
Observations
Cet arrêt de la Cour de Cassation permet deux
observations essentielles.
D’une part, il rappelle que le retard de diagnostic
peut constituer une faute dans la prise en charge du
patient. Cette analyse n’est pas nouvelle ; en fonction
des circonstances de fait, le retard de diagnostic ou le
fait pour un praticien de ne pas prescrire d’examens
complémentaires ayant pour conséquences un retard de
diagnostic est une faute.
En effet, une erreur ou un retard de diagnostic ne
constituent pas en soi des fautes de nature à engager la
responsabilité du médecin si, toutefois, elles ne résultent
pas d’une méconnaissance des données acquises de
la science. Autrement dit, dès lors que n’importe quel
professionnel de santé, aussi diligent soit-il, pourrait
commettre, dans les mêmes conditions, cette même
erreur ou ce même retard de diagnostic, ce dernier ne
serait pas considéré comme fautif.
En l’espèce, selon les experts désignés, les examens
radiographiques étaient techniquement corrects et la
lecture par deux fois et auprès de deux praticiens a laissé
passer une image suspecte : l’erreur est fautive.
D’autre part, l’arrêt rappelle la possibilité offerte à un
assureur qui aurait indemnisé le préjudice total d’une
patiente victime d’un acte médical fautif de former un
recours à l’encontre du co-responsable.
En effet, la Cour de cassation vise l’article 1251 du
Code civil qui dispose notamment que « la subrogation
a lieu au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou
pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de
l’acquitter ».
L’action récursoire peut être définie comme un recours
en justice exercé par celui qui est tenu de l’exécuter en
tant que débiteur solidaire, garant ou responsable du
fait d’autrui contre le débiteur d’une obligation juridique.
Celui qui est tenu d’exécuter pourra demander le
remboursement de tout ou partie à celui qui est déclaré
co-responsable à proportion de sa reconnaissance de
responsabilité.
En l’espèce, l’assureur du Centre Hospitalier a indemnisé
la totalité des préjudices qu’a subi la patiente victime
du retard de diagnostic. Toutefois, la faute du médecin
radiologue exerçant à titre libéral est constatée. C’est
pourquoi, l’assureur du Centre Hospitalier a pu engager
une action récursoire à l’encontre du médecin radiologue
exerçant à titre libéral afin d’obtenir le remboursement
dans la limite des fautes commises.
Procédure
a contribué pour moitié au dommage. De plus, la Cour
Administrative d’Appel avait condamné l’hôpital à
supporter la moitié des sommes revenant à la patiente et
à l’Etat, son employeur.
La société Mutuelle du Mans IARD (MMA) forme un
pourvoi en cassation.
Elle reproche à la Cour d’Appel de Paris d’avoir rejeté
cette action récursoire alors qu’il a pu être admis, tant
par les rapports établis par les divers experts commis
par la juridiction judiciaire de 2006 mais aussi par
celles de l’ordre administratif de 1998, que le médecin
radiologue avait commis une faute consistant en un
retard anormal de diagnostic.
La Cour de cassation, dans sa décision en date du
3 juillet 2013, casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris
précisant qu’elle n’a pas tiré toutes les conséquences
des dispositions du Code civil en statuant ainsi alors
qu’elle avait constaté que le médecin radiologue avait
contribué, pour moitié, par sa faute, à ce retard et que
la Cour Administrative d’appel avait mis à la charge de
l’hôpital, en totalité, des sommes représentant la moitié
des inconvénients supportés par la patiente en raison de
sa maladie et de ses traitements, imputables au retard
de diagnostic. Par conséquent, l’assureur bénéficiait à
l’encontre du médecin radiologue d’un recours dans la
mesure des fautes commises.
5
• -1993 : consultation par la patiente du médecin radiologue qui réalise une première mammographie.
• 1994 : deuxième mammographie réalisée concluant à la présence d’un kyste connu et de nouveaux kystes.
• 1996 : diagnostic d’un cancer du sein bilatéral.
• 1998 : première expertise médicale concluant à un retard de prise en charge fautif
• 28 décembre 2005 : arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris condamnant la société Mutuelle du Mans IARD (MMA), assureur de l’hôpital intercommunal
de Villeneuve Saint Georges, à indemniser la patiente et son employeur des préjudices subis par celle-ci et imputables au retard de diagnostic de sa maladie par un
médecin du service de gynécologie.
• 2006 : seconde expertise médicale confirmant la première expertise : le radiologue libéral a commis une faute dans son retard de diagnostic.
• 23 mars 2012 : arrêt de la Cour d’Appel de Paris rejetant le recours subrogatoire de l’assureur du Centre Hospitalier contre le médecin radiologue.
• 3 juillet 2013 : arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation cassant et annulant l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris.
Points clé du dossier