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Latin et études de médecine
Chère Madame,
Je vous remercie de votre courrier.
Les élèves qui vous posent ces questions font preuve d’une certaine naïveté. Le but de leurs
études secondaires n’est pas de se préparer à décrocher un diplôme, mais de se préparer à vivre une
vie harmonieuse, généreuse, constructive, intéressante, riche en contacts humains.
Dans le cadre concret de leurs questions, il ne faut pas confondre entre les qualités nécessaires
pour réussir les études de médecine, et les qualités nécessaires pour être un bon médecin. Les études
occupent quatre ans et demi de la vie ; les stages cliniques et la profession occupent 45 ans. Pour
réussir les études, il sut d’être intelligent et travailleur. La première qualité manque très rarement,
car l’homme est naturellement intelligent, et ces études ne demandent pas une intelligence
exceptionnelle ; ce qui manque souvent, c’est le courage de travailler. Pour être médecin, il faut bien
d’autres qualités : l’empathie, l’écoute, la générosité, l’humilité, le discernement, la persévérance,
l’esprit critique, le sens des nuances, la souplesse de la pensée, la maîtrise du raisonnement
logique, la capacité d’apprendre par soi-même, le sens des responsabilités… Chaque année, je vois
quelques étudiants qui viennent de réussir brillamment leurs études, et qui se révèlent totalement
incompétents pour l’exercice de l’art médical. Ils sont fort malheureux, et sauf à changer de voie,
peuvent causer beaucoup de tort.
D’avoir côtoyé dans ma profession des centaines de frères humains me permet d’armer que
leur rayonnement n’est pas lié à leur diplôme, mais à d’autres qualités, dont beaucoup développées
pendant les études secondaires, et que si diplôme ils ont, leur valeur n’est pas liée à la nature du
diplôme, mais à l’usage qu’ils font de cette richesse.
Une autre naïveté est de croire que pour aborder les études de médecine ou d’art dentaire il
est avantageux d’entrer à l’université avec un bon bagage d’avance de connaissances. C’est faux.
C’est l’université qui se charge d’apporter les connaissances requises. Que l’étudiant ait deux mois
d’avance en sciences ne contribue guère. L’université attend du secondaire des têtes bien faites,
avec une certaine méthode de travail, et de bonnes habitudes de logique et de sens critique, et
des caractères bien trempés, avec une ouverture au monde et aux autres. Nous nous chargeons de
remplir ces têtes, et de les exercer à travailler sur les connaissances nouvelles et spéciques.
La méthode du secondaire est de développer ces qualités par l’étude approfondie de l’une ou
l’autre matière. Il n’est évidemment possible de se former qu’après avoir acquis des connaissances
dans la matière en question. En pratique, beaucoup de matières diérentes conviennent à se former,
mais seules celles qui sont étudiées de façon approfondie sont vraiment précieuses. Un étudiant du
secondaire voit donc son temps partagé entre l’un ou l’autre cours formatif, et d’autres branches,
vues de façon plus légère, qui sont simplement informatives. Ce qu’il faut éviter est de multiplier les
cours informatifs au détriment d’un ou deux cours solides.
Quels cours pour se former?
Sortons des grandes idées, et soyons très concrets. Plusieurs enquêtes statistiques ont été
faites sur la réussite à l’université, dont une, précisément, dans ma faculté de médecine et médecine
dentaire, tout récemment. Surprise: la cause majeure d’échec est la richesse insusante en français.