change pas de registre explicatif ou de
catégorie causale en fonction du phéno-
mène étudié. L’auteur propose alors une
typologie « élémentaire » des explica-
tions sociologiques des sciences fournis-
sant une classification en douze types,
par croisement de trois modalités
d’approches conceptuelles (causaliste,
fonctionnelle, significative) des relations
entre variables avec deux types d’expli-
cation sociologique, subdivisés en deux
variantes selon que l’on considère le
processus de validation scientifique
comme une boîte noire ou non.
L’ouvrage caractérise le programme fort
dans les termes de cette typologie souli-
gnant que l’originalité du causalisme
symétrique réside dans l’hypothèse
suivante : à un phénomène unique ne
peuvent correspondre simultanément une
justification rationnelle et un enracine-
ment social. Les critiques adressées aux
tenants du programme fort sont de deux
ordres. Le premier porte sur la valeur
démonstrative d’études empiriques limi-
tées au regard d’énoncés programmati-
ques ambitieux. Le second s’adresse à la
valeur intrinsèque d’énoncés programma-
tiques centrés sur la recherche des
« causes sociales » excluant les facteurs
instrumentaux ou naturels pour rendre
compte de la diffusion des phénomènes
scientifiques.
Le troisième chapitre s’attaque au
programme constructiviste se donnant
pour ambition d’éprouver le caractère
heuristique d’une remarque de Boudon
sur le retour périodique des idéologies, à
savoir qu’« une idée ancienne et discré-
ditée doit, pour s’imposer à nouveau,
subir d’abord une métamorphose ».
L’idée ancienne est le conventionnalisme
représenté par deux auteurs de la fin du
XIXesiècle, Duhem et Le Roy. La thèse
de Duhem-Quine consiste à accorder une
dimension systémique à toute épreuve
empirique de validation. Pour Le Roy,
l’indétermination intrinsèque du matériel
étudié est consubstantielle au caractère
construit des productions cognitives qui
le concernent. L’interdépendance des
systèmes théoriques et des procédures
expérimentales est reprise par de
nombreux constructivistes contempo-
rains. Ainsi, en affirmant que le règle-
ment des controverses est exclusivement
un processus « social » de recrutement
d’alliés et de contrôle de ces alliances,
Latour impose selon l’auteur un caractère
circulaire à toute tentative de départager
des théories concurrentes sur une base
logico-expérimentale. Le conventionna-
lisme radical, caractérisé par la circularité
de la relation entre définition et expé-
rience, s’avère semblable par bien des
aspects à celui d’autres constructivistes
contemporains comme Lynch ou Knorr-
Cetina.
Le quatrième chapitre instruit le
procès d’une sociologie des sciences
contemporaine régulièrement soupçonnée
de relativisme par ses détracteurs. Le
relativisme en sociologie des sciences se
présente sous différentes formes : dans
une acception étroite comme théorie de la
connaissance ou bien comme programme
de recherche visant à la compréhension
des rapports interculturels, voire comme
une éthique, celle d’un refus a priori
d’une conception universaliste de la
rationalité. Ainsi doit-on distinguer le
relativisme cognitif, apparenté à la philo-
sophie spontanée des scientifiques, de
l’instrumentalisme selon lequel une
théorie scientifique n’aurait pas pour
objet de restituer la réalité des faits mais
servirait plutôt à guider les transitions
logiques d’un ensemble de données expé-
rimentales à un autre. La spécificité du
relativisme cognitif en sociologie des
sciences provient de l’utilisation du
concept de « cadre » comme espace
sémantique. L’usage du cadre socioco-
gnitif substitue à l’image architecturale
des « énoncés protocolaires » du néoposi-
tivisme, la métaphore topologique de
régions conceptuelles et normatives
aboutissant au concept de « réseau ».
Toute observation scientifique prend
place dans un schéma global d’imputa-
tion causale. Faut-il pour autant assimiler
cette imprégnation théorique de l’obser-
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Revue française de sociologie