A. Gohard-Radenkovic, L'étudiant étranger et ses "compétences culturelles" 
 
enferme  l’autre  dans  des  représentations  unilatérales,  figées  et 
monolithiques, le plus souvent héritées des liens historiques et rapports de 
force politiques ou économiques ayant forgé avec le temps des stéréotypes 
confortables, des hiérarchies durables, voire immuables, malgré l’évolution 
des situations respectives. 
Des  entretiens effectués,  au  sein de  notre  institution, en  début de  chaque 
année  universitaire  (1998,  1999  et  2000),  auprès  d’un  groupe  de  vingt  à 
trente  “étudiants  d’échange”  sur  leurs  représentations  de  la  Suisse, 
témoignent  de  la  persistance  des  stéréotypes,  partagés,  de  manière  quasi 
homogène, par des étudiants provenant de différents pays d’Europe: ainsi, 
les  Suisses  seraient  "propres  et  disciplinés",  mais  "distants  et 
conservateurs";  "leurs  châlets  fleuris  avec  leurs  coucous  évoquent  une 
atmosphère  paisible,  un  ilôt  d’ordre  et  de  calme",  etc.  (4).  On  pourrait 
penser que le fait d’avoir un accès quotidien à une information démultipliée 
par  les  médias  et  les  ouvrages  spécialisés,  une  exposition  à  d’autres 
sociétés  par  les  voyages  et  les  échanges,  auraient  un  impact  sur  leur 
jugement.  Mais  il  semble  que  ni  la  pluralité  de  l’information,  ni  la 
proximité géographique – qui ne signifie pas, de toute évidence, proximité 
“culturelle”  –  ni  le  contact  quotidien  avec  les  “réalités”  européennes, 
n’élargissent le “regard” porté sur l’autre. 
Ces premiers témoignages –  un peu  navrants, il faut  l’avouer  –  nous  ont 
incités à renouveler les entretiens à mi-parcours, ainsi qu’à la fin du séjour 
d’étude  de  nos  étudiants,  afin  d’analyser  les  effets  de  l'immersion  sur  la 
construction  des  "compétences  culturelles"  et  sur  l’éventuelle 
transformation de leurs représentations sur le pays d’accueil et ses habitants 
(Kohler,  2000).  La  nécessité  d’élaborer  –  pour  et  avec  l’étudiant  –  ,  de 
manière  raisonnée  et  méthodique,  des  parcours  de  formation  à 
l’interculturalité, s’est imposée à nous. 
Conception d’une formation transverse à l’interculturalité: la démarche 
Étapes préalables: interroger “ses” représentations et “ses” valeurs 
Aucun enseignant ou formateur n’est préparé par sa seule intuition à cette 
analyse  de  la  communication  interculturelle,  quelle  que  soit  son  origine, 
quel que soit son parcours social et individuel, du fait que chacun vit d’une 
manière  plus  ou moins  dramatisée  cette  déstabilisation de  l’individualité, 
tant sur le plan physiologique que psychologique et intellectuel, quand il se 
trouve lui-même confronté à “l’étranger”. D’ailleurs il n’est pas besoin de 
se  trouver  immergé  dans  un  pays  lointain  et  exotique  pour  observer  ces 
réactions  de  repli  ou  de  rejet  vis-à-vis  du  “différent”.  Le  brouillage  des 
repères habituels s’applique d’autant plus aux étudiants, du fait qu'ils sont,