Conf. n°1 - Barbara DONVILLE

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Conférence 1
Emergence de la pensée propre:
Comprendre la nature de la représentation vide apraxique :
Superposition, intrication et décohérence
C’est en cherchant à comprendre la nature du vide dans l’apraxie que nous nous sommes
penchés sur le texte husserlien de la Représentation vide qui nous a permis de saisir avec
plus de précision la nature de l’incarnation vide apraxique. Nous nous sommes également
appuyés sur les travaux de recherches actuelles de Nicolas Guisin, ou encore de Sébastien
Poinat, qui nous ont éclairés sur les concepts d’intrication, de superposition et de
décohérence, permettant une fructueuse comparaison entre la nature du vide quantique et celle
du vide apraxique.
La « Représentation vide », une réflexion husserlienne
La représentation vide de l’incarnation vide du corps apraxique
Dans la conception husserlienne de la Représentation vide, qu’Husserl souhaitait intégrer dans
la deuxième édition des VIe Recherches Logiques, travaux qui n’ont finalement jamais vus le
jour, la Représentation est avant tout une intuition, une « donnée intuitive », la
Représentation vide étant donc définit comme une intuition donnée pour vide. Nous allons
tenter de comprendre comment une certaine forme de représentation vide définit par Husserl,
cadre précisément avec la représentation vide de l’incarnation vide de l’apraxie.
Dans la Représentation vide on trouve exprimée l’idée centrale de l’analyse de ce type de
Représentation définit comme une modification intentionnelle spécifique des représentations
et des présentifications intuitives, qui pour Husserl, se distinguent des présentifications ellesmêmes.
Husserl site le cas d’un « connaître sans parole » : pour lui, dans cette situation, les intentions
de signification et leur Remplissement (c’est-à-dire la façon dont l’intention qui se donne
prend sens, fait signe), ne sont ni détachés ni autonomisés, car les signes verbaux restent
conscients (on pourrait dire : « il se tait, mais je sais très bien ce qu’il dirait s’il parlait »)
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dans la mesure où ils sont en fait proposés sur un mode non intuitif il ne s’agit effectivement
pas d’avoir l’intuition de ce que signifie ce « connaître sans parole » mais de savoir au-delà
des mots ce qu’il signifie), et pour Husserl, dans ce cas précis, l’intuition est donc vide parce
que ce mode pensée à ce moment-là n’est pas nécessaire.
Donc puisqu’il n’y a pas de conscience vide des signes verbaux, autrement dit, puisqu’on est
certain d’avoir conscience pleine de ce que signifie ce connaître sans parole, qui n’est pas
nécessairement un silence, l’intuition ici n’a pas sa place.
Husserl distingue alors le vide dans lequel le signe verbal est conscient, le vide lorsqu’une
pièce est éteinte, et le vide de l’intention de signification non remplie : c’est à ce troisième cas
de figure que nous faisons face dans l’incarnation vide de l’apraxie C’est parce qu’au sujet
apraxique n’est attribué aucune forme de Remplissement : qu’il s’agisse du remplissement
ayant part aux sensations, à la conscience d’un Soi, ou encore permettant un repère spatiotemporel, le sujet apraxique ne prend jamais part aux Remplissements vides concrets dont font
partie le vide dans lequel le signe verbal est conscient (la signification d’un silence donc) ou
encore, le vide découlant d’une pièce éteinte.
Hormis ces représentations vides concrètes il y a les représentations vides non autonomes,
qui sont les représentations de l’incarnation vide qui engendre l’apraxie : cette nonautonomie qui caractérise ce type de représentation, fait que le remplissement sous quelque
forme qu’il soit est impossible. La non-autonomie fait qu’il n’y a accès à aucune situation
possible.
