Sidî ‘Abd al-Salâm ibnu Machîch 559 H / 1163 EC - 626 H / 1228 EC Biographie SLIMANE REZKI Sidî ‘Abd al-Salâm ibnu Machîch 559 H / 1163 EC - 626 H / 1228 EC Il était le pole de l’ensemble des réalisés et l’enseignant des gens de l’Orient et de l’Occident. Il est le moyen de parvenir au but pour ceux qui le désirent. Il s’agit de notre souverain, notre maître ‘Abd al-Salâm ibnu Machîch ibn sidna Abî Bakr al-Hassanî al-Idrissî. Il fut le pôle de son temps, le secours unique synthétisant l’ensemble des secrets et des compréhensions. Sauveur de la communauté et flambeau pour le peuple, il jouissait des sciences divinement octroyées et des connaissances seigneuriales. Il unissait les sciences de la Loi sacrée et de la Réalité ultime. Il fut l’un des premiers maghrébins à unir une filiation soufie et chérifienne. De nombreux maîtres le précédèrent sous les dynasties Almoravide et Almohade comme le mentionnent Al-Tamimî dans son Mustafâd et Ibn Al-Zayyât dans son Tashawwuf. Ces maîtres représentent l’héritage oriental et berbère et très peu d’entre eux sont Chérif (descendant du Prophète). Ibnu Machîch est descendant d’Idrîs 1 er qui au deuxième siècle de l’Hégire se réfugia au Maroc pour éviter le massacre des siens. Son ascendance est, à de multiples reprises, attestée comme remontant donc à l’imâm Hassan al-Sabit fils de sidna ‘Ali et de seyida Fatima. Très précoce, à l’âge de douze ans il connait par cœur les sept lectures du Coran. Il reçut du Sheikh al-Hajj Ahmed la science du fiqh (jurisprudence) selon la Mudawwana de la doctrine malikite. Il fréquenta plusieurs maîtres desquels il reçut, au terme d’un dur labeur, les diverses sciences de l’islam. C’est auprès du Sheikh ‘Abd al-Rahmân al-madanî dit al-Zayyât qu’il reçut un enseignement spirituel d’ordre initiatique ; Bien qu’il ne le rencontra pas physiquement, un autre maître eut une influence décisive sur son devenir, il s’agit du grand saint de Béjaia, sidi Abû Madyan al-Ghawth. Certains affirment qu’ils se seraient rencontrés physiquement, mais rien ne l’atteste sinon qu’ils furent bien contemporains, car Ibnu Machîch avait environ quarante ans lorsqu’Abû Madyan décéda. Il manifesta de nombreux miracles et prodiges ; le jour de sa naissance, il entendit sidi ‘Abd el-Qâdir al-Jîlânî qui lui disait : « Ô ‘Abd al-Qâdir retire ton pied des gens de l’Occident, le pôle de l’Occident vient de naître et le maître ‘Abd el-Qâdir marcha jusqu’à la montagne al-‘Alâm à l’Occident alors que sidi ‘Abd al-Salâm venait de naître. Il vint voir son père sidi Machîch et lui dit : « Amène-moi ton enfant », ce que fit le père. Il lui dit : « Sont-ils tous là ? » le père répondit : « Il ne me reste qu’un seul enfant qui vient de naître aujourd’hui ». Amène-le moi, c’est lui que je recherche. Le père le lui tendit et il s’en saisit puis le lava et fit des prières pour lui ». Sidi ‘Ali al-Ghumârî mieux connu sous le nom d’Abû al-Hassan al-Chadhilî fut son unique disciple. Il était lui-même descendant d’Idîs II et donc Chérif. Sa quête du maître le mena jusqu’en Irak à Bagdad où il reçut l’information de la part du Sheikh al-Wasîtî que le maître qu’il cherchait se trouvait chez lui. Il retourna au Maroc et resta auprès de son maître le saint ibnu Machîch jusqu’à l’illumination intérieure. Lorsqu’un jour une personne demanda au maître : « Pourquoi as-tu pris un seul disciple alors que plus le nombre des disciples est grand, plus les bienfaits augmentent ? ». Le maître répondit : « Un arbre protégé vaut mieux qu’un jardin abandonné ». Sidi Abû al-Hassan arriva sur la montagne où résidait son maître de nuit, il n’osa le déranger à une heure tardive et attendit donc l’aube pour se présenter à lui. Leurs premiers échanges axés sur la prière qui aujourd’hui encore porte le nom du maître, montre rapidement à sidi Abu al-Hassan qu’il s’agissait bien du maître qu’il cherchait. La formation terminée, sidi Abu al-Hassan quitte son maître qui lui donne ces derniers conseils : « Ô ‘Ali, Allah, Allah (consacre toi à Allah et à son