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LA VÉRITÉ
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SUJET 15
CORRIGÉ
1. La philosophie éveille le doute
Russel commence par énoncer un paradoxe qui est la thèse même de
son texte: «La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider
dans son caractère incertain.» En effet, ce qui se présente comme une
faiblesse, le manque de certitude, d’assurance, et donc de stabilité, est
affirmé être la valeur principale de la philosophie. Est-ce à dire que plus
on est sûr de rien, plus on est philosophe? Est-ce à dire que le modèle
philosophique est le scepticisme?
A. Sans philosophie, on reste prisonnier du sens commun
Russel lève immédiatement l’ambiguïté dans la deuxième phrase: il ne
s’agit pas de ne croire en rien, mais de dénoncer les croyances liées
aux habitudes du sens commun, c’est-à-dire les croyances qui sont
inscrites dans un temps et un espace (un «pays») déterminés. La philo-
sophie entend au contraire approuver ses affirmations par la «raison»,
faculté de produire des jugements qui peuvent être universaux. Celui
qui n’a donc jamais goûté à la philosophie reste rivé à ses particula-
rités, et donc demeure «prisonnier de préjugés», opinions imposées par
l’époque et le lieu.
B. Vivre sans philosophie, c’est vivre sans questionner le quotidien
Le second paragraphe (de «Pour un tel individu» à «des réponses très
incomplètes») oppose le non-philosophe (non pas celui qui n’est pas phi-
losophe mais celui qui n’a jamais côtoyé la philosophie) au philosophe
par la capacité à se poser des questions sur les choses les plus ordi-
naires. Le non-philosophe conçoit le monde sous le signe de l’évidence.
Le monde, ou plutôt «son» monde, est «fini» et «défini» dans la mesure
où il lui donne une signification délimitée et définitive, liée à son époque
et à son lieu. Tout ce qui n’est «pas familier» à un «tel individu», tout
ce qui lui est étranger, est «rejeté avec mépris»: rester cantonné (aux
sens propre et figuré) à ses opinions serait donc source d’intolérance. Au
contraire, le philosophe voit dans les «choses les plus ordinaires» des
problèmes auxquels il ne donne que des «réponses incomplètes».
C. Comment la philosophie peut-elle nier l’évidence, critère de vérité,
et prétendre la rechercher?
La philosophie, selon son étymologie, est «amour de la sagesse». Mais
quelle est cette sagesse? Science suprême, savoir-vivre? Pour les Grecs,
la seconde dérive de la première. Dans tous les cas, la philosophie se
met en quête de vérité. «Que puis-je savoir?», «Que dois-je faire?»
sont des questions posées par la philosophie selon Kant. Or l’un des
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