Physique Statistique (M1) 36U1PS41 – Notes de cours — III — Jean-Baptiste Fournier Université Paris 7 – Denis Diderot 2004-2005 2 Chapitre 3 Ensemble grand-canonique & gaz parfaits quantiques 3.1 Ensemble grand-canonique La statistique « grand-canonique » s’applique aux systèmes non-isolés qui échangent avec leur entourage (un grand-réservoir R) à la fois de l’énergie et des particules. σ E N R V ( T, µ ) Nous appliquons le même raisonnement que pour la construction de l’ensemble canonique. A tout microétat ℓ du système σ, d’énergie Eℓ et de nombre de particules Nℓ , correspond un nombre Ωres (Etot − Eℓ , Ntot − Nℓ ) (3.1) de microétats accessibles du réservoir (car l’énergie totale est Etot , le nombre total de particules est Ntot , et l’ensemble est supposé isolé). La quantité Ωres coı̈ncide avec sa définition microcanonique, car le système étant supposé “faiblement couplé” avec le grand-réservoir, la seule influence que σ et R ont l’un sur l’autre est la complémentarité de leurs énergies et nombres de particules ; 3 4 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier ainsi Ωres correspond bien aussi au nombre de microétats que le grand-réservoir aurait s’il était isolé. Puisque tous les microétats de l’ensemble isolé système + réservoir sont équiprobables, la probabilité que σ soit dans le microétat ℓ est proportionnelle au nombre correspondant de configurations autorisées du grand-réservoir : 1 Sres (Etot − Eℓ , Ntot − Nℓ ) Pℓ ∝ Ωres (Etot − Eℓ , Ntot − Nℓ ) = ˆ e kB . (3.2) ˆ 1/T , où T est la température microcanonique du Par définition, ∂Sres /∂E|Etot = ˆ − µ/T où µ est le potentiel chimique du grand-réservoir, et ∂Sres /∂N |Ntot = grand-réservoir. On obtient alors, en développant au premier-ordre (ce qui est justifié car le grand-réservoir est supposé infiniment plus grand que le système) : Sth (Etot − Eℓ , Ntot − Nℓ ) ≃ Sth (Etot , Ntot ) − 1 µ Eℓ + Nℓ , T T (3.3) ce qui fournit la distribution grand-canonique : Pℓ = 1 −β(Eℓ − µ Nℓ ) e , Ξ (distribution grand-canonique) (3.4) La notation Ξ (la majuscule de ξ, prononçé “ksi”) est traditionnelle pour l’inverse de la constante de normalisation. Comme la somme des probabilités doit valoir 1, elle s’exprime comme Ξ= X ℓ e−β(Eℓ − µ Nℓ ) . (3.5) Attention : Pℓ n’est pas la probabilité que le système ait l’énergie Eℓ et un nombre de particules Nℓ . C’est la probabilité que le système se trouve dans un microétat donné, sachant que l’énergie de ce microétat est Eℓ et que son nombre de particules est Nℓ . 3.1.1 Fonction de partition grand-canonique Par construction, la constante de normalisation Ξ de la distribution grandcanonique est une fonction Ξ(T, V, µ). On l’appelle fonction de partition grandcanonique. On l’obtient en calculant Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique Ξ(T, V, µ) = X ℓ e−β(Eℓ − µNℓ ) 5 (fn. de partition grand-canonique). (3.6) Attention : la somme sur ℓ porte sur tous les microétats possibles du système, sans restriction sur leurs énergies et leurs nombres de particules ; la seule contrainte dans le choix des microétats est que V est fixé. 3.1.2 Grand-potentiel J(T, V, µ) Comme dans l’ensemble canonique, on définit le potentiel thermodynamique fondamental de l’ensemble en prenant −kB T fois le logarithme de la fonction de partition : J(T, V, µ) = ˆ − kB T ln Ξ(T, V, µ) = −kB T ln X ℓ e−β(Eℓ − µNℓ ) . (3.7) Pour découvrir la signification physique de J, calculons l’entropie (comme dans P l’ensemble canonique). Par définition, nous avons S = −kB ℓ Pℓ ln Pℓ ; ainsi −S = kB X ℓ Pℓ (− ln Ξ − βEℓ + βµNℓ ) = −kB ln Ξ − βkB = −kB ln Ξ − X Pℓ Eℓ + βµkB ℓ µ 1 E + N. T T X Pℓ Nℓ ℓ (3.8) Il s’ensuit que J(T, V, µ) = E − T S − µ N. (3.9) Pour bien comprendre la genèse de cette expression, il faut partir de l’ensemble microcanonique, qui définit E(S, V, N) par inversion de S(E, V, N), puis par une première transformée de Legendre (−T S), échanger S avec sa variable conjuguée intensive T , enfin, par une seconde transformée de Legendre (−µ N), échanger N avec sa variable conjuguée intensive µ. Le schéma ci-dessous illustre ces transformations. 6 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier E echange avec R T S V F V N N T J echange avec R Microcanonique 3.1.3 Canonique V µ Grand−canonique Valeurs moyennes E et N des quantités échangées En partant de la définition Ξ(T, V, µ) = X ℓ e−β(Eℓ − µNℓ ) , (3.10) on obtient facilement les valeurs moyennes des quantités échangées, en dérivant la grande fonction de partition. En effet, N = ˆ ∂J 1 ∂Ξ 1X =− . Nℓ e−β(Eℓ −µNℓ ) = Ξ ℓ βΞ ∂µ ∂µ (3.11) et 1X ∂ ln Ξ 1 ∂Ξ E= ˆ =− , Eℓ e−β(Eℓ −µNℓ ) = − Ξ ℓ Ξ ∂β βµ ∂β βµ (3.12) Notez bien que pour que ce dernier calcul fonctionne (comme dans le cas canonique), il faut dériver partiellement par rapport à β sans dériver les β accolés aux µ (notez que µ n’apparaı̂t dans le formalisme grand-canonique que sous la forme βµ : c’est pour cela qu’il est licite de dériver partiellement par rapport à β à βµ constant). On peut formellement faire le changement de variable µ → C/β, puis dériver par rapport à β à C constant, et enfin remplacer C par βµ dans le résultat final. 3.1.4 Différentielle du grand-potentiel J En invoquant l’équivalence des ensembles dans la limite thermodynamique (voir démonstration plus loin), nous pouvons identifier le couple (N , E), règlé dans l’ensemble grand-canonique par les paramètres (β, µ) du réservoir, avec les N et le E fixés de l’ensemble microcanonique donnant par dérivation le même β et le même µ. En utilisant les relations dE = T dS − P dV + µ dN (3.13) Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 7 et J = E − T S − µ N, nous avons donc dJ = dE − T dS − S dT − µ dN − N dµ, c’est-à-dire dJ = −S dT − P dV − N dµ. (3.14) Notez que l’on retrouve bien l’identité (3.11), à la différence près que N remplace N (ce qui est sans incidence à la limite thermodynamique). • Procédure grand-canonique Dans l’ensemble grand-canonique, à partir de Ξ(T, V, µ) que l’on peut calculer explicitement connaissant les microétats, on construit J(T, V, µ) et l’on obtient directement : ∂J , (3.15) S=− ∂T V,µ (3.16) (3.17) ∂J , P =− ∂V T,µ 3.1.5 ∂J N =− . ∂µ T,V Factorisation de la grande fonction de partition pour des sous-systèmes indépendants Considérons un système grand-canonique formé de sous-systèmes grandcanoniques, c’est-à-dire de sous-systèmes ayant chacun un nombre variable de particules. La grande fonction de partition se factorise pour des sous-systèmes indépendants, à condition de définir l’indépendance comme suit : Système grand-canonique formé de sous-systèmes indépendants m – L’ensemble des microétats accessibles à chaque sous-système est indépendant de l’état des autres sous-systèmes. – L’énergie totale du système est la somme des énergies des soussystèmes. – Le nombre total de particules est la somme des nombres de particules des sous-systèmes. Chaque microétat ℓ est alors défini par un n-uplet ℓ = (ℓ1 , . . . , ℓn ), et la grande fonction de partition Ξ du système complet peut se décomposer : X Ξ = e−β(Eℓ − µ Nℓ ) ℓ 8 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier = X ... ℓ1 = X ℓ1 X ℓn e−β [(Eℓ1 + . . . + Eℓn ) − µ (Nℓ1 + . . . + Nℓn )] e−β(Eℓ1 = ξ1 . . . ξn . − µ Nℓ1 ) . . . X e−β(Eℓn ℓn − µ Nℓn ) (3.18) Il est important de bien se rendre compte que chaque sous-système échantillonne un nombre arbitraire de particules. 