La gestion du changement organisationnel Deuxième partie Choisir

ISO Management Systems – Mars-avril 2002 45
INTERNATIONAL
n des défis pour les gestionnaires
qui doivent introduire des chan-
gements dans leur organisation, consis-
te à déterminer la stratégie qui donne-
ra les meilleurs résultats. Prenons
l’exemple suivant:
La Chaîne Nature est une entre-
prise régionale de distribution ali-
mentaire aux prises avec des choix
difficiles. Bien qu’elle soit solide-
ment établie depuis plusieurs
années et qu’elle soit réputée pour
la qualité de ses produits et de ses
services, la Chaîne Nature a connu
d’importantes pertes financières
au cours des trois derniers trimes-
tres. Cette situation est attribuable
à deux facteurs:l’arrivée d’un nou-
veau concurrent dans le paysage
de l’entreprise, et la dégradation
imprévue et rapide de l’économie
régionale. Bien que la survie de
l’entreprise ne soit pas en cause à
ce stade-ci, les actionnaires et la
direction sont inquiets car il s’agit
d’un phénomène nouveau dans
l’histoire de cette entreprise, et
tout semble indiquer qu’il s’agisse
d’un phénomène durable.
Les dirigeants de l’entreprise ont
sollicité l’opinion de trois experts
différents quant aux mesures à
prendre pour réagir à cette situa-
tion, et ils ont reçu trois proposi-
tions:
!
l’une consiste à lancer une opé-
ration de marketing agressive,
en vue de reprendre et de sécu-
riser les parts de marché de l’en-
treprise;
!
une autre repose sur l’introduc-
tion d’un système informatique
de contrôle rigoureux des coûts;
!
la troisième, plus radicale,
consiste à conclure une alliance
stratégique avec un réseau
national.
Devant des options aussi éclatées,
les dirigeants se demandent sur
quelle base choisir la stratégie la
plus adéquate.
La gestion du changement organisationnel
Deuxième partie Choisir la stratégie de
changement
Cet article est le deuxième d’une série portant sur les problèmes de gestion du change-
ment dans les organisations. Chaque article traite d’un problème particulier, et propose
des mesures ou des approches pour y faire face. Le premier article portait sur la turbulen-
ce que subissent les organisations depuis quelque temps; ce deuxième article porte sur la
façon de choisir une stratégie de changement parmi celles qui s’offrent au gestionnaire.
PAR ROBERT SCHNEIDER,
PIERRE COLLERETTE ET
PAUL LEGRIS
U
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1) Un article récent du Harvard
Business Review Change is
changing»; Avril 2001) exposant les
arguments invoqués par les tenants
de diverses stratégies, témoigne
bien de ce phénomène.
Cette scène est devenue monnaie
courante dans les organisations, et elle
illustre les dilemmes souvent déchi-
rants auxquels les gestionnaires sont
régulièrement confrontés, c’est-à-dire
l’obligation de réagir rapidement,et de
choisir parmi des stratégies divergen-
tes et souvent conflictuelles, afin de
s’adapter à une dé-
gradation importan-
te de la conjoncture
externe. L’observa-
tion des dernières
années suggère en
outre que le recours
à une stratégie
inadéquate peut me-
nacer encore davan-
tage la santé de l’or-
ganisation, et com-
promettre rapide-
ment sa viabilité,
même lorsqu’il s’agit d’entreprises
solidement établies; les marges d’er-
reur sont désormais très minces.
Pas de remède absolu
Utilisons une analogie médicale: en
médecine, un traitement réussi c’est
non seulement un traitement bien
administré (posologie) mais également
et surtout, un traitement approprié
pour la maladie (prescription). Une
mauvaise prescription peut non seule-
ment contribuer à maintenir la mala-
die, mais dans bien des cas, à l’aggraver
et compromettre ainsi l’état du patient.
De la même manière, pour réussir un
changement organisationnel, il faut
dans un premier temps définir la natu-
re du traitement requis,et s’assurer que
le choix retenu corresponde aux exi-
gences de la situation.