Husserl, définit les représentations vides concrètes comme des composantes vides de la
perception spatio-temporelle car pour lui, toute perception contient d’une part ce qui est
intuitivement donné, mais également des extrapolations vides. Autrement dit tout
Remplissement intuitif est également rempli de ces possibles vides. Il n’y a donc pas de
véritable Remplissement sans ces vides. La conception du Remplissement husserlien n’est
d’ailleurs pas sans rappeler la conception quantique du vide, car ce type de vide est
effectivement compris comme une mesure du Remplissement.
Husserl poursuit en évoquant les concepts d’apparition propre et d’apparition impropre.
C’est bien à ce non- phénomène que se heurte l’incarnation vide apraxique, à qui toute
apparition reste impropre et ne constitue donc pas un phénomène dans la mesure où il ne
s’agit jamais de contenus présentatifs. Les objets ne sont jamais imprimés dans la sensibilité
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du corps apraxique, et de fait, ils restent non représentés à travers le sensible c’est-à-dire, le
matériau des sensations, le sensible ne se fait jamais bruit selon l’expression de Josselyn
Benoîst. Alors que l’apparition propre unit l’ensemble complexe des sensations de la
perception, et c’est ce complexe qui supporte une fonction représentative.
De fait, le sujet apraxique ne peut jamais accéder à l’anticipation ni à la rétro-référence qui se
co-appartiennent, et qui permettent de constituer un donner objectif, d’autant que ce dernier
ne concerne pas exclusivement les sensations mais également les phénomènes qui permettent
d’attribuer à la conscience une unité. Le sujet apraxique ne peut pas accéder à l’anticipation
car l’incarnation vide de son corps ne s’envisage pas dans l’espace-temps, ce dernier ne fait
jamais repère. Et cette impossibilité de percevoir son corps comme repère, fait que le sujet
apraxique n’accède pas non plus à la rétro-référence. L’incarnation vide apraxique ne fait ni
référence spatio-temporelle, ni référence mentale, formes de références qu’implique la
rétroréférence de l’incarnation orientée par excellence.
Lorsque le corps est une incarnation orientée, et que les perceptions sont imbriquées les unes
dans les autres, il y a un noyau intuitif environné d’intentions vides, mais ce vide est un
espace qui permet aux perceptions de passer les unes dans les autres de manière continue, car
ce vide est intentionnellement impliqué. Husserl analyse la simple intention vide qu’elle soit
autonome ou non, qui rejette le schéma contenu-forme comme principe d’explication des
différences entre actes. Il définit alors ces actes comme des actes de présentification incluant
le souvenir et l’imagination, mais qu’il ne distingue pas des actes présentatifs (qui sont donc
en train de s’accomplir). Il considère ces actes comme des modifications intentionnelles de
perception. C’est justement parce que ce sont des actes intentionnels de la perception qu’ils
ne sont pas présents dans l’apraxie dans la mesure où la forme d’incarnation vide de l’apraxie
est un vide où l’intention de signification n’est pas remplie, il n’y donc pas de possibilité de
forme d’intentionnalité quelle qu’elle soit.
Husserl en arrive à l’idée que les intentions vides sont une classe particulière de modifications
intentionnelles, distinctes de celles des présentifications. Plus il y a de contenu intuitif, plus
claire est l’intuition, et moins il y a de contenu intuitif, plus obscure est l’intuition. Si
l’intuition est complètement vidée d’un tel contenu alors il s’agit, comme dans l’apraxie,
d’une représentation vide qui a la forme d’une intuition complètement obscure.
Ainsi, dans l’apraxie, assiste-t-on à un vide non-autonome, qui implique une régression à
l’infini des représentations vides inclues les unes dans les autres. Cependant, puisqu’une telle
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forme de vide contient un halo conscient vide impliquant la chose représentée à vide, les
pourtours de la chose, et son intérieur qui environnent la chose suivant une modalité qui est
celle de l’incarnation vide.
