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La Lettre du Gynécologue - n° 279 - février 2003
e nos jours, désirer un enfant après 40ans est de
plus en plus fréquent.
En effet, beaucoup de femmes privilégient leur
vie professionnelle et reportent le projet de concevoir un
enfant à un âge plus avancé, grâce à l’amélioration de la
contraception.
En outre, les femmes qui souhaitent être enceintes à cet âge
sont souvent engagées dans un nouveau couple, après une
séparation ou un divorce, qui manifeste le souhait d’avoir un
enfant.
C’est ainsi que l’âge moyen de la première grossesse s’est
considérablement élevé ces dernières années (1). Il est actuel-
lement de 28 ans (contre 24 en 1970).
Le nombre d’accouchements entre 40 et 44ans est passé, à
l’hôpital Antoine-Béclère, de 1,25% à 3,15% de 1982 à 1988.
On individualise deux populations de femmes de plus de
40ans: les primipares âgées et les grandes multipares.
Dans la plupart des publications anglo-saxonnes avant 1990,
les grossesses tardives (âge supérieur à 35 ans à l’époque)
faisaient courir un risque très élevé à la mère et au fœtus (2).
Les études plus récentes sont plus optimistes.
Cependant, entreprendre une grossesse après 40 ans peut
poser certains problèmes.
GÉNÉRALITÉS (1)
!Tout d’abord, la fécondité baisse progressivement dès l’âge
de 20ans, pour devenir quasi nulle après 45ans.
La femme court un plus grand risque d’avoir une pathologie
gynécologique qui s’aggrave, comme l’endométriose, des
fibromes ou une stérilité tubaire liée à une salpingite ou à des
antécédents chirurgicaux.
La fertilité du mari diminue aussi significativement avec l’âge.
!De plus, il y a une augmentation du nombre de fausses
couches (34% après 40ans et 53% après 45ans) qui
s’explique en partie par des malformations et des anomalies
chromosomiques plus fréquentes.
!La morbidité au cours de la grossesse augmente avec l’âge,
notamment les toxémies et les diabètes gestationnels, surtout
chez les primipares. Cela entraîne une élévation du taux de
retard de croissance et de prématurité.
!Ces grossesses pathologiques ou à risque élevé, ainsi que
l’allongement de la durée du travail, font tripler le taux de
césariennes (30% contre 11% en moyenne nationale). Or la
mortalité maternelle est multipliée par cinq par rapport à un
accouchement par voie basse.
!Enfin, la mortalité périnatale est 2,5fois plus élevée (préma-
turité et hypotrophie plus fréquentes).
VOIES D’ACCOUCHEMENT
Le taux de césariennes chez la femme de plus de 40ans est de
30% (1), voire 43% (3, 4), contre 11% pour la moyenne
nationale.
Ce taux serait plus élevé chez les primipares [58,8% versus
20,8% chez les multipares dans l’étude de Chan et Lao (5) étu-
diant l’influence de la parité chez 205 femmes de plus de
40ans]. De même, Gilbert (6) retrouve la nulliparité comme un
facteur de risque important.
Augmentation du nombre de césariennes
en dehors du travail
Une étude réalisée à Boston en 1998 et portant sur
3715patientes (3) retrouve après 40ans 21,1% de césariennes
programmées, contre 3,6% avant 25ans.
Cela s’explique par une augmentation :
– Des présentations dystociques après 40ans: 2,7% avant
25ans versus 5,9% après 40ans (3). Cela pourrait être lié à un
taux de prématurité plus important (4) et à une mauvaise
contractibilité du myomètre (7), qui augmente le taux de
sièges.
– Des antécédents de myomectomies: 0,1% avant 25ans ver-
sus 8,1% après 40ans (3). Les fibromes peuvent être eux-
mêmes à l’origine d’un passé d’infertilité, qui explique une
grossesse tardive.
– Des macrosomies (3) notamment avec l’incidence élevée
des diabètes gestationnels. Près de 7% des primipares âgées
présentent un diabète gestationnel (4), contre moins de 3% des
primipares de 25-29ans.
Les études récentes (5, 6) ne retrouvent pas de d’influence de
la parité. En effet, la fonction sécrétrice des cellules pancréa-
Accoucher après 40 ans
*Service de gynécologie obstétrique-reproduction et de médecine fœtale,
CHU de Nice, hôpital l’Archet 2, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3.
D
DOSSIER
"C. Trastour*, S. Fayad*, A. Bongain*
tiques et la sensibilité à l’insuline diminuent avec l’âge (7). En
outre, les macrosomies sont plus fréquentes chez les patientes
obèses (7) par intolérance au glucose.
