vers le long terme et favorable à la concurrence. Après la faiblesse de la croissance des an-
nées 90, il a adopté, au titre de «politique de croissance», différentes mesures destinées à
doper la croissance de la productivité du travail.
Le présent rapport examine la politique de croissance pratiquée jusquici et fait apparaître de
nouveaux domaines daction il pourrait être judicieux de procéder à des réformes écono-
miques. Il répond ainsi au postulat 13.3907 de la conseillère nationale Leutenegger Oberhol-
zer, qui demandait au Conseil fédéral de présenter la situation économique en Suisse et den
identifier les éventuelles faiblesses.
Avec l’acceptation du nouvel art. 121a dans la Constitution fédérale, la libre-circulation des
personnes et indirectement les relations bilatérales avec l’UE ont été remises en question,
alors qu’elles ont été des piliers importants de la politique de croissance jusqu’à présent. Pa-
rallèlement il est prévisible que, nonobstant la bonne conjoncture encore actuelle, la Suisse
se voie confronter à moyen terme à de grands fis économiques à cause d’un environnement
économique médiocre en Europe. Le moment semble donc être opportun pour réexaminer la
politique de croissance passée et pour procéder à une évaluation des possibilités de réformes
économiques, au vu du potentiel d’optimisation économique existant et des leçons à tirer des
récentes crises financières.
Evolution positive du PIB et du PIB par habitant ces dernières années
Léconomie suisse est parvenue à surmonter partiellement le fléchissement marqde la
croissance des années 90 et a alisé en comparaison internationale des taux de croissance
du PIB supérieurs à la moyenne. Depuis la crise financière, en particulier, léconomie suisse
sest montrée extrêmement robuste. Lamélioration de la performance sexprime en particulier
à travers la croissance du PIB, mais aussi, sous forme atténuée, par la croissance du PIB par
habitant (corrigé de laccroissement démographique dû à limmigration). La croissance réelle
du PIB par habitant a augmenté par rapport aux années 90 (2003-2013: 1,1% par an; 1992-
2002: 0,7%) et la Suisse dépasse ici aussi légèrement la moyenne des autres pays compa-
rables. Ce constat vaut aussi pour les dernières années depuis la crise financière, pendant
lesquelles le PIB par habitant de la Suisse na certes guère progressé, suite à lessoufflement
de la conjoncture mondiale, mais ne sest tout de même pas contracté, contrairement à celui
de nombreux pays.
La ventilation de la croissance du PIB par habitant entre ses deux moteurs emploi et pro-
ductivité du travail montre que, ces dix dernières années, un volume accru de travail, dû à
une nouvelle hausse du taux déjà élevé dactivité, a donné en Suisse des impulsions positives
à la croissance du PIB par habitant. Ainsi, la Suisse a pu accentuer une fois encore lun de
ses atouts, à savoir une exploitation comparativement bonne du potentiel de main-d’œuvre.
En contraste à cette amélioration réjouissante de lexploitation du facteur travail, la tendance
ne sest pas redressée en ce qui concerne la productivité. Au contraire, laugmentation de la
productivité du travail a continà ralentir en Suisse ces dernières années, en particulier de-
puis la crise financière. On observe toutefois un ralentissement semblable de la croissance de
la productivité au cours des dernières années dans de nombreux pays.
Réexamen de la politique de croissance
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Lanalyse de lévolution de la productivité par branche indique quen Suisse, cest surtout laf-
faiblissement de la croissance de la productivité dans quelques secteurs qui aurait contribué
de façon déterminante au ralentissement de la productivité générale. En tête de liste figure le
secteur financier, dont lévolution de la productivité a été modeste depuis le tournant du millé-
naire. A cela sajoute que, depuis la crise financière, les fortes hausses de productivité qui
caractérisaient lindustrie et le commerce de gros ont connu des ralentissements. Avec leur
évolution médiocre de la productivité, les branches axées sur léconomie intérieure (comme le
secteur de la construction ou les services privés et parapublics) nont pu compenser ce flé-
chissement.
Le rapport jette aussi un coup d’œil à la question de l’incidence de la répartition sur la crois-
sance économique. Dans la littérature scientifique, lon discute depuis longtemps du rôle des
interactions entre croissance économique et répartition du revenu ou de la fortune. On ne
saurait parler pour le moment dune opinion concordante. Les études empiriques indiquent
cependant quà court terme, les inégalités notables de revenu pourraient avoir un effet plutôt
stimulant sur le développement économique, mais plutôt engourdissant à long terme. En ce
qui concerne la répartition de la fortune, le débat actuel tourne à la controverse et lon ne
distingue pas de consensus.
En Suisse, le revenu est réparti de façon relativement égale, en comparaison internationale,
surtout si lon considère les revenus marchands (i.e. du travail et du capital avant redistribu-
tion). Sur ce point, la Suisse affiche la répartition la plus équilibrée (derrière la Corée du sud)
des pays de lOCDE. Comme, en comparaison internationale, lampleur de la redistribution
étant relativement modérée en Suisse, la répartition des revenus disponibles sy situe dans le
peloton européen en fin de compte. En ce qui concerne la répartition du patrimoine en Suisse,
la comparaison internationale est malaisée, faute de comparabilité des données disponibles.
Bilan de la politique de croissance
Aujourdhui comme hier, il est évident pour le Conseil fédéral quune politique de croissance
durable et axée sur le long terme doit se concentrer sur le bien-être de la population et non
seulement sur la seule quantité produite. Il ne sagit pas daméliorer la performance écono-
mique en accroissant seulement lemploi et le capital, mais en particulier en utilisant plus effi-
cacement les facteurs de production et en stimulant linnovation. C’est pourquoi la politique de
croissance du Conseil fédéral a été et est encore orientée en premier lieu vers l’amélioration
de la croissance de la productivité du travail.