La littérature et les séminaires sur
le changement organisationnel mettent
généralement l’accent sur la façon
d’initier ou de gérer les changements,
mais ils ont tendance
à occulter l’évalua-
tion de leur pertinen-
ce dans un contexte
donné. En outre, on
se retrouve souvent
face à des approches
dogmatiques qui don-
nent lieu à des
débats sans fin1).
Certains préconisent
des approches radi-
cales, d’autre des
approches par étape;
chacun y va de son idée, sans que l’on
dispose de critères clairs pour choisir.
Deux terminants de la stratégie
Comment alors déterminer la stra-
tégie la mieux adaptée à chaque situa-
tion? À notre avis, il faut procéder à
une analyse de l’adéquation entre les
ressources de l’organisation et la
conjoncture du moment. En effet, nos
observations sur le terrain nous ont
amenés à constater que la condition
d’une organisation résulte d’une chi-
mie mettant en présence deux ingré-
dients:
Un des défis pour les
gestionnaires qui doivent
introduire des changements
dans leur organisation,
consiste à déterminer
la stratégie qui donnera les
meilleurs résultats
Tableau 1 Les situations
organisationnelles
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– la conjoncture externe à laquelle
l’organisation est exposée (écono-
mie, concurrence, réglementation,
médias, opinion publique, marchés
financiers, etc.);
la qualité des ressources dont l’orga-
nisation dispose pour répondre et
s’adapter à l’évolution de cette
conjoncture (capitaux, R/D, experti-
se, technologie,culture interne,qua-
lité du leadership, etc.).
Pour les dirigeants de la Chaîne
Nature, cela signifie que pour établir
une stratégie appropriée, ils doivent
d’abord définir les exigences nouvel-
les de leur environnement, et voir
ensuite dans quelle mesure les res-
sources de l’entreprise y correspon-
dent ou non.
Le tableau 1 présente les rapports
entre ces deux variables et les cinq
états ou situations organisationnelles
qui en découlent.
Cette matrice suppose que la condi-
tion d’une organisation change sous
l’effet combiné de l’évolution de la
conjoncture et de l’efficacité des mesu-
res prises par les dirigeants de l’orga-
nisation. En théorie, toutes les combi-
naisons sont possibles dans la matrice.
Toutefois, on observe que lorsque la
condition d’une organisation se dégra-
de ou s’améliore sur un axe, par effet
d’entraînement sa condition sur l’autre
axe tend à se dégrader ou à s’améliorer
en proportion, de sorte qu’en pratique,
les organisations se distribuent habi-
tuellement autour des états typiques
de l’axe diagonal.
Chacune de ces situations organisa-
tionnelles est caractérisée par une
dynamique particulière, qui se recon-
naît habituellement aux indicateurs du
tableau 2.L’intérêt de ce tableau est de
fournir quelques repères permettant
d’établir la situation d’une entreprise.
Bien entendu, les variables proposées
ont une importance différente d’une
entreprise à l’autre, et il faut habituel-
lement les pondérer pour obtenir un
portrait juste.
En réponse à sa dynamique propre,
chacune de ces situations va commander
Plus on se rapproche
de l’excellence,
plus on devrait
recourir à des
stratégies
d’ajustement,
fondées sur la
continuité
Tableau 2 Dynamique
caractérisant chaque situation
organisationnelle
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une approche du changement qui sera
différente. De façon générale,
– plus on se rapproche de l’excellence,
plus on devrait recourir à des straté-
gies d’ajustement, fondées sur la
continuité2);
– plus on se rapproche de la situation
de crise, plus on devrait recourir à
des stratégies radicales, fondées sur
la discontinuité3).
Choisir une stratégie de discon-
tinuité dans un état d’excellence ou
d’équilibre aurait pour effet de com-
promettre inutilement la santé de l’or-
ganisation; à l’inverse, une stratégie
de continuité dans un état d’inertie/
tension ou de crise aurait pour effet
«d’entretenir la maladie», et même de
l’aggraver. En d’autres termes, la
valeur d’une stratégie ne s’apprécie
qu’en fonction du contexte particulier
de l’organisation, et non en termes
absolus.