Si les intuitions d’un corps incarné-orienté s’imbriquent les unes dans les autres pour
constituer un tout cohérent envisageable dans l’espace-temps, le corps apraxique induit une
infinité actuelle réelle de représentations vides emboîtées les unes dans les autres
indéfiniment, traduisant une incarnation vide dans laquelle tant l’intention vide concrète que
la composante vide abstraite ne sont jamais distinctes l’une de l’autre. Ainsi, l’incarnation
vide apraxique induisant cette forme de vides emboîtés les uns dans les autres, ne donne donc
jamais accès à la donation d’un phénomène, le « phainomenon » ce qui apparaît, car dans
l’apraxie, il ne peut jamais être question de conscience (con- scientis, qui signifie « avec
connaissance », et qui éveille) de face arrière contenue dans tout phénomène, faisant l’objet
d’une perception continue ainsi que cela se produit dans un corps incarné-orienté.
Le vide quantique, figure de l’incarnation du vide apraxique ?
Quand on aborde ce domaine, il se pose la question de savoir si le corps de l’homme est de
même nature que le corps matériel dont s’occupe la physique quantique ?
Le vide est une mesure
Nous avons évoqué à travers la réflexion husserlienne sur la Représentation vide, la nature
de l’incarnation vide apraxique. Pour comprendre le concept de vide quantique, sur lequel
nous nous penchons à présent, il faut partir de l’idée que chaque échelle nécessite une mesure
adéquate. Pour atteindre l’échelle faisant émerger la matière pensante, un certain type de
mesure est donc nécessaire, car chaque type de mesure délivre une forme informative et le
vide quantique est un état informatif au même titre que les autres états quantiques.
Nous partons du postulat que la nature du vide apraxique s’apparente à ce que Husserl nomme
un vide d’intention de signification non remplie qui engendre une non-autonomie barrant la
route de fait à ce qui apparaît : le phainomenum. De fait, la nature du vide apraxique, ne
permet jamais au sujet d’être observateur de son phainomenum. Son corps n’étant donc pas
un apparaître pour lui-même, il n’a donc pas les moyens de viser les phénomènes qui
l’entourent. Le vide apraxique, engendrant une incarnation vide, n’atteint donc jamais une
échelle permettant l’observable, et le sujet apraxique n’accède pas à l’observation.
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Que faut-il alors comprendre de l’observation et de la mesure? Pourquoi le vide quantique
propose-t-il une solution adéquate ?
Ainsi, un observateur, ne peut être qu’observateur d’une certaine mesure à une certaine
échelle : Il convient de laisser à l’observateur un moyen d’intrusion dans le système pour
mesurer l’énergie qui y est enclose, et il n’y a pas ici de limite intrinsèque ni pour la précision
de cette mesure d’énergie, ni pour la discrétion de l’intrusion. Dans la perspective de la
mécanique quantique, l’état de vide constitue un état parmi tous les autres. C’est un état
propre d’un ensemble donné de variables physiques, l’énergie totale et l’impulsion
notamment.
Qu’en est-il donc du contenu informatif du vide ? Ne pourrait-on pas induire l’idée d’un vide
informatif défini comme la capacité à stocker l’information relative aux lois physiques (et
dans ce cas précis, aux lois physiologiques) ? Ici le vide est invoqué comme contenant une
information indéchiffrable parce qu’inobservable et codée, relative à l’existence même et à la
nature de ces interactions, aux valeurs des constantes physiques. Ce serait en « interrogeant »
le vide que les particules ou les champs seraient informés de ce que telles lois de la physique
doivent être respectées. Le vide ne se distingue donc pas de la matière, son échelle ne permet
juste pas de faire émerger un phénomène observable dans le monde macroscopique. Ce que
l’on appelle habituellement matière et vide, sont deux aspects différents d’un même tout. Le
vide n’a pas d’énergie aux grandes échelles, mais de grandes énergies aux petites dimensions,
indiscernables sur le mode macroscopique.
On peut alors se demander comment se situe le phénomène de la superposition dans la forme
informative du vide ? Et en quoi il est effectivement responsable de l’incarnation vide
apraxique ?