Des hémorragies pré-partum et surtout des placentas prae-
via (3). Gilbert (6) note huit fois plus de placentas praevia
chez les nullipares âgées que chez les nullipares de 20-29ans.
Bianco (8) retrouve cette augmentation quelle que soit la
parité, alors que Chan (5) compte 5,8% d’hémorragies chez les
multipares versus 17,6% chez les primipares âgées.
– Des prééclampsies quelle que soit la parité, mais plus mar-
quée chez les primipares (2, 3, 6, 8). Chan (5) note 17,6%
d’hypertensions artérielles (HTA) chez les primipares âgées
contre 5,2% chez les multipares.
En moyenne, le taux d’HTA double après 40ans: 8,5% avant
35ans et 15,3% après 40ans (1).
– Des grossesses obtenues après traitement d’infertilité,
selon l’étude de Sheiner (9) comportant 115nullipares de plus
de 40ans. Le risque d’avoir une césarienne après traitement de
la stérilité est 3,6fois plus important que pour une grossesse
spontanée, indépendamment des autres facteurs. Il y a 71,4%
de césariennes dans le groupe traité contre 41,3% pour les
grossesses spontanées. De plus, 64% de ces césariennes
n’avaient pas de raison médicale, contre 21% pour les gros-
sesses spontanées. Cela reflète l’anxiété qui domine dans la
prise en charge de ces grossesses “précieuses”.
– Des antécédents médicaux après 40 ans (3). Il y a significa-
tivement plus d’HTA chronique, d’obésité, de diabète,
d’asthme, de pathologies cardiaques et de fibromes (4).
Spellacy (10) retient comme facteur de risque l’obésité avec,
chez les patientes âgées et pesant moins de 67,5kg, une
moindre augmentation de l’incidence d’hypertension, de
macrosomie, de décès périnataux et de scores d’Apgar bas.
Le taux de césariennes pendant le travail
est aussi élevé
Il semble que la qualité de l’activité myométriale soit altérée
avec l’âge (3), avec peut-être un manque des gap-jonctions
intéressées dans le travail (8).
Classiquement, la durée du travail (2) est allongée chez les pri-
mipares âgées, surtout la première phase (11). Chez les multi-
pares, l’âge ne semble pas modifier la durée du travail.
En outre, la proportion de déclenchements du travail aug-
mente avec l’âge: 28% avant 25ans contre 50% après 40ans
(3), avec notamment beaucoup d’indications pour terme
dépassé, ce qui augmente le risque de césariennes pour échec
de déclenchement. Les déclenchements sont plus fréquents
chez les primipares (33%) que chez les multipares (14 %)
selon Chan (5).
Les souffrances fœtales aiguës et les arrêts de la dilatation sont
aussi plus fréquents à un âge avancé (3, 11).
L’utilisation d’ocytociques ne semble pas corrélée à l’âge
(3, 11) (tableau I).
Extractions instrumentales
Le taux d’extractions instrumentales est aussi augmenté
dans toutes les études (2), quelle que soit la parité.
Prysak (4), en 1995, a retrouvé 25% d’extractions instrumen-
tales chez les nullipares de plus de 35ans ayant accouché par
voie basse contre 17% chez les nullipares de 25-29ans.
Gilbert (6), lui, note un risque augmenté, surtout chez les nulli-
pares (14,2% versus 6,3% chez les multipares).
ÉTATS DES ENFANTS À LA NAISSANCE
Prématurité
Le nombre de mises en travail prématuré est plus important
chez les primipares âgées, ce qui justifie une surveillance
accrue en deuxième partie de grossesse.
En ce qui concerne les multipares, les études divergent (2)
(tableau II).
Apgar et transfert en soins intensifs
Les études divergent à ce sujet. Prysak (4) et Berkowitz (in 2)
ne retrouvent pas de différence significative des scores
d’Apgar à une et cinqminutes, mais une augmentation des
transferts en unités de soins intensifs (USI) dans le groupe des
primipares âgées (tableau II).
Belaïsch-Allart (2) et Bianco (8) observent une augmentation
des Apgar inférieurs à 7 à la naissance, parallèlement au trans-
fert en USI chez les nullipares âgées.
Il semble que les Apgar inférieurs à 7 soient plus fréquents
après un déclenchement (3).
À noter que les transferts concernent aussi des enfants porteurs
de malformations congénitales, qui sont plus fréquentes avec
une mère plus âgée (1, 2).
Poids de naissance (tableau III)
La plupart des études observent des poids moyens identiques
quel que soit l’âge de la mère (2), mais avec une proportion
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DOSSIER
Auteurs Nullipares (%) Multipares (%)
âgées jeunes âgées jeunes
Gilbert (6) 47 22,5 29,6 17,8
Chan (5) 58,8 15,6 20,8 12,4
Prysack (4) 43,7 27,5
Bianco (8) 38,9 18,3 24,7 8,9
Ecker (3) 43,1 11,6
Tableau I. Taux de césariennes selon l’âge et la parité.
