Notice biographique de Paul Tapponnier, Membre de l’Académie des sciences
1996 Membre d'honneur de la Geological Society of America
Œuvre scientifique
Géophysicien spécialiste de la tectonique des plaques, Paul Tapponnier s’est particulièrement attaché
à la compréhension de la déformation des continents.
Afin de comprendre les mécanismes de la déformation des continents, Paul Tapponnier a centré ses
études sur les zones de Collision et les zones de Rifts. Entre 1975 et 1981, il a proposé, avec P.
Molnar, que l'essentiel de la déformation actuelle de la moitié est de l’Asie, où se trouvent les plus
grands systèmes de failles actives continentales (qui ont produit 20 séismes de magnitude supérieure
à huit depuis 1892), résulte de la pénétration dans ce continent, à une vitesse voisine de 5 cm/an, du
sous-continent indien, porté par la plaque du même nom. L'Inde, modélisée comme un poinçon rigide,
s'est enfoncée de plus de 2500 km vers le nord, transmettant jusqu'en Sibérie et Chine, à 3000 km de
l'Himalaya, des contraintes normales de l'ordre de 40 mégapascals (moyennées sur une lithosphère
de 100 km d'épaisseur, avec un seuil de plasticité d’environ 20 MPa). Ces résultats s'appuyaient sur
une cartographie complète (images Landsat) des failles quaternaires de cette région (~ 10 millions de
km2), sur les mécanismes au foyer d'une cinquantaine de séismes de magnitude > 5.6, et sur la
théorie des charges limites (ou lignes de glissement) utilisée par les mécaniciens pour comprendre la
déformation plastique des métaux, voisine de celles des roches à haute température en profondeur.
Une partie de la convergence était absorbée par l'extrusion, vers l'est, de blocs de lithosphère le long
d'une demi-douzaine de failles décrochantes jusqu'ici inconnues. Plus loin vers le nord et l'est, cette
extrusion conduisait à la déchirure du continent le long de deux rifts dont le plus célèbre est celui du
Baïkal. Une grande variété de structures et de styles de déformation à l'intérieur du plus grand
continent de la planète, se trouvait ainsi recevoir une explication cohérente dans un modèle
synthétique.
Depuis 1982, ce modèle a inspiré une série d'études quantitatives dont les résultats continuent encore
à forcer la révision de concepts acceptés. Grâce à un accès systématique au terrain, fruit d’une
collaboration soutenue avec des chercheurs chinois, et à l'interprétation plus fine d’images de
satellites plus performants (SPOT, Ikonos), le laboratoire de Paul Tapponnier est resté un leader
mondial en télédétection tectonique à petite ou grande échelle. Parallèlement, la modélisation
analogique des déformations lui a permis de prédire la localisation et la propagation des zones de
cisaillement ductile dans la lithosphère continentale : expulsion de l'Indochine de 800 km vers le sud-
est au début de la collision (35-15 Ma) et ouverture contemporaine de la Mer de Chine du sud.
L'analyse de l’évolution des déformations depuis 55 millions d'années (géologie structurale et
géochronologie appliquées aux roches métamorphiques et ignées) lui a permis de découvrir l’acteur
principal de cette expulsion : la zone de cisaillement ductile haut-grade du Fleuve Rouge (Ailao Shan),
seul objet métamorphique Tertiaire en Asie de taille comparable à l'Himalaya, et seule structure de ce
genre et de cet âge exposée en surface dans le monde. La mesure des vitesses de glissement
(depuis 10 000 à 100 000 ans) sur les failles actives, grâce à une approche quantitative de la
géomorphologie, lui permet peu à peu de bâtir un modèle cinématique cohérent de la déformation
actuelle de l’Asie, à l'échelle de plusieurs milliers de kilomètres. L’exploration de sa structure profonde
(croûte inférieure et manteau lithosphérique), en collaboration avec les sismologues dans quelques
expériences de tomographie sismique bien ciblées, jette un jour nouveau sur le mécanisme de
formation des hauts plateaux (Tibet), et la rhéologie du manteau lithosphérique continental dont le