3.1.6 Exemple d’application : défauts intersticiels Considèrons un cristal possèdant N sites disposés sur un réseau parfaitement régulier. Sous l’effet de l’agitation thermique, certains atomes quittent leur position idéale pour se mettre en position « intersticielle » (voir figure). On suppose, pour simplifier, que le nombre de positions intersticielles vaut également N. + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + Fig. 3.1 – Représentation d’un cristal possèdant deux « défauts ». Les croix indiquent les positions sur le réseau cristallin. On mesure l’énergie du cristal par rapport à son état fondamental et l’on associe à chaque défaut une énergie ǫ. Ainsi, si il y a n atomes en position intersticielles, l’énergie est E = n ǫ. Traitement microcanonique Afin de bien mesurer la différence de raisonnement entre les ensembles canoniques et grand-canoniques, commencons par traiter le problème en microcanonique. L’énergie étant fixée, n est fixé. Comptons les microétats : il y a CNn façons de choisir parmi les N sites cristallins les n positions vacantes et pour chacune de ces possibilités il y a CNn façons de choisir les n positions intersticielles occupées. Ainsi, Ω= N! N! × . n! (N − n)! n! (N − n)! (3.19) Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 9 En calculant S = kB ln Ω grâce à la formule de Stirling (donc à la limite thermodynamique), on obtient S = 2kB [N ln N − n ln n − (N − n) ln(N − n)] , (3.20) et, par 1/T = ∂S/∂E = ǫ−1 ∂S/∂n, on obtient (avec β = 1/kB T ) : 1 N (3.21) = 1 + e 2 βǫ . n Ainsi, pour T → 0, on a n → 0, ce qui correspond à l’état fondamental, et pour T → ∞, n → N/2, ce qui correspond au maximum de l’entropie. Traitement grand-canonique Le système échange maintenant de l’énergie et des atomes avec un « grand réservoir ». Ainsi, à la fois le nombre d’atomes en position cristalline et le nombre d’atomes en position intersticielle sont libres. Il s’ensuit que chaque site et chaque interstice constitue un sous-système indépendant pouvant possèder 0 ou 1 atome. Notons que le nombre total d’atomes est bien la somme des nombres d’atomes des sous-systèmes et l’énergie est bien la somme des énergies des sous-systèmes1 . En appliquant la règle de factorisation exposée dans le paragraphe précédent, on obtient Ξ = ξsN ξiN , (3.22) où ξs est la grande fonction de partition d’un site quelconque (qui n’a que deux états), valant ξs = 1 + eβµ , (3.23) et ξi est la grande fonction de partition d’un interstice (quelconque), valant ξi = 1 + eβ(µ−ǫ) . Il s’ensuit que le grand potentiel J = −kB T ln Ξ vaut J = −N kB T ln h 1 + eβµ 1 + eβ(µ−ǫ) (3.24) i . (3.25) Comme il a été montré précédemment, le nombre moyen d’atomes est donné2 par M = −∂J/∂µ. Le calcul donne M= 1 N eβµ N eβ(µ−ǫ) + . 1 + eβµ 1 + eβ(µ−ǫ) (3.26) L’énergie d’un sous-système « site » vaut toujours 0 et l’énergie d’un sous-système « interstice » vaut 0 si ce dernier est vide et ǫ si ce dernier est occupé. 2 Comme nous sommes en grand-canonique, le nombre d’atomes du système est totalement libre et le nombre moyen d’atomes est règlé par le potentiel chimique µ du réservoir. Il faut bien distinguer M et le nombre commun de sites et d’interstices, N . 10 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier Pour faire le lien avec le problème posé initialement, nous devons faire en sorte que le nombre moyen d’atomes coı̈ncide avec N. Cela revient à règler µ de sorte à avoir N = M. Notons à nouveau que cette procédure n’est pas exacte, mais qu’à la limite thermodynamique, puisque les quantités fluctuent infiniment peu (relativement) autour de leur valeur moyenne, cela revient au même. L’équation correspondante est simple à résoudre en posant φ = e−βµ et donne ǫ µ= . (3.27) 2 Calculons finalement le nombre moyen n d’atomes en positions intersticielles. Le nombre moyen d’atome dans chaque interstice est donné par − ∂(ln ξi ) ∂ji = kB T , ∂µ ∂µ (3.28) où ji est le grand potentiel d’un interstice. Ainsi, en multipliant par le nombre d’interstices, N, on obtient n= N e−β(µ−ǫ) +1 = N e 1 βǫ 2 +1 , (3.29) où l’on a utilisé finalement la valeur de µ obtenue ci-dessus. Ce résultat coincide avec le résultat obtenu en microcanonique. On voit donc, sur cet exemple, qu’au prix de régler correctement température et potentiel chimique, les ensembles microcanoniques et grand-canoniques sont équivalents (à la limite thermodynamique). 3.1.7 Equivalence des ensembles et signification physique du potentiel chimique Nous allons montrer formellement l´equivalence des ensembles grand-canonique et microcanonique. La figure ci-dessous illustre cette équivalence. E 0 V0 N 0 V0 E N T0 µ0 avec T0 tel que E=E 0 µ 0 tel que N=N0 Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 11 Dans le schéma ci-dessus, toutes les quantités indicées zéro sont fixées, les autres quantités sont fluctuantes (car échangées avec le grand-réservoir). Dans la limite thermodynamique, il est équivalent de traiter un problème en microcanonique ou en grand-canonique à condition de “régler” les paramètres T et µ du réservoir de sorte que les valeurs moyennes des quantités fluctuantes E et N coı̈ncident avec celles que l’on fixe en microcanonique. On peut donner une image du potentiel chimique en terme de “hauteur du (grand-)réservoir” : un système en contact avec un grand-réservoir dont le potentiel chimique est élevé (par exemple µ ≫ 0) aura beaucoup de particules une fois l’équilibre atteint. Inversement, si le réservoir a un potentiel chimique bas (ex. µ ≪ 0), le système aura peu de particules une fois l’équilibre atteint. Le potentiel chimique du réservoir règle donc, par sa hauteur, le nombre moyen de