invocation), quant aux gens, méfie-toi d’eux, purifie ta langue de leur mention et ton cœur de leurs idoles. Respecte rigoureusement les rites obligatoires. Tu as atteint la sainteté parfaite. N’accuse Dieu d’aucune chose, pense du bien de Lui en toute chose et ne préfère ta personne à Dieu sous aucune condition ». Dès son jeune âge, quand le croissant de lune annonçant le Ramadhân apparaissait, il cessait de prendre le sein de sa mère et au coucher du soleil il le reprenait. Il est suffisant de dire qu’il fut le maître formateur de sidi Abu al-Hassan al-Châdhilî. Dans son livre les Lataïf al-Minân, Ibn ‘Atâ’ Allah dit : « Un jour sidi Abu al-Hassan se trouvait auprès de sidi ‘Abd al-Salâm, il se dit intérieurement, est-ce que le maître connait le Nom suprême de Dieu. Le fils du Sheikh ‘Abd al-Salâm qui se trouvait à un autre endroit lui dit alors : « C’est l’état dans lequel je me trouve ô Abu al-Hassan. L’important n’est pas de connaître le Nom mais d’être le Nom ». Un jour, sidi Abu al-Hassan dit à sidi ‘Abd al-Salâm : « Ô maître conseillez-moi ! Il répondit, Allah, Allah, et ne t’occupes pas des gens, vide ton cœur de leur préoccupation. Préserve tes membres et respecte les obligations Allah accomplira en toi la sainteté. Ne fréquente les gens que par obligation à l’égard d’Allah et veille à être scrupuleux. Dis ! Seigneur fais-moi grâce de leur fréquentation et de leurs soucis et préserve-moi de leurs maux. Accorde-moi la suffisance de Ton bien sans devoir recourir aux leurs et protège-moi d’eux car Tu es le Tout Puissant ». Une autre fois le maître l’enjoignit ainsi : « Ne fréquente pas celui qui préfère sa personne à la tienne car il est nuisible ; ni celui qui te préfère à lui car il ne durera que peu. Par contre, fréquente celui qui quand il est mentionné, sa mention te rappelle Dieu, car Dieu enrichit par lui quand il est vu et le remplace quand il est perdu ». Quelques échanges entre maître et disciple : Sidi Abu al-Hassan demande : quelles sont les formules propres aux hommes réalisés ? Sidi Ibnu Machîch répond : « Tu dois éliminer tes désirs personnels et aimer le Seigneur. L’amour refuse que l’amant se consacre à un autre que l’Aimé ». Un autre jour c’est le maître qui demande au disciple : « Ô Abu al-Hassan, avec quoi rencontreras-tu Dieu ? » Il répondit : « Avec ma pauvreté ». Le maître dit alors : « Par Dieu, si tu rencontres Dieu avec ta pauvreté, tu Le rencontreras avec l’idole suprême. Dieu se rencontre avec Dieu, non avec quelque chose d’autre que Lui ». Les vertus qu’il prônait : Le détachement à l’égard de toute chose L’amour de Dieu L’enrichissement (l’indépendance) par Dieu La sincérité dans la dévotion La certitude dans les jugements du Seigneur La résignation devant les décisions divines Le renoncement au monde Le tawakkul (l’abandon confiant à la volonté divine) L’observance des rites obligatoires L’éloignement des interdits Le silence sur ce qui est inapproprié Le scrupule qui consiste à éviter tout ce qui distrait de Lui Il dit aussi : La dévotion des sincères consiste en plusieurs points : Mangez, buvez, habillez-vous, montez, mariez-vous, habitez, mettez chaque chose là où Dieu vous a ordonné de la mettre, ne gaspillez pas, adorez Dieu, remerciez-Le, supportez le mal, soyez généreux, Cela est la moitié de la sagesse. L’autre moitié consiste à observer les rites obligatoires, éviter les interdits, se résigner face aux décisions divines, adorer Dieu, méditer sur Sa manifestation, approfondir sa religion, l’ascèse, le tawakkul, se soignez si l’on est malade, choisir pour maître les gens bien guidés. Deux fautes sont rarement effacées : se mettre colère contre le destin voulu par Dieu et être injuste envers les serviteurs de Dieu. Deux bonnes actions sont rarement effacées : la résignation face au destin divin et le pardon envers les serviteurs de Dieu. Son unique disciple sidi Abû al-Hassan continua après leur séparation et même après sa mort à recevoir son enseignement par mode de visions subtiles et nombreuses. Lors de l’une de