Si l’on conçoit que l’univers occupe probablement un état de superposition quantique, c’est-àdire, une superposition qui est quantifiable à l’état microscopique, cela suppose qu’il englobe
tous les états concevables, dont seulement l’un est choisi lorsque l’on procède aux premières
observations. Le phénomène de superposition stipule qu’une particule, à un instant donné
peut, pour chacune de ses caractéristiques physiques (position, quantité de mouvement….)
avoir plusieurs valeurs différentes dans plusieurs états différents. Dans le monde de
l’infiniment petit, ce n’est que lorsque nous effectuons une mesure que nous savons où elle se
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situe. La superposition quantique est la conséquence directe du fait que nous pouvons associer
à une particule une onde ou même un paquet d’ondes représentant la superposition des ondes
d’un électron, révélant tous les mouvements potentiels de celui-ci. C’est uniquement
lorsqu’on effectue une mesure pour observer un électron que ce paquet d’ondes se réduit à
une seule onde (d’où l’importance de pouvoir être dans les limites d’une mesure
observable….) Dès lors, on peut connaître la position géographique précise de l’électron par
rapport au noyau de l’atome. Ainsi, avant toute mesure, un objet quantique ne revêt aucune
réalité physique : il est l’intrication d’un formalisme mathématique probabiliste
essentiellement prédictif.
Ainsi, si l’on conçoit le vide apraxique comme un vide d’intention de signification non
remplie, on peut supposer que l’incarnation vide apraxique est le fruit d’une superposition
d’états, état qui suppose effectivement que le sujet se trouve dans plusieurs états différents à
la fois. Il est simultanément incapable de ne se situer d’un point de vue spatio-temporel, et
l’on mesure alors que l’environnement lui échappe, cependant qu’il mesure pourtant que sa
situation est une non-situation. Ainsi en est-il de même pour toute sa compréhension du
monde et de lui-même, assis en permanence entre deux états : celui d’une observation interne
qui observe sa non-observation externe, qui fait qu’il n’est jamais en mesure d’être
véritablement un observateur capable de mesurer l’observable. Il mesure en permanence son
incapacité à faire émerger une mesure observable par lui-même. Et cet état de superposition,
ne va jamais jusqu’au bout du processus tel que cela se produit dans la superposition
quantique qui permet lorsqu’on effectue une mesure pour observer un électron, que le paquet
d’ondes se réduit à une seule onde.
Une autre façon d’envisager la mesure : l’intrication. Qu’en est-il de l’intrication neuronale
dans l’état de vide apraxique ?
De même que l’intrication quantique concerne les ondes et les particules, l’état d’intrication
apraxique porte sur les réseaux neuronaux. Le vide invoqué contient donc une information
indéchiffrable parce qu’inobservable. On peut se demander si la forme de ce vide n’est pas
relative à l’existence même de la nature de ces intrications neuronales ? Nous avons constaté
que le vide apraxique n’autorise pas à l’état de superposition apraxique, d’aller jusqu’au bout
de son processus. Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la nature des intrications qui
spécifie l’apraxie.
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Dans le phénomène d’intrication quantique, il est possible que deux objets éloignés l’un de
l’autre ne forment en réalité qu’un seul objet. Ainsi si l’on touche à l’un des deux, les deux
objets tressaillent. Toucher veut donc dire qu’on fait une mesure sur un objet quantique,
celui-ci produit alors une réponse (une réaction) au hasard. Si l’on ne touche pas le premier
objet, le deuxième ne tressaille pas, seulement, si on envoie une information, en ne sachant
pas si le premier objet a été touché ou non, comment savoir si le deuxième a tressailli ?
L’état d’intrication neuronal apraxique ressemble à cette dernière description. Cependant, le
processus de superposition reste toujours à la première phase d’une situation inobservable car
étant encore à celle où la situation du sujet reste une non-situation ; ainsi l’information
produite lors de l’intrication apraxique est la plupart du temps en incapacité d’informer si le
premier objet (la première personne) a été touché (a informé) ou non et de fait, on ignore si le
second objet (la seconde personne) a tressailli (a été informé). Ainsi, n’est-on jamais en
capacité d’observer qu’une mesure a été faite.