particules du système. (Rappel : pour un système macroscopique la fluctuation autour de la moyenne est négligeable en valeur relative). Lorsque l’on met le grand-réservoir en contact avec le système, ce dernier se remplit ou se vide selon le sens du déséquilibre initial, et progressivement son potentiel chimique évolue et finit par égaler celui du réservoir une fois l’équilibre atteint. Démonstration de l’équivalence canonique / grand-canonique par la méthode du col En appelant iN les microétats du système correspondant à une valeur donnée de N, on peut écrire (en traitant, à la limite thermodynamique, N comme une variable continue) : J(T, V, µres ) = −kB T ln Z = −kB T ln Z ∞ dN 0 0 X iN ∞ e −β(EiN − µres N) dN e −β[F (T, V, N) − µres N] (3.30) Nous avons noté ici µres le potentiel chimique du réservoir pour éviter toute confusion ultérieure. Comme F (T, V, N) ∝ N, on peut approximer l’intégrale sur N, dans la limite thermodynamique, en utilisant la méthode du col. Pour une fonction f (t) possédant un maximum, on a asymptotiquement pour N → ∞: Z q Nf (t) Nf (t ) 0 2πNf ′′ (t0 ) . . . I = dt e ≃e (3.31) On obtient ces différents termes—dont la dépendance en N est de plus en plus faible—en développant f (t) autour de son maximum t0 (intégrer la gaussienne correspondante). Pour N ≫ 1, en prenant ln I on voit que le premier terme est Nf (t0 ), et que le second est déjà négligeable, car il est O(ln N) ≪ N. Dans la limite thermodynamique, on a donc par la méthode du col J(T, V, µres ) ≃ F (T, V, Ñ) − µres Ñ , (3.32) 12 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier où Ñ (T, V, µres ) minimise par rapport à N l’expression F (T, V, N) − µres N. Cette valeur Ñ (la valeur du col) est donc solution de µ= ˆ ∂F = µres , ∂N (3.33) c’est-à-dire que c’est la valeur de N qui justement dans l’ensemble canonique donne le potentiel chimique µres . L’expression (3.32) traduit l’équivalence des ensembles, dans la mesure où toutes les quantités dérivées de Jth (T, V, µres ) ou de F (T, V, Ñ) seront les mêmes. Notons que l’on reconnait la transformée de Legendre. 3.2 Gaz « parfaits » quantiques Jusqu’à présent, nous avons traité le gaz parfait dans l’approximation de Maxwell-Boltzmann. Ce traitement de l’indiscernabilité des particules, qui consite à considérer les particules comme discernables et à diviser la fonction de partition par le nombre de permutations N! correspondant, n’est en fait correct, comme nous allons le montrer, que lorsque tous les états quantiques possèdent un nombre moyen de particules très petit devant l’unité. Notons en passant que l’approximation de Maxwell-Boltzmann est « exacte » en description classique (par opposition à quantique) où les microétats sont des points de l’espace des phases : c’est pour cela que l’on appelle “approximation classique” l’approximation de Maxwell–Boltzmann. 3.2.1 Fermions et bosons Pour regarder plus en détail le problème de l’indiscernabilité, il faut d’abord réaliser que les particules de la nature sont divisées en deux classes : les fermions et les bosons. Les fermions sont les particules de spin demi-entier, tels les électrons, les protons et les neutrons (S = 12 ). Ce sont les particules dites “matérielles”. Les bosons sont les particules de spin entier véhiculant les interactions, tels le photon γ (S = 1) ou le pion π (S = 0). Pour un système composite, la règle de composition des moments cinétiques nous dit qu’un assemblage constitué d’un nombre impair de fermions possède nécessairement un spin demi-entier, et est donc un fermion, tandis qu’un assemblage constitué d’un nombre pair de fermions est un boson. Ainsi l’isotope 4 He contenant 4 nucléons et 2 électrons est un boson, tandis que l’isotope 3 He qui contient 3 nucléons et 2 électrons est un fermion. f f bb Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 13 Une règle fondamentale de la nature est que deux fermions ne peuvent pas occuper le même état quantique, tandis que cela est permis à un nombre arbitraire de bosons. Le problème de comptage des microétats va donc être très différent suivant que nous aurons affaire à des fermions ou des bosons. On voit de plus qu’un “gaz parfait” de fermions, même si l’on néglige toute interaction entre ses constituants, interagit fortement via ce principe d’exclusion (dit de Pauli). Nous parlerons alors plutôt d’un fluide idéal de fermions. D’autre part, même des bosons “interagissent” dans le sens qu’ils ne peuvent pas constituer des sous-systèmes indépendants. En effet, l’espace des microétats de deux bosons n’est pas le produit des espaces relatifs à chacun d’entre eux, puisque leur occupation d’un même état quantique correspond à un seul état et non deux. Discernables 1 1 2 2 2 /2 2 2 1 1 1 2 1 2 1 3.2.2 Fermions 1 2 1 Bosons 2 Invalidité du traitement de Maxwell–Boltzmann La figure ci-dessus montre les microétats de deux particules pouvant occuper trois états quantiques. Dans la colonne de gauche, les particules sont discernables (particule 1 et particule 2). Il y a neuf façons de répartir ces deux particules dans les trois états quantiques. Si l’on applique la méthode de Maxwell– Boltzmann, dite approximation “classique”, on divise 9 par 2!, ce qui donne 4.5 états pour des particules indiscernables. Le caractère fractionnaire du résultat est déjà une preuve de l’invalidité de la méthode. En fait il y a 6 états (6 ≥ 4.5) pour les bosons (colonne centrale) et 3 états (3 ≤ 4.5) seulement pour les fermions (colonne de droite). On voit aisément que la division par 2 n’est correcte que pour les 6 états correspondant aux deux premières lignes de la colonne de gauche, là ou toutes les particules sont dans des cases séparées. Elle est incorrecte pour les états ou deux particules au moins occupent la même case quantique. L’approximation classique sous-estime le nombre réel de microétats 14 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier dans le cas des bosons et surestime le nombre réel de microétats dans le cas des fermions. 3.3 Fluide idéal de fermions Considérons, en formalisme grand-canonique, un récipient de volume V contenant des fermions identiques de spin S = 21 , en équilibre avec un grandréservoir dont le potentiel chimique est µ et la température est T . Comme exemples concrets citons un fluide de neutrons (comme on en trouve dans le cœur de certaines étoiles ou dans les noyaux d’atomes lourds) ; nous verrons aussi que les électrons d’un métal constituent un fluide de Fermi presque idéal. ... f f f f E N f f V f f ... f ... ... ... f ... f f f ... T 3.3.1 f ... µ “cases quantiques” Regardons tout d’abord les microétats d’un seul de ces fermions. Nous les appellerons “cases quantiques”. Ils sont indexés par les couples (k, ms ) où n 2π x k= ny L nz (3.34) est le vecteur d’onde de la particule (défini par trois entiers relatifs), et ms = ± 1 2 (3.35) son état de spin (valeur propre de Ŝz /h̄). Rappelons que l’énergie correspondante (indépendante de l’état de spin en l’absence de champ magnétique) est ǫk = h̄2 k 2 /2m. Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 3.3.2 15 Microétats du système Pour spécifier un microétat du fluide de fermions, il est nécessaire et suffisant d’indiquer le nombre de particule (0 ou 1, car ce sont des fermions) occupant chaque “case quantique”. Comme le nombre total de particules et l’énergie totale ne sont pas fixés, nous ne violons aucune contrainte en considérant un nombre arbitraire de fermions. Dans le schéma ci-dessous, les carrés représentent les “cases quantiques” (la troisième dimension n’est pas représentée), chacun étant occupé par une particule au plus. ny microetat (n =1, n =1, m =− 1/2) x y s 0,1 ... 1,1 ... −1,0 0,0 1,0 ... nx ... 0,−1 ... Numérotons par i = 1, 2, 3 . . . les “cases quantiques”. On peut par exemple les compter “en colimaçon” à partir du centre. En appelant ni le nombre de fermions dans l’état i, et ǫi l’énergie d’un fermion dans l’état i, on peut écrire la grande fonction de partition comme Ξ = X X n1 =0,1 n2 =0,1 = Y i X ni =0,1 ... X ...e −β( X i ni ǫi − µ X ni ) i ni =0,1 e −β(ǫi − µ) ni = Y i 1 + e−β(ǫi − µ) . (3.36) On voit alors qu’elle se décompose en un produit de termes relatifs aux “cases quantiques”. Il s’ensuit que : Chaque “case quantique” se comporte, et peut être considéré à part entière, comme un sous-système grand-canonique indépendant. 16 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier En d’autres termes, on peut considérer notre fluide idéal de fermions comme un système constitué de sous-systèmes virtuels indépendants—les “cases quantiques” (ils forment une partition immatérielle du système), chacun pouvant contenir zéro ou une particule. Ainsi, en indexant ces derniers par leurs nombres quantiques, on a pour la grande fonction de partition du système total : Ξ= Y ξk,ms , (3.37) k,ms où ξk,ms = 1 + e−β(ǫk − µ) (3.38) est la grande fonction de partition du “case quantique” (k, ms ). En effet il n’y a que deux états pour chaque “case quantique” et la somme définissant la grande fonction de partition est triviale. 3.3.3 Nombres d’occupation des “cases quantiques” Le nombre moyen de fermion (compris entre 0 et 1) dans la “case quantique” (k, ms ) est donné, en sommant les nombres de particules fois les probabilités, par e−β(ǫk − µ) 1 +1× , (3.39) nk,ms = 0 × ξk,ms ξk,ms Cette quantité, qui d’ailleurs peut s’obtenir aussi bien par la méthode générale (βξk,ms )−1 × ∂ξk,ms /∂µ, vaut nk,ms = 1 e β(ǫk − µ) + 1 = ˆ fF (ǫk ; T, µ), (3.40) où l’on a défini la fonction fF (ǫ; T, µ) de Fermi–Dirac (statistique de Fermi– Dirac). Enrico FERMI (1901–1954) et Paul A. M. DIRAC (1902– 1984). Fermi, physicien italien, découvrit (en concurrence avec Dirac) la statistique des fermions et contribua à la physique nucléaire. Dirac, physicien anglais, fonda la mécanique quantique relativiste, expliquant notamment le concept de spin. Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 17 On a alors, étant donné la “raideur” de la fonction exponentielle : nk,ms ≃ 1, nk,ms = 12 , nk,ms ≃ 0. ǫk < µ, ǫk = µ, ǫk > µ, (3.41) On voit donc que tous les niveaux d’énergie (toutes les “cases quantiques”) sont peuplés jusqu’à ǫk ≃ µ, puis dépeuplés ensuite, la largeur de la zone de transition étant de l’ordre de kB T . n k, m s kBT On appelle µ le niveau de Fermi : c’est le seuil qui sépare les niveaux peuplés des niveaux dépeuplés. 1 1/2 0 εk µ Il est intéressant de voir que dans la limite T → 0, la fonction nk,ms (ǫk ) tend vers une fonction “marche d’escalier” : tous les niveaux d’énergie inférieure au niveau de Fermi sont occupés par un fermion exactement ; tous les autres sont vides. Quand on augmente la température, on désordonne le système qui contamine les niveaux supérieurs à µ. 3.3.4 Quantités thermodynamiques Comme à chaque vecteur d’onde correspondent 2 “cases quantiques” (spin ±) et qu’ils ont la même énergie, la grande fonction de partition s’écrit : Ξ(T, V, µ) = Y 1 + e−β(ǫk − µ) k 2 . (3.42) Ainsi, le grand potentiel s’exprime comme h̄2 k 2 X − µ) −β( . 2m J(T, V, µ) = −2kB T ln 1 + e k (3.43) 18 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier A la limite thermodynamique, la distance qui sépare les différents points k (c.-à-d. 2π/L) devient infiniment petite, tandis que la fonction à sommer est régulière partout ; on peut donc remplacer la somme par une intégrale : X k → Z d3 k . (2π/L)3 (3.44) On obtient donc J = −2kB T V (2π)3 h̄2 k 2 −β( − µ) . 2m 4πk 2 dk ln 1 + e Z (3.45) Il est plus habituel d’exprimer cette intégrale en fonction de la variable énergie ǫ = h̄2 k 2 /2m. Reprenons l’équation (3.43), au lieu de sommer sur tous les niveaux k on peut sommer sur toutes les énergies en utilisant la densité des états d’une particule V 2m 3/2 1/2 ǫ , (3.46) ρ(ǫ) = (2π)2 h̄2 qui a été calculée au chap. II. On obtient alors directement J(T, V, µ) = −2kB T Z 0 ∞ dǫ ρ(ǫ) ln 1 + e −β(ǫ − µ) . (3.47) Notons que pour des fermions de spin demi-entier quelconque, il suffit de remplacer le facteur 2 par un facteur 2S + 1. • Nombre moyen total de fermions Il se calcule par ∂J N(T, V, µ) = − =2 ∂µ Z 0 ∞ dǫ ρ(ǫ) 1 . e β(ǫ − µ) + 1 (3.48) Très important : Reconnaissant la fonction fF (ǫ; T, µ), on voit qu’on aurait pu directement écrire cette équation en sommant tous les nombres d’occupation nk,ms . C’est en fait la façon la plus directe de procéder. La quantité 2ρ(ǫ)dǫ est le nombre de “cases quantiques” dans l’intervalle [ǫ, ǫ+dǫ] (pour un fermion de spin 12 ) ; tous ces états ayant même énergie, ils ont tous un même nombre d’occupation moyen fF (ǫ; T, µ). Le produit 2ρ(ǫ)dǫ × fF (ǫ; T, µ) est donc le nombre moyen de fermions dans l’intervalle [ǫ, ǫ + dǫ]. En intégrant sur ǫ on obtient le nombre total de fermions. Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 19 • Energie moyenne La formule (3.12) nous donne Z ∞ ∂(βJ) 1 E(T, V, µ) = dǫ ρ(ǫ) ǫ =2 , ∂β βµ 0 e β(ǫ − µ) + 1 (3.49) qui, de même, s’obtient directement en sommant ǫfF (ǫ; T, µ) sur tous les “cases quantiques”. • Equation d’état Sans chercher à évaluer directement les intégrales ci-dessus, on peut obtenir une relation exacte entre J et E. On remarque d’abord que 1 d 1 = ln 1 + e −β(ǫ − µ) × (− ). dǫ β e β(ǫ − µ) + 1 (3.50) On peut donc intégrer par parties l’expression donnant E. Comme d’autre part d 3 [ρ(ǫ)ǫ] = ρ(ǫ), dǫ 2 (3.51) on arrive à E = − 32 J, c’est-à-dire 2 J = − E. 3 (3.52) Calculons maintenant la pression P = −∂J/∂V ; comme V n’apparait que dans ρ(ǫ) dans l’expression de J et que ρ(ǫ) ∝ V , on arrive tout de suite à P = −J/V . Cette relation est en fait universelle pour les fluides constitués d’une seule espèce moléculaire, car elle découle simplement de G(T, P, N) = ˆE− T S + P V = Ng(T, P ) ≡ Nµ(T, P ) (qui se déduit de l’extensivité de G). Comme J = E − T S − µ N, il vient immédiatement J = −P V. (3.53) 3 E = P V. 2 (3.54) Il s’ensuit que Cette relation, que nous avons déjà trouvée à plusieurs reprises dans l’approximation de Maxwell–Boltzmann, est donc en fait rigoureuse pour un fluide quantique idéal de fermions ! Notons qu’il faut qu’ils soient non-relativistes (cf. TD). Par contre, nous allons voir que la relation P V = N kB T n’est pas exacte. 20 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier 3.3.5 Limite haute température : validité de l’approximation classique Nous nous intéressons ici au comportement à haute température d’un fluide idéal de fermions dont le nombre de particules est fixé. Il nous faut donc (étant donné l’équivalence des ensembles), à chaque température, ajuster µ(T ) de sorte que N(V, T, µ(T )) reste constant. Sans avoir besoin d’inverser réellement l’équation (3.48), on voit, d’après la forme du facteur fF (ǫ; T, µ) = 1 , e β(ǫ − µ) + 1 (3.55) que si T augmente, comme eβǫ diminue, il faut pour garder N constant, que e−βµ augmente, c’est-à-dire que µ doit décroı̂tre : T ր µ(T ) ց . =⇒ (3.56) Le régime haute température correspond à −∞ < µ < −kB T , c’est-à-dire à eβµ ≪ 1. (3.57) En effet, comme le montre le graphe donnant nk,ms , c’est la condition nécessaire et suffisante pour que tous les niveaux soient très dépeuplés ; l’approximation de Maxwell–Boltzmann devrait être excellente. On a alors f (ǫ; T, µ) ≃ e −β(ǫ − µ) , (3.58) F et ainsi N ≃ 2 Z ∞ 0 dǫ ρ(ǫ) e −β(ǫ − µ) 2m 3/2 βµ ∞ 2V e dǫ ǫ1/2 e−βǫ = (2π)2 h̄2 0 2V 2m 3/2 βµ 3/2 3 e (k T ) Γ = B 2 2 2 (2π) h̄ V = 2 3 eβµ . λ (T ) Z (3.59) On retrouve bien le résultat classique, à un facteur deux près provenant du spin. Le calcul de l’énergie moyenne est tout à fait similaire : E ≃ 2 Z 0 ∞ dǫ ǫ ρ(ǫ) e −β(ǫ − µ) 2V 2m = (2π)2 h̄2 3 = kB T N . 2 3/2 eβµ (kB T )5/2 Γ 5 2 (3.60) Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique En utilisant la relation exacte P V = parfaits : P V ≃ N kB T, 2 E, 3 21 on retrouve la loi d’état des gaz (haute température). (3.61) • Critère de validité de l’approximation classique La condition de validité de l’approximation classique étant eβµ ≪ 1, la température seuil T0 au-dessus de laquelle les effets quantiques sont négligeables correspond dont à eβµ ≃ 1, soit, en remplaçant eβµ par 1 dans l’expression (3.59) donnant N : 1 N ≃ 3 . (3.62) V λ (T0 ) On a donc un critère sur la densité : l’approximation classique est valable lorsque le volume par particule est beaucoup plus grand que la longueur d’onde thermique de de Broglie λ(T ). λ (T) Classique 3.3.6 Quantique Limite dégénérée à basse température : développement de Sommerfeld et électrons dans les métaux Commençons par regarder le cas limite T = 0. Soit µ0 le potentiel chimique à température nulle. Dans la limite T → 0, la fonction de Fermi-Dirac tend vers une marche d’escalier : fF (ǫ, 0, µ0 ) vaut 1 si 0 < ǫ < µ0 et vaut 0 si ǫ > µ0 . On a alors Z µ0 2m 3/2 2 3/2 2V × µ0 , (3.63) N =2 dǫ ρ(ǫ) = (2π)2 h̄2 3 0 22 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier ce qui nous donne N h̄2 3π 2 µ0 = 2m V !2/3 (Energie de Fermi). (3.64) On appelle µ0 l’énergie de Fermi : c’est le potentiel chimique à température nulle, qui est une fonction de la densité du fluide. A T = 0, tous les “cases quantiques” sont occupés jusqu’à l’énergie de Fermi ; ils sont vides au-dessus. On parle alors de fluide de fermions dégénéré car cela correspond à un unique microétat, à cause de l’indiscernabilité des particules. Notons qu’à l’énergie de Fermi on associe un “vecteur d’onde de Fermi”, défini par µ0 = h̄2 kF2 /2m, et une “température de Fermi”, définie par kB TF = µ0 . • Développement de Sommerfeld Tant que T ≪ TF , la fonction de Fermi–Dirac ressemble à une marche d’escalier à peine arrondie. Sa dérivée fF′ (ǫ) par rapport à ǫ est alors quasiment nulle partout sauf au voisinage de µ (dans un intervalle de largeur kB T ) : elle ressemble à un pic de Dirac (au signe près). Nous allons utiliser cette propriété pour faire un développement limité en puissances de T . Les quantités thermodynamiques N et E sont données par des expressions du type Z ∞ I= dǫ φ(ǫ) fF (ǫ), 0 (3.65) avec φ(ǫ) = 2ρ(ǫ) pour N et φ(ǫ) = 2ǫρ(ǫ) pour E. Pour utiliser le caractère piqué de fF′ (ǫ), intégrons par parties (les termes de bords s’annulent). Appelant Rǫ ′ Φ la primitive Φ(ǫ) = 0 dǫ φ(ǫ′ ), on obtient I=− Z 0 ∞ dǫ Φ(ǫ) fF′ (ǫ). (3.66) Comme fF′ (ǫ) est très piquée autour de ǫ = µ, et quasi-nulle ailleurs, on peut remplacer Φ(ǫ) par son développement limité en puissances de ǫ−µ. On obtient alors I ≃ −Φ(µ) Z ∞ −∞ dǫ fF′ (ǫ) − Φ′′ (µ) ∞ 1 dǫ (ǫ − µ)2 fF′ (ǫ) + . . . 2 −∞ Z (3.67) (Nous avons étendu les intégrales jusqu’à −∞, ce qui génère une erreur exponentiellement faible étant donné le caractère piqué de fF′ (ǫ), puis nous avons éliminé les termes impairs qui sont nuls par symétrie.) La première intégrale Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 23 vaut −1 : on retrouve bien la limite de température nulle. Par changement de variable, la seconde intégrale donne une constante C2 fois −(kB T )2 , avec C2 = Z ∞ 0 dx x2 ex π2 . = 6 (ex + 1)2 (3.68) On peut ainsi calculer tous les termes de la série, et l’on obtient le développement de Sommerfeld : I= Z µ 0 dǫ φ(ǫ) + 7π 4 π2 (kB T )2 φ′ (µ) + (kB T )4 φ′′′ (µ) + . . . 6 360 (3.69) • Dépendance en température du potentiel chimique et de l’énergie interne Avec φ(ǫ) = 2ρ(ǫ) on obtient 2V N= (2π)2 2m h̄2 3/2 " 2 3/2 π 2 1 µ + (kB T )2 1/2 + . . . 