possible. La recherche et l’établissement d’une méthode ne peut être
que postérieure et secondaire à cet engagement pratique3.
D’où l’importance de l’éclectisme que les Popularphilosophen
allemands reprennent volontiers de Diderot :
L’éclectique est un philosophe qui foulant aux piés le
préjugé, la tradition, l’ancienneté, le consentement
universel, l’autorité, en un mot tout ce qui subjugue la
foule des esprits, ose penser de lui-même, remonter aux
principes généraux les plus clairs, les examiner, les discuter,
n’admettre rien que sur le témoignage de son expérience &
de sa raison ; & de toutes les philosophies, qu’il a analysées
sans égard & sans partialité, s’en faire une particuliere &
domestique qui lui appartienne [...]. Le sectaire est un
homme qui a embrassé la doctrine d’un philosophe ;
l’éclectique, au contraire, est un homme qui ne reconnoît
point de maître4.
L’exaltation de la raison caractéristique de la pensée des lumières
est, pour l’éclectique, individualisée et retournée contre toute forme
de doctrine unifiée ou de méthode universelle qualifiées de
« sectaires ». Le système wolffien devient alors autoritaire. Le chemin
vers les lumières qu’il avait tracé devient l’obstacle à contourner vers
le même but. Tous ont le pouvoir de faire la part des choses et tous
peuvent intervenir dans le débat public. Ce n’est que dans cet espace
de confrontation des idées que peut naître le véritable progrès.
La place centrale que prend la notion de « public » à l’époque de la
Popularphilosophie est, il faut le dire, tributaire de grands
bouleversements dans le contexte intellectuel allemand. Mise à part la
pénétration en Allemagne des pensées étrangères, c’est aussi dans
cette première moitié du XVIIIe siècle que l’Allemagne voit la
multiplication des journaux, des revues et des publications en langue
allemande. Peu à peu se forme un espace de dialogue public. Les
______________
3 Les deux paragraphes précédents sont largement tributaires à l’analyse de
John H. Zammito dans les deux premiers chapitres de Zampito, J. H. (2002),
Kant, Herder, and the Birth of Anthropology, p. 1-41.
4 Diderot, D. (1752), « Éclectisme », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers, t. 5, p. 270.