ces visions sidi Abû al-Hassan qui allait autoriser certains de ces disciples à assister à une séance de sama’ (chant spirituel) vit son maître en mode subtil lui dire en portant dans sa main droite le Coran et les traditions du Prophète et dans la main gauche des feuillets contenant de la poésie : « Abandonneriez-vous les sciences supérieures au profit des sciences dont s’occupent les gens inférieurs ? Ceux qui abusent de cela sont des esclaves patentés de leurs désirs, captifs de leurs passions. Ils le font dans le but d’exciter les inattentifs et les femmes, les égarés et les aveugles… Ils se balancent sur le rythme des chants comme se balancent les enfants. Si ces gens ne cessaient pas cette pratique injuste, Dieu renverserait tout, faisant de leur terre un ciel et de leur ciel une terre » Sidi Abû al-Hassan fut submergé par un état spirituel et dit : « Oui Ô maître sauf que l’âme est terrestre et l’esprit céleste ». Le maître lui répondit : « Oui, Ô ‘Ali, si l’esprit est mû par les pluies de sciences, et l’âme stable par les bonnes actions, alors tout le bien est acquis. Et si l’âme est triomphante, et l’esprit défait, c’est la sécheresse et la disette, la chose se renverse et tout le mal advient. Attache-toi au Livre de Dieu comme guide et aux paroles du Prophète comme remède ; tant qu’ils auront ta préférence, tu seras sain et sauf. Ceux qui abandonnent le Livre sont frappés par le mal ; les gens de la Vérité, s’ils entendent les futilités, ils s’en détournent et s’ils entendent la vérité, ils l’acceptent. Ibnu Machîch écrivit quelques poèmes et prières dont la plus célèbre est régulièrement psalmodiée dans les diverses branches de la Chadhiliya. Cette Salat al-Machichiya fut abondamment commentée, parmi les commentateurs, nous pouvons citer : Al-Kharrûbî, alMirghanî, Ibn ‘Ajiba, Yussouf al-Ziyyâtî, Muhammad al-Fassî, Muhammad al-‘Ayashî, Ahmed al-Wazîr, Kamal al-Dîn al-Bakrî, ‘Abd al-Salâm ibn Hamdûn al-Bannânî, Muhammad al-Harraq, Muhammad al-Khumsî al-Zarwîlî, ‘Abd al-Qâdir al-Kîlânî, ‘Abd al-‘Azîz alDabbâgh … Il mourut martyr, tué par Ibn Abî al-Tawâjin. Il fut inhumé là où il vécut dans la montagne al-‘Alâm près de Tétouan. Son mausolée est un lieu où les demandes sont exaucées sans doute possible. Ce lieu est équivalent à celui de l’imâm al-Shafi’î au Caire dont certains disent : Demande au nom du secret d’Ibn Machîch et dit ce que tu veux Tu l’obtiendras même si cela semble loin de toi. Il disait (qu’Allah l’agrée) : Celui qui visite ma sépulture Allah interdira son corps au feu. Allah permet-nous de tirer profit de son amour et renforce l’amour et la vénération que nous lui portons. La raison pour laquelle Abdul-Salam Ben Mashîsh sortit de sa retraite, est sa décision de combattre Ibn Abi al-Tawâjin, un faux prophète qui avait de l'influence sur certaines personnes. Ce dernier était gouverneur du sultan Almohade Yahia. Cette période historique marque la décadence de la dynastie Almohade et connait de nombreuses crises notamment suite à la défaite des musulmans lors de la bataille de Las Navas de Tolosa en Espagne. Abdul-Salam Ben Mashîsh à mené contre lui et ses adeptes, une vaste campagne, sans relâche, usant de la logique et des preuves religieuses, par des mots et des actes, et c'est ce qui a motivé le faux prophète et ses adeptes à comploter, visant à tuer Abdul-Salam Ben Mashîsh. Le charlatan Ibn Abi al-Tawâjin envoya un groupe de ses adeptes qui tendirent une embuscade au Cheikh Ben Mashîsh. Lorsque celui-ci sortit de sa retraite et descendit pour faire ses ablutions, en se préparant pour la prière de l'aube, la bande se jeta sur lui et le tua en 626 H / 1228, qu'Allah lui accorde sa vaste miséricorde. La date de sa mort n’est pas certaine, certains avancent 622, d’autres 625 et d’autres encore 626. L’historien Ahmed ibn Yahia al-Hassanî se basant sur des récits d’ibn Khaldun pense que la date la plus probable serait 626 H. Pour plus de détails, se reporter au travail magistral de Mme Zakia Zouanat Ibn Mashîsh Maître d’al-Shâdhilî.