3 6 2µ # (3.70) Comme nous préférons considérer que N est fixé et que c’est µ(T ) qui s’ajuste, il convient de remplacer N par son expression à T = 0 en fonction de µ0 . On obtient 1 2 3/2 2 3/2 π 2 µ0 = µ + (kB T )2 1/2 , (3.71) 3 3 6 2µ qui s’inverse en 3 π2 µ(T ) = µ0 1 − 12 kB T µ0 !2 + . . . . (3.72) On voit que le potentiel chimique diminue avec la température (comme annoncé plus haut) et que le petit paramètre du développement est T /TF . On peut faire le même calcul avec φ(ǫ) = 2ǫρ(ǫ) et l’on obtient, après avoir substitué le développement limité de µ(T ) à l’ordre 2 : 3 5π 2 E = Nµ0 1 + 5 12 kB T µ0 !2 + . . . . (3.73) Nous avons donc une énergie fondamentale à température nulle (3/5)Nµ0 , due à la répulsion de tous les fermions, puis une augmentation quadratique due à l’agitation thermique. 3 Injecter µ(T ) = µ0 + µ1 T + µ2 T 2 + . . . dans l’équation et identifier terme à terme les coefficients des puissances de T . On peut commencer par l’ordre 0, puis traiter l’ordre 1, etc. 24 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier • Equation d’état et chaleur spécifique Comme la relation E = 32 P V est exacte, on en déduit que la pression ne s’annule pas à T = 0, et qu’elle croı̂t quadratiquement en fonction de T . Nous avons donc, par un effet purement quantique, à basse température pour des fermions : P V ≥ NkB T. (3.74) La chaleur spécifique Cv (T ) décrit la quantité de chaleur à fournir à un corps pour augmenter sa température à volume et nombre de particules fixés, c.-à-d. dE|V,N = Cv dT. (3.75) On l’obtient donc en dérivant à N et µ0 constants l’expression de E : 3 π 2 kB T + O(T 3 ) . Cv = NkB 2 3 µ0 # " (3.76) Dans l’approximation classique, E = (3/2)NkB T ( 21 kB T par degré de liberté), ce qui donne Cv,classique = (3/2)NkB pour toute température. On retrouve ici ce préfacteur, mais la chaleur spécifique s’annule linéairement pour T → 0, et ceci par un effet purement quantique. • Electrons dans les métaux Bien que cela ne soit pas évident a priori, la limite basse température s’applique très bien aux électrons de conduction dans les métaux. On peut en bonne approximation les considérer comme un fluide idéal de fermions, car même s’ils sont soumis aux champs électriques dus aux ions métalliques et aux autres électrons, ces derniers donnent une contribution qui se moyenne à peu près à zéro étant donné la très longue portée des forces électrostatiques. Calculons la température de Fermi TF pour un métal typique. En prenant une densité N/V correspondant à environ un électron pour un volume de (5Å)3 , on trouve h̄2 N TF = 3π 2 2mkB V !2/3 ≃ 50 000 K. (3.77) La température ambiante (≃ 300 K) correspond donc à la limite basse température, où les électrons se comportent comme un gaz de fermions fortement dégénéré. Les expériences mesurant Cv (T ) confirment quantitativement la formule (3.76). Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 3.4 25 Fluide idéal de bosons Considérons maintenant, toujours en formalisme grand-canonique, un récipient de volume V contenant des bosons identiques de spin S (entier), en équilibre avec un grand-réservoir dont le potentiel chimique est µ et la température T . bb ... b ... ... b bbb bb V E N bbb bbb ... b T 3.4.1 ... bbb ... µ Microétats du système Les “cases quantiques” sont les mêmes que dans le cas des fermions, à ceci près que ms peut prendre chacune des 2S + 1 valeurs entières comprises entre −S et +S (exemple ci-dessous pour S = 1). Grâce à la situation “grandcanonique”, les “cases quantiques” jouent, comme dans le cas des fermions, exactement le rôle de sous-systèmes indépendants. La différence fondamentale avec le cas des fermions est qu’il peut y avoir maintenant un nombre arbitraire de particules dans chaque “case quantique”. ny microetat (n =1, n =1, m =− 1) x y s 0,1 ... 0 −1,0 ... 0 1,1 0 0,0 0 1,0 0 0,−1 0 ... ... ... nx 26 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier L’indépendance des “cases quantiques” nous permet d’écrire pour la grande fonction de partition du système : Ξ= Y ξk,ms , (3.78) k,ms avec, maintenant ξk,ms = ∞ X n=0 e −β(nǫk − nµ) = 1 . 1 − e −β(ǫk − µ) (3.79) On déduit le nombre moyen d’occupation des “cases quantiques” en utilisant 1 ∂ξk,ms , β ξk,ms ∂µ nk,ms = (3.80) ce qui donne nk,ms = 1 . e β(ǫk − µ) − 1 (3.81) Notez la différence de signe avec la formule correspondante pour les fermions, qui permet des nombres d’occupation supérieurs à 1. • Signe du potentiel chimique Comme nk,ms doit être positif (et éventuellement infini, à la limite thermodynamique), il est immédiat que l’on doit avoir ǫk − µ ≥ 0 quel que soit k, ce qui implique µ ≤ 0. (3.82) C’est d’ailleurs une condition nécessaire pour que la série ξk,ms converge. 3.4.2 Comportement qualitatif selon la température Le nombre total (moyen) de bosons s’obtient en sommant toutes les contributions des “cases quantiques”, c’est-à-dire N = (2S + 1) X k 1 . e β(ǫk − µ) − 1 (3.83) Comme dans le cas des fermions, pour maintenir constant le nombre (moyen) de particules, il faut que µ(T ) augmente lorsque l’on abaisse la température. A très haute température (T → ∞), on s’attend à µ → −∞, comme pour un gaz parfait ; puis µ doit augmenter (diminuer en valeur absolue) au fur et à mesure que T diminue. Regardons les différents régimes : Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique −kBT 8 − 27 0 µ Tous niveaux tres depeuples Les niveaux bas se peuplent Le fondamental "pompe" toutes les particules a) µ ≪ −kB T . Le facteur e−βµ ≫ 1 implique que nk,ms ≪ 1 pour tous les “cases quantiques”. On est dans le régime de haute température où tous les niveaux énergétiques sont très dépeuplés. Approximation classique : On a alors nk,ms ≃ exp[−β(ǫk − µ)], ce qui correspond à la même expression que dans le cas des fermions : les résultats obtenus pour ces derniers dans la limite haute température s’appliquent donc exactement (les calculs sont identiques) et l’on retrouve bien le gaz parfait de l’approximation de Maxwell–Boltzmann. b) µ ≃ −kB T . Il vient nk,ms ≃ 1 pour k ≃ 0 (ǫk ≃ 0) : on commence à peupler significativement les “cases quantiques” proches du fondamental. c) −kB T ≪ µ ≃ 0− . Un nombre arbitrairement grand de bosons se condense dans le niveau fondamental. En effet, pour k = 0, comme −βµ ≪ 1, on a nk,ms ≃ 1/(−βµ) ≫ 1. 