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quasi-arrestation. De plus, « comment Pleyel aurait-il pu, en huit jours, écrire une
partition de 146 pages, pour soli, chœur et grand orchestre, en faire établir le
matériel et la monter avec un appareil considérable ? »
La Révolution du 10 août est une symphonie à programme qui s’achève en
apothéose par l’introduction des voix : un chœur à quatre parties et deux solistes,
soprano et ténor. L’effectif orchestral est imposant : 4 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes,
2 bassons, 2 clarini (trompettes aigües), 2 cors, 3 trombones, timbales, grosse caisse
et cordes, auxquels s’ajoutent trompettes de cavalerie, fifres, tambours et surtout 7
petites cloches, suspendues pour la circonstance dans le chœur de la cathédrale.
Nous n’entrerons pas dans le détail de cette partition qui suscita l’enthousiasme des
auditeurs, mais voici une description de la conclusion vocale : « La bataille est
terminée. "Une teinte sombre et lugubre exprime les cris des mourants et les
gémissements de leur agonie", lit-on dans le Plan de la fête du 23 Thermidor
célébrée l'an II de la République (Strasbourg 1794). Tout s'éteint sur une descente
chromatique, pianissimo, confiée aux cordes seules. Éclatent alors six mesures de
fanfares qui introduisent le final vocal. Le chœur, soutenu par l'ensemble de la
masse instrumentale, clame "La victoire est à nous" en empruntant un thème de La
Caravane du Caire de Grétry sur les mêmes paroles. Il entonne ensuite le morceau
de bravoure "Nous t'offrons les débris d'un trône", ponctué à l'orchestre par la
mélodie du Ça ira. S'élèvent alors la romance chantée par une mère et les
imprécations de voix solistes issues du peuple : un soprano doublé par la flûte, puis
un ténor doublé par le hautbois. Le chœur commente l'action dans une écriture
verticale sans aucune recherche. C'est sur la reprise du chant triomphal "Nous
t'offrons les débris d'un trône" que se termine la partition. »
John Tavener
It is Finished : a Ritual for Strasbourg Cathedral.
Décédé en novembre 2013, le compositeur britannique John Taverner aura laissé
une œuvre marquée par la théologie et la liturgie. Contemplative et mystique, celle-ci
est souvent comparée à celle de l’Estonien Arvo Pärt dont elle partage les grands
accords consonants, les longues tenues et les superpositions sonores. Né dans une
famille de mélomanes, John Tavener poursuit ses études musicales à Highgate
School et à la Royal Academy of Music, notamment avec le compositeur Lennox
Berkeley. Si ses premières œuvres dénotent une influence héritée de Stravinsky et
Messiaen et un attrait pour l’avant-garde, il s’en démarque, dès le début des années
1980, en cultivant « une transparence simple et radieuse inspirée par sa conversion
en 1977 à la religion grecque orthodoxe ». Par la suite, à partir des années 2000,
d’autres courants de pensée religieuse exerceront une forte influence sur son
esthétique qui va, notamment au contact de la philosophie de Frithjof Schuon (1907-
1998), se complexifier. L’exemple le plus frappant de cette novation est The Veil of
The Temple (2003) que Tavener considère comme "le suprême achèvement de sa
vie et son œuvre la plus importante". Cette partition de sept heures pour quatre
chœurs, plusieurs orchestres et solistes se veut œcuménique en intégrant l’islam, le
bouddhisme, le judaïsme, l’hindouisme et les religions des Indiens d’Amérique.
It is Finished : a Ritual for Strasbourg Cathedral aura été la dernière composition de
John Tavener. L'œuvre mélange deux textes, un poème de David Gascoyne (1916-
2001) - chanté par deux solistes, accompagnés des cordes - et le psaume 51