contre, avec la femme de Samarie, marginale à plus d’un titre,2 Jésus
cherche le dialogue en plein jour,3 un dialogue qui provoquera l’étonnement
des disciples (hommes), conduira la femme à découvrir sa véritable identité
et à s’interroger sur celle de Jésus : « Ne serait-il pas le Christ ? ».4
Finalement, la rencontre entre Jésus et cette femme suscitera une grande
rencontre des gens de Samarie avec Jésus. Bien des siècles avant nous,5 les
premiers commentateurs de l’Évangile avaient déjà remarqué comment
Jésus parle différemment avec Nicodème et avec la Samaritaine. Théodore
de Mopsueste, par exemple, observe qu’avec l’homme trop assuré de
l’institution et du savoir, la pédagogie de Jésus se fait ironique, alors
qu’avec la femme sans arrogance, il est d’une proximité inattendue.6 Quant
à Cyrille d’Alexandrie, il insistera sur le fait que Jésus, en dialoguant avec la
femme de Samarie, a instauré des relations nouvelles entre l’homme et la
femme.7
À la fin de l’Évangile, relatant les événements du matin de Pâques, Jean
compare encore des disciples (hommes) qui courent au tombeau, sans
toutefois trouver le Ressuscité (Jean 20, 2-10), avec une femme, Marie de
Magdala, dont la recherche persévérante de son Seigneur aboutira à la
première rencontre et au premier dialogue avec le Ressuscité qui fera d’elle
la première annonciatrice de la résurrection (Jean 20, 1-18). Elle est
transformée par le Christ dans son identité profonde. En relatant cette
rencontre du matin de Pâques, Jean voulait-il faire entrevoir l’aube d’une
création nouvelle pour tout être humain ? L’importance de cette rencontre
entre Marie de Magdala et le Ressuscité n’a pas échappé à l’exégèse
patristique : Ce n’est pas uniquement Marie, mais avec elle, ce sont aussi
toutes les femmes qui reçoivent du Christ une dignité nouvelle : « En elle, la
première, je dis bien en Marie, il honore pour ainsi dire tout le genre
féminin », insiste Cyrille d’Alexandrie dans son commentaire sur Jean 20, se
faisant le porte-parole de toute cette exégèse patristique.8
Au cœur de l’Évangile, Jean a encore placé deux femmes, Marthe et Marie
de Béthanie, qui courent à la rencontre de Jésus (Jean 11, 20 et 29) et qui ont
avec lui une relation débordante de vie. Elles contrastent vivement avec leur
frère, figure masculine et centrale du récit, remarquable par sa passivité tout
au long des événements de Béthanie.9 Jean met dans la bouche de Marthe
2 Cf. Jean 4, 9, 18 et 27.
3 MOURLON BEERNAERT, Pierre, Marthe, Marie et les autres, Bruxelles 1992, 147, fait
la même observation sur ces deux rencontres : « Tout ce dialogue est ainsi un récit de
révélation dans la lumière de midi, en net contraste avec la ‘nuit’ de la visite de
Nicodème ».
4 Cf. Jean 4, 29.
5 Cf. par exemple, SCHÜSSLER FIORENZA, E., En mémoire d’elle, 454.
6 Cf. par exemple THÉODORE DE MOPSUESTE, Commentarius in evangelium Johannis,
CSCO 115, 116, Louvain 1940, 49 et 65.
7 Cf. CYRILLE D’ALEXANDRIE, in PUSEY, Philip Edward, Sancti Patris nostri Cyrilli
archiepiscopi alexandrini in D. Joannis evangelium, Bruxelles 1965, I, 286-288.
8 CYRILLE D’ALEXANDRIE, in Joannis evangelium, PUSEY, III, 120-121.
9 MARCHADOUR, Alain, Lazare – Histoire d’un récit, récits d’une histoire, Paris 1988,
126 : « Lorsqu’on considère la figure de Lazare dans le récit actuel, on en retire
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