Auteurs Nullipares (%) Multipares (%)
>40ans <30ans >40ans <30ans
Prysak (1995) 12,5 6,1
(> 35 ans)
Bianco (1996) 6,1 7,2 8,7 9,3
Gilbert (1999)
(étude sur 14,1 9,1 13,7 10,3
24 032 femmes)
Chan et Lao 11,8 10 7,8 9,6
(1999)
Tableau II. Taux de prématurité selon l’âge et la parité (2, 4, 5, 6, 8).
élevée d’enfants de petit poids de naissance (notamment en cas
d’HTA, de prématurité) et de macrosomes (liés au diabète ges-
tationnel) pour les femmes de plus de 40 ans.
Gilbert (6), sur 24032grossesses, retrouve des petits poids
chez les nullipares âgées, mais pas de différences dans le
groupe des multipares. Chan (5) ne retrouve pas de différences
significatives selon la parité.
Sheiner (9) note davantage de nouveau-nés de poids inférieur à
2500g dans le groupe de primipares âgées traitées pour stéri-
lité (34% contre 10% dans le groupe des grossesses sponta-
nées), de même que pour les poids supérieurs à 4kg (8,6%
dans le groupe traité versus 2,5% pour les grossesses sponta-
nées).
Ces hypotrophies pourraient être expliquées par une mauvaise
perfusion placentaire (7) de l’utérus âgé.
Mortalité néonatale
La majorité des auteurs retrouvent une augmentation des morts
in utero et de la mortalité périnatale (2), jusqu’à 2,5 fois plus
élevées dans les grossesses tardives, surtout chez les multipares.
Les études plus récentes (4, 6, 11) ne retrouvent pas cette aug-
mentation des décès néonatals après 40ans, vraisemblablement
grâce à une meilleure prise en charge obstétricale (2).
Bianco (8) conclut que, malgré une morbidité maternelle accrue,
les conséquences néonatales globales ne sont pas affectées.
MORTALITÉ MATERNELLE
Le taux de mortalité maternelle, malgré sa nette diminution,
augmente parallèlement à l’âge (2). Un article du dossier est
consacré à ce sujet.
Comme nous l’avons vu précédemment, il y a plus de césa-
riennes (notamment pour morbidité maternelle), et donc
d’anesthésies.
En outre, il y a plus d’hémorragies post-partum chez les primi-
pares âgées [1,1% après 35ans contre 0,2% avant 30ans (4)],
surtout par une mauvaise contractilité utérine augmentant le
risque d’atonies (7).
GROSSESSE APRÈS 50 ANS (2)
Des grossesses spontanées peuvent être observées après 50ans.
En 1993, l’Institut national d’études démographiques estimait
qu’il y avait 30naissances, 45IVG et 25fausses couches par an
chez des femmes de plus de 50ans.
De plus, les grossesses par don d’ovocytes permettent même
aux femmes ménopausées d’avoir un enfant, avec tous les
problèmes qui en découlent, à la fois médicaux pour la mère et
l’enfant, mais aussi éthiques avec, entre autres, un risque
d’être orphelin très jeune.
Avant d’envisager une grossesse tardive, la femme doit être
consciente des risques possibles qu’elle encourt ainsi que
son bébé.
Cependant, les résultats de nos jours sont loin d’être catastro-
phiques, et si une femme désire un enfant après 40ans, avec un
suivi attentif, elle peut tout à fait mener à bien son projet. #
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.Lansac J. Fertilité et infertilité. Faire des enfants tôt. Éditorial paru dans
La Lettre du Gynécologue 1994 ; 196; 3-6.
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advancing maternal age : indications and associated factors in nulliparous
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35years and older. Obstet Gynecol 1995 ; 85 : 65-70.
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mothers aged 40 years and above. Hum Reprod 1999 ; 14 : 833-7.
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independent risk factor for cesarean section among nulliparous women aged 40
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older. A case-control study. Aust N Z J Obstet Gynecol 1998 ; 38 : 388-90.
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DOSSIER
Paramètres 25-29 ans (%) > 40 ans (%)
Petit poids de naissance 6,4 10,9
Prématuré 6,1 12,5
Hypotrophe 4,9 7,2
Transfert en USI 6,7 10,6
Mortalité périnatale 0,9 1,5
USI : unité de soins intensifs.
Tableau III. Caractéristiques des enfants chez 1944 nullipares selon
l’âge (4).
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Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© janvier 1984 - EDIMARK S.A.
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