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Indicateursderichesseetdebien-être.DespistesderéflexionpourlacommissionStiglitz
gouvernement devrait également utiliser les premières pour mesurer
le progrès du pays 2. »
Résultat : les trois quarts des interviewés privilégient la seconde
optique, contre 19 % seulement pour la première. Les Italiens et les
Français sont même les plus convaincus : respectivement 85 % et 86 %
ont choisi la seconde proposition. Seuls 10 % des Français estiment
que les indicateurs strictement économiques priment.
Il y a fondamentalement, chez nombre de citoyens, un sentiment
croissant de déconnexion entre leur perception subjective de la réalité
(de leur situation personnelle comme de celle de leur environnement)
et ce qui est décrit, à travers les indicateurs économiques usuels,
comme la situation objective de leur société. C’est en grande partie
dû au fait que l’on ne sait plus très bien ce que l’on mesure, ou, plus
exactement, ce que signie ce que l’on mesure. Le 18 novembre 2003,
Le Monde Économie titrait, par exemple : « Le Japon va mieux, les
Japonais moins bien » 3. La santé d’un pays serait-elle autre chose que
la santé de ses membres ? ! On ne peut mieux exprimer – involon-
tairement – l’ambiguïté de la notion de richesse, et donc la nécessité
de mieux l’appréhender.
L’enjeu est fondamental, car si, dans les sociétés développées,
le PIB par habitant a plus que triplé en moins de trente ans, on doit
bien admettre que le bien-être des citoyens n’a pas connu la même
dynamique. Or, si l’on considère, hypothèse peu farfelue, que l’objectif
des pouvoirs publics est de contribuer au bien-être des citoyens, on
doit s’interroger sur le lien entre croissance économique (mesurée
par le PIB) et développement du bien-être, et corollairement sur la
pertinence de l’indicateur PIB en tant que tel – ce qu’il inclut et ce
qu’il devrait et/ou pourrait inclure à l’avenir.
2. « The government should measure national progress using money-based, economic
statistics because economic growth is the most important thing for a country to focus
on. » « Health, social and environmental statistics are as important as economic ones
and the government should also use these for measuring national progress. »
3. Cité dans Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les Nouveaux Indicateurs de richesse,
Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2007 (1re éd. 2005), p. 20.