3.4.3 Condensation de Bose–Einstein Reprenons la formule donnant le nombre total de bosons (en notant g0 = 2S + 1 la dégénérescence de spin) : N = g0 X k 1 . e β(ǫk − µ) − 1 (3.84) Pour alléger les notations, nous allons identifier par la suite N et N (ce qui est correct dans la limite thermodynamique). Regardons maintenant le passage à la limite thermodynamique, c’est-à-dire L → ∞ à densité (moyenne) constante. Nous avons un problème pour remplacer la somme par une intégrale lorsque µ → 0− , car même si δk = 2π/L → 0, la fonction varie infiniment rapidement au voisinage de k = 0. En effet, pour µ = 0 la fonction 1 f (q) = (3.85) 2 2 e β(h̄ q /2m − µ) − 1 28 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier diverge pour q = 0. (Notons que dans le cas des fermions, il y avait un signe plus au dénominateur à la place du signe moins ici présent, ce qui rendait la fonction à sommer régulière quel que soit µ.) Une analyse mathématique plus fine montre qu’on peut, à la limite L → ∞, approximer la somme par une intégrale, à condition d’extraire la contribution potentiellement divergente du fondamental (k = 0) : N = Nfond + Nex = ˆ g0 + g0 e −βµ − 1 Z ∞ dǫ ρ(ǫ) 0 1 . e β(ǫ − µ) − 1 (3.86) Notons qu’une telle décomposition serait correcte aussi dans le cas des fermions mais qu’elle serait inutile, le premier terme restant complètement négligeable devant le second pour toutes les valeurs de la température. (C’est justement parce que le fondamental “pompe” toutes les particules lorsque µ → 0− que cette décomposition est essentielle dans le cas des bosons.) Notons que l’intégrale converge car ρ(ǫ) ∼ ǫ1/2 (à 3D) et la fonction en facteur de ρ(ǫ) se comporte comme 1/ǫ pour ǫ → 0. Il sera donc licite de remplacer la somme sur les états excités par une intégrale partant de 0, et ceci à condition que chacun des termes de la somme soit négligeable devant l’intégrale. Bien sûr, c’est le premier état excité qui a la contribution la plus grande : on pourra vérifier a posteriori que sa contribution est bien négligeable par rapport à l’intégrale dans la limite thermodynamique. Ainsi, même si localement, au niveau des premiers états excités, l’intégrale n’est pas une bonne approximation de la somme, l’approximation globale est excellente car la contribution correspondante n’a pas de poids devant l’intégrale complète. C’est à Einstein que l’on doit cette analyse subtile et la découverte correspondante de la condensation de Bose–Einstein. Albert EINSTEIN (1879–1955) et Satyendra BOSE (1894– 1974). A la lumière de la théorie statistique des radiations électromagnétiques de Bose, Einstein découvrit la transition de condensation des bosons. Regardons de plus près la contribution Nex correspondant aux bosons présents dans les états excités : Nex = g0 V (2π)2 2m h̄2 3/2 Z 0 ∞ dǫ ǫ1/2 , φ−1 e βǫ − 1 (3.87) Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 29 où l’on a défini la fugacité : φ = eβµ , (0 < φ < 1) (3.88) et remplacé ρ(ǫ) par son expression. En introduisant la longueur d’onde thermique de de Broglie, nous arrivons à g0 V B3/2 (φ), λ3 (T ) Nex = (3.89) où la fonction B3/2 (φ), purement mathématique, est définie par 2 B3/2 (φ) = √ π Z ∞ 0 dx x1/2 φ−1 ex − 1 (3.90) 2.612 2.5 2 B3/2(φ) 1.5 1 B5/2(φ) 0.5 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 N.B. La notation B3/2 (φ) vient de la généralisation : Bn (φ) = 1 Γ(n) Z ∞ 0 dx ∞ X xn−1 φr = , φ−1 ex − 1 r=1 r n (3.91) définissant les fonctions polylog, notées aussi Lin (φ). • Température critique de condensation Tc A haute température, Nfond ≪ N, et par conséquent N ≃ Nex . Alors que T diminue et que conjointement λ3 (T ) augmente, il faut que B3/2 (φ) augmente pour maintenir Nex égal à N. Lorsque l’on arrive à φ = 1, B3/2 (φ) ne peut plus augmenter. Cela arrive à la température Tc dépendant le la densité, donnée par g0 V 2.612 (3.92) N= 3 λ (Tc ) 30 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier soit 2πh̄2 Tc = mkB 1 N 2.612 g0 V !2/3 . (3.93) Au-dessous de cette température, Nfond se peuple afin de maintenir Nfond + Nex égal à N. On a donc g0 V B3/2 (eβµ ) λ3 (T ) g0 V 2.612 + Nfond N = λ3 (T ) N = (T > Tc ), (3.94) (T < Tc ). (3.95) La première équation détermine la relation entre N et µ ; la seconde, qui correspond à µ = 0, détermine la valeur de Nfond , On est donc en présence d’une transition abrupte de peuplement du fondamental, avec Nfond /N ≃ 0 pour T > Tc et, pour T < Tc Nfond V λ3 (Tc ) = 1 − 2.612g0 = 1 − , N Nλ3 (T ) λ3 (T ) Soit T Nfond =1− N Tc 3/2 (3.96) . (3.97) 1 N fond 0.8 N 0.6 0.4 0.2 0 0 0.5 1 1.5 2 2.5 T / Tc 3.4.4 Grandeurs thermodynamiques La décomposition qui consiste à extraire la contribution provenant du fondamental et à intégrer sur les états excités s’applique aussi à l’énergie moyenne E Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 31 et au grand potentiel J. Comme l’énergie de l’état fondamental est zéro, il n’y a que la contribution des états excités qui apparaisse dans l’énergie moyenne : E = g0 = Z 0 ∞ dǫ ρ(ǫ)ǫ 1 e β(ǫ − µ) − 1 3 g0 V kB T 3 B5/2 (φ), 2 λ (T ) (3.98) où, comme précédemment, expliciter ρ(ǫ) permet de faire apparaı̂tre la longueur d’onde thermique de de Broglie ; il apparaı̂t maintenant la fonction B5/2 (φ). Dans le cas du grand potentiel, la contribution du fondamental ne s’annule pas : J(T, V, µ) = −kB T ln Ξ = −g0 kB T ln Y k 1 1 − e−β(ǫk − µ) (3.99) donne : J = Jfond + Jex = g0 kB T ln 1 − eβµ + g0 kB T Z 0 ∞ dǫ ρ(ǫ)ǫ ln 1 − e−β(ǫ − µ) .(3.100) Cependant, puisque Nfond = g0 /(e−βµ − 1), il vient 1 − eβµ ≃ g0 /Nfond (on a utilisé la condition Nfond ≫ 1 valable pour T < Tc ). Ainsi, pour T < Tc , on a Jfond ≃ O(ln N) et donc Jfond ≪ Jex ≃ O(N) (sauf exactement à T = 0 où Jex s’annulle). On a donc J ≃ Jex à la limite thermodynamique à toute température non-nulle. La même technique d’intégration par parties que dans le cas des fermions conduit à 2 Jex = − E , (3.101) 3 ∂Jex 2 ∂E ∂J =− = . (3.102) P =− ∂V T, µ ∂V T, µ 3 ∂V Il s’ensuit, puisque E est linéaire en V : P = 2E . 3V (3.103) Cette équation d’état est donc exacte pour les bosons et les fermions, à toutes températures. 32 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier • Régime haute température (T > Tc ) En insérant dans (3.102) l’expression de N ≃ Nex , il vient P = kB T N B5/2 (φ) . V B3/2 (φ) (3.104) Dans la limite T → ∞, comme B5/2 (φ) ≃ B3/2 (φ) ≃ φ, on retrouve P V = NkB T . Pour les températures finies, comme B5/2 (φ) < B3/2 (φ), il vient P V ≤ N kB T. (3.105) • Régime basse température (T < Tc ) On a alors φ = 1, ce qui conduit à 3 g0 V E = kB T 3 B5/2 (1). 