Un électron peut se trouver dans un état dans lequel sa position est indéterminée, il n’a tout
simplement pas de position précise. Formellement, l’indéterminisme se décrit à l’aide du
principe de superposition. Si un électron peut être « ici » et « là » simultanément, alors cet
électron peut tout aussi bien être en état de superposition «ici » et en état de superposition
« là ». En revanche, si l’on mesure sa position, on obtient, au hasard, soit le résultat « ici »,
soit le résultat « là ».
C’est cette première étape qu’il faut arriver à obtenir pour passer de l’état d’apraxie où la
matière pensante n’est pas autonome, à l’état de dyspraxie où l’état superposition mesure une
position bancale, mais une position cependant, qui permet à l’intrication de se désintriquer
peu à peu.
On vient de voir qu’un électron peut ne pas avoir de position, mais deux électrons qui n’ont
pas de position, peuvent très bien, de par le phénomène d’intrication, avoir une distance
déterminée : l’intrication détermine donc une distance mais pas une position.
L’intrication neuronale apraxique ne définit ni une distance ni une position, et de fait,
l’émergence de la pensée propre ne se fait pas, car l’état de superposition ne peut pas aller
jusqu’au bout de son processus.
Dans l’intrication quantique, chaque fois que l’on mesure les positions de deux électrons, on
obtient des résultats aléatoires, mais dont la distance est toujours exactement la même. La
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position de deux électrons est toujours déterminée l’un par rapport à l’autre, même si, la
position de chacun des électrons ne l’est pas. Lorsqu’on effectue des mesures sur deux
systèmes intriqués, les résultats sont régis par le hasard. Le hasard quantique est non local.
Alors que dans l’intrication neuronale apraxique, les mesures des systèmes intriqués ne
semblent pas liées au hasard ni à la non-localité. Cette forme d’intrication est liée au vide
d’intention de signification non remplie que caractérise le vide apraxique, ainsi qu’à la forme
de superposition qui de par le vide apraxique, ne peut aller jusqu’au bout du processus.
En effet, quelles que soient les raisons de l’intrication quantique, elle se décrit à l’aide du
principe de superposition appliqué simultanément à plusieurs systèmes. Alors que dans la
superposition apraxique, il n’est jamais possible de réduire in fine le paquet d’ondes neuronal
à une seule onde qui se différencie comme dans la superposition quantique.
Selon ce principe, on sait cependant que deux électrons peuvent être à la fois dans un état et
dans un autre état simultanément. Si l’intrication quantique est bien plus qu’un état de
superposition parce qu’elle introduit les corrélations non locales, dans le phénomène
d’intrication neuronale apraxique, elle introduit aussi des corrélations mais celles-ci sont
locales.
Dans l’intrication quantique, même si aucun électron n’a de position prédéterminée, si la
mesure du premier électron produit un résultat « ici », la position du deuxième électron est
immédiatement déterminée « là », même sans la mesure de la position du deuxième électron.
Alors que dans l’intrication neuronale apraxique, même si aucun neurone n’a de position
détectable a priori, il paraît cependant déterminé par une certaine localité car seules certaines
personnes semblent faire partie prenante de cette intrication pour le sujet apraxique.
Autrement dit, l’enfant apraxique, ne peut se servir que de la pensée de certaines personnes
mais pas de toutes.
La théorie quantique prédit, et beaucoup d’expériences ont confirmé que la nature est capable
de produire des corrélations entre deux événements distants qui ne s’expliquent ni par une
influence d’un événement sur l’autre, ni par une cause locale commune. Non-local veut dire,
non descriptible par des variables locales. Les corrélations non-locales ne permettent pas de
communiquer, la physique quantique est intrinsèquement aléatoire. Ces curieuses corrélations
proviennent de l’intrication qui est décrite comme une sorte d’onde qui se propage dans un
espace bien plus grand que notre espace à trois dimensions.
