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progressent indubitablement dans l’usage et dans la conscience du grand
public : certaines publications les ont adoptées depuis longtemps ; elles ont
progressivement acquis droit de cité dans tous les dictionnaires, y compris
Le nouveau Petit Robert de 2009 ; plusieurs logiciels de correction adaptés
ont été mis à la disposition des usagers2 ; elles sont désormais désignées aux
enseignants comme orthographe de référence dans des circulaires
ministérielles belges comme dans Le Bulletin officiel français sur les
programmes de l’école primaire… D’autre part, et c’est l’argument
essentiel, les besoins sociaux n’ont jamais été aussi criants. La
démocratisation de l’enseignement, liée à celle des pratiques de l’écrit ; les
conséquences sur ces dernières du développement de nouveaux moyens de
communication où familiarité, manque d’espace et désir de rapidité
bousculent toutes les normes ; la baisse désormais établie3 de performances
scolaires qui, de toute façon, n’ont jamais atteint à la maitrise que chez une
minorité ; l’introduction dans les programmes scolaires de nouvelles
matières, dans un volume horaire pourtant revu à la baisse ; la moindre
valorisation, dans la culture actuelle, des savoirs formels, non
fonctionnels… : tout pousse à simplifier notre orthographe, ou du moins à
en rationaliser certains pans pour en faciliter l’accès au plus grand nombre.
Comme le dit très bien le même Chervel (2008 : 5), « sur la question de
l’orthographe la France est aujourd’hui à la croisée des chemins : il va
falloir soit réformer et enseigner à tous les Français l’orthographe française
(une orthographe simplifiée), soit la réserver à une classe cultivée ».
Soucieux d’apporter sa contribution à l’effort de généralisation de la
maitrise du français, dans ses différents aspects, le Conseil de la langue
française de la Communauté française de Belgique a, dès 1999, créé en son
sein une Commission de l’enseignement4 qui, assez rapidement, a conçu le
projet d’une rationalisation de l’orthographe grammaticale. Nous pensions
en effet que cette dernière constituerait un terrain plus propice que
2 En Belgique francophone, depuis mars dernier, tous les grands organes de presse offrent
même aux lecteurs de leurs publications en ligne l’accès au logiciel Recto/Verso, qui,
d’un simple clic, convertit en « nouvelle orthographe » les articles choisis, avec, à la
demande, une brève explication de chacune des transformations ainsi produites. Le
serveur chargé de cette opération convertit, en moyenne, 1.000.000 de textes par
semaine.
3 Sur ce point, comparer Manesse et Cogis (2007) à Chervel et Manesse (1989).
4 Faisaient partie de cette première commission : Alain Braun, Guy Jucquois, Jean-Marie
Klinkenberg, Michèle Lenoble-Pinson, Marc Wilmet et moi-même.