2 λ (T ) (3.106) On déduit directement la pression de P = 2E/3V , ce qui donne P (T ) ≃ 1.34 g0 kB T ∼ T 5/2 λ3 (T ) (T < Tc ). (3.107) C’est un résultat remarquable : la pression ne dépend que de la température, comme sur un palier de condensation (elle ne dépend ni du volume ni du nombre de particules). D’autre part, la pression s’annule à la limite T → 0. En utilisant l’équation définissant Tc , c’est-à-dire N = B3/2 (1)g0V /λ3 (Tc ), on peut écrire l’énergie moyenne sous la forme B5/2 (1) T 3 E = NkB T 2 B3/2 (1) Tc 3/2 ≃ 0.77 NkB Tc T Tc 5/2 (T < Tc ). (3.108) On en déduit la capacité calorifique (à volume constant) : T ∂E ≃ 1.9NkB Cv = ∂T V, N Tc 3/2 (T < Tc ). (3.109) Pour T = Tc , on a Cv ≃ 1.9NkB , valeur nettement supérieure à la valeur classique 3/2NkB . Etant donné qu’à haute température Cv tend vers 3/2NkB , la fonction Cv (T ) possède un point anguleux avec rupture de pente à Tc (point “lambda”). Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 3.4.5 33 Réalisations physiques Dans le fluide 4 He, la condensation de Bose–Einstein est accompagnée de propriétés physiques remarquables. En-dessous de Tc , le fluide coule librement dans les tubes capillaires les plus minces et remonte les parois du récipient qui le contient. On dit qu’il est “superfluide”. C’est le condensat qui confère ces propriétés remarquables au fluide (il ne peut pas dissiper d’énergie, étant déja au niveau d’énergie le plus bas possible). Le condensat possède une “cohérence quantique”. Un processus similaire arrive aux électrons de certains métaux. Par une interaction mettant en jeu des phonons, des paires d’électrons se forment qui se comportent comme des bosons. La condensation de Bose– Einstein conduit alors à la supraconductivité. 3.5 Gaz de photons et rayonnement du corps noir Les photons sont des bosons particuliers. Ils ont un spin S = 1 mais leur masse est nulle. Il s’ensuit (se rapporter aux cours de théorie quantique des champs) que seuls les états ms = 1 et ms = −1 sont accessibles (polarisations circulaires gauche et droite). Imaginons une enceinte vide, de volume V = L3 , creusée dans un matériau dont les parois absorbent (mais aussi ré-émettent) indifféremment toutes les longueurs d’ondes. Cette propriété est à l’origine de l’appellation corps noir, mais cette appellation est trompeuse car nous allons voir que le corps noir émet une lumière colorée à température non-nulle. Nous supposons que cette enceinte est percée d’un petit trou permettant l’observation sans modifier l’équilibre thermodynamique. T γ γ γ 1 V γ γ γ 2 γ γ γ 34 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier Les photons ont une particularité essentielle : leur nombre n’est pas conservé (à la différence des particules comme 4 He). En effet, il peuvent être absorbés ou émis par les parois du matériau ; de plus, ils peuvent naı̂tre spontanément dans le volume de l’enceinte lors de processus non-lineaires, par exemple lorsque deux photons se rencontrent et qu’il ressort trois photons de cette interaction. Ce sont en outre des particules ultra-relativistes, leur vitesse étant égale à c. Leurs modes propres sont caractérisés par un vecteur d’onde k, une pulsation ω et une énergie ǫ reliés par les relations ǫ = h̄ω, k= ω . c (3.110) Selon la nature des parois de l’enceinte, certaines conditions aux limites s’appliquent. Par exemple, pour des parois conductrices parfaitement réfléchissantes, la composane tangentielle de E et la composante normale de B doivent s’annuler, ce qui implique une certaine quantification des modes. Nous ferons, par souci de simplicité, le choix habituel des conditions aux limites périodiques : n 2π k= m, L ℓ (n, m, ℓ) ∈ Z3 , (3.111) Les résultats sont indépendants, dans la limite thermodynamique, de la nature des conditions aux limites comme de la forme du volume V . 3.5.1 Description grand-canonique Appliquons à nouveau le raisonnement de la construction de la distribution grand-canonique, mais cette fois-ci spécifiquement à notre gaz de photons. C’est licite car ce dernier échange bien de l’énergie et des particules avec un grand-réservoir : le matériau extérieur à l’enceinte. (NB. , il échange même des particules avec le vide, que l’on peut considérer comme faisant partie du réservoir.) • Construction de la distribution grand-canonique L’énergie de notre gaz de photons peut varier par échange d’énergie avec le réservoir, ce qui entraı̂ne une variation correspondante de l’entropie du reservoir. Nous obtenons conjointement le terme exp[−βEi ] dans la loi de probabilité des microétats du système. Le nombre de particules de notre gaz de photons peut aussi varier ; cependant, à la différence de particules matérielles comme 4 He, cela n’implique aucune perte/gain de particules du réservoir, car le nombre total de photons n’est pas conservé. Il n’y a donc pas de coût entropique du réservoir associé spécifiquement à la variation de N. Il n’y a donc Physique statistique (M1) – III. Ensemble stat. & thermodynamique 35 pas de terme exp[βµNi] dans la loi de probabilité. Nous sommes donc dans une situation grand-canonique (N est libre de varier) dans laquelle on a très exactement : µ = 0. (3.112) La variation de N est “gratuite” pour le réservoir ! Une autre façon de voir cette situation est de penser qu’on est en canonique mais que N est variable. Les “cases quantiques” formant des sous-systèmes indépendants (en grandcanonique comme en canonique), le nombre moyen nk,ms de photons dans l’état de vecteur d’onde k et de spin ms est donc, comme dans la statistique de Bose–Einstein : 1 (3.113) nk,ms = eβǫk − 1 Il est plus habituel de compter les microétats en termes de densité de modes qu’en termes de densité d’énergie. Dans l’intervalle [k, k + dk] le nombre de modes est dn = 2 4πk 2 dk V = 2 3 ω 2 dω. 3 (2π/L) π c (3.114) Ainsi, la densité de modes de pulsation ω est ρ(ω) = V ω 2. π 2 c3 (3.115) On en déduit aisément l’énergie moyenne du gaz de photons à la température T : E= Z 0 ∞ dω ρ(ω) h̄ω V h̄ = 2 3 π c eβh̄ω − 1 Z 0 ∞ dω ω3 . eβh̄ω − 1 (3.116) Ainsi, la densité d’énergie associée aux modes de pulsation ω par unité de volume est u(ω) = ω3 h̄ π 2 c3 eβh̄ω − 1 (3.117) 36 Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier 1.5 u(ω ) 1.25 3 −β h ω ~ω e 1 (Loi de Wien) 0.75 0.5 ~ω 0.25 2 ω (Rayleigh−Jeans) 0 1 2 4 3 5 6 7 ~2.8 kT/ h Le maximum de la distribution u(ω) se déplace proportionnellement à T quand on change la température : cela constitue la loi du “déplacement de Wien”. Ainsi le corps noir devient successivement rouge, jaune–orangé et blanc (comme un morceau de charbon chauffé). • Densité volumique d’énergie de rayonnement En intégrant u(ω), on obtient l’énergie moyenne totale : E= V h̄ 2 π c3 β 4h̄4 Z 0 ∞ dx x3 . ex − 1 (3.118) L’intégrale numérique se trouve dans les tables et vaut π 4 /15. On obtient ainsi la loi de Stefan–Boltzmann, donnant la densité d’énergie de rayonnement thermique ∝ T 4 : E π 2 kB4 = T 4. V 15(h̄c)3 (3.119)