Dans le cas de la Chaîne Nature,
une analyse attentive permettrait
aux dirigeants de situer l’entrepri-
se dans la zone correspondant à
son état, pour ensuite retenir une
stratégie en conséquence. Par
exemple, si l’environnement était
jugé plutôt favorable à l’entrepri-
se, et que ses ressources sem-
blaient plutôt adéquates pour y
réagir, l’entreprise serait dans un
état d’équilibre, et une stratégie de
développement serait indiquée; à
partir du petit nombre d’indices
fournis sur la situation de l’entre-
prise, on peut déjà conclure que ce
n’est pas le cas.
Certains éléments suggèrent plutôt
que l’environnement est pour le moins
ambigu, et que les ressources de l’en-
treprise sont tout juste adéquates, de
sorte que celle-ci se trouve au moins
dans une situation «de vulnérabilité»,
et peut-être même «d’inertie». Il lui
faudra donc peut-être penser à une
stratégie de ré-invention qui marquera
une rupture avec les tradition de l’en-
treprise.
Il faut procéder
à une analyse de
l’adéquation entre les
ressources de l’organisation
et la conjoncture
du moment
2) Des stratégies qui visent à
améliorer ou optimiser les
pratiques existantes; en somme
des stratégies consistant à faire
plus, à faire moins ou à faire
mieux ce que l’on fait déjà.
3) Des stratégies qui s’adressent
aux orientations et aux modes de
fonctionnement d'une organisation,
et qui se traduisent généralement
par un changement de la logique
dominante (changement de para-
digme): réalignement de marché,
vision complète de la structure
organisationnelle, alliance
stratégique, etc..
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Afin de maintenir sa position, l’en-
treprise doit continuer de dévelop-
per sa capacité de réponse.
Pour cela, à partir de l’évolution
qu’elle perçoit ou qu’elle prévoit
dans son environnement, elle peut
élargir la gamme de ses produits et
services, ou encore remplacer des
produits et services existants par de
nouveaux, ou encore chercher à
élargir son marché, par exemple en
développant ses réseaux de produc-
tion et de distribution.
C’est un contexte qui sera particu-
lièrement favorable à la concerta-
tion et aux alliances.
Plus on se
rapproche de la
situation de crise,
plus on devrait
recourir à des
stratégies radicales,
fondées sur la
discontinuité
Les situations et les stratégies
La situation d’excellence Stratégie de vigie
En situation d’excellence,
une entreprise est parvenue non
seulement à s’adapter de façon
exceptionnelle aux caractéristiques
de son marché, mais également à
développer des pratiques internes
qui se démarquent très nettement
des autres organisations similaires.
Ainsi, l’entreprise est à la fois très
efficace dans son approche du
marché, et elle réussit à faire
évoluer ses pratiques de façon
continue.
La vigie est la stratégie la mieux
adaptée en ces circonstances. Elle
consiste à surveiller attentivement
les signaux de l’environnement de
même que les signaux internes, en
vue de détecter les fluctuations
significatives.
En réaction à celles-ci, les diri-
geants procèdent à des ajustements
qui permettront de protéger la
situation de l’entreprise, caractéri-
sée par un rapport positif entre
«l’offre et la demande».
Cette stratégie suppose que des
mécanismes soient mis en place
pour surveiller de façon attentive
(environmental scanning) l’émer-
gence de nouveaux phénomènes
(internes ou externes) susceptibles
d’affecter la position de l’entrepri-
se. Des mécanismes de suivi
devraient aussi être mis en place.
Dans le cas de la Chaîne Nature, une stratégie de vigie pourrait se traduire
par la mise en place d’un système rigoureux de surveillance des prix et des
coûts, d’une série de mesures pour fidéliser la clientèle actuelle (carte de
membre assortie de privilèges), et d’un groupe d’amélioration continue des
pratiques.
La situation d’équilibre Stratégie de développement
En situation d’équilibre,
l’entreprise a atteint une position
qui est adaptée aux pressions de
son environnement. Elle est
relativement efficace à fournir des
services ou à produire des biens
qui sont appréciés, et elle utilise
assez bien ses ressources.
Il y a néanmoins place à l’amélio-
ration, et faute de le faire, elle
s’expose à des difficultés si son
environnement évolue ou si la
performance de ses ressources se
dégrade.
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