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Quant à l’intrication neuronale apraxique, si les corrélations sont effectivement locales dans la
mesure où cette intrication ne fonctionne qu’avec certaines personnes et pas d’autres, elles
restent en revanche non descriptibles par des variables locales et sont, à ce titre, aléatoires.
Rien ne permet d’expliquer pourquoi certaines personnes font partie intégrante de l’intrication
du sujet apraxique et pas d’autres.
Passer du monde microscopique au monde macroscopique: l’impossible décohérence de
l’état neuronal apraxique
La décohérence quantique est le phénomène qui fait qu’une mesure effectuée sur des
éléments du monde microscopique est responsable de la réduction du paquet d’ondes dans le
contexte d’une superposition quantique, elle finalise donc l’état de superposition. Elle permet
le passage du monde microscopique au monde macroscopique, le nôtre.
Ce phénomène de décohérence qui ne se produit pas dans l’intrication neuronale apraxique,
puisque la décohérence est l’étape finale de la superposition et que dans l’état apraxique,
comme nous l’avons dit plus haut, l’état de superposition ne va pas jusqu’au bout du
processus.
L’impossible décohérence de l’état apraxique induit alors une non-autonomie des
mouvements ; même si le sujet apraxique n’est pas immobile et qu’il effectue bien certains
mouvements, aucun de ses mouvements effectués ne lui appartiennent vraiment dans la
mesure où ils ne sont jamais le fruit d’une intention, ils ne sont jamais volontaires et donc ne
permettent pas au sujet de se situer ni par rapport à l’espace environnant, ni a fortiori par
rapport à son propre corps.
Ainsi, l’état de superposition n’allant jamais jusqu’au bout de son processus, l’état de
décohérence reste donc impossible et l’onde neuronale observable faisant émerger la matière
pensante ne s’observe jamais et la matière pensante autonome reste toujours lettre morte.
C’est la localité de l’intrication ( la pensée de certaines personnes et pas d’autres influe sur le
sujet apraxique) qui induit cette impossibilité de superposition et cette impossibilité de
décohérence qui fait que la matière pensante n’émerge pas dans l’apraxie.
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L’’incarnation, une phénoménologie de la chair
Si, comme nous l’avons mentionné plus haut, l’on conçoit le vide apraxique comme un vide
d’intention de signification non remplie, puisque le sujet se trouve dans plusieurs états
différents à la fois, simultanément incapable de ne se situer d’un point de vue spatio-temporel,
cependant qu’il mesure pourtant que sa situation est une non-situation, en proie permanente à
deux états : celui d’une observation interne qui observe sa non-observation externe, ne lui
permettant jamais d’être un observateur capable de mesurer l’observable. Il mesure en
permanence son incapacité à faire émerger une mesure observable par lui-même.
Le vide apraxique fait donc toucher du doigt l’impossibilité profonde de s’incarner, et révèle
que l’incarnation se situe au centre d’une constellation de propriétés. Ce qui caractérise les
êtres incarnés, c’est qu’ils ont un corps. Mais le concept de corps pose question dans la
mesure où le corps qui appartient aux êtres vivants n’est pas identique à un corps matériel. Un
abîme sépare les corps matériels et le corps d’un être incarné tel que l’homme.
Chaque homme, à tout instant de son existence fait l’expérience immédiate de son propre
corps, il l’éprouve quelle que soit la sensation. Un corps inerte ne sent et n’éprouve rien car il
ne s’éprouve pas lui-même. Ainsi que le fait remarquer de manière très profonde Heidegger,
la table ne « touche » pas le mur contre lequel elle est placée.
Or, le propre du corps de l’homme est qu’il sent chaque objet proche de lui ; il perçoit
chacune de ses qualités, il voit les couleurs, entend les sons, respire une odeur, mesure du pied
la dureté d’un sol, de la main la douceur d’une étoffe. L’homme incarné n’éprouve le monde
de toute part que parce qu’il s’éprouve d’abord lui-même dans l’effort qu’il accomplit.
