DAF/COMP/WD(2009)62
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s’ajoute la diminution de la disponibilité des annonceurs à payer pour des espaces publicitaires qui seront
lus par un nombre réduit de lecteurs. Le Conseil en conclut que le risque d’une augmentation du prix de
vente des journaux contrôlés par l’entité fusionnée est réduit par le jeu de ce double mécanisme d’effets
sur la demande, caractéristique des marchés bifaces.
2. Structures de marché
7. La situation diffère suivant que prévaut l’accès des agents à une seule plateforme
(« singlehoming ») ou que l’accès à plusieurs plateformes est possible (« multihoming »).
8. Dans le cas de l’accès exclusif à une plateforme, il est crucial pour chaque plateforme en
concurrence d’attirer au moins un groupe d’agents pour faire venir l’autre groupe. Les externalités
exacerbent la concurrence car il est encore plus profitable, lorsque ces externalités existent, de baisser ses
prix et de pratiquer des tarifs agressifs sur un groupe d’agents pour renforcer l’attractivité sur l’autre
groupe. Cette situation conduit donc à des prix et des profits faibles.
9. Toutefois, cette situation concurrentielle peut basculer vers le monopole, structure de marché
efficace du fait des externalités dont il renforce l’ampleur. On peut analyser en ces termes la concentration
intervenue entre les plateformes satellitaires TPS et Canal +, analysée (Avis du Conseil de la concurrence
06-A-13 du 13 juillet 2006 relatif à l’acquisition des sociétés TPS et Canalsatellite par Vivendi Universal
et Groupe Canal Plus ) : l’accès à un satellite fait clairement partie des marchés où une situation d’accès
unique prévaut, les consommateurs s’abonnant en règle générale à un opérateur unique. Dès lors, les
consommateurs ont intérêt à choisir la plateforme qui leur offre la plus grande variété de programmes.
Symétriquement, les chaînes qui sont rémunérées en fonction du nombre d’abonnés ont intérêt à être
présentes sur la plateforme satellitaire comportant le plus d’abonnés possibles. Dès lors, les forces qui
tendent à la constitution d’un monopole biface sont bien présentes. Des économies de coûts, incluant
celles réalisées sur les coûts de transaction, accompagnent cette concentration du marché.
10. Dans l’affaire Mediavision (décision du Conseil de la concurrence 06-D-18 du 28 juin 2006
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité cinématographique), la dimension
biface du marché est également abondamment argumentée. Elle sert en particulier à distinguer les marchés
de la régie publicitaire cinématographique pour la publicité locale et nationale. Dans le cas de la publicité
nationale, il est ainsi noté que chaque exploitant de salle de cinéma a intérêt à appartenir à la plus grande
régie, qui négocie les campagnes pour le plus grand nombre de salles possibles : en effet, les annonceurs
nationaux sont alors attirés par la perspective de voir leur campagne passer sur un grand nombre d’écrans.
Cette situation est caractéristique des effets de réseaux croisés propres aux marchés bifaces. Cet argument
ne vaut évidemment pas pour la publicité locale, qui ne recherche que l’exposition auprès de
consommateurs situés dans un périmètre restreint. Les effets de réseaux ne jouent pas et le fonctionnement
de ces marchés de dimension locale ne fait pas intervenir d’externalités liées à la taille.
11. Dans le cas du multihoming, les choses sont tout à fait différentes. Comme il est impossible
d’attirer un groupe de façon exclusive, chaque agent pouvant choisir d’être client de plusieurs plateformes,
les incitations à baisser les prix payés par l’un ou l’autre des deux côtés du marché sont réduites. Le
multihoming, au contraire des situations à accès unique, réduit donc l’intensité de la concurrence en prix.
On devrait donc observer une plus faible intensité de la concurrence sur des marchés tels que les cartes
bancaires ou encore des médias (journaux, chaînes de télévision) concurrents.
12. En pratique, ce panorama montre que les marchés bifaces conduisent les autorités de
concurrence à devoir affiner les réponses traditionnellement apportées sur toute une série de points :