Même si toutes les mesures n’ont pas été mises en œuvre à l’heure quil est, il est permis de
constater que la politique de croissance du Conseil fédéral doit être jugée globalement de
manière positive. Si quelques projets ont échoué, comme le taux unique de TVA ou la 11e ré-
vision de lAVS, dautres réformes structurelles importantes, comme la modification de la loi
sur le marché intérieur, la libre circulation des personnes ou la forme de la fiscalité des en-
treprises II, ont pu être mises en œuvre. Même en labsence détudes spécifiques sur la poli-
tique de croissance, on peut admettre, au vu de lévolution économique réjouissante de ces
dernières années, surtout en comparaison avec létranger, que les formes effectuées en
Suisse dans le cadre de la politique de croissance ont eu un effet positif.
Mesures requises
A examiner les forces et faiblesses de léconomie suisse, il ressort que les conditions-cadre y
sont excellentes, du point de vue économique, mais quelles pourraient être encore amélio-
rées. Comme forces, lon citera en particulier la liberté économique, la flexibilité du marché du
travail, lexcellente formation de la population, la haute qualité des infrastructures, la bonne
politique fiscale, le niveau élevé de la qualité de vie, la fiabilité des institutions publiques et un
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certain scepticisme vis-à-vis dune politique économique interventionniste et vouée au main-
tien des structures. Tous ces atouts contribuent au fait que la Suisse est actuellement lun des
pays les plus compétitifs du monde.
Cependant, du point de vue purement économique, il faut aussi relever quelques faiblesses.
Sur le marché intérieur, malgré trois trains de mesures en faveur de la croissance, la concur-
rence pourrait être encore améliorée substantiellement. Citons par exemple des réformes in-
suffisantes dans les industries de réseau, lempêchement des importations parallèles, les do-
maines lEtat entre en concurrence avec des acteurs privés, ou encore le manque de
transparence pour les aides dEtat. Il persiste en outre un vaste potentiel pour ouvrir des mar-
chés aux entreprises suisses. Enfin la surcharge administrative et les coûts des réglementa-
tions freinent lévolution de la productivité, donc la croissance. On relèvera également un gou-
let détranglement en ce qui concerne la disponibilide main-d’œuvre spécialisée. Dans
lensemble, lon peut donc constater que, du point de vue économique, la Suisse a toujours
besoin de réformes.
Pour la politique économique, une leçon de la récente crise financière est que certains facteurs
ont rendu quelques économies nationales plus résistantes que dautres. Plus une économie
retrouve rapidement le chemin de sa croissance potentielle, moins une crise affectera sa pros-
périté. La comparaison internationale des facteurs déterminants (marché du travail, dette na-
tionale, etc.) montre que léconomie suisse est extrêmement résiliente et ne requière que peu
de mesures damélioration. La seule exception est le taux éle en comparaison internatio-
nale de lendettement des ménages.
La notion de croissance économique, et en particulier ses effets collatéraux, est jugée de façon
toujours plus critique dans le débat public. Lanalyse présentée ici jette un éclairage plus dif-
férencié sur ces différentes critiques.
Sur le marché du travail, il na pas été possible de constater deffets déviction dus à la
forte immigration de ces dernières années. La main-d’œuvre étrangère engagée a lar-
gement un effet complémentaire sur les emplois préexistants. Il existe en revanche un
potentiel en matière dexploitation du réservoir de main-d’œuvre spécialisée.
A part la croissance démographique, les causes de laugmentation des surfaces dhabi-
tat et du mitage croissant doivent être recherchées du côté de lextension de la surface
demandée par chaque personne. Les décisions relevant de laménagement du territoire
jouent cependant aussi un le important (développement décentralisé ou compact de
lurbanisation, construction hors des zones constructibles, etc.).
Les facteurs qui affectent loffre et la demande de logement sont nombreux. Le lien de
causalité entre prix de limmobilier et croissance démographique nest pas prouvé sans
équivoque dans les études disponibles. Par contre on ne peut exclure que le droit du
bail ait un effet sur l’élasticité de l’offre.
En ce qui concerne les infrastructures de transport, il se trouve que les nouvelles capa-
cités sont exploitées à fond relativement rapidement. Du point de vue économique, la
question particulièrement problématique est la non-application du principe de causalité
dans le financement des transports, non-application qui incite à une (trop) forte utilisation
des transports, payé par la collectivité.
Lamélioration de la qualité de lenvironnement, en Suisse, prouve que la pollution nest
pas forcément uniquement la conséquence directe de la croissance économique. Le
progrès technologique fait en outre que lintensité de lutilisation des ressources peut
être découplée de la croissance économique. Il reste malgré tout de gros défis, en par-
ticulier dans la politique climatique, la biodiversité et l’utilisation du sol. Les effets sur
l’environnement de la consommation suisse ont régressé entre 1996 et 2011 en Suisse,
mais ont augmenté à l’étranger.
Comme le met nettement en lumière le présent examen de la politique de croissance, la voie
empruntée par le Conseil fédéral est fondamentalement la bonne. Etant donné les réformes
qui sont toujours encore nécessaires, une politique de croissance axée sur le long terme aura
Réexamen de la politique de croissance
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toujours une importance cruciale. Elle devra continuer à se concentrer sur les mesures favori-
sant la croissance de la productivité du travail. A part cela, il faudrait envisager de nouvelles
mesures qui renforcent dune part la résilience de léconomie nationale aux crises écono-
miques et qui atténuent de lautre les effets collatéraux indésirables de la croissance écono-
mique.
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