Il y a donc deux types de corps : le corps incarné et le corps inerte. Le corps incarné en
s’éprouvant, se souffre, se subit, se supporte soi-même, et jouit d’impressions toujours
renaissantes. Ce n’est qu’à ces conditions que le corps est véritablement incarné. Car
l’incarnation ne consiste pas à avoir un corps, mais à avoir une chair : des êtres incarnés sont
des êtres qui ressentent toute une série d’impressions liées à la chair parce que constitutives
de sa substance, une substance impressionnelle commençant et finissant avec ce qu’elle
éprouve.
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Définie par tout ce dont un corps se trouve dépourvu, la chair ne peut donc se confondre avec
lui. Chair et corps s’opposent comme le sentir et le non-sentir ; et il nous est très difficile de le
penser véritablement. Seule notre chair nous permet de connaître quelque chose comme un
« corps », et c’est le Verbe qui fait la Chair. C’est parce que le sujet se définit comme une
Chair constituée par le Verbe qu’il accède au Logos : « Au lieu de Soi », selon l’expression
augustinienne. C’est par tout cela que l’homme accède au sensible et au devenir.
L’incarnation de l’homme que l’on nomme Chair se fait dans le Verbe et par le Verbe. Ainsi,
l’être existe véritablement, car il puise en lui-même la force d’être. Ce n’est que parce que
l’homme se sent incarné, qu’il s’identifie en tant qu’homme. L’incarnation n’est pas
concevable sans une prise en chair, mais c’est l’incarnation du Verbe qui permet l’émergence
de l’homme.
L’a-carnation du vide apraxique
C’est bien cette incarnation par le Verbe et dans le Verbe qui ne se réalise pas dans l’apraxie,
car la vide apraxique ne permet pas la distinction entre le corps et la chair. Rien n’étant perçu
distinctement, rien n’est perçu et vécu en propre, rien ne se fait impressionnel. Il n’existe pas,
dans le vide apraxique, de sentir qui puisse s’opposer au non-sentir : il n’y a donc ni
commencement ni fin. Ainsi, le Logos, dont l’espace se définit par un commencement et une
fin n’advient pas, car le Verbe étant le Geste qui permet l’émergence de l’homme-sujet, le
Verbe est le Geste qui permet l’émergence de l’homme qui se conçoit comme Chair.
Ainsi, peut-on identifier le vide apraxique comme une a-carnation : une impossibilité de
prise en chair engendrant une impossibilité d’ ipséité, le fait d’être soi-même, le fait d’être un
Soi, puisque l’être apraxique n’est jamais une pure épreuve de Soi-même, non-sujet voué à
un non-état permanent n’ayant ni la sensation d’un corps ni celle d’une chair puisque l’acarnation apraxique n’est pas identifiable à une phénoménologie car elle n’est jamais en
mesure de se manifester par la personne apraxique ni de manifester quoi que ce soit à la
personne apraxique. Ainsi l’être apraxique est-il ontologiquement une personne, un
personnage en quête d’auteur, un prosopon, terme grec dont dérive le terme latin persona :
« masque ».
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Bibliographie
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-
« La représentation vide » Husserl Collection Epiméthée Editions des PUF
-
« l’idée de phénoménologie » Husserl Collection Epiméthée Editions des PUF
-
« Représentation sans objet » Jocelyn Benoist Collection Epiméthée Editons des PUF
-
« Mécanique quantique du formalisme mathématique au concept philosophique »
Sébastien Poinat Editions Hermann
-
« Conscience et physique quantique » Pierre Uzan Collection Mathesis Editions Vrin
-
« Incarnation, une philosophie de la chair » Michel Henry Editions du Seuil
-
Un nouveau monde quantique : la théorie de l’information sonde les limites de la
physique. In La Recherche n° 455 Septembre 2011
-
Incertitude quantique : la fin du principe d’Heisenberg ? in La Recherche n° 492
Octobre 2014
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